réglementation des techniques de reproduction et de génétique

Le 30 juin 2002
ontrairement à bien d’autres pays, le Canada ne possède aucun mécanisme législatif
important régissant toute la gamme des techniques utilisées pour favoriser la conception
chez l’être humain et pour manipuler le matériel génétique humain à des fins de reproduction.
Malgré les quatre années de travail et les quelque
28 millions de dollars menant à la publication du
rapport de la Commission royale sur les nouvelles
techniques de reproduction en 1993, le Canada n’a
toujours pas circonscrit clairement le recours aux
techniques de reproduction et de génétique(1). Intitulé
Un virage à prendre en douceur, le Rapport
recommandait une réglementation immédiate pour
protéger les intérêts des Canadiens. De nombreux
pays étaient arrivés à la même conclusion et avaient
réglementé les pratiques, qui s’étaient consi-
dérablement développées depuis la naissance du
premier « bébé-éprouvette » peu avant 1980.
Mesures canadiennes
Depuis la publication du Rapport, le gouvernement
fédéral a pris plusieurs mesures, mais très peu ont
débouché sur un règlement :
1993-1999 – Création du Groupe de travail
fédéral-provincial-territorial sur les techniques de
reproduction et de génétique (TRG) pour conseiller
les sous-ministres de la Santé.
1995 – Moratoire temporaire et volontaire sur
certaines TRG, à savoir les modifications
génétiques des cellules germinales, le clonage des
embryons humains, l’achat et la vente d’ovules, de
sperme et d’embryons, le don d’ovules en échange
de services de fertilisation in vitro et le prélèvement
d’ovules sur des cadavres et des fœtus pour des
dons, la fécondation ou la recherche.
1996 – Création du Comité consultatif sur les
techniques de reproduction et de génétique pour
conseiller Santé Canada sur le moratoire et sur
d’autres questions.
1996 – Règlement sur le traitement et la
distribution du sperme pour la conception assistée.
1996-1997 – Dépôt du projet de loi C-47 : Loi sur
les techniques de reproduction humaine et de
manipulation génétique, qui interdisait certaines
pratiques jugées inacceptables : clonage, maternité
de substitution, sélection du sexe à des fins non
médicales, commercialisation des gamètes et des
embryons, maintien des embryons hors de la mère,
prélèvement de gamètes sur des cadavres, transfert
d’embryons entre l’être humain et d’autres espèces,
recherche sur les gamètes ou les embryons sans le
consentement du donneur. Le projet de loi meurt
au Feuilleton au déclenchement des élections
fédérales de 1997.
1996 – Publication par le ministre de la Santé de
Les nouvelles techniques de reproduction et de
génétique : Fixer des limites et protéger la santé,
qui propose un cadre réglementaire concernant des
normes nationales sur les pratiques permises
comme la fécondation in vitro, l’insémination par
donneur, l’utilisation du tissu fœtal, l’entreposage
et le don des gamètes et des embryons, la recherche
sur les embryons, y compris le diagnostic pré-
implantatoire.
1997 – Signature par le Canada de la Déclaration
universelle sur le génome humain et les droits de
l’homme de l’UNESCO; reconnaissance par le
Canada de la position du G-7 sur la nécessité
d’interdire le transfert nucléaire pour le clonage
chez l’être humain.
C
RÉGLEMENTATION DES TECHNIQUES
DE REPRODUCTION ET DE GÉNÉTIQUE
SUR LE PLAN INTERNATIONAL
Capsule d’information pour les parlementaires
TIPS-16F
Ce document est la version papier d’une capsule d’information Web consultable en ligne à
http://intraparl/36/map_sv_lib-f.htm
Bibliothè
q
ue du Parlement
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1998 – Publication de l’Énoncé de politique des
trois conseils : Éthique de la recherche avec des
êtres humains par le Conseil de recherches
médicales, le Conseil de recherches en sciences
naturelles et en génie et le Conseil de recherches en
sciences humaines.
1999 – Préparation par Santé Canada d’un docu-
ment général sur les TRG pour faire progresser le
débat sur l’approche et la gestion proposées d’un
cadre réglementaire.
2000 – Rédaction par Santé Canada d’un
document de travail intitulé Techniques de
reproduction et de génétique, qui décrit des pistes
possibles pour d’éventuels projets de loi et
propose une liste de pratiques qui seraient
réglementées ou interdites.
