La grossesse :
un défi pour la thyroïde
Jean-Louis Schlienger, Florina Luca, Fabienne Grunenberger,
Bernard Goichot
Service de médecine interne, dendocrinologie et de nutrition, hôpital de Hautepierre,
avenue Molière, BP 83049, 67098 Strasbourg cedex, France
La grossesse a un impact notable sur lhoméostasie thyroïdienne en ce quelle accroît les
besoins en hormones thyroïdiennes. Des apports iodés suffisants sont nécessaires pour main-
tenir un équilibre thyroïdien indispensable au développement fœtal. La grossesse révèle
volontiers des dysfonctionnements hormonaux frustes et favorise la croissance dun goitre.
Un dépistage ciblé de lhypothyroïdie apparaît souhaitable pour optimiser le déroulement de
la grossesse. Lhyperthyroïdie, moins commune en dehors de lhyperthyroïdie gravidique
transitoire, relève dune prise en charge spécialisée. Lhyperthyroïdie fœtale qui est la consé-
quence du passage transplacentaire des anticorps antirécepteurs de la TSH est à rechercher
en cas de maladie de Basedow active ou ancienne. Le développement dun goitre, fréquent
dans les régions de subcarence iodée, est partiellement prévenu par une supplémentation
iodée. La vigilance thyroïdienne qui est de mise tout au long de la grossesse lest également
durant la phase préconceptionnelle et durant le post-partum, période durant laquelle peut
survenir une thyroïdite auto-immune.
Mots clés : grossesse, dysthyroïdie, hypothyroïdie fruste, goitre
La grossesse est une période cri-
tique pour la fonction thyroïdienne
de la mère. Les modifications physio-
logiques survenant au cours de la
grossesse nécessitent une adaptation
fonctionnelle dans le but de maintenir
lhoméostasie thyroïdienne indispen-
sable au développement du fœtus.
Par défaut, elles peuvent démasquer
un dysfonctionnement thyroïdien plus
ou moins latent. Lexploration de
la fonction thyroïdienne au cours de la
grossesse peut poser problème en rai-
son des variations des hormones thyroï-
diennes liées aux interférences avec
lhCG, à lhémodilution, aux modifica-
tions des protéines vectrices induites
par lhyperestrogénie et au métabo-
lisme périphérique hormonal. Enfin,
lallocation iodée qui dépend de laire
géographique de vie et de lalimenta-
tion est un autre facteur de variation.
Globalement, la grossesse se caractérise
par une augmentation des besoins en
hormone thyroïdienne couverts grâce
à une production majorée satisfaite
sous réserve dune fonction correcte
et dun apport iodé suffisant. En ce
sens, la grossesse constitue un véritable
défi pour la thyroïde. La pathologie
thyroïdienne et sa prise en charge théra-
peutique imposent de déjouer certains
pièges diagnostiques et délaborer une
stratégie de dépistage et de prise en
charge adaptée.
Régulation de la fonction
thyroïdienne durant
la grossesse
Plusieurs phénomènes survenant
tout au long de la grossesse sont à
même de modifier lhoméostasie thyroï-
dienne (figure 1) [1] :
laugmentation de la concentra-
tion des estrogènes qui survient au
début de la grossesse entraîne une élé-
vation importante des taux de thyroxin
binding globulin (TBG), lune des protéi-
nes vectrices majeures de la thyroxine,
qui atteint son maximum à mi-parcours
doi: 10.1684/met.2010.0239
m
t
Tirés à part : J.-L. Schlienger
mt, vol. 16, n° 3, juillet-août-septembre 2010
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de la grossesse et se maintient en plateau jusquau terme. Il en
résulte une diminution transitoire de la fraction libre des
hormones libres et une discrète augmentation adaptation
de la TSH plasmatique qui reste cependant dans les limites
de la normale [2] ;
laugmentation précoce du débit rénal et de la filtra-
tion glomérulaire accroît liodurie et, en conséquence, les
besoins iodés journaliers de 150 à 200 µg/j. Dans les régions
dont lapport iodé est limité, comme dans les régions non
côtières dEurope occidentale, il peut en résulter une insuffi-
sance de production hormonale avec une augmentation
adaptative de la TSH, condition favorisant lhyperplasie
thyroïdienne et le développement dun goitre [3].
