Cordes vocales : une approche intuitive de la phonation

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Une approche intuitive de la phonation (plus particulièrement la production de sons
voisés comme les voyelles)
X. Pelorson, ICP Grenoble
La plupart du temps, les cordes vocales sont ouvertes pour permettre au flux d’air lié à la
respiration d’aller et de venir sans obstruction. Pour produire un son voisé ou une voyelle, on
va commencer par inspirer une grande quantité d’air dans les poumons, qui vont jouer le rôle
d’un réservoir de pression, puis par une action musculaire volontaire (adduction pour M
Kobb), on va rapprocher les deux cordes vocales l’une contre l’autre jusqu’à ne laisser qu’un
très faible espace entre les cordes vocales, correspondant à ce qu’on appelle la glotte.
Puisqu’il y a une surpression au niveau des poumons, l’air sous pression va écarter les cordes
vocales.
Les cordes vocales sont constituées de tissus essentiellement élastique. Forces de pression de
l’air va s’opposer à une force de rappel élastique qui tendre à écarter ou rapprocher les cordes
vocales à leur position d’origine.
La littérature fait principalement référence à ces deux forces de pression et de rappel élastique
pour expliquer le phénomène d’oscillation des cordes vocales. Du point de vue, physique, on
peut montrer que ces deux forces ne sont pas suffisantes pour expliquer le phénomène d’autooscillation des cordes vocales. Il faut y rajouter un troisième force appelée force de Bernoulli
ou force d’aspiration
La première équation de l’effet Bernoulli exprime une relation entre la pression locale
au niveau de la glotte et la vitesse locale de l’écoulement au même point : Pression +
½.ρ.vitesse2 = constante, où ρ est la densité volumique de l’air supposé constante. La
deuxième équation traduit la conservation de la matière. En n’importe quel point de la glotte,
le produit entre la vitesse locale de l’écoulement et la section de la glotte doit être une
constante.
Cela a comme conséquence qu’entre la région sous-glottique, la trachée et la glotte, on a une
réduction considérable du calibre (l’aire du larynx diminue fortement). Du fait de la deuxième
équation, si l’aire diminue, la vitesse augmenter localement. On va donc avoir des vitesses
importantes au niveau des cordes vocales (col). Or si la vitesse localement augmente, alors la
pression va diminuer, avec le carré de la vitesse. Au niveau des cordes vocales, on s’attend
donc à observer des pressions négatives, ce qui correspond à une force d’aspiration qui va
tendre à accoler les cordes vocales l’une vers l’autre.
Pour aller plus loin dans les détails, cette description est valable au premier ordre mais
complètement fausse de plus près. Un exemple qui contredit cette première description est le
phénomène de décollement tourbillonnaire. En effet, si on tient un même raisonnement et
qu’on continue à utiliser les équations de Bernoulli, cette fois au delà des cordes vocales,
l’aire de la trachée étant sensiblement la même que celle du pharynx, d’après la deuxième
équation, les vitesses en ces points doivent être également égales, et les pressions également,
d’après la première équation. Or on aurait ce résultat dans le cas d’un tuyau uniforme sans
cordes vocales. Une théorie qui prédit que les cordes vocales n’ont aucune influence sur
l’écoulement a très peu de chance d’avoir un intérêt quelconque en parole. Il y a donc une
approximation qui n’est pas correcte, relié à ce qu’on appelle le Paradoxe de d’Alembert.
Fig 1 : Ecoulement d’un fluide sur un cylindre en approximation potentielle
Ce paradoxe concerne un écoulement avec un obstacle placé en en son sein, par exemple une
sphère ou un cylindre. D’Alembert arrivait à la conclusion, avec un raisonnement proche de la
description présentée plus haut, que quelles que soient les caractéristiques de l’écoulement,
l’obstacle n’exerçait aucune force sur l’écoulement. Réciproquement cela revient au même
que démontrer que la force exercée par l’écoulement sur le cylindre est nulle. Ce résultat est
bien entendu contre intuitif et contraire à toutes les expériences menées dans ce domaine.
La réponse à ce paradoxe est le phénomène de décollement tourbillonnaire
Fig 2: Visualisation de l’écoulement réel d’un fluide sur un cylindre (Marais 1899)
Sur la figure 2 est représentée une illustration obtenue par Etienne Jules Marais en 1899, qui
visualise les flux de fluide à l’aide de pinceaux de fumée le long d’un cylindre placé dans
l’écoulement. En amont, on observe effectivement un comportement qui ressemble à la
description de l’écoulement potentiel, l’écoulement suit notamment assez bien les parois du
cylindre. Par contre en aval, on observe un phénomène très différent. Le fluide se sépare des
parois du cylindre. On observe également des structure beaucoup plus compliquées,
chaotiques, liées à l’apparition de la turbulence.
Le même genre de phénomène peut être observé sur une maquette de cordes vocales.
Fig 3: Visualisation de l’écoulement sur une maquette de cordes vocales
Voici plusieurs photos de l’écoulement prises sur une maquette des cordes vocales.
L’écoulement se sépare des parois des cordes vocales en un point en général assez proche de
du col. On observe aussi une désagrégation progressive du tourbillon en des structures de plus
petites dimensions jusqu’à l’apparition de turbulence.
Ce même genre de phénomène a été observé au niveau des lèvres (locuteur disant « Ba »
plosives labiales)
Mettre la vidéo ici !
On peut donc appliquer l’équation de Bernoulli seulement jusqu’au point de séparation de
l’écoulement par rapport aux parois. Ainsi, les vitesses de jet vont être considérablement
différentes des vitesses sous-glottiques. Il va donc y avoir une chute de pression au niveau des
cordes vocales.
Pour conclure, on a donc un écoulement provenant des poumons, qui traverse les cordes
vocales qui ont des tissus déformables. Cet écoulement va exercer une force sur les tissus qui
vont se déformer et vont perturber l’écoulement à leur tour. Sous certaines conditions, ce
système d’interaction fluide-parole peut générer une auto-oscillation et alors générer du son.
De plus, les cordes vocales ne sont pas placées n’importe où mais à l’extrémité d’un
résonateur acoustique appelé conduit vocal. Le son va se propager à travers ce conduit vocal.
Les caractéristiques spectrales du son vont être fortement modifiées par cette propagation et
en sortie du conduit vocal on va avoir un signal de voix.
son
I. écoulement
(mécanique des fluides)
déformations
II. tissus
(biomécanique)
III. résonateurs
(acoustique)
forces
Fig 4: Schématisation du de la phonation comme un système couplé
Ainsi selon la forme du conduit vocal, on va obtenir des sons très différents. Il peut également
exister un couplage important entre le résonateur acoustique et ce système auto-oscillant.
voix
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