«L`éthique, cœur de compétences des métiers impossibles»

«L’éthique, cœur de compétences des
métiers impossibles»
- Programme Interreg IV A Grande Région :
Services aux personnes dépendantes :
un enjeu durable -

«L’éthique, cœur de compétences des métiers impossibles»
Ethique, Morale, Déontologie p. 3
Types de conflits éthiques p. 4
Figures de conflits éthiques p. 5
Où Viviane répond avec sincérité… p. 5
Où Saïda est prise dans l’engrenage des secrets… p. 6
Où Suzanne aurait voulu en savoir plus… p. 7
Où Sandrine pense ne pas être allé « jusqu’au bout »… p. 8
Là où se croisent les différentes figures du conflit éthique… p. 9
Intervention de Marc Olenine, p. 10
Introduction p. 10
1. L’éthique brouille les cartes… p. 11
2. Les différents moments de l’éthique. p. 11
3. Les figures de l’éthique : la confiance. p. 12
4. Quelques préconisations. p. 13
« L’éthique, cœur de compétences des métiers impossibles »
Programme Interreg IV A Grande Région : Services aux personnes
dépendantes : un enjeu durable –
10.05.11
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«L’éthique, cœur de compétences des métiers impossibles»
Ethique, du grec êthicos = science de la morale. On considèrera ici que
l’éthique est une réflexion qui vise à déterminer le bien agir en tenant compte
des contraintes relatives à des situations déterminées.
1
Morale = théorie de l’action humaine en tant qu’elle est soumise au devoir et a
pour but le bien ; ensemble des règles de conduites considérées comme
bonnes de façon absolue. La morale renvoie à une culture, une histoire et à des
traditions sociales.
Le mot déontologie vient du Grec deon qui veut dire devoir et logos qui signifie
science. Littéralement, il s’agit de la science des devoirs.
Selon Eirick Prairat, « L’objet de la déontologie n’est pas de fonder
philosophiquement la notion d’obligation, ni de comprendre en quoi un devoir
est un devoir, mais d’inventorier très concrètement les obligations qui incombent
à un professionnel dans l’exercice de sa tâche »
2
. Une telle explication confère à
la déontologie une visée pratique et non pas spéculative. Aussi, la règle
déontologique n’est pas une règle choisie à titre personnel mais une règle
imposée par une instance ou élaborée collectivement.
Le rapport entre l’éthique et la déontologie peut être décrit comme un
questionnement (éthique) fondant des règles pratiques (déontologie).
La démarche éthique dans l’intervention à domicile auprès des personnes
dépendantes revient à donner une place centrale au sujet. Elle privilégie le
respect de l’homme en tant que tel, considère la personne comme une fin en soi
et jamais comme un moyen. Cette reconnaissance de l’autre en soi (cf. Paul
Ricœur) permet l’empathie.
Il faut aussi souligner également que « La réflexion éthique est la conscience
d’un problème avant d’en être la solution »
3
C’est sur cette démarche éthique
que se fonde l’élaboration de la déontologie professionnelle.
1
Définition de J.-J. NILLES, prenant en compte des travaux de A. BADIOU et de P. RICOEUR,
Cabinet Socrates, Anesm, « Analyse documentaire relative au développeent d’une déarche
éthique dans les ESSMS », www.anesm.sante.gouv.fr
2
De la déontologie enseignante, Eirick Prairat, P.U.F., Paris, 2005
3
Pour une éthique du travail social : éthique et déontologie, chapitre rédigé par Marthe
MALARD, in Le travail social, guide méthodologique, Louis FEVRE, éd. Chronique sociale,
Lyon, 2001