Mai 2001 – Le ministre de la Santé demande au
Comité permanent de la santé de mener une étude
approfondie sur les « Propositions relatives au
projet de loi régissant l’assistance à la
procréation ». Le Comité dépose son rapport,
Assistance à la procréation : Bâtir la famille, en
décembre 2001.
Mars 2002 – Présentation par les Instituts de
recherche en santé du Canada de lignes directrices
pour la recherche sur les cellules souches
d’embryon, ce qui fait que cette recherche peut
être appuyée par des fonds fédéraux.
9 mai 2002 – Dépôt du projet de loi C-56 : Loi
concernant la procréation assistée. Au moment de
l’ajournement des travaux pour l’été, le projet de
loi avait été adopté en deuxième lecture à la
Chambre des communes et se trouvait à l’étape du
comité.
Comparaison avec l’étranger
Les nombreuses techniques de reproduction présentent
une très grande diversité, allant des techniques très
simples aux techniques très complexes et très
spécialisées. Ainsi, les traitements pharmaceutiques
pour déclencher l’ovulation sont simples et sous le
contrôle de la femme, tandis que la fertilisation in
vitro est une technique invasive. On prévoit que les
manipulations génétiques deviendront très
compliquées dans un proche avenir. Aussi bien les
personnes infertiles que les personnes fertiles qui
veulent éviter de donner à leur enfant une maladie
génétiquement transmissible pourront s’en prévaloir.
Chaque technique soulève des questions médicales,
éthiques, sociales et économiques particulières et doit
être évaluée du point de vue de la loi et des
règlements.
Les prochaines sections comparent les lois et
règlements de divers pays, à savoir :
les mesures législatives générales de pays comme
l’Australie et les États-Unis, qui sont des
fédérations comme le Canada;
les mesures législatives ciblées de certains pays
européens comme le Danemark, l’Allemagne,
l’Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni
(voir à l’annexe 2 le tableau comparatif des lois de
plusieurs pays européens);
les résolutions et conventions adoptées par des
organismes internationaux dont le Canada est
membre.
Australie et États-Unis
Dans ces fédérations, les États ou territoires ont pris
l’initiative des lois régissant les TRG. Comme au
Canada, le rôle du gouvernement fédéral en matière de
santé est précisé par la Constitution. Par conséquent,
la normalisation des règlements au niveau national
suppose la collaboration des divers ordres de
gouvernement.
À l’échelon fédéral, l’Australie a interdit le clonage
pour la reproduction. En avril 2002, le premier
ministre australien a informé les premiers ministres
des États qu’il était permis d’utiliser des embryons
pour la recherche sur les cellules souches et que des
mesures législatives seraient prises afin d’interdire le
clonage et d’établir les conditions régissant
l’utilisation des embryons pour la recherche. Le
27 juin 2002, le projet de loi a été déposé au
Parlement fédéral. Une fois qu’il aura été adopté, les
lois des États devront être conformes au cadre fédéral.
Trois États australiens (Victoria, Australie du Sud,
Australie de l’Ouest) se sont dotés de lois exhaustives.
En 1984, l’État de Victoria a créé un précédent en
pays de common law en adoptant une loi sur les
procédures médicales contre l’infertilité. Cette loi
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traitait de diverses questions comme l’identité des
donneurs de sperme, le counseling des futurs parents,
les mères de substitution et la recherche sur les
embryons; elle créait également un comité de
surveillance et consultatif permanent chargé de suivre
l’évolution de la question.
Cette loi a été remplacée en 1995 par la Infertility
Treatment Act (Loi sur le traitement de l’infertilité),
qui contient la plupart des dispositions de la loi
précédente, mais interdit toute recherche destructive
sur l’embryon. Elle crée un organisme responsable du
traitement de l’infertilité qui délivre des permis aux
centres, médecins, conseillers et chercheurs qui
travaillent dans le secteur des techniques de
reproduction.
Le gouvernement des Nouvelles-Galles du Sud
envisage actuellement le même genre de loi. Il revoit
sa Human Tissue Act of 1983 (Loi sur les tissus
humains) et doit choisir d’inclure ou non les
techniques de reproduction assistée. Cinq des six
États de l’Australie et le territoire de la capitale
australienne ont une loi traitant de la maternité de
substitution.
