ce qui favorise la goitrigenèse chez la mère et le fœtus. Par
ailleurs, toute anomalie de la disponibilité hormonale,
telle que l’hypothyroxinémie peut entraîner des lésions
irréversibles du développement cérébral fœtal. Le créti-
nisme, qui en est la forme la plus accomplie, peut être pré-
venu par une supplémentation iodée intervenant avant la
fin du deuxième trimestre de la grossesse. Des déficits
neuro-intellectuels de révélation parfois tardive, attribués
à un déficit iodé, ont été rapportés dans des régions de
l’Europe du Sud où le déficit iodé était modéré. D’une
façon générale, toute hypothyroxinémie, quelle qu’en
soit la cause (notamment l’auto-immunité thyroïdienne
maternelle) mais survenant à un stade crucial du dévelop-
pement neurologique fœtal, peut avoir des répercussions
délétères sur le quotient intellectuel (QI) et les capacités
scolaires des enfants [8]. Ces considérations ont conduit
à encourager une supplémentation iodée précoce chez
toute femme enceinte, l’allocation iodée souhaitable de
200 à 250 µg/j étant rarement atteinte en France.
Prévalence
des affections thyroïdiennes
au cours de la grossesse
L’estimation de la prévalence des dysthyroïdies dépend
pour une bonne part de l’intervalle de référence de la TSH.
Si le seuil inférieur de la TSH permettant le diagnostic de
l’hyperthyroïdie ne pose guère de problème (< 0,4 mU/L),
il n’en est pas de même pour le seuil supérieur qui reste
discuté. Fixé à 2,5 mU/L par la National Academy of Clinical
Biochemistry, à partir des mesures effectuées dans la popu-
lation témoin sélectionnée selon des critères rigoureux
(absence de tout antécédent thyroïdien, de tout traitement,
de toute auto-immunité thyroïdienne et de goitre à l’écho-
graphie), il est plus proche de 4 mU/L dans d’autres popula-
tions. De la fixation de ce seuil, dépend la prévalence de
l’hypothyroïdie fruste (caractérisée par une TSH isolément
élevée) [9]. La prévalence de l’hyperthyroïdie est faible chez
la femme enceinte, de l’ordre de 0,2 %. Il s’agit d’une mala-
die de Basedow inaugurale ou récidivante ou, plus rare-
ment, d’une thyrotoxicose gravidique transitoire (TGT) à la
fin du premier trimestre, secondaire à l’effet thyréostimulant
de l’hCG. La prévalence de l’hypothyroïdie dépasse 2 %
dans la plupart des études, avec une forte prépondérance
de l’hypothyroïdie fruste [10]. Elle est la conséquence d’un
apport iodé insuffisant ou, plus souvent, d’une thyroïdite
auto-immune marquée par la présence d’un titre élevé
d’anticorps antithyroperoxydase (TPO). La prévalence de
l’hypothyroïdie fruste est particulièrement élevée chez les
femmes enceintes atteintes d’un diabète de type I, puisque
la TSH est supérieure 4,0 mUI/L chez plus du quart d’entre
elles [11].
Hypothyroïdie au cours de la grossesse
Hypothyroïdie fruste
La définition de l’hypothyroïdie fruste dépend de la
valeur supérieure de l’intervalle de référence de la TSH
retenu. La distinction entre le normal et le pathologique
s’avère particulièrement difficile dans ce domaine
sensible dans la mesure où il n’est pas démontré qu’un
taux de TSH, compris entre 2,5 et 4,5 mU/L, est associé à
une modification du pronostic fœtomaternel. L’hypothèse
qu’un dysfonctionnement thyroïdien infraclinique, éven-
tuellement associé à une anomalie de l’auto-immunité
thyroïdienne, a conduit certains à préconiser une substi-
tution pour une TSH supérieure à 2,5 mU/L ou en cas
d’anti-TPO élevés [12], nonobstant le risque d’induire
une thyrotoxicose iatrogène. Les répercussions de l’hypo-
thyroïdie fruste sur la mère et l’enfant sont difficiles à éta-
blir avec certitude d’autant que les études disponibles ne
font pas toujours la part de l’auto-immunité, de l’hypothy-
roxémie maternelle isolée et d’une authentique élévation
de la TSH. Les répercussions obstétricales ont principale-
ment été évaluées chez des femmes enceintes hypothyroï-
diennes insuffisamment substituées. Dans une cohorte de
plus de 9 400 femmes, un taux de TSH supérieur à 6 mU/L
est constaté au deuxième trimestre de la grossesse et asso-
cié à une augmentation de la mortalité fœtale (3,8 vs.
0,9 %) [13]. Dans une autre étude portant sur plus de
17 000 femmes explorées avant la 20
e
semaine de gesta-
tion, un taux de TSH supérieur à 5 mU/L (97,5
e
percentile)
est associé à une augmentation de l’incidence de décol-
lement du placenta, de prématurité avant la 24
e
semaine
et de naissance avant terme [14]. Dans une autre étude
prospective plus ancienne, l’incidence de l’hypertension
gravidique, de la prééclampsie et de l’éclampsie était plus
élevée en cas d’hypothyroïdie fruste (15 vs. 7,6 %) [15].
Le retentissement de l’enfant a été évalué dans une
étude prospective [13] qui a montré que les nouveau-
nés de mères en hypothyroïdie fruste étaient plus souvent
admis en unités de soins intensifs sans surmortalité
significative. Les répercussions à distance sont encore
mal évaluées. Dans une série comportant davantage
d’hypothyroïdies avérées que d’hypothyroïdies frustes,
les enfants de mères ayant une TSH supérieure au
98
e
percentile au deuxième trimestre de la grossesse (TSH
moyenne = 13,2 ± 0,3 mUI/L) avaient une diminution du
QI de sept points entre l’âge de sept à neuf ans par rapport
aux enfants nés de mères témoins appariées sur l’âge [16].
Paradoxalement, la présence d’un titre élevé d’anti-
TPO ou d’une hypothyroxinémie maternelle isolée semble
avoir des répercussions mieux établies que l’hypothyroïdie
fruste. Les enfants nés de mères euthyroïdiennes ayant
des anti-TPO en fin de grossesse ont une diminution signi-
ficative d’un score de cognitivité par rapport aux enfants
dont les mères n’avaient pas d’anti-TPO [16, 17]. De même,
mt, vol. 16, n° 3, juillet-août-septembre 2010
Dossier
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