Evaluation des simulations climatiques sur la variabilité du
géopotentiel : étude préliminaire
L. DECLERCK1,2, C. NORRANT-ROMAND1, V. FEVRE-NOLLET2
1UFR de Géographie et Aménagement, EA 4019 TVES, Avenue Paul Langevin, Université Lille
1, 59 655 Villeneuve d'Ascq Cedex
2Laboratoire de Physico-Chimie des Processus de Combustion et de l'Atmosphère (PC2A),
UMR CNRS USTL 8522, Bât. C11, Université Lille 1, 59 655 Villeneuve d'Ascq Cedex
Mots clefs : modèle de circulation générale – Atlantique Nord et Europe – évaluation
scénario – changement climatique – géopotentiel 500 hPa
Introduction
Le changement climatique, avéré par la majorité de la communauté scientifique dans
laquelle s'inscrit le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du
Climat), se reflète essentiellement par la hausse de la température moyenne globale
[1]. Il se pourrait néanmoins qu'il engendre d'autres conséquences notamment sur la
variabilité de la circulation atmosphérique. Solman et Le Treut (2006) [2] se sont
intéressés à l'état atmosphérique futur sous l'angle de la variabilité contraint par un
forçage anthropique de gaz à effet de serre. S'il existe une contrainte sur la variabilité
atmosphérique, il se peut que cela impacte la diffusion des polluants, sans oublier les
concentrations susceptibles d'évoluer en raison des températures plus élevées [1].
C'est ce que nous cherchons à détecter à travers les modes de variabilité basse
fréquence (fluctuations spatiales et variations temporelles).
Le champ géopotentiel 500 hPa caractérisant les pressions d'altitude est utilisé par le
biais de jeux de données moyennées mensuellement. Pour étudier des modifications
de la variabilité atmosphérique au 21ème siècle, seuls les Modèles de Circulation
Générale couplés Océan Atmosphère (MCGOA) en offrent la possibilité, mais leur
utilisation suppose d'évaluer leur reproductibilité préalablement. De ce fait, nous
présentons d'abord l'étude d'évaluation du modèle HadCM3 du Hadley Centre en le
confrontant aux réanalyses NCEP faisant office de série de référence. Ensuite, dans
le but d'évaluer les éventuelles modifications pronostiquées par le modèle, le champ
géopotentiel simulé de la fin du 21° siècle décrit d'après le scénario A2 du GIEC est
analysé.
1. Données et méthodes
1.1. Séries chronologiques
Les séries chronologiques de données utilisées et traitées dans cette étude
proviennent des centres NCEP/NCAR (National Centers for Environmental Prediction
– National Center for Atmospheric Research) pour une partie et du modèle
numérique du service météorologique national de Grande-Bretagne, le Hadley
Centre pour une autre. Chacune d'elles représentent des moyennes mensuelles de
hauteurs géopotentielles du niveau 500 hPa permettant ainsi d'exprimer la
dynamique de l'atmosphère et plus particulièrement la variabilité inter-annuelle de la
circulation atmosphérique d'altitude (géopotentiel 500 hPa équivaut en moyenne à
6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010
5560 mètres). Les séries dépeignent donc des pressions atmosphériques
correspondant au niveau géopotentiel 500 hPa à partir d'une fenêtre spatiale
englobant l'Atlantique Nord et l'Europe (60°W, 60°E ; 20°N, 70°N). Précisons enfin
que la période hivernale est étudiée au travers des mois de décembre, janvier et
février analysés individuellement en raison d'une plus grande facilité d'identification
des dynamiques atmosphériques due à une circulation plus rapide.
Notre but dans un premier temps étant d'évaluer le modèle de simulation, une série
qualifiée de référence est utilisée, il s'agit des réanalyses NCEP-NCAR étendues
temporellement sur une période déjà écoulée constituée de trois décennies, de 1960
à 1989. Les réanalyses ne sont pas uniquement des observations, c'est la
combinaison d'informations provenant de simulations fournies par un modèle de
circulation générale (CDAS-1) [3] qui les caractérisent. Ces associations fournissent
des données réanalysées de catégorie A, ce qui signifie qu'elles sont faiblement
empreintes d'incertitudes [3]. Les réanalyses sont fournies à la résolution 2,5° x 2,5°
[3]. La série de référence est confrontée à une simulation issue du modèle sur la
même période. Le modèle désigné est le HadCM3 qui est un modèle de climat global
couplé océan atmosphère [4, 5, 6]. Ce dernier est composé de deux composantes
majeures, l'une intégrant l'aspect océanique du système climatique par le biais du
modèle HadOM3, l'autre se substituant à l'aspect atmosphérique via le modèle
HadAM3 [7] de résolution horizontale de 2,5° en latitude et de 3,75° en longitude,
pour une gille constituée de 96x73 points. HadOM3 dispose d'une résolution
horizontale plus fine de 1,25° x 1,25°. Aucun forçage anthropique n'est intégré dans
cette simulation, il s'agit de la simulation dénommée 20c3m décrivant le climat du
20ème siècle.
