
L'influence de la politique monétaire sur les taux d'intérêt
105
Le cas d’une banque centrale mondiale
Plaçons nous dans cette partie en économie fermée afin d’évaluer non
seulement l’influence que pourrait exercer sur les taux longs réels une
banque centrale mondiale dans un monde monétairement unifié, mais
aussi et surtout, par approximation, celle qui pourrait l’être par l’ensemble
des banques centrales nationales agissant de façon coopérative.
Le cadre de référence le plus utilisé pour expliquer la détermination à
court terme des taux d’intérêt en économie fermée est le modèle IS-LM à
prix fixe. Dans la version la plus simple de ce modèle, l’économie
comprend 3 biens : un bien de consommation, de la monnaie et des titres.
La demande globale de biens est une fonction croissante du produit
national et décroissante des taux d’intérêt, tandis que la demande réelle
de monnaie est une fonction croissante du revenu hors taxes et
décroissante du taux d’intérêt. Dans ce modèle, une hausse exogène de
la demande entraîne à la fois une hausse des taux d’intérêt et une hausse
du PIB.
Le modèle ci-dessus n’est cependant qu’un modèle de court terme
dans lequel le PIB s’ajuste à la demande, sans qu’il ait une limitation par
l’offre. La manière la plus simple de l’amender pour introduire la contrainte
d’offre est de supposer que l’évolution des prix est fonction du taux de
croissance de l’économie. Dans ce cas, la hausse exogène de la demande
de biens se traduira pour partie par une hausse de la production et pour
partie par une hausse des prix. Mais la hausse de la demande sur le
marché des biens provient d’une modification de comportement d’un
agent, qui doit financer sa demande, en cédant de la monnaie ou des
titres. S’il souhaite céder des titres, la hausse des taux qui s’en suivra
sera relativement plus forte et la hausse de l’activité et des prix plus faible
que s’il offre de la monnaie en contrepartie. La banque centrale, qui peut
transformer de façon discrétionnaire une offre de titres en offre de
monnaie, aurait donc une influence sur la détermination des taux d’intérêt,
des volumes, et des prix. La question qui fait l’objet de débats au sein des
économistes est celle de savoir si cette influence s’exerce bien sur les
volumes et sur les taux d’intérêt réels et si elle s’exerce au delà du court
terme.
Dans les modèles d’équilibre les plus utilisés, on raisonne comme si
tous les problèmes étaient résolus à l’avance en admettant que le taux
d’inflation n’affecte ni l’offre ni la demande de biens (neutralité de
l’inflation). Tout au plus rejette-t-on l’hypothèse de super-neutralité en
admettant que les variations du taux d’inflation puissent avoir quelque
effet sur la sphère réelle. Dans ce cas, le taux d’intérêt réel est à terme
déterminé par l’équilibre épargne-investissement qui est indépendant du
taux d’inflation fixé sur le marché de la monnaie (arbitrage entre liquidité
et biens réels). La théorie du salaire d’efficience, selon laquelle un certain
niveau de chômage est nécessaire pour maintenir l’effort des salariés et
la productivité des entreprises, permet, y compris dans ce type de
modèle, de rendre compte de l’existence d’un chômage involontaire. Mais
la politique monétaire n’y affecte, si ce n’est de façon transitoire, ni le taux