à la fin du premier trimestre de la grossesse, sins-
talle de façon transitoire un profil hormonal singulier
marqué par une discrète élévation de la T4L et une sup-
pression partielle de la TSH en rapport avec une forte
élévation de lhormone gonadotrophinique placentaire
(hCG) dont la sécrétion est maximale à cette période.
En effet, une homologie structurale entre les sous-unités de
lhCG et de la TSH confère un faible effet thyréostimulant
àlhCG dont limpact biologique sous la forme dune
élévation transitoire de T4L est tangible chez moins de
20 % des femmes enceintes, mais dont limpact clinique
sous la forme dune hyperthyroïdie gravidique transitoire
est beaucoup plus rare [4].
le placenta équipé dune 3-iodothyronine-désio-
dase intervient dans les métabolismes périphériques des
hormones thyroïdiennes durant la seconde moitié de la
grossesse.
Le profil hormonal évolue tout au long de la grossesse
dans des limites qui restent habituellement dans la zone
de lintervalle de confiance. La discrète élévation de la
TSH au début de la grossesse est suivie dune diminution
parfois marquée à la fin du premier trimestre et est syn-
chrone dune élévation significative de la T3L. Par la
suite, laugmentation de la TBG, attribuée à la fois à une
production majorée sous leffet des estrogènes et à une
diminution de la clairance, détermine une élévation de
la T4 totale et, partant, de son niveau de production. En
revanche, la T4L tend à diminuer en fin de grossesse du
fait, entre autres, de laugmentation du volume plasma-
tique, alors que la TSH reste normale. Certaines trousses
de dosage de la T4L accentuent ce trait avec des valeurs
de T4L pouvant être situées dans la zone de lhypothyroï-
die, doù limportance de définir des valeurs normales de
référence pour chaque trousse de dosage en fin de
grossesse [5].
Lensemble des paramètres hormonaux et du métabo-
lisme thyroïdien sont normalisés environ quatre semaines
après laccouchement. Lallaitement constitue une cause
de déperdition iodée qui peut, dans les situations limites,
ne pas être sans conséquence sur la fonction thyroïdienne.
Homéostasie thyroïdienne maternelle :
prérequis pour le développement fœtal
Au début de la grossesse, la mère assure totalement les
besoins hormonaux du fœtus via le placenta. Le liquide
amniotique contient de la T4 dès la quatrième semaine,
alors que la thyroïde fœtale ne devient progressivement
fonctionnelle quau-delà de la 10
e
semaine et nest
capable de produire de la T4 quaprès la 14
e
semaine de
gestation. Cest dire limportance de lapport hormonal
maternel, puisque les hormones thyroïdiennes sont indis-
pensables au développement neurocérébral du fœtus. Au
premier et au deuxième trimestres, elles contrôlent la
migration et lorganisation structurelle des neurones.
Ce nest quau troisième trimestre que la production hor-
monale fœtale contribue de façon prépondérante à la
multiplication des cellules gliales et à la myélinisation.
La faible capacité de liaison du sang fœtal pour les
hormones thyroïdiennes optimise laction tissulaire de la
T4L fœtale [6].
Iode : substrat essentiel
Liode est un substrat majeur pour la synthèse des
hormones thyroïdiennes. Laugmentation des besoins au
cours de la grossesse, due à laugmentation de la clairance
iodée et de la production hormonale, expose à un risque
de déplétion des réserves iodées avec linstallation dune
subcarence iodée tout au long de la grossesse. Estimé par
la mesure de liodurie, le statut iodé serait déficitaire
chez 75 % des femmes enceintes dans nos régions [7].
Les répercussions de la subcarence iodée sont difficiles à
établir avec certitude. Elles pourraient être responsables
dune hypothyroxinémie relative à lorigine dune
stimulation thyroïdienne par rétrocontrôle de la TSH,
Désiodation
placentaire de T2
Action thyréostimulante
d’hCG
TBG par
Hyperœstrogénémie
TSH
Transitoire de T4L
TSH Stimulation
thyroïdienne maternelle
Hypertrophie thyroïdienne
Clairance iodée Besoins iodés
Figure 1. Fonction thyroïdienne durant la grossesse.
