SEIZIÈME SUJET BILAN ET APPORTS DE LA PHILOSOPHIE DE LA RENAISSANCE I PRÉSENTATION 1 - L’humanisme fut d’abord un réformisme, qui aboutit à un progressisme 2 - Une dissociation progressive des usages de la période médiévale 3 - Mais qui aboutira bien à une révolution culturelle II LES CONSÉQUENCES DE L’HUMANISME SUR LA “PHILOSOPHIE” SCOLASTIQUE 1 - Le dépassement philosophique de la scolastique 2 - Le discrédit même de la scolastique 3 - Double discrédit, sur le plan philosophique et sur le plan religieux 4 - L’autonomisation de la philosophie à l’égard de la scolastique 5 - L’autonomie désormais de la raison, qui n’est plus à la recherche d’une unité avec la foi 6 - Le rejet grandissant de la physique d’Aristote : de Télésio à Giordano Bruno 7 - La victoire intellectuelle des modernes 8 - Une liberté intellectuelle qui fondera la modernité III ÉVOLUTION ET CHANGEMENT DE L’HUMANISME RENAISSANT 1 - Un premier temps marqué par la soif de découverte et la confiance dans les antiques 2 - La redécouverte de la variété et de la diversité de la philosophie antique 3 - Dans la première moitié du 16ème siècle, la généralisation culturelle du modèle humaniste 4 - Les changements de la seconde moitié du 16ème siècle 5 - La remise en cause de l’autorité des anciens 6 - La prise de conscience de leurs erreurs et de la limitation de leur savoir 7 - La prise de conscience que la philosophie antique n’était pas une, mais plurielle 8 - L’échec des espérances de l’humanisme : politique, religieux et savant A - L’échec politique de l’humanisme éthique, au niveau de l’influencisme et de l’utopisme B - L’échec des espérances religieuses de l’érasmisme C - L’échec des espérances de l’humanisme savant, philologique et érudit 9 - Une rationalité qui n’est pas encore pleinement dégagée de l’irrationalisme IV LE DÉVELOPPEMENT DES HUMANISMES DE L’HUMANISME 1 - Les étapes du développement de l’humanisme 2 - L’humanisme érudit, philologique et culturel 3 - L’humanisme esthétique 4 - L’humanisme philosophique, ou plutôt les humanismes philosophiques 5 - L’humanisme religieux, humanisme chrétien ou érasmisme 6 - L’humanisme éthique 7 - L’humanisme pédagogique 8 - L’humanisme politique 9 - L’humanisme terrestre, l’humanisme humaniste 10 - Une libération de l’humanisme de l’Humanisme V LES CONSÉQUENCES DE L’HUMANISME POUR LA PENSÉE ET LA PHILOSOPHIE 1 - D’extraordinaires renouveaux A - Le renouveau de l’étude historique de la philosophie, ou philosophistique B - Le renouveau de la pensée religieuse, dégagée de la théologie classique Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 225 C - Le renouveau de la pensée politique D - Le renouveau de la pensée économique E - Le renouveau du droit F - Le renouveau des réflexions sur l’homme 2 - L’apparition de nouvelles questions, qui n’existaient pas dans la pensée antique A - Les réflexions sur l’éducation B - Les réflexions sur la colonisation et la question des indiens C - Les réflexions sur l’intolérance religieuse D - Les réflexions sur le pouvoir politique, sa nature et ses fonctions E - Les réflexions sur le fait social F - Les réflexions sur l’homme marque aussi l’émergence de l’individualité G - Ainsi que des interrogations sur la qualité de l’homme H - Des interrogations sur le savoir, entre tentative de rénovation et scepticisme I - Des interrogations sur la religion et Dieu 3 - L’autonomisation de la philosophie à l’égard de la philosophie antique 4 - Un espace désormais libre pour les développements de la philosophie du 17ème siècle VI CONCLUSION 1 - L’intégration de la culture humaniste dans le fond culturel occidental 2 - L’humanisme, un des apports majeurs au développement de l’occident 3 - L’humanisme léguera l’humanisme philosophique à la postérité ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 226 Document 1 : Quand je méditai alors sur cette incertitude des mathématiques traditionnelles dans l'arrangement des mouvements des sphères de l'univers, j'eus la déception de trouver qu'aucune explication plus certaine du mécanisme de l'Univers, fondée sur notre exposé par le meilleur et le plus régulier de tous les architectes, n'a été établie par les philosophes qui ont fouillé avec tant de minutie les autres détails délicats relatifs à l'univers. C'est pour cela que j'ai pris à tâche de relire les livres de tous les philosophes que j'ai pu me procurer, examinant si aucun d'eux avait supposé que le mouvement des sphères du monde était différent de ceux qu'adoptaient les mathématiciens universitaires [...]