La phytoremédiation, ou comment soigner le sol par les plantes.

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Laphytoremédiation,oucommentsoignerlesolparlesplantes.
Cadmium,plomb,zinc,dérivésdupétrole,…Envoilàdes«crasses»!Avecl’ensembledes
activités industrielles, urbaines et agricoles, nous assistons à une dégradation de la qualité de nos sols
cultivables,déjàbienrares.Laphytoremédiations’avèreutileafinderecolonisernosterrespolluéesde
façondurable.
I.Lesol:uneressourcenonrenouvelable.
Le sol est important pour l’Homme, car celui-ci nous fournit des ressources capital pour notre
santéetnotrealimentation:grâceàluilesplantespeuventpousseretfournirnourritureetoxygèneaux
êtrevivant.Apeineundixièmedesterresdenotreplanètesoncultivables,lesautresétanttropsèches,
tropfines(nepermettantpasl’enracinementdesplantes),polluées,etc.(Figure1).Lesterrescultivables
peuventneplusêtrecultivablesàcausesdephénomènesnaturels(érosions,épuisementdesressources,
etc),dereconversion(constructiondemaisonouderouteparl’Homme),ouencoredepollution.Environ
33%dessolssonttouchésparcesphénomènesdit«dedégradationdessols».EnEuropecelareprésente
plusoumoins52millionsd’hectares–soitunpeuplusde17foislaBelgique.
90
10
0
% des sols
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Sans contrainte majeure
Gelé
Trop humide
Trop fin
Pollution chimique
Trop sec
Figure1.Pourcentagemondialdecouverturedusol.Seuls11%decelui-cisontcultivables(blanc)Source:
FAO,1998.
Cefaibletauxderessourcesaccessibles,combinéeàunepressioncroissante,menacefortement
l'approvisionnementdesgénérationsfutures.Etced'autantplusquelapopulationdevraitaugmenterde
2 à 3 milliards d’individus d’ici 2050, entrainant un accroissement de la demande des besoins
élémentaires…Ilfautdoncréagir!
II.Lapollutiondessols
Si on ne peut pas faire grand chose contre l'épuisement ou l'érosion, on peut par contre agir
contre la pollution des sols. Celle-ci affecte l’ensemble du monde vivant, depuis les bactéries et les
champignonsmicroscopiquesjusqu'auxmammifèresetdoncl’Homme.
Parmilesprincipauxpolluants,ontrouvetroisgrandesclasses:(i)lesmétaux(plomb,mercure,
cadmium, zinc,…), (ii) des dérivés du pétrole et des résidus de combustion provenant des activités
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industrielles et urbaines, (iii) des composés comme l’azote provenant des activités agricoles (restes
d’engrais).
Cesagentspolluantssontsemblablesàceuxretrouvésdansl’eaumaisàladifférencedel’eau(ou
mêmedel’air),ilssontdifficilementéliminablescarilsselientfortementauxparticulesdusol.
Les sols pollués par l’Homme sont nombreux et dispersés à travers le monde. Rien que pour
l’Union Européenne, plus de 300 000 sites pollués ont déjà été identifiés et, d’après les dernières
estimations, il y en aurait près de 1,5 million au total. La Belgique et surtout la Wallonie ne sont pas
épargnéesparcephénomène.PrenonsparexemplelesiteLBPàChênée,mieuxconnusouslenomCuivre
et Zinc: classé par la SPAQuE (Société Publique d’Aide à la Qualité de l’Environnement) dans la liste de
sites les plus pollués de Wallonie, il fait depuis 2008 l’objet d’une réhabilitation. Et ce n'est pas un cas
unique:depuisplusde20ans,laSPAQuEatraitéplusde70frichesetdécharges.
Originedesmétauxpolluantsl’environnement
Utilisation
Métauxpolluants
Batteriesetautresappareils
Cd,Hg,Pb,Zn,Mn,Ni
Alliageetsoudure
Cd,As,Pb,Zn,Mn,Sn,Ni,Cu
Pigmentsetpeinture
Ti,Cd,Hg,Pb,Zn,Mn,Sn,Cr,Al,As,Cu,Fe
Biocides(pesticides,conservateurs,herbicides,…)
As,Hg,Pb,Cu,Sn,Zn,Mn
Verres
As,Sn,Mn
Fertilisants
Cd,Hg,Pb,Al,As,Cr,Cu,Mn,Ni,Zn
Plastiques
Cd,Sn,Pb
Textiles
Cr,Fe,Al
Cosmétiques
Sn,Hg
Carburants
Ni,Hg,Cu,Fe,Mn,Pb,Cd
Source:FAO
Lesmétauxlesplusretrouvéssurlessitespolluéssontàclasserendeuxcatégories:(i)lesnon
essentiel à la vie, qui sont toxiques a tres faibles concentration (l’arsenic, le cadmium, le plomb et le
mercure)etceuxessentielàlaviemaisquideviennentqu’atresforteconcentration(lezinc,lenickel,le
fer et le cuivre par exemple). Cette toxicité empêche les végétaux de se développer correctement et
même,silesconcentrationssonttrèsfortes,aempêchertoutesviesuretdanslesol.Pourl’Homme,une
intoxicationaveccesmétauxpeucauserdegraveproblèmedesanté–prenonslecasdumercurequipeu
causer des troubles neurologiques (pertes de mémoires, maux de têtes, tremblements, etc) pouvant
mêmeallerjusqu'àlamort.