Les États-Unis n’ont aucune loi fédérale sur les
techniques de reproduction, si ce n’est l’exigence que
toutes les cliniques de fertilité fassent rapport sur le
taux de réussite des grossesses. Plusieurs variantes de
projets de loi interdisant le clonage ont été déposées
aux États-Unis. Un projet de loi interdisant toutes les
formes de clonage a été adopté en 2001 à la Chambre
des représentants, mais il a été défait au Sénat en
2002. Un autre qui interdirait seulement le clonage
pour la reproduction vient d’être déposé.
La plupart des États ont adopté des lois plus ou moins
exhaustives en ce domaine; ils réglementent les
techniques de reproduction par l’entremise de leur
ministère de la Santé ou encore permettent
l’autoréglementation des corps professionnels. Par
exemple, l’Arkansas a une loi sur la détermination des
parents légaux dans les cas d’insémination artificielle.
La Floride dispose également d’une loi exhaustive,
qui traite de la détermination des parents. La
American Society for Reproductive Medicine fournit
des renseignements sur les lois des États relativement
à la couverture accordée par l’assurance.
Les tentatives du Président d’interdire le clonage
humain ont échoué. Les mesures législatives
fédérales ont tendance à faire appel à des moratoires
volontaires et au refus de financer certains types de
recherche. Ainsi, la loi fédérale actuelle interdit que
des fonds fédéraux servent à faire du tort à des
embryons humains. Cela comprend la recherche sur
les cellules souches d’embryons. Le 9 août 2001, le
président a déclaré que les fonds fédéraux ne
pouvaient pas servir à mener des recherches sur les
cellules souches d’embryons, sauf sur les lignées de
cellules qui existaient déjà à cette date.
Europe
Plusieurs pays européens disposent de lois sur les TRG.
Les premières mesures ont porté sur la reproduction
assistée, tandis que les dispositions plus récentes
portent sur la manipulation génétique.
La Suède a été un des premiers pays à réglementer ce
dossier lorsqu’elle a adopté sa loi sur l’insémination en
1985. Cependant, l’objet de cette loi n’est pas de
restreindre la reproduction assistée, mais de protéger
les enfants qui naissent en précisant l’identité et les
responsabilités des parents sur les plans sociologique et
biologique. Depuis la Suède a présenté une mesure
législative sur la fécondation in vitro (1989) et une
autre qui interdit le clonage humain (1991).
L’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni et, plus
récemment, le Danemark ont suivi, en se dotant de lois
de plus en plus exhaustives. Pour l’essentiel, le clonage
humain et la recherche sur les embryons sont interdits
ou extrêmement restreints; l’utilisation post-mortem
des ovules, spermatozoïdes et embryons (conservés au
froid ou extraits) est interdite. L’accès aux techniques
de reproduction est réservé essentiellement aux couples
hétérosexuels mariés ou de longue date. Le Royaume-
Uni semble avoir une loi plus permissive qui n’interdit
pas le clonage comme tel, mais les dernières mesures
adoptées interdisent de transférer un embryon cloné
dans le corps d’une femme. Le tableau (annexe 2)
donne plus de détails sur ces questions ainsi que sur le
diagnostic pré-implantatoire, la maternité de
substitution, les hybrides animal-humain, l’homo-
logation des cliniques de fertilité, etc.
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Organismes internationaux
Le Canada fait partie – à titre de membre ou
d’observateur – de plusieurs organismes internationaux
qui cherchent à uniformiser les pratiques d’un pays à
l’autre. Indépendamment des critères appliqués dans le
choix de leurs membres, ces organismes ont souvent
pour objectif d’élaborer des instruments et des
recommandations de portée internationale et, à terme,
d’amener les pays à les ratifier en adoptant des lois
pertinentes.
Les Nations Unies constituent le meilleur exemple
dans le domaine des TRG, grâce au travail de
l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la
science et la culture (UNESCO) et de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS). Ainsi, l’UNESCO a
présenté sa position officielle sur le clonage humain
dans la Déclaration universelle sur le génome humain
et les droits de l’homme de 1997. Cette déclaration
interdit strictement le clonage humain pour la
reproduction, et tous les membres de l’UNESCO l’ont
signée, y compris le Canada. L’OMS a adopté en
1997 une résolution, que le Canada a appuyée, pour
affirmer que le recours au clonage pour la
reproduction d’êtres humains est moralement
inacceptable et contraire à l’intégrité et à la moralité
de la personne.
Conclusion
Bref, le Canada peut s’inspirer de nombreux modèles
de règlements. Plusieurs pays revoient actuellement
leurs mesures législatives en vigueur, tandis que
d’autres envisagent d’adopter une première loi.
(L’information présentée dans ce document était à
jour en juillet 2002.)
