ONZIÈME SUJET - SAMUEL PUFENDORF (1632-1694) PUFENDORF ET LE DROIT NATUREL L'état de nature, par rapport à ceux qui vivent hors de toute société, n'est point la guerre, mais la paix, dont les principales lois se réduisent à ceci : de ne faire aucun mal à ceux qui ne nous en font point ; de laisser chacun dans une paisible jouissance de ses biens ; de tenir ponctuellement ce à quoi on s'est engagé ; enfin, d'être porté à rendre service à notre prochain, autant que des obligations plus étroites et plus indispensables nous le permettent De jure naturae et gentium Pufendorf Du droit de la nature et des gens,1672 I PRÉSENTATION 1 - Samuel Pufendorf, généralisateur du droit naturel 2 - Un auteur du foyer allemand de la seconde partie du 17ème siècle 3 - Ses relations avec les autres philosophes de son temps 4 - L’unité entre l’oeuvre philosophique et la vie professionnelle II ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (1632-1694) 1 - Ses origines familiales dans une famille de pasteur 2 - Sa formation et ses études à l’université de Leipzig puis de Iéna 3 - Lors de la Guerre Dano-Suédoise de 1658-1660, il est retenu prisonnier à Copenhague 4 - En 1659, il se rend en Hollande à l’université de Leyde 5 - En 1660, il publie son premier livre inspiré de la méthode de Descartes, Éléments de Jurisprudence universelle 6 - En 1661, il est nommé à l’université de Heidelberg par l’électeur palatin Charles-Louis 1er 7 - En 1667, la publication de Etat de l'Empire germanique sous le pseudonyme de Severino Monzambano de Vérone 8 - Un ouvrage qui fait scandale, le début de sa polémique avec Leibniz 9 - En 1668, il accepte l’invitation de Charles XI de Suède d’enseigner à l’université de Lund 10 - En 1672, le De Jure naturæ et gentium provoque de violentes attaques contre lui 11 - Mais le roi le protège et le nomme historiographe officiel de la Cour de Stockholm en 1677 12 - En 1688, il se rend à Berlin auprès de l’électeur de Brandebourg pour la même fonction 13 - En 1694, son anoblissement par le roi de Suède comme baron (Freiherr) 14 - Sa mort le 26 octobre 1694 à Berlin III SON ŒUVRE 1 - Une œuvre philosophique centrée sur le droit naturel 2 - Les principaux ouvrages de Pufendorf classés par genre A - Ouvrages philosophiques sur le droit naturel - Elementorum iurisprudentiae universalis methodo mathematica - Deux livres sur les éléments de la jurisprudence universelle (1661) - De jure naturae et gentium - Du droit de la nature et des gens (1672) - De officio hominis et civis prout ipsi praescribuntur lege naturali - De habitus religionis christianae ad vitam civilem - Du pouvoir de la religion chrétienne dans la relation à la vie d'un citoyen (1687) B - Ouvrages politiques - Dissertatio de obligatione erga patriam - Devoirs envers la Patrie, 1663 - De statu imperii germanici - L'état présent de l'Allemagne, 1667 - Dissertatio de Republica Irregulari, 1668 - Dissertation de Systematibus civitatum, 1677 - Dissertatio de faederibus inter Sueciam et Galliam Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 219 C - Ouvrages historiques - Einleitung zur Historie der vornehmsten Reiche und Staaten (1682) - Commentarium de rebus suecicis libri XXVI., ab expeditione Gustavi Adolphi regis in Germaniam ad abdicationem usque Christinae (1686) - De rebus a Carolo Gustavo gestis, 1696 - De rebus gestis Friderici Wilhelmi Magni, 1695 - De rebus gestis Frederici III, 1734 3 - Son principal ouvrage : De jure naturae et gentium - Du droit de la nature et des gens (1672) IV PRINCIPALES THÈSES DE LA PENSÉE DE PUFENDORF 1 - Un représentant de l’école du droit naturel moderne 2 - Une conciliation et une systématisation d’éléments de Hobbes et de Grotius 3 - Un effort pour fonder le droit sur des bases rationnelles, ni traditionnelles ni religieuses 4 - Une anthropologie positive et humaniste : naturellement sociable et raisonnable 5 - La sociabilité naturelle de l’homme A - Le principe d’une sociabilité naturelle de l’homme B - La sociabilité pleine : par reconnaissance d’une même nature, par amitié générale C - La sociabilité secondaire : par intérêt D - Un état naturel positif et déjà social E - Pas d’opposition entre état de nature et vie sociale (il est grotusien là) 6 - La théorie des êtres moraux, entia moralia A - La "sociabilité" est la conséquence d’entités métaphysiques B - C’est la conséquence des êtres moraux, entia moralia C - Créés par Dieu pour introduire