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ce qui favorise la goitrigenèse chez la mère et le fœtus. Par
ailleurs, toute anomalie de la disponibilité hormonale,
telle que lhypothyroxinémie peut entraîner des lésions
irréversibles du développement cérébral fœtal. Le créti-
nisme, qui en est la forme la plus accomplie, peut être pré-
venu par une supplémentation iodée intervenant avant la
fin du deuxième trimestre de la grossesse. Des déficits
neuro-intellectuels de révélation parfois tardive, attribués
à un déficit iodé, ont été rapportés dans des régions de
lEurope du Sud où le déficit iodé était modéré. Dune
façon générale, toute hypothyroxinémie, quelle quen
soit la cause (notamment lauto-immunité thyroïdienne
maternelle) mais survenant à un stade crucial du dévelop-
pement neurologique fœtal, peut avoir des répercussions
délétères sur le quotient intellectuel (QI) et les capacités
scolaires des enfants [8]. Ces considérations ont conduit
à encourager une supplémentation iodée précoce chez
toute femme enceinte, lallocation iodée souhaitable de
200 à 250 µg/j étant rarement atteinte en France.
Prévalence
des affections thyroïdiennes
au cours de la grossesse
Lestimation de la prévalence des dysthyroïdies dépend
pour une bonne part de lintervalle de référence de la TSH.
Si le seuil inférieur de la TSH permettant le diagnostic de
lhyperthyroïdie ne pose guère de problème (< 0,4 mU/L),
il nen est pas de même pour le seuil supérieur qui reste
discuté. Fixé à 2,5 mU/L par la National Academy of Clinical
Biochemistry, à partir des mesures effectuées dans la popu-
lation témoin sélectionnée selon des critères rigoureux
(absence de tout antécédent thyroïdien, de tout traitement,
de toute auto-immunité thyroïdienne et de goitre à lécho-
graphie), il est plus proche de 4 mU/L dans dautres popula-
tions. De la fixation de ce seuil, dépend la prévalence de
lhypothyroïdie fruste (caractérisée par une TSH isolément
élevée) [9]. La prévalence de lhyperthyroïdie est faible chez
la femme enceinte, de lordre de 0,2 %. Il sagit dune mala-
die de Basedow inaugurale ou récidivante ou, plus rare-
ment, dune thyrotoxicose gravidique transitoire (TGT) à la
fin du premier trimestre, secondaire à leffet thyréostimulant
de lhCG. La prévalence de lhypothyrdie dépasse 2 %
dans la plupart des études, avec une forte prépondérance
de lhypothyroïdie fruste [10]. Elle est la conséquence dun
apport iodé insuffisant ou, plus souvent, dune thyroïdite
auto-immune marquée par la présence dun titre élevé
danticorps antithyroperoxydase (TPO). La prévalence de
lhypothyroïdie fruste est particulièrement élevée chez les
femmes enceintes atteintes dun diabète de type I, puisque
la TSH est supérieure 4,0 mUI/L chez plus du quart dentre
elles [11].
Hypothyroïdie au cours de la grossesse
Hypothyroïdie fruste
La définition de lhypothyroïdie fruste dépend de la
valeur supérieure de lintervalle de référence de la TSH
retenu. La distinction entre le normal et le pathologique
savère particulièrement difficile dans ce domaine
sensible dans la mesure où il nest pas démontré quun
taux de TSH, compris entre 2,5 et 4,5 mU/L, est associé à
une modification du pronostic fœtomaternel. Lhypothèse
quun dysfonctionnement thyroïdien infraclinique, éven-
tuellement associé à une anomalie de lauto-immunité
thyroïdienne, a conduit certains à préconiser une substi-
tution pour une TSH supérieure à 2,5 mU/L ou en cas
danti-TPO élevés [12], nonobstant le risque dinduire
une thyrotoxicose iatrogène. Les répercussions de lhypo-
thyroïdie fruste sur la mère et lenfant sont difficiles à éta-
blir avec certitude dautant que les études disponibles ne
font pas toujours la part de lauto-immunité, de lhypothy-
roxémie maternelle isolée et dune authentique élévation
de la TSH. Les répercussions obstétricales ont principale-
ment été évaluées chez des femmes enceintes hypothyroï-
diennes insuffisamment substituées. Dans une cohorte de
plus de 9 400 femmes, un taux de TSH supérieur à 6 mU/L
est constaté au deuxième trimestre de la grossesse et asso-
cié à une augmentation de la mortalité fœtale (3,8 vs.
