J.L. Barat, P. Lesgourgues, S. Zamaron, D. Ducassou, G. Boulard Le service de médecine nucléaire dans le plan blanc : service référent pour les risques radio-nucléaires exemple du CHU de Bordeaux. J.L. Barat1, P. Lesgourgues2, S. Zamaron2, D. Ducassou1, G. Boulard3 1 Service de Médecine Nucléaire - 2Direction de la qualité et de la gestion des risques (S. Zamaron, Directeur – P. Lesgourgues, cadre de santé) 3 Département d’Anesthésie Réanimation, coordonnateur médical du Plan Blanc CHU de Bordeaux Résumé Tout établissement de santé participant au service public hospitalier ou privé est dans l’obligation de disposer d’un plan d’organisation appelé "plan blanc" lui "permettant de mobiliser immédiatement les moyens de toute nature dont il dispose en cas d’afflux de patients ou de victimes, ou pour faire face à une situation sanitaire exceptionnelle". En cas d’accident ou d’attentat mettant en jeu des radioéléments, les personnels des services de Médecine Nucléaire seront largement impliqués et doivent se préparer à cette éventualité. Le CHU de Bordeaux termine actuellement l’élaboration de son plan blanc et de l’ annexe radionucléaire. Risques NRBC, plan blanc / Annexe radio-nucléaire / Etablissement de santé de référence !La circulaire DHOS/HFD n°2002/ 284 du 3 mai 2002 a trait à l’organisation de l’accueil d’un grand nombre de victimes dans les établissements de santé. Elle met en place un schéma départemental des plans d’accueil hospitaliers, désormais appelés "plans blancs", ainsi qu’une organisation zonale pour les risques Nucléaires, Radiologiques, Biologiques et Chimiques risques (NRBC). Elle attribue à des établissements de santé, dits "de référence" un rôle de coordination technique et de mise en place de plans de formation. La loi de santé publique du 9 août 2004 donne une base législative aux plans blancs [1]. Cet article présente d’élaboration du plan blanc du CHU de Bordeaux, en particulier pour le risque radionucléaire, et précise la place du person- nel des services de Médecine Nucléaire dans cette organisation. LE SCHÉMA DÉPARTEMENTAL DES PLANS BLANCS !Cette organisation est placée sous la responsabilité du Préfet et élabo- Correspondance : Pr Jean-Louis Barat CHU Haut-Lévêque - Médecine Nucléaire - Avenue de Magellan - 33604 Pessac Cedex Tel. : 05 57 65 68 38 - E-mail : [email protected] Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°8 439 Le service de médecine dans le plan blanc : service référent pour les risques radio-nucléaires rée par le Directeur Départemental des Affaires Sanitaires et Sociales, DDASS, en collaboration technique avec le SAMU. Il définit le rôle et la place de chaque établissement de santé public et privé du département dans une situation exceptionnelle, conduisant à accueillir et à traiter un nombre important de victimes. Concernant les risques NRBC, ce schéma traduit à l’échelle du département l’organisation zonale (ci-après) et désigne des établissements en fonction du risque ou de la menace, en vue de constituer un réseau de compétences. L’ORGANISATION ZONALE POUR LES RISQUES SPÉCIFIQUES NRBC !Pour ces risques spécifiques, l’organisation est réalisée au niveau des Figure1 sept zones de défense (Figure1 Figure1), sous la responsabilité d’un Préfet de zone, et d’un Délégué de zone chargé des affaires sanitaires et sociales. Neuf établissements de santé de référence sont désignés : un pour la zone Nord (CHU de Lille), Paris (APHP Pitié Salpetrière et Bichat), Sud-Ouest (CHU de Bordeaux), Sud Est (HC Lyon) et Sud (APH Marseille) ainsi que deux pour les zones Ouest (CHU de Rennes et de Rouen) et Est (CHU de Nancy et de Strasbourg). Au sein de ces établissements, des services référents sont désignés et équipés pour assurer un rôle de conseil, porter un diagnostic, voire assurer une prise en charge thérapeutique et former du personnel. Pour le risque radionucléaire, il s’agit des services de Médecine Nucléaire, de Radiothérapie et de Radiologie. L’établissement de référence a donc à la fois un rôle directement opérationnel sur le terrain, et une mission d’appui et de relais à l’égard des autres établissements de la zone de défense. LE PLAN BLANC DE CHAQUE ÉTABLISSEMENT !Le plan blanc doit comprendre un ensemble