MARDI 26 AVRIL 2016 LE NOUVELLISTE SUISSE MONDE ÉCONOMIE <wm>10CAsNsjY0MDA207UwMjMxMwQARFxRZA8AAAA=</wm> <wm>10CFWKOw6AMAzFTpTqvaQNhYyoG2JA7F0QM_ef-GwMlizLyxIl4WNu6962IGAuVT07w5jTI0GzpFoDWYuCPmGkkV74-8UceEJ_H0EWLR2jUIVDZ0W6jvMGBkbFRXIAAAA=</wm> Pourquoi développer 12 embryons? VOTATIONS DU 5 JUIN La loi sur la procréation médicalement assistée, en votation le 5 juin, autorise les couples à cultiver plusieurs embryons et sélectionner celui qui a le plus de chance de survie. Pour comprendre les enjeux de ce scrutin, une plongée dans l’univers de la procréation assistée s’impose. SANDRINE HOCHSTRASSER «La loi va trop loin», clament les référendaires. Le diagnostic préimplantatoire (DPI) ouvre la porte à «la sélection humaine sans limite», estime une cinquantaine de députés de droite comme de gauche. Ils appellent à voter non le 5 juin, car le projet du parlement va plus loin que celui prévu par le Conseil fédéral. «Il autorise les tests chromosomiques et le développement de douze embryons», fustigent-ils. Mais de quoi parle-t-on? Une plongée dans l’univers de la procréation assistée s’impose pour comprendre les enjeux de ce scrutin, avec les explications de Dorothea Wunder, membre de la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine et gynécologue au Centre de procréation médicalement assistée (CPMA) à Lausanne. 1. LORS D’UNE FÉCONDATION IN VITRO Plantons le décor: un couple qui n’arrive pas à avoir d’enfant. Ayant découvert que le sperme de l’homme était de mauvaise qualité, ils décident de recourir à une fécondation in vitro: «un traitement assez lourd pour la femme», précise Dorothea Wunder. «Elle doit s’injecter des hormones une à deux fois par jour pour stimuler la croissance d’ovocytes (les cellules reproductrices féminines).» Une dizaine de jours plus tard, quand celles-ci arrivent à maturation, la femme est anesthésiée et les ovules prélevés. «Le but est d’en avoir une dizaine. Mais il peut y en avoir moins si la femme a plus de 35 ans», nuance la gynécologue. Au laboratoire, un spermatozoïde est injecté dans chaque ovule et la fusion des noyaux (de l’ovule et du spermatozoïde) peut commencer. Le succès n’est pas garanti: seuls 60 à 70% des ovules se fécondent correctement et deviennent des pré-embryons formés d’une seule cellule. Nous sommes au premier jour de la fécondation. C’est là que la nouvelle loi entre en jeu, si elle est acceptée. 2. AUJOURD’HUI: DES EMBRYONS CHOISIS AU HASARD A l’heure actuelle, seuls des préembryons peuvent être congelés. Le médecin en prend – au hasard – trois maximum qu’il développe en culture. Les autres sont conservés au congélateur. Après deux ou trois jours, le médecin dépose dans l’utérus de la mère tous les embryons développés. Ce qui augmente les chances de succès, mais également de grossesse multiple. «La femme femme donnera naissance «à desLajumeaux z dans 15 à 20% des cas, alors que ce taux n’est que de 1 ou 2% dans la nature.» DOROTHEA WUNDER GYNÉCOLOGUE AU CENTRE DE PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE À LAUSANNE donnera naissance à des jumeaux dans 15 à 20% des cas, alors que ce taux n’est que de 1 ou 2% dans la nature. Voilà pourquoi nous ne préfé- rons pas mettre plusieurs embryons dans l’utérus», glisse la spécialiste. Si la tentative échoue, deux ou trois ovules fécondés seront dé- Des inquiétudes face à un test systématique Le diagnostic préimplantatoire (DPI) va conduire à une «sélection systématique» des embryons, s’inquiète le comité qui a lancé le référendum contre la loi sur la procréation assistée. «Tous les embryons ayant un «défaut» seront rejetés de manière eugéniste», souligne-t-il. «Toutes les fécondations in vitro ne seront pas accompagnées du DPI. Ce ne serait pas sensé», conteste Dorothea