aériennes et les ordres et contre-ordres de marche (problèmes
d’échelon de commandement évoqués dans la question
précédente), les divisions blindées ne seront à pied d’œuvre
qu’à partir du 10 juin. Or vu la faiblesse des divisions
d’infanterie (voir question précédente), l’engagement des
blindés était vital pour compenser cette faiblesse. Par contre
même si Rommel avait eu gain de cause, le cours de la bataille
n’en aurait pas été forcément modifié. En effet la puissance de
feu navale de la flotte de débarquement (cuirassés, destroyers)
combinée avec l’aviation n’aurait certainement pas inversé
l’ordre des choses. Pendant les jours qui ont suivi le
débarquement, les bombardements navals ont plusieurs fois
fait la preuve de leur efficacité dans les actions de soutien des
forces au sol.
Churchill rencontra plusieurs fois Monty sur le front. On a
reproché à Monty ses actions timorées, mais à sa décharge il
avait à l’esprit de limiter les pertes humaines des troupes
anglo-canadiennes, d’où son extrême prudence dans la
conduite des opérations. On peut par contre lui reprocher de
ne pas avoir reconnu ses erreurs opérationnelles et
stratégiques. Churchill avait lui à l’esprit le futur rôle
politique du Royaume-Uni et, pour que celui-ci garde son
rang dans le concert des Nations, les troupes du
Commonwealth se devaient de gagner des batailles sans aide
notable des troupes étasuniennes.
HM - Il a souvent été reproché à Montgomery son extrême
prudence dans les zones de combat Anglo-Canadiennes, ce
reproche vous parait il justifié ?
AB - Plus que la prudence de Monty, il faut évoquer son
manque de franchise et une vanité personnelle qui faisait qu’il
était incapable d’admettre que ses plans ne fonctionnent pas.
Son objectif de prendre Caen le jour J avec une brigade
d’infanterie soutenue seulement par un régiment de chars était
irréalisable. De plus, ce 6 juin la marée très haute sur Sword
Beach a fortement perturbé le débarquement des matériels
lourds, y compris les chars de soutien. De ce fait, la brigade
d’infanterie avance sans gros soutien blindé. Son explication,
après coup, à savoir que son plan principal était de fixer le
gros des troupes allemandes dans la région de Caen afin de
faciliter la percée américaine à l’ouest, ne tient pas. Une partie
du plan initial de ce côté-ci du front était de s’assurer la
possession de la plaine entre Caen et Falaise afin de permettre
à la RAF d’y installer des aérodromes. Cet objectif n’étant pas
atteint, il en est découlé de vives tensions entre Monty et
l’état-major de la RAF. En accord avec Churchill, Monty,
pensant déjà à l’après-guerre, faisait en sorte d’épargner à
l’armée britannique de trop lourdes pertes afin que dans les
négociations à venir, l’Angleterre et son armée représentent
encore une force de poids. Du côté allemand, on craignait plus
les Anglais pour s’y être déjà frotté en Afrique du Nord que
ces Américains dont on ne savait pas grand-chose et qui
n’avaient pas encore l’expérience du feu. Ils avaient donc
concentré des troupes de valeur supérieure dans la région de
Caen afin de barrer la route de Paris et d’éviter l’isolement des
troupes allemandes dans l’ouest.
HM - Durant la prise de Saint Lô, la 1st US Army se
montre à l'épreuve de la guerre des haies tout en subissant
de terribles pertes. Ces pertes doivent-elle être davantage
attribuées à l'inexpérience de la plupart des divisions US
engagées ou à la ténacité allemande ?
L’inexpérience des troupes US est un facteur important.
Cependant ils apprendront très vite. Le facteur déterminant est
effectivement la ténacité de l’armée allemande, et ce, pour
différentes raisons.
D’abord, une forte propagande envers les troupes dont les
deux principaux arguments sont :
- vous vous battez pour la patrie. Dès que vous aurez
triomphé en Normandie on retournera au pays pour
défendre le Reich contre l’armée rouge.
- Il faut se venger les bombardements anglais et
américains sur l’Allemagne.
Ensuite, le fanatisme et la férocité des troupes SS engagées
qui, elles, n’ont besoin d’aucune propagande pour se battre.
De plus la résistance s’explique aussi par le fait que le terrain
(haies et bocages) favorisait la défense plus que l’attaque. Les
Allemands défendaient en reculant comme ils avaient appris à
le faire sur le front Est.
Parachutistes de la 82ème Airborne à la Haye du Puits le 8
juin. On voit aux traits tirés de leur visage qu’ils n’ont pas dû
prendre beaucoup de repos depuis leur saut sur le sol
normand dans la nuit du 5 au 6 juin (DR)