Les incertitudes de notre siècle et le syndrome de l’aboulie Par le Dr Dalil Boubakeur Recteur de l’Institution musulman de la Mosquée de Paris L’immense réseau de communication, la globalisation enserrent le monde dans une vision réductrice. La chute du mur de Berlin, la réunification de l’Allemagne et le démembrement de l’empire soviétique ont signé la fin de l’idéologie Marxiste comme projet d’opposition au capitalisme. Au contraire la Loi des marchés est entrain de redonner vie et vitalité à des pays à main d’œuvre à bon marché comme, l’Asie du Sud Est et l’Extrême Orient. Si la foi dans l’industrialisation et le progrès technique intéressent la Chine, le Japon et le Sud Est Asiatique leur conférant un dynamisme étonnant, l’Occident quant à lui est en quête de valeurs nouvelles pour redonner foi à sa jeunesse. C’est dans le contexte mondial au XXI° siècle que le défi de l’Islam, sous sa forme politique fondamentaliste et parfois violent, prend toute sa place. L’intégrisme religieux qui est un réveil et un retour radical aux temps messianiques recèle en lui une eschatologie du devenir et une horreur du présent. Seuls ont quelque valeur aux yeux des fondamentalistes islamistes les périodes prophétiques des pieux ancêtres le Salafisme. Cette vision radicalement anti-laïque et anti-moderniste n’hésite pas à manifester son rejet des valeurs de l’Occident, et l’Occident lui-même. Ce défi est grave car il sape comme une révolution souterraine les bases des sociétés occidentales qui accueillent l’Islam et les musulmans dans un transfert de populations inouï depuis des siècles. Les théories outrancières et populistes des leaders de la révolution islamiste pratiquent bien sûr le langage doucereux et séduisant de la Silmiya ou de la Taqiya et parviennent à endormir les craintes des sociétés occidentales trop heureuses d’avoir à remettre à plus tard les mesures destinées à les protéger. Sécularisation tolérante, communautarisme et permissivité sont les principales situations de torpeur offertes par l’Occident aux réseaux et aux militants d’un Islam extrémiste, toujours plus nombreux et toujours plus adroits à faire passer leurs messages et leurs consignes à des jeunes en situation de désarroi. « L’Europe subit une véritable offensive islamique » note Gilles Kepel. L’Islam de Paix est-il mort en France ? Nous ne voulons pas le croire ni tous ceux qui espèrent que la déferlante extrémiste se tarira d’elle-même. Erreur grave – L’Islam par la nature de cette religion mispirituelle mi-politique nourrit des décennies voire des siècles de frustrations de rancunes, de haine ou d’incompréhension, dans son malentendu avec l’Occident ne peut que perpétuer le moteur actif de la mésentente et du combat des valeurs. 1 Nous voulons évidemment parler ici de l’Islam Politique. On l’écoute, on le gâte, c’est le seul islam des radios, des médias, le seul qui remue foules, jeunes et journalistes empressés d’y participer pour se faire peur, faire peur à leurs lecteurs naturellement empressés eux-mêmes de frissonner de peur, sans cela débouche sur une mesure quelconque de salubrité sans même empêcher les mineurs de sortir du territoire sans autorisation. Il est beaucoup plus difficile de calmer les jeunes que de les exciter par des attitudes révolutionnaires. La Révolution islamique est en marche : du Soudan au Mali à l’Ethiopie, à l’Afghanistan mais aussi en Europe, en Russie, en Amérique jusqu’en Australie. Elle est mondiale. L’âge théologique d’Auguste Comte est loin d’en avoir fini d’influencer les masses populaires. L’ignorance ou le manque de culture est un faux prétexte puisque les mêmes intellectuels se recrutent dans la mouvance islamique surtout s’ils sont mathématiciens, informaticiens ou philosophes comme Tariq Ramadhan ou « cheikhs » vénérables comme AlQardawi. La « fonction tribunicienne » de l’Islam n’a jamais été aussi efficace. Elle ne divise pas le monde seulement en « Dar el Islam » et « Dar el Harb » (maison de la guerre). C’est une question de temps activée par tous les intégristes mondialisés et communicants sans risque. Que faire ? Se contenter d’observer l’attitude de l’Arabie Saoudite et de tous les pays musulmans concernés. En France, si l’attitude qui prévaut est celle d’un désintérêt à l’égard des religions, hérité de la laïcité, c’est se tromper grossièrement à l’égard de l’Islam politique. Il ne renoncera jamais à son rôle de recruteur politique et de recours contre les souffrances sociales des jeunes et moins jeunes. Réponse haineuse et dangereuse pour ses mouvements offensifs ou défensifs de la communauté musulmane ou frappée par la cible et l’activisme des Frères Musulmans et par tous ceux qui nourrissent une haine des valeurs occidentales, des religions occidentales, d’Israël et de l’Occident lui-même. Est-il possible d’espérer un réveil de cette ABOULIE soporifique qui gagne l’ensemble des décideurs en matière religieuse ? Peut-on espérer une Réforme, une coexistence vouée à l’aplanissement des haines du passé et la construction d’un avenir de compréhension de dialogue et de paix ? Inch’Allah ! Notes : 1. Occident : vision linéaire de l’Histoire, la flèche du temps 2. Orient : vision cyclique de l’Histoire, un « cœur cosmique » qui bat 3. De nouveaux courants philosophiques et religieux : Néothomisme, Néodarwinisme, Empirisme (Hume), psychanalyse, matérialisme, nihilisme courant écologique, mouvements alternatifs, courant New Age constitué d’un ensemble hétéroclite de croyances et rites, bricolage syncrétique souvent amalgame entre théories anciennes et nouvelles. 4. Le scientisme et les avancées technologiques laissent croitre une confiance infinie dans le Progrès comme un dogme. 2