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La communication
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Chapitre 6
La communication gouvernementale
La communication gouvernementale peut être dénie comme l’échange d’informations
entre les institutions de l’Etat et le public. En effet, les gouvernants ont besoin de conférer
à leurs décisions et à leurs conceptions politiques la légitimité requise pour qu’elles
soient acceptées et appliquées. Parallèlement, les gouvernés essaient de faire parvenir
aux gouvernants leurs préoccupations et leurs aspirations, dans les domaines politique,
économique et social.
Cette opération d’échange d’informations se fait à travers divers canaux et supports
qu’offrent les médias traditionnels et modernes et les institutions de l’Etat.
La communication gouvernementale est une opération fondamentale dans la gestion
de l’espace public, à travers l’utilisation de divers moyens dont le discours politique, les
différents programmes gouvernementaux et les canaux ofciels et ofcieux destinés à
diffuser l’information et à établir le contact avec les citoyens.
Depuis l’indépendance, les pouvoirs publics tunisiens ont utilisé la communication
gouvernementale comme moyen de dominer l’espace public et la scène politique. Tous les
moyens disponibles ont été utilisés, y compris les médias publics qui ont servi de médias
gouvernementaux. D’autres mécanismes ont été créés dont notamment l’Agence Tunisienne
de Communication Extérieure (ATCE), les bureaux de communication et d’information et les
bureaux des relations avec le citoyen. Les moyens de communication moderne ont été,
également, mis à contribution pour servir cette politique.
Au cours des 20 dernières années, plusieurs responsables ont joué le rôle de
censeurs, à travers l’intimidation des journalistes et le verrouillage des médias. Le plus
célèbre d’entre eux est certainement Abdelwahab Abdallah qui est considéré comme le
principal architecte de cette politique de propagande197.
Abdelwaheb Abdallah a placé un groupe de personnalités qui lui sont proches à
la tête des médias publics et a contribué ainsi à renforcer la mainmise du pouvoir sur les
médias aussi bien publics et privés que traditionnels et modernes.
Fethi Houidi, qui a occupé les fonctions de directeur général de l’information, avant
l’accession de Ben Ali au pouvoir, puis de secrétaire d’Etat à l’information, président directeur
général de l’établissement de la radio et de la télévision tunisienne, et ministre
197 Il a occupé le poste de ministre de l’information à la n du règne de Bourguiba, de conseiller spécial porte-parole
ociel de la présidence de la république et ministre des aaires étrangères
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chargé des droits de l’homme, de la communication et des relations avec la chambre des
députés, a contribué, lui aussi, au verrouillage du paysage médiatique et au harcèlement
des journalistes tunisiens et étrangers.
Les ONG nationales et internationales n’ont pas manqué de critiquer cette politique de
communication adoptée par l’ancien régime, et fondée sur la manipulation et le verrouillage
systématique de la liberté d’expression et des libertés publiques en général. Ces critiques
ont connu leur apogée à la suite de la décision des Nations Unies de choisir la Tunisie
pour abriter la deuxième phase du sommet mondial sur la société de l’information (SMSI),
en novembre 2005. Les observateurs et les défenseurs de la liberté d’expression ont
exprimé leur étonnement face à ce choix, surtout que le régime de Ben Ali était classé par
les organisations internationales parmi les pires ennemis de la liberté d’expression et de
l’Internet.
Plusieurs actions violentes menées contre des activistes et des journalistes, tunisiens
et étrangers, dont Christophe Boltanski198, ont déstabilisé le pouvoir qui est allé jusqu’à
interrompre la diffusion en direct de la cérémonie d’ouverture du SMSI199 .
La grève de la faim observé par un groupe d’opposants et des représentants de la
société civile200 a permis de détourner l’attention de la presse internationale des travaux du
SMSI vers la politique répressive du régime.