de fiches réflexe, incluant les annexes des risques spécifiques NRBC.Au CHU de Bordeaux, la rédaction de ces fiches a été confiée à un groupe comprenant des personnels médicaux, paramédicaux et administratifs, piloté par la Direction de la Qualité et de la Gestion des Risques. Les fiches décrivent les principes directeurs du plan blanc : - l’adaptation des moyens matériels de l’établissement (accueil des victimes, disponibilité des blocs opératoires et des lits, transport, télécommunications et liaisons informatiques, conditions d’accès et de circulation, stocks, logistique, équipement des locaux), - le renforcement de l’établissement par le rappel des personnels, - les procédures médicales et paramédicales d’accueil des victimes, - les procédures d’accueil des familles, - les procédures d’accueil des médias. - Figure 1 Les zones de défense et les villes des établissements de santé de référence pour les risques NRBC. The seven Defence Zones and the cities of the referent hospitals for NBC risks. 440 Médecine Nucléaire - La mise en œuvre est décidée par le Directeur de l’établissement ou par le Préfet en coordination avec le niveau départemental et zonal. Il s’accompagne de la mise en place d’une cellule de crise. Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°8 J.L. Barat, P. Lesgourgues, S. Zamaron, D. Ducassou, G. Boulard L’ANNEXE SPÉCIFIQUE CONCERNANT LE RISQUE RADIONUCLÉAIRE !Elle prévoit l’accueil de deux catégories de victimes : 1- les victimes de blessures conventionnelles, associées ou non à une contamination et/ou une irradiation 2- les personnes non blessées suspectées de contamination et/ou irradiation, présentes sur le site de l’accident ou de l’attentat, ou seulement établies à proximité du lieu de l’accident ou de l’attentat et s’estimant impliquées. La notion de présence de radioéléments est apportée par les premières équipes de secours présentes sur le lieu de l’accident (accident de centrale nucléaire) ou de l’attentat (attentat contre une centrale nucléaire, bombe sale, dissimulation de sources radioactives, dispersion contaminante). Ces équipes de secours sont : - la cellule mobile d’intervention radiologique (CMIR) des sapeurs-pompiers qui dispose de matériel de détection capable d’évaluer la présence de rayonnements β ou γ, voire α et le débit de dose, - les personnels du SAMU, tous porteurs de dosimètres électroniques, - l’équipe du Commissariat à l’Énergie Atomique des Zones d’Interventions de Premier Échelon ZIPE (le territoire national est divisé en 10 zones d’intervention, dont la zone parisienne, possédant chacune un centre CEA) venant en appui des CMIR pour l’identification des radioéléments en cause (spectrométrie gamma portable avec sonde NaI). Pour l’accueil des victimes de blessures conventionnelles, un principe s’applique au risque radionucléaire : l’urgence médico-chirurgicale prime la notion d’irradiation et de contamination. La décontamination ne peut donc intervenir que pour des blessés dont l’état est stabilisé. Les victimes en urgence absolue doivent donc être adressées dans un secteur dédié, différent du classique Médecine Nucléaire - Service d’Accueil des Urgences (SAU), incluant une unité de réanimation, un tomodensitomètre et un bloc opératoire, protégés de la contamination par des films de vinyle. Le personnel de Médecine Nucléaire est requis dans ce secteur pour détecter et localiser le mieux possible la contamination externe, et assister en permanence radiologue et équipe soignante afin d’éviter une dispersion de la contamination dans les locaux et une éventuelle internalisation de la contamination chez le patient. Une fois l’état clinique stabilisé, une décontamination est effectuée sur place, puis vérifiée par le personnel de Médecine Nucléaire, et le patient est transféré dans le SAU ou dans un secteur d’hospitalisation (circuit 1.3) Figure 2 (Figure 2). Les blessés en urgence relative sont adressés dans le Module de Décontamination Pré Hospitalier ("MDPH"), constitué d’une tente dressée en permanence sur le site de l’hôpital Pellegrin et comprenant deux chaînes de décontamination par douches, l’une pour blessés valides et l’autre pour invalides. Là encore l’équipe de Médecine Nucléaire est