0,9 %) [13]. Dans une autre étude portant sur plus de
17 000 femmes explorées avant la 20
e
semaine de gesta-
tion, un taux de TSH supérieur à 5 mU/L (97,5
e
percentile)
est associé à une augmentation de lincidence de décol-
lement du placenta, de prématurité avant la 24
e
semaine
et de naissance avant terme [14]. Dans une autre étude
prospective plus ancienne, lincidence de lhypertension
gravidique, de la prééclampsie et de léclampsie était plus
élevée en cas dhypothyroïdie fruste (15 vs. 7,6 %) [15].
Le retentissement de lenfant a été évalué dans une
étude prospective [13] qui a montré que les nouveau-
nés de mères en hypothyroïdie fruste étaient plus souvent
admis en unités de soins intensifs sans surmortalité
significative. Les répercussions à distance sont encore
mal évaluées. Dans une série comportant davantage
dhypothyroïdies avérées que dhypothyroïdies frustes,
les enfants de mères ayant une TSH supérieure au
98
e
percentile au deuxième trimestre de la grossesse (TSH
moyenne = 13,2 ± 0,3 mUI/L) avaient une diminution du
QI de sept points entre lâge de sept à neuf ans par rapport
aux enfants nés de mères témoins appariées sur lâge [16].
Paradoxalement, la présence dun titre élevé danti-
TPO ou dune hypothyroxinémie maternelle isolée semble
avoir des répercussions mieux établies que lhypothyroïdie
fruste. Les enfants nés de mères euthyroïdiennes ayant
des anti-TPO en fin de grossesse ont une diminution signi-
ficative dun score de cognitivité par rapport aux enfants
dont les mères navaient pas danti-TPO [16, 17]. De même,
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lhypothyroxinémie maternelle isolée (T4L < 10
e
percen-
tile) [TSH entre 0,15 et 2,0 mU/L] est associée à un discret
retard du développement psychomoteur (Pop).
Divers arguments suggèrent que lauto-immunité thyroï-
dienne pourrait jouer un rôle intrinsèque sur lévolution de la
grossesse. Une méta-analyse confirme lexistence dune
relation entre lauto-immunité thyroïdienne et les avorte-
ments spontanés avec un odds ratio de 2,73 [18], alors que
laugmentation du taux davortement nest corrélée ni aux
concentrations des hormones thyroïdiennes ni à la TSH.
Hypothyroïdie fruste
Bien que la littérature ne propose pas de définition
précise et univoque de lhypothyroïdie fruste chez la
femme enceinte, il paraît acquis que cette affection a
des répercussions possibles chez la mère et lenfant, à
tel point que beaucoup militent pour un dépistage systé-
matique par un dosage de la TSH et des anti-TPO entre la
12
e
et la 20
e
semaine daménorrhée. Dautres ne parta-
gent pas cette attitude (recommandation du Collège
américain des gynécologues obstétriciens, Preventive
Task Force nord-américaine) [19, 20]. Un dépistage ciblé
paraît préférable chez les femmes ayant des antécédents
thyroïdiens familiaux ou personnels, un diabète de type I
ou dautres affections auto-immunes dorgane, un goitre,
des anti-TPO ou une notion dirradiation cervicale ou,
bien sûr, des signes dappels évocateurs de dysthyroïdie.
Cest lattitude préconisée par les recommandations de la
HAS [21]. Quant à lattitude thérapeutique, elle est dictée
par la prudence : un traitement substitutif est indiqué
aussitôt pour toute TSH confirmée supérieure à 4 mUI/L.
Une surveillance régulière de la TSH et une détermination
des anti-TPO sont indiquées si la TSH est supérieure à
3 mU/L [22, 23].
Hypothyroïdie patente
Lhypothyroïdie avérée définie par une TSH élevée et
une T4L abaissée diminue la fertilité et a des conséquences
délétères en cas de grossesse. Elle majore la fréquence de
lhypertension gravidique, de lanémie, de la prééclam-
psie, de linsuffisance cardiaque et des fausses couches.
Chez lenfant, il existe un poids de naissance insuffisant,
une surmortalité fœtale, un risque accru de prématurité et
des anomalies du développement cérébral.
