reflexion d`un masseur- kinesitherapeute sur un

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Caroline CHOCART
Masseur-kinésithérapeute
SSR du Système Nerveux
Centre Hospitalier
14260 Aunay sur Odon
REFLEXION D’UN MASSEURKINESITHERAPEUTE SUR UN PROGRAMME
D’EDUCATION THERAPEUTIQUE POST AVC
Ecrit professionnel – Formation ERET
Mai 2014
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1
MON CONTEXTE PROFESSIONNEL
1
L’EDUCATION THERAPEUTIQUE DANS CE SERVICE DE REEDUCATION
5
INTERET PORTE A CE PROJET ET REFLEXIONS
6
A : REFLEXIONS SUR LA MISE EN PLACE INSTITUTIONNELLE
6
La sélection du patient
6
Quand l’éducation thérapeutique peut-elle intervenir dans la maladie ?
7
1) En phase d’hospitalisation
7
2) Plus à distance
7
Quel binôme pour animer les groupes ?
B : REFLEXIONS PLUS GENERALES
8
8
Le positionnement
8
Les troubles cognitifs : limite de L’ETP ?
9
Le maillage géographique
9
CONCLUSION
1) Des professionnels de santé
9
2) De l’accompagnement post-programme
10
10
INTRODUCTION
En 2010, le ministère de la santé a proposé un plan d’action pour mieux organiser la
prise en charge des patients victimes d’ accident vasculaire cérébral (AVC). Ce plan, d’une
durée de 4 ans, a comme objectif l’optimisation de l’organisation des soins et la coordination
des acteurs médico-sociaux de la filière. Il y figure un volet concernant le développement de
l’éducation thérapeutique auprès de cette population pour améliorer la qualité de vie des
patients et prévenir la récidive. Ce plan implique la formation de professionnels de santé pour
la mise en place de programmes d’éducation thérapeutique patient.
Le pôle SSR du Système Nerveux du centre hospitalier d’Aunay sur Odon, reconnu
dans le PRS (Plan Régional de Santé) comme référent régional dans la filière de prise en
charge des personnes victimes d’AVC, s’est logiquement impliqué dans la création d’un
programme d’éducation spécifique, pour ensuite pratiquer ce type de prise en charge auprès
des patients concernés et de leurs aidants.
C’est dans ce contexte que j’ai suivi la formation de l’ERET (Espace Régional
d’Education Thérapeutique). Je décrirai dans ce document le cadre professionnel dans lequel
j’exerce en tant que masseur-kinésithérapeute, puis le projet d’éducation thérapeutique post
AVC et l’intérêt que j’y porte. Ensuite, je développerai les réflexions qui ont émergées après
la lecture de ce projet. Ces réflexions porteront sur la mise en place institutionnelle, puis
d’autres seront plus générales et personnelles.
MON CONTEXTE PROFESSIONNEL
J’exerce le métier de masseur - kinésithérapeute dans le pôle SSR du Système
Nerveux de l’hôpital d’Aunay sur Odon depuis 1997. Je fus d’emblée confrontée aux troubles
cognitifs des patients et à leur impact sur ma prise en charge rééducative. Cette nouveauté me
demanda une certaine adaptabilité de mes pratiques professionnelles ainsi qu’un
approfondissement de mes connaissances. J’ai également pris conscience de la répercussion
majeure de ces troubles neuropsychologiques sur l’autonomie du patient, sur sa qualité de vie,
ainsi que sur ses relations familiales et sociales.
J’ai trouvé dans ce service un véritable travail d’équipe, au niveau de ma corporation,
mais surtout au niveau de l’équipe pluridisciplinaire. Ce travail d’équipe me permet d’avoir
une approche holistique des patients, une réflexion commune, enrichie par la spécificité de
chacun, centrée sur la patient, ses besoins, son mode de vie, et sa propre problématique.
Durant ces 16 années, je me suis formée sur un plan technique en premier lieu. En
effet, la prise en charge de personnes cérébro-lésées requiert l’acquisition de techniques
spécifiques pour la rééducation de l’hémiplégie (Bobath, Perfetti), du syndrome cérébelleux,
et autres ataxies. Dans un deuxième temps, grâce à des formations internes, j’ai pu ouvrir mes
réflexions sur la bientraitance (Risque de maltraitance en institution), la prise en charge de la
douleur et en particulier sa dimension psychologique et la gestion du stress.
