Cannabis - Centre AntiPoison et de Pharmacovigilance du Maroc

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Intoxication par cannabis
M. Windy, Gh. Jalal, N. Rhalem, R. soulaymani Bencheikh
Centre Anti- Poison et de Pharmacovigilance du Maroc
1. Cas clinique
Un enfant âgé de trois ans, de sexe masculin, a été reçu dans le service d’urgence d’une
clinique, dans un tableau de dysarthrie, d’obnubilation et de convulsions.
L’interrogatoire a retrouvé la notion de prise de cannabis accidentelle préparé par le père, et
dont la quantité n’a pas pu être précisée.
Le Centre Anti Poison du Maroc a été contacté pour connaître la toxicité de cette plante et
évaluer la gravité de ce type d’intoxication.
2. Description de la plante
Le cannabis est le nom latin du chanvre indien, appelé Cannabis sativa L.
Cette plante est une espèce très polymorphe faisant partie de la famille des cannabinacées ;
elle est herbacée, annuelle, apétale, adventice (qui n’a pas été semée) ; le plus souvent
dioïque (les pieds males sont distincts des pieds femelles). La pollinisation est assurée par le
vent (fleurs anémophiles).
3. Usage et modalité de consommation de la plante
Le cannabis est habituellement fumé soit directement (marijuana) ; soit après extraction de la
résine (haschich) chauffée ou mélangé au tabac.
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Dans les pays du magrheb, le cannabis est parfois incorporé à des aliments (gâteau,
confiseries, mâajoune…), il est également utilisé contre les douleurs intenses.
On peut distinguer différentes formes de cannabis :
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Le haschich: il est extrait de la résine sécrétée par la plante et mélangée, tête et
feuilles puis compactée ; il se présente sous forme de barrettes plus au moins dures
que l’on fume mélangées au tabac et il diffère selon les régions :
-Le haschich du Maroc est une résine visqueuse produite par la plante et obtenue par battage
des feuilles et des feuilles et des sommités florales sèches qui ensuite compressé pour obtenir
un cube ou un bloc.
-Le haschich afghan, pakistanais ou népalais se présente sous forme de pâte marron, comme
la réglisse, à odeur très puissante .il est produit d’une couche de résine pressée manuellement.
Ce type de haschich est collant, noir, dur ; à effet plutôt calmant.
-Le haschich libanais rouge provient de plantes laissées plus longtemps dans les champs,
jusqu’à desséchement ce qui lui donne l’aspect rouge-brun ; ce haschich a un goût et des
effets plus doux.
Par ailleurs, le haschich diffère selon le mode de préparation :
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La Marijuana : c’est la forme naturelle de la plante,elle est composée de feuilles et
de sommités fleuries ;parties riche en THC ,appelée aussi « tête »ou cocotte. elle
se fume simplement ou mélangée au tabac et roulée en cigarette sous une forme
conique et connu sous le nom de « joint ».
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L’huile de cannabis : elle contient le plus de principes actifs, et se présente sous
forme goudronneuse, visqueuse et de couleur brun foncé. elle est faite à partir de
décoction de feuilles. Cette huile peut se fumer mélangée au tabac ou incorporée
dans les gâteaux,dans les plats de viandes ,à l’occasion des fêtes mais aussi dans
le « mâajoune »qui est une sorte d’électuaire pâteux.
4. Principe actif et composition
Le cannabis est constitué de plus de 450 composants (benzopyrène, stéroïdes, alcaloïdes,
etc…) dont 60 cannabinoides. Les principaux sont :
Le delta 9-tétrahydrocannabinol (THC) découvert en 1964 : sa concentration est très
variable selon la préparation et la provenance du produit, elle est aussi affectée par le sexe
de la plante (la plante femelle contient plus de THC).
L’herbe sauvage contient entre 0.5 et 5% de THC dans les parties sommitales femelles à
maturité.
Les autres cannabinoides sont : le cannabidiol (CBD), le cannabinol (CBN), le
cannabigerol (CBG).
5. Pharmacologie
Le cannabis est une substance psychoactive qui, affecte l’esprit et la volonté.
Selon le mode de prise, les effets commencent à apparaître entre 10 à 20 secondes après
inhalation (résorption importante) et d’une demie heure à plusieurs heures après ingestion.
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Le cannabis subit un premier passage hépatique qui empêche entre 10 à 20 % de la dose
absorbée d’atteindre la circulation générale.
Le delta-9-THC est essentiellement oxydé par le cytochrome P450 2C9, en un métabolite
actif : le 11-OH-delta-THC, son élimination est très lente puisque le delta-9-THC est retrouvé
plus de 5 semaines après la prise.
Le THC se fixe dans les tissus graisseux et a une demi-vie de trois à quatre jours.
6. Les effets recherchés
Le cannabis est consommé afin de procuré un sentiment de douceur, de calme intérieur et de
bien être avec une tendance au rire, ces effets sont en rapport avec les cannabinoides qui sont
en relation avec la dopamine ; neuroméditeur secrété dans une zone bien précise du
cerveau qui est le nucleus acumbens. Il s’agit de l’un des sites de récompense du cerveau.
Par ailleurs ces sensations de calme s’accompagnent de détérioration de la vigilance, de la
mémoire, d’altération de la vision, de l’audition et du toucher et d’une dépersonnalisation.