. À la suite de cela, je commençai aussi à penser à un mouvement de la terre, et bien que l'idée parût absurde, pourtant, comme d'autres avant moi avaient eu la possibilité de supposer certains cercles afin d'expliquer les mouvements des étoiles j'ai cru qu'il me serait aisément possible de voir si, en admettant un mouvement de la terre, on ne pourrait trouver de meilleures explications aux révolutions des sphères célestes. Et ainsi, en assumant les mouvements que, dans l'ouvrage suivant, j'attribue à la terre, j'ai finalement trouvé, après de longues et soigneuses recherches, que, lorsqu'on rapporte les mouvements des autres planètes à la circulation de la terre, et qu'on les calcule pour la révolution de chaque étoile, non seulement les phénomènes s'ensuivent nécessairement de là, mais encore l'ordre et la grandeur des étoiles et tous leurs orbes et le ciel lui-même sont si liés ensemble que dans aucune partie on ne peut rien transposer sans confusion pour le reste et tout l'univers. [...] C'est pourquoi nous n'avons pas honte de soutenir que tout ce qui est au-dessous de la lune, avec le centre de la terre, décrit parmi les autres planètes une grande orbite autour du soleil, qui est le centre du monde ; et que ce qui paraît être un mouvement du soleil est en réalité un mouvement de la terre ; mais que la dimension du monde est si grande, que la distance du soleil à la terre, bien qu'appréciable en comparaison des orbites des autres planètes est comme un rien lorsqu'on la compare à la sphère des étoiles fixes. Et je prétends qu'il est plus facile d'admettre ceci que de laisser l'esprit être effaré par une multitude presque infinie de cercles, ce que sont obligés de faire ceux qui retiennent la terre au centre du monde. La sagesse de la nature est telle qu'elle ne produit rien de superflu ou d'inutile, mais elle produit souvent des effets multiples à partir d'une seule cause. Si tout ceci est difficile et presque incompréhensible ou contraire à l'opinion de bien des gens, nous le rendrons, s'il plaît à Dieu, plus clair que le soleil, au moins pour ceux qui ont quelque connaissance des mathématiques. Le premier principe reste donc indiscuté, que la dimension des orbites se mesure par la période de révolution, et l'ordre des sphères est alors comme suit, en commençant par la plus haute. La première et la plus haute sphère est celle des étoiles fixes, qui se contient elle-même et tout le reste, et est par conséquent immobile, étant le lieu de l'univers auquel se rapportent le mouvement et les lieux des autres astres. Car, alors que certains pensent qu'elle change aussi quelque peu, nous attribuerons, en déduisant le mouvement de la terre, une autre cause à ce phénomène. Vient ensuite la première planète Saturne, qui achève son circuit en trente ans, puis Jupiter, avec une révolution de douze ans, puis Mars qui fait le tour en deux ans. La quatrième place dans cet ordre est celle de la révolution annuelle, où nous avons dit que la terre est contenue, avec l'orbite lunaire comme épicycle. À la cinquième place, Vénus fait le tour en neuf mois, à la sixième Mercure avec une révolution de quatre-vingts jours. Mais au milieu de tout cela se tient le soleil. Car qui pourrait, dans ce temple magnifique, placer cette lampe en un autre ou meilleur endroit qu'en celui d'où en même temps elle peut illuminer l'ensemble ? Certains l'appellent assez justement la lumière du monde, d'autres l'âme ou le gouverneur. Trismégiste l'appelle le Dieu visible, et l'Électre de Sophocle «celui qui voit tout». Ainsi en vérité le soleil, assis sur le trône royal, dirige la ronde de la famille des astres. Nicolas Copernic (1473-1543) De Revolutionibus orbium coelestium..., 1543 trad. de Alexandre Koyré, Éditions Blanchard Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 227 Document 2 : L'anatomie était alors traitée d'une manière si superficielle que, m'étant entraîné tout seul, sans guide, à disséquer des animaux, au cours de la troisième dissection à laquelle heureusement j'assistais, mes camarades et mes professeurs me poussèrent et je fis en public une dissection plus poussée que celle qui devait avoir lieu et qui devait concerner, comme le veut la coutume, presque exclusivement les seuls viscères. Quelque temps plus tard, je fis une deuxième dissection. Mon propos était de mettre à jour les muscles de la main et de disséquer plus à fond les viscères ; car, à l'exception de huit muscles de l'abdomen honteusement déchiquetés dans le mauvais ordre, personne (c'est la vérité) ne nous avait montré un muscle, ou un os, et encore moins un réseau nerveux, des veines et des artères. André Vésale (1514-1564) De la structure du corps humain, 1543 Document 3 : Il me souvient de ces reliques qu'on voit seulement par une petite vitre, et qu'il n'est permis toucher avec la main. Ainsi veulent-ils faire de toutes les disciplines, qu'ils tiennent enfermées dedans les livres grecs et latins, ne permettant qu'on les puisse voir autrement, ou les transporter de ces paroles mortes en celles qui sont vives et volent ordinairement par les bouches des hommes. J'ai (ce me semble) dû assez contenter ceux qui disent que notre vulgaire est trop vil et barbare pour traiter si hautes matières que la philosophie. Et s'ils n'en sont encore bien satisfaits, je leur demanderai : Pourquoi donc