Le pôle SSR du Système Nerveux, se compose de 2 unités : une à temps partiel ( HTP)
composée de 4 places en ambulatoire regroupées sur deux jours et demi, et une à temps
complet (HTC) de 30 lits, en internat dans laquelle j’exerce.
L’équipe se compose de :
- Médecins spécialisés en Médecine Physique et Réadaptation (MPR)
-Personnels soignants : infirmiers(ères) et aide-soignant(e)s
-Personnels de rééducation : kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes
- Neuropsychologues
-Personnel socio-éducatif : assistantes sociales et animateur
- Diététicienne
-Secrétaires
- Agent coordonateur des activités
Nous accueillons des personnes de toute la région Basse Normandie présentant une
lésion encéphalique d’origine vasculaire (AVC), traumatique (traumatisme crânien), anoxique,
tumorale ou infectieuse, présentant des troubles cognitifs et pour la plupart, des déficits de
l’appareil locomoteur.
Après un bilan d’entrée réalisé par le médecin référent du patient et les rééducateurs
qui le prendront en charge, les objectifs rééducatifs sont fixés.
En tant que kinésithérapeute, je réalise dans un premier temps des bilans spécifiques
articulaires, moteurs, sensitifs, fonctionnels pour objectiver les déficits et leur évolution. Les
prises en charge sont majoritairement individuelles, de 45 min, 1 à 2 fois par jour, dans la
salle de kinésithérapie. Lorsqu’il n’y a pas de contre-indication médicale, avec l’accord du
médecin et celui du patient, des séances en piscine sont possibles. Les intérêts majeurs de la
balnéothérapie sont un allégement du poids du corps en charge lors de la marche ainsi qu’
une prise de conscience du corps et de ses mouvements. Elle apporte également une détente
précieuse pour ces patients souvent douloureux.
Les moindres progrès analytiques sont utilisés pour l’obtention d’améliorations
fonctionnelles, d’autonomie en sécurité pour les actes de la vie quotidienne et les
déplacements.
Nous proposons aussi des séances de travail en groupe animées par deux
kinésithérapeutes pour :
- des groupes « marche à l’extérieur » (dans l’enceinte de l’établissement ou en milieu
urbain en fonction des capacités d’endurance).
- des groupes de renforcement musculaire et de réentrainement à l’effort destinés aux
patients n’ayant pas ou peu de troubles locomoteurs.
Il existe également un groupe « kiné-ergo » animé par plusieurs kinésithérapeutes et
ergothérapeutes comportant des objectifs communs à nos deux professions : la mise en
charge sur le membre inférieur plégique et l’intégration du membre supérieur dans les
activités. Dans ce groupe, un thérapeute par patient est nécessaire pour des raisons de sécurité
et pour apporter les corrections individuelles appropriées à chaque patient.
L’intérêt de ce travail de groupe est qu’il permet une émulation entre les patients grâce à des
activités plus ludiques et surtout collectives.
Tout au long de la prise en charge je dois adapter mon approche, mon discours, et mes
techniques aux capacités cognitives du patient. Il est donc nécessaire que je cerne bien ses
déficits et ses capacités préservées. Les échanges avec les autres professionnels sont alors
précieux. Ainsi, l’orthophoniste m’aidera à utiliser la communication la plus pertinente avec
un patient aphasique ou encore, la neuropsychologue me précisera les troubles mnésiques, des
fonctions exécutives qui pourraient interférer sur ma prise en charge ainsi que les capacités
préservées sur lesquelles je m’appuierai pour les apprentissages locomoteurs.
Il existe également un lien étroit avec le personnel soignant. En effet, pour permettre
une intégration des acquis fonctionnels dans le quotidien, nous avons une fiche de suivi placée
dans la salle de bain du patient, et à destination du personnel soignant, stipulant les capacités
fonctionnelles ou l’aide nécessaire pour les transferts et les déplacements. Il y figure si besoin
les aides techniques, et le nombre d’aidants nécessaires. Cela permet une cohérence entre ce
que le patient est capable de réaliser en séance de rééducation et sa participation lors de la
toilette, de l’habillage et de ses déplacements.
