54]Dossier astrophysique
© Pour la Science - n° 372 - Octobre 2008
santes (dans le cœur des étoiles), de la pres-
sion de dégénérescence des électrons (dans
une naine blanche), ou encore de la force
nucléaire forte (dans une étoile à neutrons).
La gravité découle de la masse.
Un effondrement
inéluctable
Lorsque pour une raison ou une autre
– arrêt des processus à l’origine de la
pression, accrétion de matière supplé-
mentaire, etc. –, la gravité surpasse la pres-
sion, l’objet s’effondre sur lui-même. Si, de
façon ultime, au terme d’une série d’ef-
fondrements (selon la succession hiérar-
chique des forces de pression en jeu), la
gravité l’emporte, un trou noir se forme.
Une étoile initialement peu massive,
comme le Soleil, finit sous forme d’un objet
compact (naine blanche). L’effondrement
d’une étoile massive – typiquement de plus
de dix masses solaires – conduit en géné-
ral à son explosion en supernova, dont il
résulte une étoile à neutrons ou un trou
noir selon la masse, mais peut aussi abou-
tir directement à un trou noir. Un trou noir
stellaire est donc l’étape finale potentielle
de l’évolution d’une étoile massive.
Cependant, un trou noir stellaire issu
d’une population d’étoiles jeunes – comme
ceux que l’on observe – ne peut en théo-
rie excéder environ 20 masses solaires. Dans
les étoiles les plus massives, la présence
d’éléments plus lourds que l’hélium (la
métallicité) induit en effet des vents stel-
laires très violents qui éjectent une grande
partie de la masse initiale de l’étoile lors-
qu’elle s’effondre, limitant ainsi celle des
trous noirs résultants.
La formation des trous noirs super-
massifs est quant à elle plus problématique.
En effet, ces objets sont à l’origine des qua-
sars, situés à des distances correspondant
à un Univers âgé de quelques centaines de
millions d’années seulement. Comment des
objets aussi massifs ont-ils pu se former en
un temps si court? Il faudrait en effet un
temps de l’ordre de l’âge de l’Univers
(13,7 milliards d’années) pour qu’un trou
noir stellaire grossisse jusqu’à plusieurs cen-
taines de millions de masses solaires par
simple accrétion de matière. Pour lever ce
mystère, il faut aborder cette question
dans un cadre plus global, celui de la for-
mation et de l’évolution des galaxies.
Lors d’un célèbre séminaire sur les qua-
sars, qui s’est tenu à Oxford en 1978, le grand
astronome de Cambridge Martin Rees pose
les jalons d’une théorie de la formation et
de l’évolution des galaxies où les trous noirs
supermassifs jouent un rôle majeur: en fonc-
tion de la masse du trou noir central, de sa
formation, de la distribution de gaz et
d’étoiles dans la protogalaxie, différents
types de galaxies vont en résulter. On sait
aujourd’hui qu’un trou noir massif a une
influence considérable dans la régulation
dynamique et énergétique – distribution
de matière, éjection d’énergie lors de l’ac-
crétion, luminosité, contrôle de la forma-
tion d’étoiles, etc. – de l’objet qui l’abrite,
tout au long de son histoire et quelle que
soit sa taille (amas globulaire, galaxie naine,
galaxie spirale ou elliptique, etc.).
Mais, à la fin des années 1970, le scé-
nario de formation de ces trous noirs super-
massifs est seulement à l’état d’ébauche.
Deux hypothèses dominent: effondrement
de très lourds nuages de gaz moléculaire,
ou agrégation d’étoiles. Si cette dernière
idée est claire, la première est encore en
friche. En 1984, l’astrophysicien J. Richard
Bond, alors à l’Université de Chicago, et
deux de ses collègues, W. David Arnett et
Bernard Carr, alors à Cambridge, en démon-
trent toutefois la pertinence. Ils s’appuient
sur le fait que dans l’Univers jeune, le gaz
primitif peut engendrer des étoiles extrê-
mement massives et donner naissance à
des trous noirs beaucoup plus massifs
que les trous noirs stellaires ordinaires.
Comment? La composition du gaz pri-
mitif est dominée par l’hydrogène et l’hé-
lium. Les noyaux plus lourds sont quasi
absents, précisément parce qu’ils n’ont pas
encore été synthétisés par la fusion nucléaire
Effondrement
du nuage Équilibre
Dans un milieu à faible
métallicité et peu ionisé,
un nuage gigantesque peut s’ef-
fondrer sans se fragmenter.
La protoétoile très massive
résultante se contracte et croît
plus vite qu’à l’ordinaire. Le vent
stellaire est minime.
Étoile massive classique
(dix masses solaires ou plus)
Étoile de première
génération, hypermassive
L’étoile perd une part
importante de sa masse
au cours de sa vie par le
biais d’un fort vent stellaire.
La présence d’éléments lourds limite
la taille des nuages s’effondrant
sur eux-mêmes, et donc celle
de l’étoile en devenir.
L
c
s
L
AFORMATIONDESTROUSNOIRS S
Un trou noir est le stade ultime d’une série de victoires de la gravité sur la pression.
Un nuage de gaz assez massif va s’effondrer sur lui-même malgré la pression du
gaz. Quand la masse accrétée est suffisante, des réactions de fusion s’enclenchent