ordre et harmonie dans la vie humaine D - Ces entia moralia existent à l’état de nature E - La raison peut en déduire des applications particulières F - Le droit est une entia moralia 7 - Sa théorie du droit naturel A - Des lois distinctes des lois révélées et des lois positives B - Les lois naturelles, une sous-partie des lois divines C - Elles sont connaturelles aux hommes D - Une théorie opposée de celle de Hobbes, l’homme est naturellement titulaire de droits E - Elles relèvent d’un ordre moral universel F - Des principes de justice immuables, antérieurs, indépendants et supérieurs G - La loi naturelle a la force de la raison, l’universalité de la règle et l’efficience H - Le fondement du droit naturel : la conservation de la vie et la sécurité I - La rationalité de la loi naturelle 8 - La théorie pufendorfienne du double contrat : pacte d’association et pacte de soumission A - Les raisons du passage à l’état : recherche de protection et intérêt B - Une adhésion volontaire et pacifique à un projet de société civile C - Une procédure en deux temps D - Le premier contrat : le pacte d’association entre les individus E - Le second contrat : le pacte de soumission à l’autorité souveraine F - Un double contrat : celui de l’entité politique et de la souveraineté politique G - Un contrat social par transfert de sa liberté H - Le peuple existe indépendamment du gouvernement 9 - La subordination des lois positives à la loi naturelle A - La subordination des lois positives aux lois naturelles B - Les lois positives sont circonstancielles, sujettes à modifications C - Elles doivent prolonger la loi naturelle D - Elles doivent s’en inspirer E - Elles ne doivent pas les contredire F - Une subordination qui légitime les lois positives autant qu’elle pose leur limite Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 220 10 - L’état, sa fonction, sa souveraineté, les limites imposées par le droit naturel A - Ce qu’apporte l’état, la société civile, sur la simple socialité B - L’état est le garant de la pérennité d’un ordre civil protecteur C - La fonction civilisatrice de l’état D - L’état est bien au-dessus des gouvernés, qui lui doivent obéissance E - La souveraineté de l’état est absolue, un absolutisme pufendorfien F - Mais les actions de l’état sont délimitées par de nombreux devoirs G - L’état est une personne morale, dont la volonté est la somme des volontés individuelles H - Une contrainte morale sur l’autorité politique I - La légitimité de la résistance, mais pas une réelle reconnaissance d’un droit de contestation J - De même, il y a une autorité au-dessus des gouvernants et des gouvernés 11 - Politique religieuse, la séparation des pouvoirs ecclésiastiques et politiques 12 - Une théorie fondant un droit supranational (jus gentium) V CONCLUSION 1 - Un acteur majeur de la constitution du droit naturel, donc des droits de l’homme 2 - Un précurseur des Lumières en Allemagne, sous-estimé en raison de Leibniz 3 - Une importance descendance philosophique dans la Philosophie des Lumières A - En Allemagne : Christian Thomasius, Nikolaus Hieronymus Gundling, Johann Peter von Ludewig B - En Suisse : Jean-Jacques Burlamaqui et Emmerich de Vattel E - En Angleterre : Locke, Blackstone, l’école écossaise des Lumières D - En France : Barbeyrac, Montesquieu, Rousseau, Diderot 4 - Un auteur célèbre pendant tout le 18ème siècle avant d’être éclipsé par la pensée kantienne ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 221 Document 1 : Gravure d’un portrait de Samuel Von Pufendorf. Document 2 : Pufendorf intègre en 1645, à l’âge de 13 ans l’école princière de Grimma, la Fürstenschule, ou Gymnasium St. Augustin. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 222 Document 3 : Durant ses études à l’université d’Iéna en 1657, Pufendorf rencontra le mathématicien et astronome Erhard Weigel (1625-1699), qui l’amena à s’intéresser à la pensée de Descartes, de Hobbes, de Grotius. Document 4 : Autre source d’influence de la pensée de Pufendorf, son contemporain le philosophe anglais Richard Cumberland (1632-1718), qui publia notamment en 1672, sous le titre De legibus Naturae, un traité où il établit, contre Hobbes, qu'il y a une morale naturelle, indépendante des conventions des hommes. Cet ouvrage fut traduit lui aussi en français par Jean Barbeyrac en 1744. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 223 Document 5 : C’est à l’université de Leyde, fondée en 1575, où il enseigna en 1660, qu’il publia en 1661 son premier livre inspiré de la méthode de Descartes, Éléments de Jurisprudence universelle. Le bâtiment principal de l'université de Leyde, gravure anonyme vers 1614. Le même bâtiment aujourd’hui. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 224 Document 6 : En 1661, il est nommé à l’université de Heidelberg par l’électeur palatin Charles-Louis 1er du palatinat (1617-1680) en raison du succès de cet ouvrage, qui créa pour Pufendorf une chaire de droit naturel et de droit des nations à l'Université de Heidelberg. Ce fut une première en Allemagne. Document 7 : En 1668, il accepte l’invitation de Charles XI de Suède d’enseigner à l’université de Lund. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 225 Document 8 : Le Kungshuset, le plus ancien bâtiment de l'université (1584), abritant actuellement le département de philosophie et où Pufendorf enseigna. Ci-dessous, autre bâtiment d’époque que fréquenta Pufendorf, le Libreriet, la bibliothèque de l’université. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 226 Document 9 : La réputation d'historien de Pufendorf ne tarda pas à égaler celle de juriste. L'électeur de Brandebourg Frédéric-Guillaume de Brandebourg (1620-1688) demanda à son tour à Pufendorf d’être son historiographe en 1686. Il lui conféra pour cela une pension de deux mille écus. À sa mort en 1688, son fils Frédéric III de Brandebourg (futur roi Frédéric Ier de Prusse) confirma Pufendorf dans ses fonctions jusqu’à sa mort en 1694. L’électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume de Brandebourg. Frédéric Ier, roi en Prusse, par Weidemann. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 227 Document 10 : De jure naturae et gentium - Du droit de la nature et des gens, de 1672 et son abrégé De officio Hominis et Civis, de 1673. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 228 Document 11 : La recherche de l’émancipation du droit à l’égard des fondements divins ou des autorités va pousser Pufendorf à examiner et à critiquer dans ses ouvrages les fondements des diverses autorités (autre que celle de l’état) dans la société civile. En voici un exemple dans le cas du mariage et du pouvoir de l’homme sur la femme. Je ne saurais me persuader que la seule excellence de nature suffise pour donner droit à un être d'imposer quelque obligation à d'autres êtres, qui ont aussi bien que lui un principe intérieur pour se gouverner eux-mêmes. La capacité naturelle de commander ne suffit pas pour donner le droit de l'exercer sur ceux qui sont propres à obéir par leur nature... Car il faut le relever, le pouvoir de l'homme sur l'homme étant une réalité morale, ne peut exister sans un acte humain... Or aucune femme n'est obligée d'obéir à son mari avant de s'être soumise par son propre consentement à la volonté de son mari. Et que ceci soit conforme à la volonté divine n'empêche pas que l'accord de la femme et la soumission qui l'accompagne ne forment la cause immédiate et prochaine du pouvoir matrimonial. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae, I, VI, § II traduction de Jean Barbeyrac Document 12 : Pour Pufendorf, le droit naturel est immuable. Au reste, si nous mettons ici l'amour-propre au premier rang, dans l'examen de la constitution des hommes, ce n'est pas que nous prétendions que chacun doive toujours se préférer lui seul à tous les autres, ou avoir uniquement en vue son intérêt particulier, indépendamment de celui d'autrui ; mais, d'un côté, parce que, comme naturellement chacun connaît son existence plutôt que celle d'autrui, les sentiments de l'amour-propre précédent aussi naturellement ceux qui nous portent à nous intéresser pour autrui, de l'autre, parce que le soin de notre propre conservation et de notre propre avantage nous touche de plus près que qui que ce soit. Car quoique nous nous proposions le bien public, cependant comme nous faisons nous-mêmes partie du genre humain, et qu'ainsi nous devons avoir quelque part à cette utilité commune, il n'y a certainement personne qui puisse être chargé plus particulièrement que nous-mêmes de nos propres intérêts. Cela posé, nous n'aurons pas beaucoup de peine à découvrir le véritable fondement du droit naturel. L'Homme [...] étant un animal très affectionné à sa propre conservation, pauvre néanmoins et indigent de lui-même, hors d'état de se conserver sans le secours de ses semblables, très