Au cours de l’hospitalisation, l’évolution et les progrès du patient sont objectivés lors
de synthèses avec les thérapeutes du patients. Cette synthèse permet de réajuster les objectifs
de rééducation et d’envisager les projets d’avenir du patient. C’est le moment d’échanges
entre les professionnels, chacun dans sa spécialité enrichissant la prise en charge des autres,
dans un objectif commun : l’acquisition d’une autonomie la plus grande possible.
Lorsque le patient est suffisamment autonome et stabilisé sur le plan médical, une
sortie en week-end thérapeutique est envisagée. L’organisation de ce WE nécessite souvent
une visite à domicile pour d’éventuels aménagements architecturaux. C’est souvent pour moi
l’occasion de rencontrer les aidants. En effet, ils sont demandeurs de techniques pour réaliser
les transferts voiture, WC ou pour les accompagner lors de la marche en toute sécurité. J’ai, à
ce moment là en particulier, un rôle d’information important auprès de l’entourage en matière
de prévention des chutes, de manutention et d’installation. Parallèlement à de l’information
orale, je réalise une mise en situation concrète : je leur montre comment faire, à quoi faire
attention, ce qu’il faut impérativement éviter et pourquoi. Puis je leur propose de faire eux
même, en restant à coté. Face à leurs difficultés, nous cherchons ensemble des solutions. Cette
démarche rassure l’aidant qui découvre ces éléments de manutention, il peut ainsi s’exercer en
toute sécurité avant de se retrouver seul en situation. Elle rassure également le patient qui n’a
pas toujours une grande confiance face à un « non expert ».
C’est un moment important, car c’est souvent la première sortie de l’hôpital, le
premier retour au domicile. C’est la première confrontation à la réalité, le premier retour
« dans la vie d’avant ». Le retentissement psychoaffectif est donc très fort.
En fin d’hospitalisation, en prenant en compte le projet de vie du patient, de son
entourage, nous élaborons un projet de sortie apportant la meilleure qualité de vie possible
pour le patient.
Il n’en demeure pas moins que les patients victimes d’AVC gardent souvent
d’importantes séquelles motrices et cognitives impactant lourdement leur quotidien, ainsi que
leurs relations familiales et sociales.
L’EDUCATION THERAPEUTIQUE DANS CE SERVICE DE REEDUCATION
Dans ce contexte de prise en charge, est né en 2011 un projet multicentrique
d’éducation thérapeutique du patient post AVC, à l’initiative du Dr Corinne JOKIC, chef de
Pôle SSR Système Nerveux à Aunay sur Odon et responsable de la filière AVC à l’ARS
(Agence Régionale de Santé) de Basse Normandie, en collaboration avec Eliane FAGUAIS,
titulaire d’un master en éducation thérapeutique au Réseau de Santé du Bessin.
Ce projet s’appuie sur un contexte législatif : le plan AVC 2010-2014 et la loi HPST,
ainsi que sur les recommandations de la SOFMER (Société Française de Médecine Physique
et Réadaptation) portant sur les conséquences physiques et cognitives fréquentes de l’AVC.
Il associe le service de rééducation neurologique d’Aunay sur Odon, le service MPR
du CHU de Caen et l’IMPR (Institut de Médecine Physique et Réadaptation) d’Hérouville
Saint-Clair.
Son objectif est de développer et structurer la pratique d’éducation thérapeutique du
patient victime d’un AVC selon 2 axes : la prévention des risques cardio-vasculaires et les
conséquences physiques et cognitives de l’AVC, pour lesquelles sept thèmes ont été retenus :
•
L’installation et la manutention du patient
•
L’activité physique
•
La prévention des chutes
•
Les troubles vésico-sphinctériens
•
Les troubles cognitifs et comportementaux
•
La communication chez la patient aphasique
•
Les troubles de la déglutition
Ce programme doit permettre aux patients :
•
D’acquérir et maintenir des compétences d’auto soin et de sécurité
•
De mobiliser ou acquérir des compétences psycho-sociales
Il sera mis en place sur une zone géographique Caen /Aunay /Bayeux dans un premier
temps.
