d’approvisionnement en viande. C’est ainsi que les autorités françaises acceptent l’arrivée de
conserve de viande venant des Etats-Unis (Chicago) ou de viandes congelées provenant
d’Argentine notamment. Ceci a été une opportunité pour l’industrie agroalimentaire. C’est
d’ailleurs pendant la Grande guerre que se développent des plats semi-préparés comme du
cassoulet, des ragouts, qui étaient consommables froid ou chaud (après avoir ajouté de l’eau
chaude).
▪Comment les armées étaient-elles ravitaillées ?
Patrice Faure : à l’époque romaine impériale, il y avait tout un convoi qui suivait l’armée : des
marchands et des troupeaux (et du foin pour nourrir les bêtes). Mais progressivement, un système
de ravitaillement se met en place même s’il n’est pas centralisé à Rome. L’armée utilisait avant
tout les terres sur place et donc les céréales qui étaient cultivées dans les régions où la guerre se
déroulait. D’autres produits étaient importés du reste de l’empire (comme l’huile d’olive arrivant de
la partie méridionale de l’empire). Il y avait soit achat aux populations locales des denrées
nécessaires, soit réquisitions : les situations étaient variées.
Stéphane Perreon : au XVIIIe siècle, les armées faisaient des razzias (« on vit sur le pays »). Or,
après 1650, on interdit cette pratique car beaucoup de guerre s’étaient déroulées sur le territoire
français (comme la Fronde, guerres de religion) et cela endommageait le pays. La guerre se
civilise : on ne sert plus que dans les pays étrangers. D’ailleurs, un ministre de Louis XIV crée des
magasins aux frontières pour ravitailler l’armée quand elle passe les frontières.
Emmanuelle Cronier : D’août 1914 à novembre 1914, pendant la guerre de mouvement, les
soldats se déplacent avec leur matériel pour faire la cuisine et des marchands ambulants et des
civils locaux vendent certains produits aux soldats comme des œufs, des légumes… A partir de
1915, l’armée française se dote de cuisines roulantes (alors que cela existait déjà dans les autres
armées notamment en Russie). Il y avait environ 4 cuisiniers qui cuisinent pour environ 150
soldats.
Progressivement l’armée a souhaité améliorer l’ordinaire des soldats afin de leur remonter le
moral : c’est ainsi que les colis ont pris beaucoup d’importance. Pendant la Grande Guerre, les
chocolat Meunier font ainsi fortune.
▪La guerre a-t-elle été un facteur d’unification ou de diversification des goûts
culinaires ?
Patrice Faure : A l’époque romaine, les guerres ont contribué à l’apparition de nouveaux produits
amenés par les soldats pour les populations locales : c’est ainsi que l’huile d’olive se répand ou
que les archéologues ont retrouvé des ostraka prouvant que des soldats en poste en Egypte se
faisaient envoyer des légumes et notamment des choux.
Stéphane Perreon : Au XVIIIe siècle, la pomme de terre est introduite dans le ravitaillement des
armées et certaines garnisons s’occupent de potagers mais qu’ils font labourer par des paysans
locaux qui prennent donc connaissance de nouvelles plantes. En outre, ce sont souvent les sodlats
qui doivent s’adapter aux goûts culinaires locaux (comme le seigle en Bavière ou le froment en
Italie).
Emmanuelle Cronier : Pendant la Grande Guerre, il y a des moments d’échanges culinaires à
l’arrière du front. Ainsi, les soldats français ont découvert le thé anglais, les Américains, en poste à
Bordeaux, découvrent les vins bordelais. En outre, l’ouverture des colis venant de régions
différentes selon l’origine du soldat permet de faire découvrir de nouveaux produits aux soldats.