«L’éthique, cœur de compétences des métiers impossibles»
Il ressort des diverses situations évoquées par les professionnelles de
l’intervention à domicile, des tensions qui affectent leur action au quotidien.
C’est la confrontation des différentes logiques de l’action sociale et médico-
sociale qui fait émerger les conflits éthiques ne relevant pas d’une seule et
même problématique.
On peut esquisser une classification qui facilité une approche raisonnée des
situations qui permet d’entrevoir 4 grands types de conflits éthiques (que l’on
pourra retrouver dans les exemples retracés plus loin)
4
.
1
er
type : Opposition entre la loi et l’éthique
La prise en compte de la demande d’aide du sujet en souffrance se heurte à la
loi ou au devoir de rappel à la loi. Se pose ici le problème du rapport du
professionnel à la loi ; peut-on envisager qu’il transgresse la légalité au nom des
principes éthiques ou qu’il en suspende provisoirement l’application ?
2ème type : La tension entre stratégie d’action et loi
Le rappel de la loi par le professionnel et son institution entraîne le
développement d’une conflictualité difficile à maîtriser au sein d’un groupe ou
d’une communauté et de ce fait hypothèque toute stratégie d’action à moyen ou
long terme.
3ème type : Le conflit d’intérêt des acteurs
L’intérêt matériel, moral, la sécurité, la santé, l’intégrité du sujet entrent en
contradiction structurelle ou provisoire avec l’intérêt tout aussi légitime d’un
autre sujet individuel ou collectif.
Comment les professionnels sont-ils amenés à prendre en compte cet
antagonisme ?
Comment peuvent-ils, face à ce type de situation construire un positionnement
professionnel ?
4ème type : Le conflit méthodologie et éthique
Une démarche émanant d’un usager, d’un autre professionnel ou d’une
institution est en contradiction avec un mode d’approche ou un système de
références théoriques ou méthodologiques d’un professionnel ou d’une équipe
de professionnels en charge d’une situation.
4 Rapports du Conseil Supérieur du Travail Social Ethique des pratiques sociales et déontologie
des travailleurs sociaux, Editions ENSP, 2001

«L’éthique, cœur de compétences des métiers impossibles»
Où Viviane répond avec sincérité…
Viviane intervient depuis plusieurs années dans cette famille. Il s’agit d’un
couple âgé : elle vient régulièrement pour assurer la toilette de Monsieur. Elle
croise aussi toujours Madame. L’intervenante a été informée par ses collègues
que Madame a été hospitalisée et puis est rentrée à la maison. Elle souffre d’un
cancer.
Après quelques semaines, pendant lesquelles Viviane n’est pas allée dans la
famille, elle se présente au domicile. Pensant y trouver Madame, elle est
étonnée lorsque c’est une nièce éloignée de Monsieur qui vient ouvrir la porte.
À nouveau, Madame est hospitalisée. La nièce parle ouvertement de la
situation, en bas dans la maison : Madame a bien un cancer et sa situation s’est
aggravée.
Viviane monte pour voir Monsieur et faire sa toilette.
A ce moment, Monsieur demande à Viviane : « au fait, vous pouvez me
réexpliquer ce qu’a ma femme ? ».
Comme Viviane a établi une bonne relation avec Monsieur et qu’elle connaît ses
difficultés de mémoire, elle ne réfléchit pas longtemps avant de lui expliquer de
manière simple que Madame est à l’hôpital pour soigner son cancer. Elle le
rassure en lui expliquant qu’elle est bien prise en charge, qu’elle ne souffre pas.
Il semblait à Viviane, que Monsieur s’inquiétait pour sa femme et sa réponse l’a
rassuré. La discussion termine là-dessus et l’intervention se passe bien.
Avant de partir, l’intervenante retourne voir la nièce pour lui dire qu’elle s’en va
et lui parler de l’inquiétude de Monsieur.
La nièce se met alors en colère: selon elle, Viviane a fait une énorme bêtise, car
Monsieur n’était pas au courant et ne devait pas savoir. La nièce dit qu’elle va
téléphoner au service.
Viviane lui explique qu’elle pensait être honnête envers Monsieur et que la
première discussion ouverte à son arrivée ne lui avait pas permis de
comprendre les choses ainsi.
Viviane se sent en accord avec ses valeurs. Elle téléphone tout de même au
service pour prévenir de l’incident.
Il y a ici conflit d’intérêt des acteurs
Viviane réponde en accord avec son honnête envers Monsieur et dans la
volonté de maintenir le lien avec lui ; mais aussi dans un souci de sécurité pour
lui (elle ne veut pas qu’il s’inquiète). Cette position entre en contradiction avec
l’intérêt, tout aussi légitime, de la famille, qui dans le même but qui est que
Monsieur ne se fasse pas de souci, ne tient pas à l’informer de la situation de
l’épouse.
L’intervenante, face à ce type de situation construit son positionnement
professionnel.