Premièrement, il importe d’insister sur la diversité des Islams, faisant l’objet de traditions
et de pratiques différentes chez divers adhérents (les chiites, les sunnites, les diverses
écoles de droit, etc.). Bien que la pensée islamique pose comme postulat de base l’unité
fondamentale de l’ensemble de l’Islam, tout porte à croire que l’expression de l’Islam soit
façonnée par les différentes régions du monde. L’interaction entre l’Islam et les cultures
locales agit sur les attitudes et les pratiques. En effet, à l’instar des autres religions, il
arrive souvent que les demandes faites au nom de l’Islam correspondent en réalité à un
enracinement de la culture locale sans qu’il n’y ait d’impératif moral ni de référence
religieuse textuelle à cet égard. À quel moment l’expression des griefs politiques ou
autres prend la forme de concepts religieux? Deuxièmement, étant donné la diversité des
Islams et la diversité des interactions culturelles locales, il faut retracer les modèles
exacts de l’immigration musulmane dans certains pays occidentaux et à des périodes
particulières. Il faut tenir compte : du lieu d’origine des personnes, tant sur le plan
géographique que sur celui de la tradition; de la scolarisation que ces personnes ont
reçue; et du moment où ils quittent leur lieu d’origine pour faire leur arrivée dans une
nouvelle société. Il se peut que la situation politique et sociale du pays d’origine à une
période donnée influe sur les attentes et attitudes des immigrés. En outre, il se peut que la
société d’accueil réagisse différemment face à certains groupes d’immigrants à des étapes
précises des processus de développement économique et social. Peut-être faut-il
également tenir compte du nombre de personnes issues d’un groupe particulier : y a-t-il
une tradition particulière de l’Islam qui domine dans un pays d’accueil donné ou s’il
existe une grande diversité dans l’expression musulmane? Troisièmement, il peut se
révéler pertinent de prendre note des effets différentiels des diverses politiques
d’immigration et de la mise en pratique du multiculturalisme au sein de diverses sociétés
occidentales. Toutes les populations musulmanes n’occupent pas le même rang
économique ou social d’un pays occidental à l’autre. Enfin, de quelles façons les sociétés
occidentales en particulier conçoivent-elles le rapport entre la religion et l’État? Les
doctrines de la laïcité ou de la « séparation de l’Église et de l’État » sont-elles mises en
application de façon impartiale? Y a-t-il des religions plus égales que d’autres?
Il ne sera pas possible d’accorder à toutes ces questions la même attention au cours d’un
colloque de deux jours. Dans la recherche d’un équilibre de la discussion, l’objectif
consistera à faire référence aux contextes internationaux et historiques ainsi qu’aux
conflits continus, tout en cherchant cependant à centrer la plus grande partie du dialogue
sur les thèmes ayant trait précisément aux rapports entre les Musulmans et les autres
citoyens ou résidents des sociétés occidentales. La démarche sera de nature comparative.
Au départ, l’objectif consistera à établir certains paramètres factuels fondamentaux, dans
la mesure du possible au moyen de la documentation sociologique et démographique dont
nous disposons. Afin d’orienter convenablement notre travail, la documentation sera
présentée avant la conférence, de façon à établir la situation économique, sociale et
politique relative des populations musulmanes au Canada, au Royaume-Uni, en Inde, en
France et en Australie; nous tenterons également de déterminer les tendances de
l’immigration ainsi que la croissance ou le recul d’ordre démographique. En outre, il sera
utile de retracer les politiques à l’interne des communautés musulmanes au Canada et à
l’étranger pour fins de comparaison.
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