Thyroïdite du post-partum
La thyroïdite du post-partum est une forme clinique
silencieuse de thyroïdite auto-immune se manifestant
par la survenue dune hypothyroïdie habituellement
paucisymptomatique trois à quatre mois après laccou-
chement. Dune incidence de 2 à 5 %, elle est favorisée
par le tabagisme, des apports iodés insuffisants, la coexis-
tence dune autre affection auto-immune dorgane et la
présence danti-TPO au début de la grossesse. Transitoire,
due à la flambée auto-immune du post-partum, elle réci-
dive habituellement lors des grossesses ultérieures cepen-
dant que le risque dhypothyroïdie définitive augmente
avec le nombre de grossesses. Des signes cliniques atypi-
ques, une élévation de la TSH et des anti-TPO avec ou
sans diminution de la T4L et un aspect hypoéchogène
de la thyroïde permettent de poser le diagnostic. Un
traitement hormonal substitutif nest préconisé que dans
les formes symptomatiques [24].
Hyperthyroïdie
La TGT est la plus fréquente des causes de thyrotoxi-
cose. Directement imputable à la grossesse, elle survient à
la fin du premier trimestre et est synchrone dune éléva-
tion particulièrement marquée et prolongée de lhCG. Elle
doit être évoquée devant toute symptomatologie de
thyrotoxicose (amaigrissement, asthénie, tachycardie) à
ce stade de la grossesse, surtout sil existe des vomisse-
ments incoercibles. Les risques cliniques sont spontané-
ment résolutifs durant le deuxième trimestre. Le bilan
hormonal révèle une TSH effondrée, avec une élévation
modérée de T4L et une T3L habituellement normale.
Lexploration de lauto-immunité thyroïdienne savère
normale. Cette forme de thyrotoxicose hCG-dépendante
est presque toujours sporadique, mais peut se répéter au
fil des grossesses [25]. Dexceptionnelles formes familia-
les, liées à une mutation du récepteur de la TSH avec
sensibilité majorée à leffet thyréostimulant de lhCG,
ont été rapportées. Le traitement se limite à ladministra-
tion de bêtabloqueurs, lemploi des antithyroïdiens de
synthèse (ATS) étant réservé aux formes sévères et persis-
tantes [26]. Le pronostic obstétrical nest pas affecté par la
TGT.
Lhyperthyroïdie autonome (maladie de Basedow) est
lautre cause dhyperthyroïdie à envisager lors dune gros-
sesse. Il sagitsoitdune forme inaugurale, soit plus souvent
de la récidive dune maladie de Basedow dont le traitement
médical a été interrompu il y a quelques mois ou années ou,
même, dans le but dune grossesse programmée. Le début de
la grossesse tout comme la période du post-partum sont des
circonstances favorisant lactivité auto-immune [27]. En
revanche, la suppression partielle de lactivité immunolo-
gique propre à la grossesse après le premier trimestre rend
peu probable la survenue dune maladie de Basedow au
deuxième ou au troisième trimestre. Les manifestations clini-
ques sont dintensité variable. Il ne semble pas que la gros-
sesse influe sur lincidence de lophtalmopathie. Souvent,
mt, vol. 16, n° 3, juillet-août-septembre 2010 213
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la symptomatologie est discrète et peut passer inaperçue.
Lessignesdhypermétabolisme ou de sympathicotonie sont
parfois attribués à la grossesse [28].
Le diagnostic peut être suspecté en raison dantécé-
dents personnels ou familiaux de maladie de Basedow et
la notion dune auto-immunité thyroïdienne qui imposent
une vigilance hormonale. Labsence de prise de poids en
dépit dun appétit conservé, les troubles de lhumeur, la
thermophobie et lhypersudation, la tachycardie, la pré-
sence dun goitre vasculaire et les vomissements incoerci-
bles sont les principaux signes dappel. Le diagnostic est
confirmé par la coexistence dune TSH effondrée, dune
T4L augmentée et dun titre élevé danticorps antirécep-
teurs de la TSH (Ac-rTSH).
Méconnue ou insuffisamment traitée, lhyperthyroïdie
est assortie de complications maternelles, obstétricales et
fœtales. Dans une analyse rétrospective, lhyperthyroïdie
malcontrôléemajorelerisquedhypotrophie fœtale dun
facteur 9, la prématurité dun facteur 16 et léclampsie dun
facteur 5 [29]. Il existe également un risque non négligeable
dinsuffisance cardiaque chez la mère. La survenue dune
hyperthyroïdie fœtale et/ou néonatale qui est la conséquence
du passage transplacentaire des anti-rTSH de la mère est
indépendante du contrôle de la thyrotoxicose chez la mère.
Il ne semble pas que lhyperthyroïdie soit associée à une plus
grande fréquence de malformations congénitales.
