COMPTES RENDUS
automne 2007 Revue militaire canadienne 101
MILITARY ETHICS: THE DUTCH
APPROACH – A PRACTICAL GUIDE
Th. A Van Baarda et D.E.M. Verweij (rédacteurs)
Netherlands Defence Academy
Leiden, Pays-Bas, et Boston, MA: Brill Academic Publishers, 2006
396 pages, 132 $US
ISBN-10: 900415440X
Un compte rendu de Daniel Lagacé-Roy, Ph.D.
Au début de la décennie 1990, le major-
général Messerschmidt, alors commandant
de la Royal Netherlands Army (Koninklijke
Landmacht), recommande l’adoption d’un
code d’éthique au sein de l’effectif militaire
afin d’améliorer la qualité de la formation portant sur les
dilemmes moraux. La Royal Military Academy embauche
donc des éthiciens et, au cours de l’automne 1999, le ministère
de la Défense met sur pied le Bureau de l’éthique et les
Forces armées. Peu après, le secrétaire d’État à la Défense
confie à ce bureau le soin de rédiger un premier ouvrage ayant
pour titre Militaire ethiek – morele dilemmas van militairen
in theorie en praktijk (2002). Puis vient un deuxième livre
intitulé Praktijkboek Militaire Ethiek, traduit en anglais, mais
à cette différence près que la version anglaise comporte un
nouveau chapitre un.
Military Ethics: The Dutch Approach – A
Practical Guide traite des aspects pratiques et
méthodologiques liés aux questions d’éthique.
Destinée aux responsables de la formation
et de l’enseignement, cette publication est
l’une des rares à aborder le sujet en le
rattachant au contexte militaire. Quiconque
s’intéresse au thème de l’éthique militaire
trouvera cet ouvrage utile. Il s’agit en somme
d’un outil pédagogique qui prépare les
militaires à reconnaître et à comprendre les
dilemmes moraux et leur permet d’améliorer
leur comportement lorsqu’ils exécutent
une opération.
Le livre comporte trois grandes sections. La première
englobe les trois premiers chapitres et examine la nature de
l’éthique sous l’angle de la pédagogie, du leadership et
du comportement durant les opérations. La deuxième, qui
s’étend sur huit chapitres, aborde surtout l’éthique telle
qu’on l’observe dans les milieux du service (marine, armée
de terre, armée de l’air), des unités (Maréchaussée royale,
force constabulaire) et des postes de soutien (soins de santé,
psychologie, travail social et counseling). La troisième
section comprend cinq chapitres. Elle met l’accent sur la
formation et sur le développement du jugement moral des
militaires en ayant recours à un modèle dynamique et à la
méthode pédagogique socratique (maïeutique).
Dans la première section, en particulier au chapitre un,
les rédacteurs jettent les bases qui déterminent la suite
du livre. Ils présentent, par exemple, la nature de l’éthique
militaire comme une « forme d’éthique appliquée » et une
« matière à enseigner ». Cette matière nécessite une approche
particulière qui mise notamment sur l’autoperfectionnement
des militaires (formation du caractère) et sur la reconnais-
sance de la nature fondamentale de cette profession. Les
auteurs insistent sur l’importance du perfectionnement,
condition essentielle à l’acquisition d’une compétence et
d’une intégrité morales. En ce qui concerne la profession,
l’étude de l’aspect leadership (chapitre deux) fournit
l’occasion de souligner que les dirigeants militaires donnent
le ton du « climat moral ». Enfin, le chapitre trois se penche
sur les questions liées à la moralité – ou à l’immoralité – du
comportement au cours des opérations et sur l’interprétation
à donner à ce comportement. Ces trois chapitres rappellent
au lecteur que l’éthique militaire exige des membres de
l’armée qu’ils poursuivent leur perfectionnement personnel,
professionnel et intellectuel pour être en mesure de composer
avec les dilemmes qui se posent durant les opérations.
Les chapitres quatre, cinq et sept à douze, rédigés pour
l’essentiel par des militaires en service actif dans diffé-
rentes forces armées nationales, divers milieux et emplois de
soutien, présentent des questions épineuses qui surgissent
dans plusieurs situations. Nous en retiendrons surtout que si
chaque militaire aborde à sa façon les dilemmes particuliers
auxquels il doit faire face, la préparation à
laquelle tous se livrent avant d’opter pour un
comportement éthique donné se ressemble
dans tous les cas. Par exemple, dans la Royal
Navy, l’enseignement de l’éthique encourage
le développement de l’identité des élèves
officiers (recherche de l’identité) en insistant
sur leur capacité de faire leurs propres choix
moraux. Dans l’armée britannique, on met
plutôt l’accent sur la « compétence morale des
soldats » qui, pour leur part, exécutent leur
tâche « ... selon une évaluation raisonnable
des faits pertinents ». Dans la Royal Air Force,
on fait appel au principe de la « compétence
morale » pour parvenir à la « connaissance et
aux habiletés » nécessaires à l’évaluation et à
la résolution de dilemmes moraux.
En ce qui a trait aux chapitres portant sur la
Maréchaussée royale et les emplois de soutien, les rédacteurs
précisent bien que pour chacun de ces champs de compétence,
il appartient aux membres d’exercer leurs fonctions confor-
mément à leurs propres valeurs et au cadre de référence établi
par la loi (Marechaussee), le serment (médecine), les normes
de conduite professionnelle (psychologie militaire), le code
de déontologie (travail social militaire) ou la ligne de
conduite (conseiller lié par le secret professionnel devant
une conduite indésirable). Il convient de souligner que ces
professions connaissent au moins un dilemme commun, soit
le conflit entre le code de conduite de leur profession respective
et celui de l’armée. La solution à ce dilemme moral
particulier attribuable au double rôle repose sur un « atout
majeur » : l’intégrité. Il faut donc savoir résoudre ce dilemme
en défendant à la fois « l’intérêt du client » et celui de
l’organisation.