Ce dernier a mobilisé quelques mercenaires de la plume dont il a acheté la conscience
pour publier des articles dans la presse arabe et internationale en vue de redorer son image
et de le présenter comme un régime qui prétend vouloir consacrer la démocratie, à travers
l’encouragement de la culture numérique et de l’utilisation des nouvelles technologies de
l’information et de la communication.
Section 1 : Communication ou propagande ?
Depuis l’indépendance du pays, la communication gouvernementale n’a pas cessé
de mettre à contribution tous les mécanismes et les supports disponibles pour diffuser un
discours de propagande au service de prétendus « objectifs de développement », avant de
devenir, par la suite, des instruments au service exclusif d’un régime qui veut donner l’image
d’un régime démocratique.
Depuis le 14 janvier 2011, la communication gouvernementale a connu beaucoup de
ratés, ce qui laisse planer beaucoup de doutes sur la capacité des nouveaux gouvernants
d’ouvrir sérieusement ce dossier.
198 Correspondant du journal français «Libération» qui a été agressé dans la rue par des «inconnus», le 11 novembre
2005
199 A la suite de lappel lancé par le président de la confédération helvétique au respect par la Tunisie de la liberté
dexpression
200 Cette grève de la faim a abouti à la création du «mouvement du 18 octobre»
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Sous-section 1 : Une propagande au service du développement
Les discours du président Habib Bourguiba représentent une source de référence
très riche pour les chercheurs qui veulent étudier sa conception du rôle et des objectifs de
l’information.
Après la proclamation de la république en 1957, le président Bourguiba a coné aux
médias la mission d’éduquer et de conscientiser le peuple et de l’orienter 201. Le président
Bourguiba a qualié de « grand Djihad pour le développement» la période qui a succédé à
l’indépendance. Il a demandé à ce que tous les efforts soient réunis pour rejoindre le cortège
des pays développés, incitant les médias à adopter un discours politique conforme aux
orientations de l’Etat et ce malgré l’émergence, dès le milieu des années 70, des nouvelles
revendications sociales portant sur l’ouverture des espaces politiques et la protection des
libertés publiques.
Au début des années 80, le régime a continué, à travers le conseil supérieur de
l’information202, à appeler les médias à adopter un discours « intelligent et réaliste »203, en
vue d’exercer une inuence positive sur l’opinion publique, d’enraciner le citoyen tunisien
dans la réalité de son pays, de l’orienter et de lui permettre d’adhérer avec conviction à la
politique suivie. Le conseil supérieur de l’information a adopté une série de recommandations
visant à développer l’information, à sensibiliser les citoyens aux objectifs de développement
et à mobiliser l’opinion publique au service de la mise en œuvre de projets économiques et
sociaux. Le conseil supérieur de l’information a xé les taches des attachés de presse et des
journalistes qui consistent à couvrir les activités ofcielles, à organiser les contacts directs
avec les professionnels de l’information et à leur fournir les informations et les documents
nécessaires leur permettant d’analyser les évènements, d’éclairer l’opinion publique sur
les réalisations économiques, sociales et culturelles et de renforcer le contact entre les
responsables et les journalistes en vue d’éviter les rumeurs et les fausses informations
relatives aux activités du gouvernement204.
Au milieu des années 80, le régime est intervenu pour empêcher les journalistes
critiques d’assister aux réunions du conseil supérieur de l’information qui sont devenues
très rares et tenues désormais à huis-clos.
De manière générale, la communication gouvernementale était, jusqu’à la n du
règne de Habib Bourguiba, en novembre 1987, conforme en tous points aux politiques
du régime, qui considère que les médias sont exclusivement au service des objectifs du
développement.
201 Discours du président Habib Bourguiba, publication du ministère de l’information, imprimerie ocielle, 1979,
1981 et 1982
202 Le conseil supérieur de l’information a été crée en vertu du décret n° 636 de lannée 1973 daté du 11 décembre 1973.
Il est devenu, ensuite, le conseil supérieur de la communication
203 Circulaire du premier ministre n° 12 du 20 mai 1981
204 Ibid.
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