III.Unesolution:laphytoremédiation
Il existe différentes stratégies pour dépolluer des sols. Elles sont réparties en deux catégories,
selonleurmodedemiseenœuvre:(i)Letraitementdit«exsitu»quiconsisteàpréleverlesoldusite
contaminé et à lui faire subir plusieurs traitements pour enlever les contaminants, la terre ainsi traitée
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pouvant être réutilisée à l’endroit où elle a été prélevée ou ailleurs; (ii) Le traitement «in situ» qui
consisteàlaisserlaterresurplaceetàlatraitersuivantdifférentsprocédéschimiqueset/oubiologiques.
La méthode la plus utilisée pour le moment est le prélèvement de la terre hors du site et son
remplacementpardelanouvelleterre(stratégiei).Toutefois,ceprocessus,enplusd’êtrecoûteux,n’est
pasdurablecarilnefaitquedéplacerleproblèmeailleurssanspourautantyremédier.Depuislesannées
2000, une nouvelle méthode est donc considérée. Elle consiste à planter des plantes afin de
décontaminerlesolpollué,surplace.Celas'appelledelaphytoremédiation(Figure2).Ilpeuts'agirde:
-
Laphytoextraction:lescontaminantstelsquelesmétauxsontextraitsparlesplantes.
La phytostabilisation: les contaminants (métalliques ou non) sont maintenus sur place par des
plantesafind’éviterleurpropagation.
La phytodégradation: les plantes transforment les polluants en composés moins toxiques, qui
restentstockéssurplace.
Laphytostimulation:lesplantesstimulentd'autresdépollueurs(champignons,bactéries)
Laphytovolatilisation:lescontaminantssontrendusvolatilesparlaplante.
Figure 2. Représentation schématique des différents types de phytoremédiation. Adapté de
http://www.intechopen.com/books/environmental-risk-assessment-of-soil-contamination.
LaPhytoextraction:
La phytoextraction se base sur la propriété de certaines plantes à accumuler les contaminants des sols
dansleurspartiesaériennes(feuilles,tiges,tronc,etc).Lesplantessontensuiterécoltéesetbrûléesdans
deschaudièresmuniesdefiltresempêchantlespolluantsdeserependredanslesfumées.Cettedernière
étape peut être utilisée pour produire de l’énergie et permet même de récolter les métaux afin de les
recycleretlesréutiliser.
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Deuxtypesdeplantessontutiliséspourlaphytoextraction:soitdesplantesaccumulatrices,soit
des plantes «hyperaccumulatrices». Les premières compensent leur faible capacité d’accumulation par
leurgrandetaille.Lesdeuxièmessontdesplantesdanslesquelleslaconcentrationenmétaux(nickel,zinc,
cadmium,plomb,cuivre,etc.)peutêtrejusqu'à1000foisplusélevéequedansd’autresplantesquileur
sont proches et ce, sans symptômes visibles d'intoxication. Par exemple, Sebertia acuminata, l’arbre à
nickel, une plante de Nouvelle Calédonie, qui peut contenir jusqu'à 26% de nickel dans son latex (sève)
sec(Figure3).
Figure3.LatexdeSerbertiaacuminata,sacouleurbleueturquoiseestdueàsagrandeteneurennickel.
