La Génétique: un atout ou un poids 207
depuis unsiècle. Nous savons aujourd’hui que les humains n’ont
pratiquement rien inventé en termes d’innovation morpholo-
gique ou physiologique, et que rien de nous n’a pu échapper
aux contraintes très fortes appliquées à notre développement et
à notre physiologie. À cet égard, le réductionnisme génétique
va de pair avec une perte progressive de déterminisme ; un
génome certes produit un animal et le même génome produira
toujours le même animal, mais un gène, en revanche, ne produit
pas une seule, unique et reproductible fonction, comme on le
pensait encore il y a une trentaine d’années. Un gène peut être
multifonctionnel, pléiotropique, et ses fonctions peuvent varier
grandement selon le contexte cellulaire et physiologique, selon
l’environnement, ce qui n’est pas surprenant, aposteriori, puisque
nous partageons l’essentiel de nos gènes avec les autres animaux
passés et présents. Cette simple constatation nous dit bien à quel
point notre déterminisme génétique est à considérer au niveau
global de notre génome, plutôt qu’au niveau de ses composants
génétiques. Cette remarque est accentuée si l’on remonte aux
composants même de nos protéines, les acides-aminés, qui eux
sont naturellement dénués de tout déterminisme biologique,
sans parler des atomes qui les composent.
Nous ne sommes le produit de nos gènes que d’une façon
indirecte, par l’intermédiaire d’interactions multiples et inces-
santes entre les effets directs de ces gènes (les protéines) et
d’autres systèmes de codage que nous commençons à peine
à appréhender. Bien sûr, quelques fonctions extrêmement
différenciées dépendent parfois de causes bien identifiées ; on
pourra certainement un jour ou l’autre augmenter notre niveau
d’insuline personnel grâce à une transformation génétique ou
améliorer une fonction musculaire ou digestive, mais cela n’a
rien à voir avec le trans-humanisme. Et c’est donc à cet égard
que la génétique qui est sans doute un atout puissant pour la
correction de certaines maladies ou pour la production future
de ce que j’appellerais des hommes légèrement augmentés, des
surhommes, est en fait un poids, un obstacle à la production
de transformations inédites et intéressantes ; nous sommes
condamnés à rester dans un cadre qui est fixé, dans ce qui nous
est autorisé par notre génétique.