requise pour la détection d’une éventuelle contamination et le contrôle de l’efficacité de la décontamination. Ces blessés intègrent ensuite la filière classique Figur du SAU (circuit 1.1) (F iguree 2 2). Les personnes non blessées suspectées de contamination et/ou d’ir d’ir-radiation sont rassemblées, puis acheminées dans le module de décontamination. En cas d’afflux massif de victimes (plus de 50) - situation probable dans le cas d’un attentat terroriste impliquant des matières radioactives, puisque l’effet de panique est ici le premier effet recherché - une deuxième structure de décontamination sur ce site hospitalier ("gymnase") est activée nécessitant la présence d’une troisième équipe de Médecine Nucléaire pour la détection et le contrôle de l’efficacité de la décontamination (circuit 1.2) Figure 2 (Figure 2). Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°8 Dans un deuxième temps de prise en charge de toutes les victimes blessées et non blessées, il peut être nécessaire de rechercher une contamination interne par anthropogammamétrie. Trop éloignés des centrales nucléaires et de leurs dispositifs fixes, les services de Médecine Nucléaire des centres de référence doivent faire appel à l’Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire (IRSN) pour une mise à disposition de systèmes mobiles. Toutes les procédures de la prise en charge technique et médicale de l’ensemble des victimes d’un accident ou attentat radionucléaire sont décrites dans un guide national très complet disponible sur le web [2]. L’INFORMATION ET LA FORMATION !La prise en charge des victimes d’un accident ou d’un attentat radionucléaire est en fait beaucoup plus simple que lors d’un événement bactériologique ou chimique, car les moyens de détection, de décontamination et de traitement existent. Mais la situation immédiate peut se compliquer rapidement en cas d’afflux massif de blessés, ou non blessés en raison d’un effet de panique. Une large information publique sur le risque radionucléaire doit donc minimiser cet effet de panique. De même, la formation du personnel hospitalier aux gestes élémentaires, la mise en situation par des exercices simulés d’accident ou d’attentat, doivent permettre d’éviter la saturation des services d’accueil et d’urgence. Une situation où le risque radionucléaire pourrait se révéler plus dommageable que le risque bactériologique ou chimique est celle où les professionnels de santé ne seraient pas capables, par méconnaissance du risque lui-même ou de la conduite à tenir, de prendre en charge les victimes, blessées ou non, qui ne manqueront pas de se presser aux portes de l’établissement de santé. 441 Le service de médecine dans le plan blanc : service référent pour les risques radio-nucléaires - Figure 2 Les circuits d’accueil des victimes d’un accident ou attentat radionucléaire au CHU de Bordeaux. Les fiches réflexe correspondantes sont mentionnées à chaque étape. Flow chart of the patients triage, management, treatment and follow up in case of mass casualties after a nuclear accident or attack. 442 Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°8 J.L. Barat, P. Lesgourgues, S. Zamaron, D. Ducassou, G. Boulard The Nuclear Medicine Department in the Emergency Management Plan : a referent structure for the nuclear and radiological risks Each french public or private hospital has to establish guidelines for an immediate response to mass casualties (Emergency Management Plan or “White” Plan). For a nuclear accident or terrorist attack, the staff of the Nuclear Medicine Department may be adequately prepared and equipped. This paper presents the nuclear and radiological risks section of the final draft of the White Plan developed at Bordeaux University Hospital. NBC risks / Emergency Management Plan / Nuclear Medicine RÉFÉRENCES 1. Plan blanc et gestion de crise : guide d’aide à l’élaboration des schémas départementaux des plans blancs Médecine Nucléaire - des établissements de santé. Avril 2004, disponible sur le site www.sante.gouv.fr Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°8 2. Intervention médicale en cas d’événement nucléaire ou radiologique. Guide national. Mars 2002, disponible sur le site : www.sante.gouv.fr 443