3
quelle articulation leur a-t-elle donnée avec les structures qu’elle-même développe dans les provinces
très vite après leur formation ? L’enjeu sous-jacent est celui du projet idéologique qui accompagne ou
suit le développement de l’Empire romain. Il s’agit de démêler ce qui le rapproche d’un État centralisé
favorisant la diffusion d’un droit uniformisé et revendiquant le monopole des missions (justice,
sécurité et ordre public, etc.) que nous reconnaissons à l’État moderne de ce qui l’apparente à une
construction de type « fédéral », une sorte de tout dont les parties s’administreraient elles-mêmes selon
leurs propres lois et coutumes.
Par provinces hellénisées, on entend l’ensemble des territoires placés sous contrôle romain où
le principe d’organisation politique dominant à l’échelon local – et reconnu comme tel par le pouvoir
central – est celui de la polis et des institutions qui la caractérisent. Ces territoires s’opposent à ceux,
essentiellement occidentaux, où prévaut le modèle municipal romain : là où le degré d’organisation
communautaire était souvent faible, en tout cas moins développé que dans l’Orient hellénisé, les
Romains ont créé des institutions municipales modelées sur celles de l’Urbs, insufflé une certaine
uniformisation administrative et juridique par l’octroi du droit latin ou romain
Le développement qu’a connu le modèle de la cité grecque dans le sillage des conquêtes
d’Alexandre donne a priori une extension très large au champ d’investigation. Pour garder à ce travail
des proportions raisonnables et donner un caractère plus détaillé à certaines analyses, on se fonde en
priorité sur deux ensembles géographiques de référence, ceux-là même où le modèle de la cité grecque
est le plus ancien, antérieur à l’époque hellénistique : la Grèce d’Europe d’une part, la frange
occidentale de l’Asie Mineure d’autre part, de la Troade à la Carie. Bien qu’ils soient séparés par la
mer Égée, ces deux ensembles présentent une cohérence certaine : l’Achaïe et l’Asie sont, sous le
Principat, deux provinces proconsulaires pacifiées, avec un tissu de cités relativement dense. Les
sources faisant souvent défaut et puisqu’il n’y a pas de solution de continuité, on n’hésite pas à
recourir aux données fournies par d’autres provinces – notamment pour certains aspects moins
dépendants des aspects géographiques, comme les principes du partage des compétences ou les
pratiques ordinaires des justiciables.
D’un point de vue théorique, la limite initiale assignée à cette étude est le moment où les
structures judiciaires de l’administration romaine ont constitué un recours ordinaire pour les résidents
romains et une alternative permanente – voire même une menace – pour la juridiction des cités
grecques. Le choix de cette date, qui est conditionné par l’extension géographique du sujet, est lui-
même problématique. Il revient à désigner le début de l’emprise réelle de l’administration romaine sur
les provinces. Différents temps forts du
II
e
ou du
I
er
s. av. J.-C. peuvent, à cet égard, représenter une
limite pertinente : la création formelle des provinces au milieu du
II
e
s. av. J.-C., la reprise en main de
l’Orient par Sylla au lendemain des guerres de Mithridate, ou même l’instauration du Principat, régime