Wunder, membre de la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine et gynécologue au Centre de procréation médicalement assistée (CPMA) à Lausanne. «C’est un test invasif pour l’embryon, puisque l’on prélève des cellules. Certaines études ont montré que les chances d’avoir une grossesse après un DPI ne sont pas plus élevées, même si l’embryon n’a pas de défaut chromosomique, car il y a probablement un risque que l’embryon soit affaibli et qu’il s’implante moins bien dans l’utérus de la mère», poursuit la gynécologue. «Il ne serait donc pas adéquat de faire ce test systématiquement. Il faut une indication, un risque de maladie génétique grave et incurable.» Par ailleurs, le DPI ne sera pas pris en charge par l’assurance obligatoire. «A l’heure actuelle, une fécondation in vitro avec DPI coûte plus de 10 000 euros à l’étranger.» Les couples auront donc le choix, y compris avec la nouvelle loi. «Selon leurs convictions, ils pourront décider de ne développer qu’un seul embryon et de congeler que des ovocytes ou des pré-embryons.» } congelés pour recommencer le processus. Douze pré-embryons peuvent donc être développés aujourd’hui… en plusieurs fois. 3. EN CAS DE OUI LE 5 JUIN: LE DÉVELOPPEMENT DE DOUZE EMBRYONS Avec la nouvelle loi, la congélation pourra se faire à un stade plus avancé, au 5e ou 6e jour de développement. Théoriquement, douze embryons pourront être développés d’un coup. «Le médecin pourra cultiver l’ensemble des ovules fécondés et choisir celui qui a le plus de chance de survie. Il n’implantera qu’un seul embryon dans l’utérus. Ce qui réduira les risques de grossesse multiple», souligne la gynécologue. Les autres embryons seront placés au congélateur, s’ils n’ont pas arrêté de se développer d’eux-mêmes. «Seuls 2 embryons en moyenne sur 10 arrivent à ce stade de développement et donnent une grossesse», précise-t-elle. Dans le meilleur des cas, le médecin aura donc 2 ou 3 embryons à disposition. Il pourra alors, sur demande des parents, procéder au diagnostic préimplantatoire. Il prélèvera des cellules sur chacun des embryons et les enverra au laboratoire génétique. 4. LE TEST GÉNÉTIQUE Le comité qui a lancé le référendum contre la loi sur la procréation assistée craint une dérive vers l’eugénisme. KEYSTONE Le médecin, le généticien et les parents auront déterminé, avant de commencer la fécondation in vitro, ce qu’il y a lieu de chercher dans l’ADN de l’embryon. Par exemple: a-t-il un défaut sur un gène qui provoquerait la mucoviscidose? A-t-il 23 paires de chromosomes à l’intérieur de ses cellules ou a-t-il trois chromosomes 21 (syndrome de Down)? Selon la loi, les parents pourront seulement vérifier si l’embryon est porteur d’une «maladie génétique grave» qui ne peut être «traitée». Ils ne pourront pas s’amuser à faire un tri en fonction du sexe ou de la couleur des yeux. Reste que cette définition est sujette à interprétation. Et les référendaires pointent le risque que la «liste de critères de sélection ne cesse de s’allonger». S’ils ne contestent pas que le DPI soit utilisé par des couples porteurs d’une maladie héréditaire, ils redoutent que cette technique soit accessible à tous les couples qui ont des problèmes de fertilité. Six mille en moyenne recourent à une fécondation in vitro chaque année. «Le paradoxe de cette votation, c’est que tous ces tests génétiques sont autorisés une fois que l’embryon se développe dans le ventre de la mère», note Dorothea Wunder. «Depuis des décennies, les parents peuvent faire une amniocentèse pour détecter une anomalie chromosomique et avorter.» Le panel des tests, en cours de grossesse, s’est d’ailleurs étoffé avec la mise sur le marché en 2012 de tests génétiques prénataux, qui peuvent être réalisés par une simple pris de sang. }