capable de leur faire du bien et d'en recevoir, mais d'autre côté malicieux, insolent, facile à irriter, prompt à nuire et armé pour cet effet de forces suffisantes, il ne saurait subsister, ni jouir des biens qui conviennent à son état ici bas, s'il n'est sociable, c'est-à-dire, s'il ne veut vivre en bonne union avec ses semblables, et agir avec eux de telle manière qu'il ne leur donne pas lieu de penser à lui faire du mal, mais plutôt qu'il les engage à maintenir ou à avancer même les intérêts. Voici donc la loi fondamentale du droit naturel : c'est que chacun doit être porté à former et à entretenir, autant qu'il dépend de lui, une société paisible avec tous les autres, conformément à la constitution et au but de tout le genre humain sans exception. D'où il s'ensuit que, comme quiconque oblige à une certaine fin oblige en même temps aux moyens sans quoi on ne saurait l'obtenir, tout ce qui contribue nécessairement à cette sociabilité universelle, doit être tenu pour prescrit par le droit naturel, et tout ce qui la trouble au contraire, doit être censé défendu par le même droit. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae II, ch. III traduction de Jean Barbeyrac Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 229 Document 13 : Dans la pensée de Pufendorf, le pacte d’association donne naissance à l’état, voilà la définition qu’il en donne. L'union des volontés de plusieurs personnes ne saurait se faire que par un engagement où chacun entre de soumettre désormais sa volonté particulière à la volonté d'une seule personne ou d'une assemblée, en sorte que toutes les résolutions de cette personne ou de cette assemblée relatives aux nécessités de la sécurité commune soient tenues pour la volonté de tous et de chacun. C'est cette seule union de volontés et de forces,qui prépare la multitude à former le plus puissant des corps sociaux : celui que l'on appelle l'État. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae I, VI, § 5 traduction de Jean Barbeyrac Ce rassemblement une fois constitué représente les rudiments et les premiers éléments de l'État ; il faut ensuite faire une ordonnance qui règle la forme du gouvernement à établir. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae VII,II, § 6 in fine traduction de Jean Barbeyrac Document 14 : Pour Pufendorf, le pacte de soumission est à l’origine de la souveraineté de l’état. Tous ceux qui entrent dans la société politique en soumettant leur volonté à la volonté d'un seul s'obligent par là même ou à ne pas lui résister ou à lui obéir toutes les fois qu'il voudra employer leurs forces et leurs ressources en vue du bien commun. Cette même convention lui donne un titre bien légitime et bien authentique, puisqu'elle fonde son autorité non sur la violence de sa part, mais sur leur soumission et leur consentement. Telles sont donc l'origine et la cause prochaine et immédiate de la souveraineté en tant qu'elle est une qualité morale. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae VII,III, § I traduction de Jean Barbeyrac Document 15 : Et cette souveraineté est de type obésienne, impliquant une soumission totale à l’état tant qu’il ne passe pas les bornes de son pouvoir. Personne de raisonnable ne peut douter que ce ne soit une rébellion criminelle que de résister aux gouvernants tant qu'ils ne passent pas les bornes de leur pouvoir, puisque la nature et le but du gouvernement civil emportent nécessairement une obligation de ne pas résister à celui entre les mains de qui on a remis l'autorité souveraine. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae VII,VIII, § I traduction de Jean Barbeyrac Document 16 : Cette soumission née du contrat social dans l’ordre des réalités humaines est pour Pufendorf renforcée par l’ordre des réalités divines et le rôle ordonnateur de dieu. De cette manière, il élimine les interprétations relativistes qui pourraient être faites du conventionnalisme juridique. De même, la souveraineté ne dépend pas d’une simple institution seulement humaine (comme chez Hobbes) ni non plus d’une institution purement divine dont les gouvernants seraient les représentants. Quoique la souveraineté résulte immédiatement des conventions humaines, cela n'empêche pas que pour la rendre plus sacrée et plus inviolable, il ne faille un principe plus relevé et que l'autorité des Princes ne soit de droit divin aussi bien que de droit humain. Car, depuis que les hommes se furent multipliés considérablement, la droite Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 230 raison leur ayant fait voir que l'établissement des sociétés politiques était absolument nécessaire pour l'ordre, la tranquillité et la conservation du genre humain, Dieu en tant qu'Auteur de la Loi naturelle doit aussi être certainement considéré comme Auteur des sociétés politiques et par conséquent de la souveraineté sans laquelle elles ne sauraient se concevoir. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae VII,III, § I traduction de Jean Barbeyrac Document 17 : De ce fait, la théorie pufendorfienne, même si elle pose de nombreuses limites à l’exercice du pouvoir, et potentiellement un droit de résistance, n’est pas poussée jusque là. Au nom du péril de troubles plus grands que cela risque d’entraîner, sa conception aboutit à une véritable apologie de l’ordre établi et du prince au pouvoir. Après tout, si quelqu'un trouve insupportable les charges quelque nécessaires qu'elles soient pour le bien de l'Etat, il ne tient qu'à lui de s'en aller ailleurs. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae VII,VIII, § 3 traduction de Jean Barbeyrac Que s’il n’y a pas moyen de se sauver en tels cas, il faut se résoudre plutôt à mourir qu’à tuer, non tant par respect pour la personne du Prince, qu’à cause de tout l’État ordinairement exposé en ces sortes d’occasions à de grands troubles. Samuel Von Pufendorf De jure Naturae VII,VIII, § 5 traduction de Jean Barbeyrac Document 18 : Exemple de la postérité de Pufendorf au 18ème siècle, dans la pensée de Rousseau, et cela même si sur bien des points Rousseau conteste les positions pufendorfiennes, notamment celles sur le double contrat, la sociabilité naturelle de l’homme (leurs conceptions de l’état de nature sont radicalement opposées) ou bien sur la liberté dans le contrat social. Comme l’illustre le texte suivant, Pufendorf pense la liberté dans le contrat social au sens hobbesien d’un transfert de liberté, ce que Rousseau conteste radicalement puisqu’il n’est pas possible de faire don de sa liberté, la liberté n'est pas un bien comme les autres à savoir que, précisément, on ne peut s'en défaire. Pufendorf dit que, tout de même qu'on transfère son bien à autrui par des conventions et des contrats, on peut se dépouiller de sa liberté en faveur de quelqu'un. C'est là, ce me semble, un fort mauvais raisonnement ; car premièrement, le bien que j'aliène me devient une chose tout-à-fait étrangère, et dont l'abus m'est indifférent, mais il m'importe que l'on n'abuse point de ma liberté, et je ne puis, sans me rendre coupable du mal que l'on me forcera à faire, m'exposer à devenir l'instrument du crime. De plus le droit de propriété n'étant que de convention et d'institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu'il possède : mais il n'en est pas de même des dons essentiels de la nature, tels que la vie et la liberté, dont il est permis à chacun de jouir et dont il est moins douteux qu'on ait droit de se dépouiller. En s'ôtant l'une, on dégrade son être ; en s'ôtant l'autre on l'anéantit autant qu'il est en soi ; et comme nul bien temporel ne peut dédommager de l'une ou de l'autre, ce serait offenser à la fois la nature et la raison que d'y renoncer à quelque prix que ce fût. Jean-Jacques Rousseau Discours sur l'origine de l'Inégalité entre les hommes, 2ème partie Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 231 Document 19 : L'église Saint-Nicholas à Berlin où il est enterré. Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 232 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS Conférences autour de Pufendorf - L’école de Salamanque et le droit naturel 4310-12 Livres de Pufendorf - Le droit de la nature et des gens (2 tomes), Samuel Von Pufendorf, Presses Universitaires de Caen, 2010 Livres sur la pensée de Pufendorf - La guerre de Trente Ans, Yves Krumenacker, Ellipses, 2008 - Le Saint-Empire, Jean Schillinger, Ellipses, 2002 - Pufendorf et la loi naturelle, Pierre Laurent, Vrin, 2000 - Les embarras philosophiques du droit naturel, Simone Goyard-Fabre, Vrin, 2003 - Pufendorf et le droit naturel, Simone Goyard-Fabre, Collection Leviathan - PUF, 1994 - Pufendorf, penseur politique, CH. II, Droits de l’homme, droit naturel et histoire, Alfred Dufour, PUF, 1991 Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie du 17ème siècle” - Code 4311 - 09/01/2012 - page 233