Comme indiqué plus haut, dans un second temps, l'objectif est d'examiner la
variabilité atmosphérique prédite par le modèle Hadley pour des années futuristes. A
cette fin une série complémentaire est employée : la simulation décrivant les
pressions d'altitude pour la fin du 21ème siècle (nous parlerons de période future :
2070 à 2099) d'après les orientations climatiques exposées par le scénario A2 du
GIEC. Ce scénario prévoit une concentration de CO2 en 2100 de l'ordre de 840 ppm,
les agents de forçage incluent les gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O) ainsi que les
effets directs des aérosols sulfatés. A travers l'examen des variables générées, il
dépeint en quelque sorte le changement climatique (actuel) tel qu'il pourrait se
concrétiser au cours du siècle à venir, permettant par la même occasion d'examiner
les conséquences du changement climatique sur la variabilité de la circulation
atmosphérique.
1.2. Méthodes
Pour accomplir une évaluation pertinente d'un modèle de simulation du climat par
rapport à des réanalyses, il est indispensable de comparer des variables établies
d'après une grille commune. En ce sens, les séries modélisées, qu'elles établissent
la période actuelle (1960-89) ou la période future (2070-99), ont été
rééchantillonnées (sur la grille 2,5° x 2,5°) au moyen d'une interpolation
géostatistique par krigeage. De cette manière, chacune des séries étudiées
comporte 1029 points de grille (49 points en longitude et 21 points en latitude).
Pour évaluer la qualité du champ géopotentiel simulé sur la période actuelle, nous
confrontons les résultats de la simulation aux réanalyses. Plusieurs aspects sont
considérés : la variabilité spatiale qui repose sur les modes de variabilité
atmosphérique basse fréquence et la variabilité temporelle au cours de la période
6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010
considérée associée aux modes. La recherche des corrélations (r) [8] entre les
réanalyses et la simulation participe à la comparaison des séries. Cette technique
assez simple permet de soustraire l'ordre de grandeur des séries du processus de
comparaison de la variabilité des pressions.
Les caractéristiques spatiales et temporelles des modes de variabilité basse
fréquence au-dessus de la fenêtre d'étude déterminées à partir du champ
géopotentiel 500 hPa sont identifiées au moyen d'Analyses en Composantes
Principales (ACP) avec rotation Varimax normalisée. L'ACP est une méthode
statistique d'analyse des données employée communément pour réduire le nombre
de variable de la matrice. La technique consiste à dégager à partir de la matrice
originelle les associations corrélatives entre variables et à distinguer les variables
corrélées des variables non-corrélées. Les structures corrélatives sont regroupées au
sein de ce qu'on appelle les composantes principales ou facteurs.
Les ACP ont été exécutées sur les réanalyses ainsi que sur les simulations et
paramètrent les données de pression en variables et l'échelle temporelle en
observations. L'avantage de la rotation Varimax normalisée [9] est la préservation de
l'orthogonalité des facteurs permettant de conserver au facteur la part de la variance
qui lui est propre.
Deux principaux résultats sont extraits des ACP avec rotation permettant de
caractériser les principaux modes de variabilité basse fréquence. Les poids factoriels
définissent les corrélations des variables aux facteurs, ce sont eux qui déterminent
spatialement les modes. Les scores factoriels caractérisent quant à eux les
fluctuations temporelles des facteurs et donc des modes de variabilité. C'est donc à
partir des poids et des scores reliés aux facteurs que les corrélations ont été
effectuées entre les séries (réanalyses/simulation 20c3m).
Par la suite, lors de l'étude du géopotentiel simulé futur, les tendances linéaires des
modes obtenues à partir des scores factoriels sont testées par le test de Kendall afin
d'exprimer les tendances significatives. Ce test ne prend pas en compte l'effet de
taille des séries, c'est-à-dire leur amplitude.
2. Evaluation du modèle de simulation du climat
Le champ géopotentiel 500 hPa du domaine d'étude sur la période actuelle (1960-
89) tel qu'il est simulé par le modèle de circulation générale HadCM3 est comparé à
celui des réanalyses dans le but d'apprécier la reproductibilité du modèle. La
comparaison se repose uniquement sur les modes de variabilité similaires entre les
séries, ici entre les réanalyses et la simulation 20c3m. Elle se fonde dans une
première étape sur les corrélations des poids factoriels entre séries et dans une
seconde étape sur les scores entre séries.
2.1. Structures spatiales des modes de variabilité
L'analyse des ACP avec rotation a permis de conserver 6 facteurs (donc 6 modes de
variabilité différents) des mois de décembre et janvier pour les deux jeux de données
et 5 pour le mois de février, également pour chacune des séries. La figure 1 montre
quelques uns des modes de variabilité qui affectent le géopotentiel 500 hPa.