Ces sensations durent deux à quatre heures après inhalation d’une cigarette contenant 10 à 20
mg de THC. Ce dernier peut interférer avec d’autres drogues en accroissant les effets psychodépresseurs des médicaments stimulants le cerveau.
7. Symptômes de l’intoxication
Au Maroc, l’intoxication peut être volontaire chez les individus qui cherchent à oublier leurs
problèmes ou dans un but de toxicomanie. Elle est accidentelle chez l’enfant. Le cannabis
produit une toxicité générale sur l’organisme, plus importante sur le système nerveux central.
•
Effets respiratoire: la fumée du cannabis contient les mêmes éléments toxiques et
cancérigènes (goudron) pour les poumons que ceux du tabac. Des inflammations
bronchiques, des toux asthmatiformes et des altérations des fonctions respiratoires
ont été observés chez les gros fumeurs de cannabis.
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Effets sur le système nerveux central : le cannabis diminue l’attention, modifie la
perception sensorielle. Qu’il soit ingéré ou inhalé, le cannabis a des effets
psychotropes qui s’expriment en deux phases : une première phase avec sensation
d’euphorie suivie d’une phase dite « confusionnelle » au cours de la quelle se
superpose une modification de la sensibilité aux sons et aux images, une perception
ralentie du temps qui peut aller jusqu’à la somnolence. Ces effets dépendent de la
teneur en THC du produit consommé, de la personnalité, de l’expérience et de
l’environnement. Mais les sensations recherchées peuvent se transformer en effets
indésirables lors de forte consommation de THC avec apparition d’une confusion,
désorientation temporo - spatiale importante ainsi qu’une crise d’angoisse aigue. Ces
effets sont généralement spontanément régressifs.
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Effets cardiovasculaires : l’action sur le système cardio- vasculaire dépend de la
dose consommée. Cependant, on peut assister à une tachycardie ; une vasodilatation
(qui se manifeste par une rougeur des yeux). De même, le cannabis interfère avec un
réflexe permettant à l’organisme de réagir par une vasoconstriction en cas de baisse
de la tension artérielle. Cet ensemble « vasodilatation et réflexe de
vasoconstriction » va entraîner une hypoxie cardiaque et cérébrale engendrant un
accident cardio vasculaire.
Autres effets
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Effets sur la reproduction : le THC réduit la capacité de fertilisation des
spermatozoïdes.
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Effets sur la douleur : le cannabis a un effet analgésique.
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Effet à long terme : consommé de façon chronique le cannabis est source de déficit
de la mémoire, de l’attention et de concentration, un syndrome de démotivation qui
est exprimé par une passivité et une diminution de l’initiative.
•
Chez l’enfant, l’intoxication est accidentelle et s’observe après exposition à la fumée
du chanvre ou après ingestion d’une préparation à base de cannabis. Les symptômes
sont faits de troubles de comportement : pleurs, euphorie et tachycardie parfois
hypotension, trouble de la vision et même convulsions.
•
Dépendances : Une drogue est généralement classée en fonction de son aptitude à
générer des phénomènes de dépendances physique et psychique .Elle est
considérée à risque si elle répond à ces deux critères.
Alors que le cannabis a été classé autrefois dans le groupe des drogues qui générait une
dépendance exclusivement psychique, il s’est avéré qu’un usager régulier du cannabis
sur dix devient dépendant. Un syndrome de sevrage a été individualisé par de
nombreuses études ces dernières années, caractérisé par des symptômes émotionnels et
comportementaux : irritabilité, anxiété …
•
Cannabis et schizophrénie :
L’abus de cannabis chez les psychotiques serait supérieur à la population générale et une
surconsommation est souvent retrouvée dans les semaines précédant l’épisode aigu.
Une étude française a montré que 54% des schizophrènes ont expérimenté le cannabis au
moins une fois, dont 26% ont présenté une dépendance .Chez les patients schizophrènes,
la consommation du cannabis aggrave l’évolution des hospitalisations plus fréquentes et
une réponse moindre au traitements, par contre l’évolution après sevrage est meilleure que
celle des patients qui n’ont jamais consommé du cannabis.
8. Diagnostic
Le diagnostic est fait par un dépistage urinaire des cannabinoides par des méthodes
immunochimiques; le seuil de positivité ou cut off est observé à partir de 20 à 50 ng/l.
Une réponse supérieure à 50 ng/l est considérée comme positive.
Les cannabinoides peuvent être décelés dans les urines jusqu’à sept jours après avoir fumé
une seule cigarette de cannabis et plusieurs semaines après consommation chronique.
9. Traitement de l’intoxication
Le traitement repose sur les mesures suivantes :
o Hospitalisation du patient.
o Liberté des voies aériennes supérieures.
o Sédation par le diazépam si agitation.
o Surveillance clinique : cardiovasculaire, respiratoire, neurologique.
o Psychothérapie, sociothérapie et prise en charge psychiatrique pour les toxicomanes.
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10. conclusion
Le cannabis reste une plante très consommé partout dans le monde mais dont l’abus
peut entrainer une intoxication grave notamment chez l’enfant .une sensibilisation et une
éducation serait intéressante pour tous les consommateurs de cette drogue.
11. références
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