102 Revue militaire canadienne automne 2007
COMPTES RENDUS
La dernière section du livre (chapitres treize à seize)
porte principalement sur la formation et sur l’enseignement
de l’éthique. En toute logique, le chapitre six devrait se
rattacher à cette section. Bien qu’il s’adresse aux sous-
officiers de l’armée britannique, l’information qu’il
contient pourrait se révéler fort utile à toute personne
intéressée par l’enseignement éthique. Le chapitre six a
pour principal objectif de faciliter « ... le processus de
croissance du stagiaire vers la maturité » et de préparer
les soldats « ... à réfléchir à une situation [faisant
appel à l’éthique] » en énonçant les principes de base
(connaissance, période-scénario, mise en scène) de l’enseigne-
ment de l’éthique. Voilà pourquoi il s’apparente beaucoup
au chapitre treize, dans lequel les auteurs proposent un
modèle dynamique conduisant à un jugement équilibré.
Le chapitre quatorze présente ce modèle étape par étape :
il s’agit d’une introduction à ses différents aspects, et
le recours à l’étude de cas en facilite l’application par le
professeur. Le chapitre constitue également un guide
détaillé qui permet à l’enseignant de parfaire le jugement
moral de l’élève.
Au chapitre quinze, les auteurs recommandent de
faire appel au dialogue socratique, qu’ils considèrent
comme une forme valable d’échange entre l’élève et le
professeur. L’avantage du dialogue socratique réside dans
le fait que « ... les parties sont elles-mêmes amenées
à réfléchir à la question soulevée; selon Socrate, la vérité
ne saurait avoir de sens si on ne la découvre pas pour
soi-même ». Le chapitre dix-sept propose une liste de
dilemmes d’ordre éthique qui permettent de se familiariser
avec la pratique de ce dialogue. Enfin, l’Annexe présente
trois grandes écoles de pensée éthique – la déontologie,
le conséquentialisme et l’éthique de la vertu – qui incarnent
des méthodes de raisonnement distinctes propres à la
résolution des dilemmes moraux.
En somme, Military Ethics: The Dutch Approach –
A Practical Guide est un outil pédagogique qui présente
l’enseignement de l’éthique selon la perspective de
plusieurs champs de compétence et constitue une
excellente source de renseignements en matière d’éthique
militaire. Bien documenté, l’ouvrage illustre les thèmes
à l’étude au moyen de dilemmes moraux pertinents. Il
aborde en outre une gamme de sujets qui aident l’instructeur
ou le professeur à saisir la nature de l’éthique militaire
et ce qu’implique l’enseignement de cette matière.
Toutefois, lorsqu’un livre ratisse aussi large, il
devient difficile d’éviter les redites. Pour échapper
à ces répétitions, il suffit à l’instructeur ou au professeur
de privilégier la matière des trois premiers chapitres
(les principes de base de l’éthique militaire), puis
de s’intéresser à un chapitre se rattachant à son
domaine de compétence et, enfin, de consulter les
chapitres portant sur le modèle dynamique et sur le
dialogue socratique.
Puisque l’ouvrage s’adresse d’abord aux instructeurs
et aux enseignants, le lecteur doit posséder une certaine
expérience du milieu militaire et du domaine de l’enseigne-
ment pour comprendre parfaitement les divers aspects
de l’argumentation. De plus, des connaissances en
psychologie et en philosophie l’aideront aussi à saisir
les nuances liées au développement du « jugement
moral ». La force de ce livre consiste à faire de l’éthique
un élément important pour composer avec l’environnement
complexe et chaotique dans lequel les soldats d’aujourd’hui
se trouvent plongés. Les auteurs reconnaissent en
outre que le sujet fait appel à un mode de pensée qui
requiert un certain niveau d’abstraction. Bien que
cela présente un avantage pour des élèves en formation
tenus de résoudre des dilemmes moraux dans le cadre
d’un cours, il peut s’agir d’une difficulté pour des
soldats aux prises avec leurs incertitudes au cœur
du combat ou dans le « monde réel ». Pour ces derniers,
le temps presse et ils n’arrivent souvent à s’interroger
sur un problème d’éthique que devant le fait accompli.
Cela dit, la nécessité d’enseigner l’éthique et d’acquérir
des compétences en la matière n’en demeure pas
moins réelle. Lorsqu’il s’applique au domaine militaire,
le raisonnement éthique représente un long processus
et nécessite donc du temps. Ce qui soulève une question
fondamentale : les forces militaires ont-elles du temps
à consacrer au véritable développement éthique de leurs
membres?
Dans l’ensemble, Military Ethics: The Dutch
Approach – A Practical Guide est très bien accueilli
dans le cercle plutôt restreint des éthiciens du domaine
militaire. L’ouvrage comble une lacune en énonçant des
principes de base qui favorisent l’adoption de saines
pratiques éthiques. Il s’agit d’une excellente lecture que
je ne saurais trop vous recommander.
Chercheur en éthique et leadership militaires à l’Institut de leadership
des Forces canadiennes, M. Daniel Lagacé-Roy, Ph. D., enseigne
actuellement le professionnalisme et l’éthique militaires au Collège
militaire royal du Canada. Au nombre de ses publications récentes,
citons L’éthique dans les Forces canadiennes : Des choix difficiles,
qui s’accompagne d’un guide de l’instructeur.
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