Action endocrinienne de polluants environnementaux sur le développement urogénital chez l’embryon BIAU.S1,2, ROIG.B1, DE SANTA BARBARA.P3 L’apparition constante de nouvelles substances dans l’environnement et issues de l’activité industrielle (dioxine, détergents, pesticides, métaux lourds, …) mais également urbaine (hormones naturelles, hormones de synthèse, …) entraîne l’accroissement des risques de pollution environnementale et des risques sanitaires associés. Parmi ces substances, les Perturbateurs Endocriniens (PE) font l’objet d’une préoccupation particulière de par leurs effets potentiels sur la santé, ils représentent un danger majeur qui est encore aujourd’hui mal estimé. Ces substances d’origine naturelle ou synthétique, altèrent les fonctions du système endocrinien et induisent des effets néfastes sur la santé d’un organisme sain, sa descendance, ou sur les populations. Bien que rejetées en très faibles doses (50ng/l), ces substances restent activent (notamment par effet synergique) et sont soupçonnées de perturber le système endocrinien des animaux en contact avec elles, et d’une manière plus inquiétante, celui de l’Homme. Des études épidémiologiques en France, Finlande et Danemark ont mises en cause ces substances dans l’observation de taux importants de malformations sexuelles chez les nouveaux nés mâles. Dans ce contexte, nos objectifs pendant mon doctorat ont été de déterminer et de quantifier les PE dans les eaux naturelles et d’étudier l’action des doses déterminées sur le développement embryonnaire. L’objectif final étant la recherche de nouvelles cibles moléculaires pour un diagnostic rapide de présence de ces hormones. A l’issue d’une campagne d’étude sur une quarantaine de sortie station d’épuration, le laboratoire de l’école des mines d’Alès a principalement détecté 3 substances : l’Estrone, l’Estriol (de types naturelles) et l’Ethynylestradiol (de type synthétique). Or à l’heure actuelle, il n’existe pas ou peu de données sur l’action de ces substances sur le développement embryonnaire chez l’Homme. Pour cela, il est apparu intéressant de regarder l’effet de ces substances sur un modèle animal expérimental (l’embryon de poulet). L’embryon de poulet est en effet utilisé depuis de nombreuses années comme un modèle pour l’étude embryologique. Les avantages liés à l’utilisation de ce modèle pour les études de tératologie sont de plusieurs ordres : 1) chaque embryon se développe indépendamment de l’environnement, 2) sa courte gestation (21 jours) permet d’obtenir des résultats rapidement, 3) la possibilité d’administrer directement une dose exacte de tératogène permet un control précis des procédures expérimentales. Notre méthodologie a consisté à injecter une dose de chacune des substances (dans des doses comparables à celles retrouvés en sortie de station d’épuration), à un stade précoce (4 jours de développement) et de regarder les effets sur le développement de l’embryon en arrêtant son développement juste avant son terme (18 jours). Des défauts morphologiques ont été observés en ce qui concerne l’Estrone et l’Estriol mais aucun en ce qui concerne l’Ethynylestradiol. 1 Travail de doctorat réalisé au Laboratoire Génie de l’Environnement Industriel LGEI, Ecole des mines d’Alès Fondation 2iE 01 BP 594 Ouagadougou 01 - Burkina Faso 3 Institut de Génétique Humaine IGH UPR 1142 CNRS Montpellier, [email protected] 2 Pour l’Estriol, dans 60% des cas, une persistance des canaux de MÜLLER chez le mâle ainsi qu’une hypertrophie d’un ou des oviductes chez la femelle sont apparus. Ces observations se retrouvent également avec l’Estrone mais avec un pourcentage légèrement plus faible (40%). De plus, une atteinte rénale, est spécifiquement observée avec l’Estrone, celle-ci est caractérisée histologiquement par une transformation de ce tissu. Ces informations macroscopiques ont été par la suite, caractérisées par une analyse histologique et immunohistochimique. Ces analyses ont confirmé l’état de féminisation des mâles et ont permis de proposer de nouveaux biomarqueurs (SMA, Smad2, laminine). Une investigation du mécanisme d’action de ces PE a ensuite été menée. Celle-ci a montré l’implication importante du récepteur aux œstrogènes dans l’action des PE. Cette action se traduirait par une fixation des PE au récepteur dans un premier temps. Les PE par ce biais induiraient alors des malformations importantes au cours du développement embryonnaire de l’appareil urogénital. Ces malformations vont se caractériser 1) par une augmentation de la prolifération cellulaire ainsi qu’une augmentation du nombre de récepteurs aux œstrogènes 2) par une perturbation de la voie TGFβ. Ces malformations observées chez l’embryon de poulet indiquent donc une grande perturbation au niveau de la mise en place du système urogénital et des reins. Ceci laisse penser que l’exposition de la femme enceinte à ces différentes substances et autres PE pourrait entraîner par la suite des malformations importantes chez le nouveau né et des cancers chez l’adulte. Suite au travail réalisé sur l’embryon de poulet, et l’effet proliférateur induit par les deux PE testé (E1 et E3), une étude cellulaire a été proposée. Son but était de mettre en évidence l’importance de l’effet que peuvent avoir des PE sur un organisme sensible aux œstrogènes. Pour cela, deux approches ont été menées (une approche basée sur la prolifération cellulaire, et une approche basée sur un système de gène rapporteur utilisant la fixation au récepteur aux œstrogènes) permettant la mesure du potentiel œstrogénique d’un certain nombre de mélanges de sept PE. Les deux systèmes in vivo et in vitro développés dans ce travail, représentent alors une approche complémentaire nécessaire à la compréhension des mécanismes d’action des PE ainsi qu’à l’identification et la caractérisation (quantification) de leurs effets en mélange. En Afrique, pendant plus de 30 ans, de nombreux insecticides chlorés ont été utilisés en Afrique de l’ouest et du centre pour l’agriculture, la lutte contre les vecteurs de maladies et la santé publique ; mais peu de données concernant les quantités employées sont disponibles. La fabrication et l’utilisation de certaines substances d’hydrocarbures chlorés ont été interdites ou font l’objet de restriction dans les pays développés. Néanmoins l’utilisation de ces produits chimiques continue de prospérer dans la plupart des pays en développement à cause de l’absence de réglementations nationales appropriées et de leur prix relativement bas. Les pesticides comme certains POPs ou même des produits pharmaceutiques ont été montrés comme étant des PE, et par conséquent, ils sont considérés comme pouvant être responsable d’un certains nombre de cancer chez l’adulte et de malformations durant le développement embryonnaire. Ce travail de recherche s’inscrit ainsi pleinement dans une des thématiques de recherche du laboratoire LEDES. Celui-ci a pour projet d’une part 1) d’évaluer les impacts sanitaires et environnementaux de ces types de polluants (en particulier les pesticides) par une approche expérimentale visant à comprendre les mécanismes de perturbation des voies métaboliques de l'organisme ; et d’autre part 2) de développer des méthodes de détection et de quantification innovantes de ceux-ci en identifiant un ou plusieurs nouveaux indicateurs biologiques de contamination, comme outils de détection rapide et fiable.