LA PREMIÈRE CROISADE
En l'an 52 avant Jésus-Christ, il y avait un bruit d'armes
extraordinaire dans cet enclos de montagnes. Une des parties les
plus graves de l'histoire humaine s'y jouait. Rome serait-elle
maîtresse de la Gaule? César serait-il maître de home, désormais
la maîtresse du monde? César s'était enfoncé au coeur du pays
des Arvernes, pour y frapper au coeur la Gaule, qu'il avait déjà
conquise une fois et qu'une insurrection formidable, déchaînée
partout, avait failli lui reprendre. Il arrivait de Bourges, où sa
vengeance avait été sans pitié femmes, vieillards, enfants, ses
soldats avaient tout tué, et, de 40 000 habitants, ils n'en avaient
pas laissé 800 en vie'. Excité par son succès, César avait pénétré
dans la province que gardaient les montagnes; il campait
au
bord
de l'Allier, devant les pentes abruptes et les hauteurs inexpugnables
de la ville forte des Arvernes, Gergovie. Vercingétorix, le fils
glorieux de ces montagnes, s'y était retranché avec les contingents
de presque toutes les populations de la Gaule, qui, se décidant à
chercher le salut dans l'union, l'avaient salué comme leur chef.
Quelle proie pour César! S'il mettait la main dessus, s'il enfermait
tout ce monde dans Gergovie, qu'il prendrait de force, il enlèverait
aux Gaulois leur dernière armée. L'union qui devait les sauver les
aurait perdus; elle les livrerait tous, d'un seul coup,
à.
son joug.
Il en aurait fini avec cette guerre qui durait déjà depuis six ans.
La prise d'assaut de Gergovie mettrait sans retour à la discrétion
des Romains la race turbulente et intrépide qui, tant de fois, les
avait épouvantés, la race qui, plus osée même qu'Annibal, avait
fait à leur capitale l'affront de la violer.
Si telle était l'ambition de César, celle des Gaulois, non moins
impatiente, était plus haute et plus pure. Ils luttaient, non pour
la domination, mais pour la liberté. Au sein des communes souf-
frances qui avaient rappelé à. tous la famille commune, Vercingé-
torix, beau de hardiesse, d'enthousiasme et de courage, avait apparu
en armes, comme le premier-né de cette patrie qui s'ignorait
encore. A ces Gaulois que leurs jalousies, leurs rivalités, leurs
divisions intestines avaient isolés, énervés et décimés, il avait dit
avec assurance, même après le désastre de Bourges « Ne faisons
de la Gaule qu'un corps animé d'une même pensée, et nous pour-
rons défier tout l'univers
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» Ils l'avaient cru; ils étaient accourus
de toutes parts, de la Seine, de la Loire, de la Garonne, se ranger
autour de ce jeune homme qui aimait la patrie. La jeunesse était
folle de lui. Elle criait aux prudents et aux timides que la sagesse
César donne Iui-mtme ces chiffres dans ses
Commentaires,
livre VII.
Unurn cousi[iuin totius GaIIia effecturum, cujus conseusui ne
orbis quidem terrarum possit obsistere... n
Commentaires, 1. VII, § 29.