(http://pierrealainpantz.photoshelter.com/image/I0000Oyf42sl3kAA)
De manière arbitraire, une plante possédant 1% de zinc, 0,1% de nickel ou 0,01% de cadmium
dans ses feuilles (après séchage) est considérée comme hyperaccumulatrice. La première
hyperaccumulationdenickelaétédécouverte,en1948carlesscientifiquescommençaientàs’intéresser
auxsolspolluéspardesmétaux.Maisbienavantcela,en1865,lephénomèned’hyperaccumulationau
zincavaitdéjàétéobservéchezuneautreplante:Noccaeacaerulescens.Aujourd’hui,onconnaîtplusde
450espècesdeplanteshyperaccumulatrice.Celles-cisontpour75%d’entreellesdeshyperaccumulatrice
denickel.Actuellement,danslecardred’unecollaborationinternationale,deschercheurs(deFrance,du
Canada, d’Albanie, etc) travaillent afin d’arriver à extraire le nickel de plantes. Les meilleurs résultats
conduisent à une récolte de plus de 100 kg de nickel par hectare de terrain cultivé. Ce nickel pourrait,
entre autres, être réutilisé pour la fabrication de batteries. Cette importante diversité
d’hyperaccumulationaunickelcoïncideaveclenombreimportantdesitesgéographiquesenrichisence
métal,notammentdanslesrégionsméditerranéennesetenNouvelleCalédonie.Maisl’onretrouveaussi
desplanteshyperaccumulatricespourd’autresmétauxtelsquelezinc,lecadmiumoul’arsenic.
Laphytostabilisation:
La technique de phytoextraction est actuellement applicable à des sols peu à moyennement
pollués,orlamajeurepartiedessolspolluésprésentedestauxdepollutionextrêmementimportants,qui
auraient besoin d'une extraction très longue. Heureusement, il existe une alternative: la
phytostabilisation.
Cettetechniqueapourbutderetenirlescontaminantsetdepareràleurpotentiellepropagation.
Les contaminants sont retenus par les racines des plantes. Le peuplier est ainsi utilisé depuis plusieurs
annéesdanslecadrederecherchessurlaphytostabilisation.
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Laphytodégradation:
Elleapourobjectifdetransformercertainscontaminantsdusolencomposésmoinstoxiquesà
l’intérieurdelaplante.Iciaussilepeuplierestaucentredeplusieursrecherches.
Lepeuplier,futuracteurmajeurdeladépollutiondessols?
(http://www.photo-paysage.com/displayimage.php?album=212&pid=416)
Laphytostimulation:
Dans ce cas-ci, les végétaux ne sont pas les acteurs principaux, mais elles aident ceux-ci en les
nourrissant.Ainsi,lessubstancesémisesparlaracinedesplantesstimulentdeschampignonset/oudes
bactéries du sol qui coopèrent afin de dégrader des polluants non-métalliques avec, en général, une
production finale de CO2(gaz carbonique). Bien que cette technique offre la possibilité de dépolluer les
sols,ellenerésoutpastouslesproblèmescarlapollutionestdéplacéedansl’airsousformedeCO2.
Laphytovolatilisation:
Cettetechnique,baséesurlatranspirationdesplantesviseàtransformerlescontaminantsdes
sols en des composés gazeux qui sont relâchés dans l’atmosphère. Ici aussi, comme le cas de la
photostimulation, cette technique offre la possibilité de dépolluer les sols, mais ne résout pas tous les
problèmescarlapollutionestdéplacéedansl’air.
IV.Conclusion
Destechniquesvégétalespeuventaideràdépolluerlessols,lestechniquesdephytoremédiation.
Ellessontpeucoûteuses,quecesoitenénergieouenargent,toutenaméliorantlepaysage.Deplus,les
plantes récoltées peuvent être valorisées économiquement. Il n'y a que quelques limitations à ces
techniques.Ainsi,latailledelacouchedeterrequipeutêtredécontaminéeestsouventinférieureà5m
de profondeur à cause de la taille des racines - et encore, cette limite correspond au meilleur des cas,
celui de l’utilisation d’arbres. De plus, à résultats identiques, ces techniques demandent plus de temps
quelestraditionnellestechniquesphysico-chimiques.
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Bienqu’innovantesetprometteuses,nousdevonsdoncencorelaisserdutempsàlarecherche
scientifiqueafindedévelopperaumieuxcestechniquespournouspermettredeprofiterdenouveaud’un
environnementsain.
MaximeScheepers
UniversitédeLiège
Pourplusd’infos:
SociétéPubliqued’AideàlaQualitédel’Environnement(SPAQuE)
http://www.spaque.be/
InternationalFertilizerAssociation
http://www.fertilizer.org/
OrganisationdesNationsUniespourl’alimentationerl’agriculture(FAO)
http://www.fao.org/home/fr/
Agenceeuropéennepourl’environnement
http://www.eea.europa.eu/
“EnvironmentalRiskAssessmentofSoilContamination”EditesbyM.C.Hernandez-Soriano,ISBN978-95351-1235-8,Intech,DOI:10.5772/57469.
Antonovics,J.(1971).Theeffectsofaheterogeneousenvironmentonthegeneticsofnaturalpopulations.
AmSci59(5):593-599.
Verbruggen, N., Hermans, C. & Schat, H.(2009).Molecularmechanismsofmetalhyperaccumulationin
plants.NewPhytol.
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