Cette forme dhyperthyroïdie nest pas transitoire, même
si les symptômes tendent à saméliorer spontanément vers la
fin de la grossesse, du fait dune relative immunotolérance
dont témoigne la diminution des Ac-rTSH, autorisant même
dans certains cas larrêt du traitement.
Le traitement par les ATS a pour but daméliorer
la qualité de vie et de prévenir les complications. Il est
nécessaire dans toute hyperthyroïdie modérée ou sévère
mais est conduit selon une procédure différente chez la
femme enceinte. Le traitement combiné associant ATS et
lévothyroxine, maintenu pendant 18 mois pour éviter
lhypothyroïdie tout en bloquant la production hormonale,
nest pas de mise. Ici, il convient dutiliser la plus faible
dose possible, voire dinterrompre le traitement, ce qui
est souvent possible à partir du troisième trimestre, selon
le principe de la dose nécessaire et suffisante, adaptée aux
résultats des contrôles hormonaux répétés [30]. A priori,
tous les ATS peuvent être utilisés, mais il existe encore
une controverse quant à leurs effets sur le fœtus. À effica-
cité comparable, le propylthio-uracile (PTU) est tradition-
nellement préféré au méthimazole ou à son précurseur le
carbimazole (CMZ) non pas tant en raison de différences
de passage transplacentaire qui ont été surestimées
quen raison dun doute quant aux effets malformatifs du
CMZ. Lemploi de ce dernier semble associé avec une plus
grande fréquence daplasie cutis, datrésie des choanes, de
fistules œsophagotrachéales et danomalies de la face sans
que la preuve de causalité nait pu être formellement
apportée [31].
Léchec du traitement médical peut être une indication
de traitement chirurgical par thyroïdectomie subtotale
effectuée idéalement avant la fin du deuxième trimestre.
Lutilisation des ATS au cours de lallaitement est un
autre sujet de controverse. Elle peut être nécessaire en
cas dhyperthyroïdie persistante ou de récidive. Le
passage dans le lait du PTU serait moindre que celui du
CMZ en raison dune plus forte liaison aux protéines
sériques. En pratique, il apparaît que le CMZ à la dose
de 20 mg/j ou le PTU à la dose de 600 à 750 mg/j ne
sont associés ni à des modifications significatives de la
fonction thyroïdienne chez lenfant, ni à des anomalies
du développement psychomoteur, mais les études
portent sur des séries limitées. Néanmoins, il est admis
que lallaitement est compatible avec la poursuite dun
traitement par ATS conduit selon le principe de la plus
faible dose possible [31].
Hyperthyroïdie fœtale
Les autoanticorps sont des immunoglobulines qui fran-
chissent la barrière placentaire, elles sont présentes dans le
sang du cordon et disparaissent chez le nouveau-né que
deux à trois mois après la naissance. Les anti-TPO et anti-
thyroglobulines (TG), qui sont présents chez près de 10 %
des femmes enceintes, diminuent au cours des deuxième et
troisième trimestres de la grossesse, avec un rebond possible
lors du post-partum. Marqueurs possibles dune thyroïdite
auto-immune, leur présence à un titre élevé semble associée
à un sur-risque de fausse-couche, mais ils nont pas deffets
pathogènes intrinsèques. En revanche, les Ac-rTSH présents
chez la mère à titre élevé peuvent induire une hyper-
thyroïdie fœtale de la 20
e
semaine de grossesse et/ou une
hyperthyroïdie néonatale transitoire jusquàélimination
des globulines maternelles, car ils sont pathogènes. Une
concentration élevée (au moins cinq fois la normale) expose
au risque dhyperthyroïdie fœtale quel que soit le statut
thyroïdien de la mère : élévation résiduelle dune maladie
de Basedow antérieure, hyperthyroïdie contrôlée par les
ATS ou rémission spontanée de fin de grossesse. En
pratique, le dosage des Ac-rTSH doit être réalisé au premier
et troisième trimestre de la grossesse chez toutes les femmes
enceintes ayant eu ou ayant une maladie de Basedow [32].
En cas délévation, une échographie fœtale recherchera un
goitre fœtal ou un ralentissement de la croissance fœtale.
Le traitement consiste à donner des ATS à la mère au
besoin en associant de la lévothyroxine pour compenser
une hypothyroïdie iatrogène afin dagir sur la thyroïde
fœtale. La tachycardie du fœtus constitue un élément
important de surveillance et permet dadapter la
posologie [33].
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