Le rapport de la Commission royale recommandait
que soit créée une commission nationale chargée
d’examiner les procédures et la recherche relatives
aux TRG. Selon le rapport, les activités essentielles
de cette commission devraient comprendre : le
contrôle des permis et le suivi; l’établissement de
directives et de normes; la collecte, l’évaluation et la
diffusion des données; la conservation des dossiers; le
contrôle des techniques et des pratiques futures; la
consultation, la coordination et la coopération
intergouvernementales. En créant un organisme
national chargé de l’ensemble des TRG, comme celui
proposé dans le projet de loi C-56, le Canada pourrait
faire œuvre de pionnier à l’échelle mondiale.
Notes
(1) Les techniques de reproduction comprennent les
procédés et la recherche qui manipulent le processus normal
de conception, notamment l’insémination par donneur et la
fécondation in vitro.
Les techniques génétiques mettent en jeu l’examen ou la
manipulation des ovules, des spermatozoïdes, des embryons
ou d’autres matières génétiques humaines en vue de la
reproduction.
La plupart des termes spécialisés utilisés dans le présent
document sont définis à l’annexe 1.
préparé par
Sonya Norris et Nancy Miller Chenier
Direction de la recherche parlementaire
Pour en savoir plus…
Voir la bibliographie ainsi que les hyperliens internes et externes
de la version Web du présent document à :
http://intraparl/36/map_sv_lib-f.htm
ou composer le (613) 996-3942
ANNEXE 1
Glossaire(1)
Bioéthique : Élaboration de jugements et de compromis dans le but de produire des directives et des
lignes de conduite dans les domaines de la médecine et des sciences de la vie.
Choix du sexe pour des raisons non médicales : Emploi de diverses techniques avant ou après la
conception en vue d’assurer la naissance d’un enfant du sexe voulu. Ces techniques peuvent
également être utilisées pour des motifs médicaux dans le but de prévenir la naissance d’un
enfant atteint d’une maladie liée au sexe.
Clonage : Le fait de produire des animaux génétiquement identiques.
Clonage d’embryon humain : Procédé qui consiste à diviser un embryon de manière que le matériel
génétique soit réparti entre les différentes parties. Les embryons issus de ce procédé ont un
patrimoine génétique identique.
Contrat de maternité de substitution ou contrat de mère porteuse : Entente conclue avant la
conception, par laquelle une femme s’engage à concevoir et à porter un enfant afin de le
donner ensuite à une ou plusieurs personnes. La femme qui donne ainsi naissance à un enfant
peut recevoir une rémunération ou pas. S’il y a rémunération, c’est généralement sous forme
d’argent. Il existe deux types de contrats de maternité de substitution :
Contrat de maternité de substitution génétique : La mère porteuse est inséminée
artificiellement; elle porte le bébé jusqu’à terme puis elle le remet au père biologique (et à
sa conjointe ou à son partenaire, le cas échéant) à des fins d’adoption. La femme qui
donne naissance à l’enfant est la mère biologique de ce dernier.
Contrat de maternité de substitution non génétique : Une femme se fait implanter dans
l’utérus l’ovule fécondé d’une autre femme et porte l’enfant à terme. Elle n’est pas la mère
biologique de l’enfant. Le couple qui a fourni l’ovule et le sperme pour produire
l’embryon adopte ensuite l’enfant.
Dépistage génétique : Utilisation de tests pour obtenir des renseignements génétiques sur des
individus présentant un plus grand risque d’hériter d’un trait ou d’une maladie.
Diagnostic pré-implantatoire : Diagnostic de troubles génétiques ou détermination du sexe d’un
embryon obtenu par FIV avant son transfert dans l’utérus.
Diagnostic prénatal (DNP) : Examens précédant la naissance et visant à déterminer si le fœtus
présente une malformation ou souffre d’une affection; ces examens peuvent également
permettre de déterminer le sexe du fœtus.
Don d’ovules : Don d’ovules d’une femme à une autre. Les ovules sont habituellement recueillis
dans l’ovaire après traitement avec des médicaments favorisant la fertilité. La donneuse
d’ovules peut être une volontaire en bonne santé ou une patiente qui subit une stérilisation, une
hystérectomie, ou encore un prélèvement d’ovules pour son usage personnel ultérieur. La
(1) Tiré de la publication Nouvelles techniques de reproduction: fixer des limites et protéger la santé,
annexe B, Santé Canada, juin 1996.
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