6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010
DECEMBR
E
(20,94 %)
JANVIER
FEVRIER
(16,28 %)
(11,93 %) (10,71 %)
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
Longitude
20
30
40
50
60
70
Latitude
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
Longitude
20
30
40
50
60
70
Latitude
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
Longitude
20
30
40
50
60
70
Latitude
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
Longitude
20
30
40
50
60
70
Latitude
(12,97, %) (11,69, %)
(23,74 %) (18,75, %)
(20,27 %) (13,30 %)
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
20
30
40
50
60
70
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
20
30
40
50
60
70
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
20
30
40
50
60
70
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
20
30
40
50
60
70
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
20
30
40
50
60
70
-60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
20
30
40
50
60
70
Figure 1 : structures spatiales correspondant aux modes de variabilité extraits des
poids factoriels par les ACP avec rotation. Décembre : centre et sud-est Atlantique,
est Atlantique-ouest Russie ; janvier : Méditerranée orientale, oscillation nord
Atlantique ; février : mer du Nord-mer Caspienne. A gauche : réanalyses ; à droite :
simulation 20c3m. La variance expliquée par chacun des modes est exprimée en %
entre parenthèses.
L'Oscillation Nord Atlantique (ONA), dont le schéma a été extrait de chacun des mois
d'hiver, est l'un des principaux modes de variabilité affectant la pression
atmosphérique de l'hémisphère nord [10]. On peut le présenter comme un dipôle
6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010
d'anomalies fortement marqué par le gradient nord-sud, un centré localisé à
proximité du Groenland [11], le second de signe opposé au large des côtes de
l'Afrique du nord. Seules les configurations ONA et centre et sud-est Atlantique (dont
aucune référence dans la littérature n'a été trouvée) ont été dégagées des poids
factoriels pour l'ensemble de la période hivernale. Le schéma centre et sud-est
Atlantique a une représentation basée majoritairement sur deux pôles d'action sur la
moitié ouest de la fenêtre d'étude. L'Atlantique Nord (30°W, 50°N) en héberge un,
par ailleurs plus ou moins décalé vers l'ouest et la partie sud-ouest abrite le second,
fixé à proximité des côtes africaines (30°W, 25°N).
REANALYSES CONFIGURATION SIMULATION Variance
expliquée Nom Variance
expliquée
DECEMBRE
20,94 %
17,90 %
12,97 %
9,11 %
15,27 %
8,67 %
-
-
Centre et sud-est Atlantique (0,85)
Oscillation nord Atlantique (0,74)
Est Atlantique-Ouest Russie (0,80)
Méditerranée orientale (0,33)
Mer du Nord-Caspienne
Oscillation Méditerranéenne
Méditerranée occidentale
Scandinavie
16,28 %
15,98 %
11,69 %
14,23 %
-
-
13,86 %
8,27 %
JANVIER
9,57 %
23,74 %
14,93 %
11,93 %
8,80 %
13,53 %
-
Centre et sud-est Atlantique (0,84)
Oscillation nord Atlantique (0,91)
Est Atlantique-Ouest Russie (0,52)
Méditerranée orientale (0,79)
Méditerranée occidentale (0,76)
Mer du Nord-Caspienne
Scandinavie
12,63 %
18,75 %
16,25 %
10,71 %
10,26 %
-
12,39 %
FEVRIER
18,41 %
19,28 %
9,75 %
20,27 %
11,13 %
Centre et sud-est Atlantique (0,90)
Oscillation nord Atlantique (0,97)
Méditerranée orientale (0,42)
Mer du Nord-Caspienne (0,61)
Ouest Russie (0,75)
22,68 %
19,82 %
9,70 %
13,30 %
10,93 %
Tableau 1 : variances expliquées de chacune des configurations (en %)
accompagnées des coefficients de corrélation (entre parenthèses) calculés à partir
des poids factoriels lorsque les réanalyses et la simulation possèdent un schéma
similaire et ce pour chacun des mois.
Le mois de décembre partage deux autres configurations similaires entre les
réanalyses et la simulation 20c3m. Méditerranée orientale [12] est l'une d'elles, elle
affiche une bande de corrélations fortement marquées tronquée par les limites du
domaine au niveau de la mer Rouge, un second pôle est visible, nettement moins
marqué celui-là, il recouvre approximativement l'Europe. Le mois de décembre
expose aussi le schéma dénommé est Atlantique-ouest Russie [10] constitué d'un
pôle majeur fortement corrélé à l'ouest de la Russie accompagné d'un deuxième pôle
plus discret au niveau de la Grande-Bretagne. Le mois de janvier montre également
le schéma est Atlantique-ouest Russie sur lequel le pôle occidental est fortement
corrélé. Ajouté à celui-là et aux trois précédents, le mois de janvier affiche la
configuration intitulée Méditerranée occidentale [12] présentant un unique pôle très
fortement corrélé au-dessus du Sahara occidental, et tout particulièrement l'Algérie.
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