ont voyagé les anciens Grecs par tant de pays et dangers, les uns aux Indes, pour voir les gymnosophistes, les autres en Égypte, pour emprunter de ces vieux prêtres et prophètes ces grandes richesses dont la Grèce est maintenant si superbe ? Et toutefois ces nations, où la philosophie a si volontiers habité, produisaient (ce crois-je) des personnes aussi barbares et inhumaines que nous sommes, et des paroles aussi étranges que les nôtres. Bien peu me soucierais-je de l'élégance d'oraison qui est en Platon, et en Aristote, si leurs livres sans raison étaient écrits. La philosophie vraiment les a adoptés pour ses fils, non pour être nés en Grèce, mais pour avoir d'un haut sens bien parlé et bien écrit d'elle. La vérité si bien par eux cherchée, la disposition et l'ordre des choses, la sentencieuse brièveté de l'un et la divine copie de l'autre est propre à eux, et non à autres : mais la nature, dont ils ont si bien parlé, est mère de tous les autres, et ne dédaigne point se faire connaître à ceux qui procurent avec toute industrie entendre ses secrets, non pour devenir Grecs, mais pour être faits philosophes. Joachim Du Bellay (1522-1560) Que la langue française n’est incapable de la philosophie, et pourquoi les anciens étaient plus savants que les hommes de notre âge, chapitre dix Défense et illustration de la langue française, Les regrets, Gallimard, 1996, p 224 Document 4 : La Renaissance - tant vantée depuis un siècle où Michelet à lancé cette notion - ne consiste pas en un simple retour à l’Antiquité. Quel qu’ait été le rôle des voyages à Rome, des survivances antiques à travers le Moyen Âge, et des engouements pour Rome et Athènes, le début du XVIe siècle reste beaucoup plus marqué par cette libération de l’homme, que Michelet avait devinée : le nouvel esprit artistique et littéraire va de pair avec l’élargissement du monde, le renouvellement économique et social ; l’expansion maritime de l’Europe sur les trois Océans, cent ans plut tôt à peine abordés, compte autant que la lecture de Cicéron par les contemporains de Lefèvre d’Étaples. Et l’audace religieuse de Luther et Calvin même prend sa part d’un véritable renouvellement spirituel, car le petit monde des artistes a été sensible à tous ces ébranlements, aux perspectives de reflux de l’Islam comme de la conquête des Indes occidentales. Que la soif de savoir, cet appétit de découvrir tout ce que le vaste monde est en train de révéler aux Européens ébahis, se soit étendu jusqu’à l’Antiquité, ce n’est pas douteux ; tous les peintres de la Renaissance ont traité des sujets mythologiques, de même que tous les écrivains ont recopié du Virgile, du Martial, et invoqué les Di Immortales [Dieux immortels], sans devenir païens pour autant. La Renaissance n’en reste pas moins le moment d’une exaltation sans précédent des forces de libération individuelle : moment de Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 228 joie de vivre, de réussir une vie nouvelle ; de l’Italie aux Pays-Bas, de l’Espagne à l’Allemagne, c’est le même souffle de liberté, de grandeur humaine qui parcourt la France en tous sens ; l’Italie sans doute exerce la plus forte influence, puisque ses enfants envahissent le pays : non seulement les artistes comblés d’honneurs et d’argent, dont Léonard de Vinci est l’exemple type, mais aussi ses clercs qui occupent maints bénéfices importants, résident et apportent avec eux le goût nouveau. Ainsi la Renaissance des arts doit-elle avoir le visage souriant d’une époque de détente, et de conquête : c’est le moment - qui ne se prolonge guère au-delà de 1540 - des plus belles espérances ; pour ces hommes, encore une fois peu nombreux, qui voient l’Europe prendre pied dans le monde entier, respirer au rythme de l’Atlantique, rénover la foi malmenée, qui vivent dans la facilité luxueuse des rois, des princes et des riches marchands, ces premières années du XVIè siècle sont des années de joie et d’espérance, de créations nouvelles dans tous les domaines. Robert Mandrou Introduction à la France moderne Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 229 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS Quelques livres sur cette question - Le rêve de l'humanisme, de Petrarque à Érasme, Francisco Rico, Les Belles Lettres - Coll. L'Âne d'or, 2002 - La tradition humaniste, VIIIème siècle av. J.-C. - 20ème siècle apr. J.-C., Bernard Quilliet, Fayard, 2002 - Philosophie et perfection de l'homme. De la Renaissance à Descartes, Emmanuel Faye, Librairie J. Vrin, «Philologie et Mercure», 1998 - L'humanisme en Europe au temps de la Renaissance, Jean-Claude Margolin, PUF, 1981 - La philosophie de la Renaissance, Ernst Bloch, Payot Poche, 1994 - Les philosophies de la Renaissance, Hélène Védrine, PUF, 1971 - La Renaissance, philosophie de l'homme, Ernst Cassirer (1948), Éd. Man Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie de la Renaissance” - Code 4310 - 10/01/2011 - page 230