INTERET PORTE A CE PROJET ET REFLEXIONS
Dans toutes les thématiques proposées dans ces programmes, trois me concernent plus
directement en tant qu’expert dans le domaine : installation-manutention, prévention des
chutes et activité physique. Les deux premiers ont été élaborés par l’équipe du CHU de Caen,
le troisième par celle de l’IMPR d’Hérouville Saint-Clair. Je n’ai donc pas pu m’impliquer
dans la préparation des ateliers. Cependant, étant très intéressée par la démarche éducative,
j’ai fait la demande de la formation ERET afin de pouvoir m’impliquer dans ce projet de
service et animer les groupes en lien avec la kinésithérapie dès leurs mises en place.
Durant la formation, j’ai d’ailleurs envisagé de tester un de ces programmes d’éducation
thérapeutique du patient en individuel avec une personne hospitalisée et son aidant. Après
réflexion, de nombreux problèmes méthodologiques sont apparus : trouver un patient qui
puisse bénéficier d’une telle prise en charge (sans troubles cognitifs invalidants), avec un
aidant disponible et en demande. J’avais aussi besoins d’avoir accès aux outils pédagogiques.
Les six semaines dont je disposais s’avéraient insuffisantes.
J’ai alors décidé de me projeter le plus concrètement possible dans la mise en place du
projet. Sa lecture m’a amenée à des réflexions sur deux plans : la mise en place
institutionnelle et des réflexions plus générales.
A : réflexions sur la mise en place institutionnelle
•
La sélection du patient :
Etant donné l’organisation actuelle du service, en HTC comme en HTP,
l’identification du patient qui pourrait bénéficier de l’éducation thérapeutique peut aisément
s’envisager lors des synthèses pluridisciplinaires dont j’ai déjà parlé. En effet, l’équipe
thérapeutique qui connait ce patient semble particulièrement bien placée pour pressentir les
bénéfices d’une telle approche et recueillir l’accord du patient. Un diagnostic éducatif sera
réalisé avec le patient et/ou son aidant, pour s’assurer des besoins et définir les compétences à
acquérir en matière d’auto soin et d’adaptation. Il sera réalisé par un professionnel formé à
l’éducation thérapeutique. A l’issue de ce diagnostic, un programme personnalisé sera établi
en fonction des objectifs négociés.
•
Quand l’éducation thérapeutique peut-elle intervenir dans la maladie ?
1) En phase d’hospitalisation :
Pour certains patients, en phase aigue ou subaigüe, l’éducation thérapeutique me parait
difficilement envisageable. En effet, l’hospitalisation dans un service de rééducation signifie
pour eux l’espoir de la guérison sur le plan physique comme cognitif. Ils la vivent comme une
phase de transition, une parenthèse dans leur vie, et espèrent qu’une fois rentrés chez eux, tout
sera « comme avant ». Pour certains, il s’agit même d’anosognosie ou de déni de la maladie.
Ils ont donc besoin de temps pour prendre conscience que cette maladie chronique va changer
leur vie et qu’ils vont devoir s’y adapter. Ils ont également besoin de se confronter à la réalité,
de faire leurs propres expériences, chez eux pour prendre conscience de certaines difficultés.
En tant que professionnels, nous anticipons ces difficultés mais notre positionnement d’expert
de la maladie peut renforcer les résistances du patient et de l’aidant et faire que nous ne
sommes pas entendus. Le patient et l’aidant sont alors moins acteurs de la prise en charge.
Le retour à domicile est plus propice à la prise de conscience car l’hospitalisation
demeure un milieu protégé minorant l’impact des troubles moteurs et cognitifs.
2) Plus à distance :
Lors de la phase chronique de la maladie (à plus de 6 mois), une fois le patient dans
son lieu de vie, le programme aura comme fondement l’expérience de la maladie, le vécu de
difficultés concrètes du patient ou de son entourage, qui constitueront un levier judicieux
pour que le patient et/ou son entourage trouve ses (leurs) propres solutions. Ils deviennent
plus acteurs, plus aptes au changement et à mettre en place des adaptations. Un réel
partenariat entre le patient et les professionnels de santé peut alors s’installer.
•
Quel binôme pour animer les groupes ?
Pour les groupes « installation – manutention » et « prévention des chutes », il me
semble qu’un binôme de choix pour l’animation serait avec un ergothérapeute. En effet, ces
deux professions sont complémentaires car nous avons les mêmes objectifs, mais chacun
restant dans son domaine de compétence avec son « œil » propre. Nous avons en commun le
transfert des acquis locomoteurs dans les activités du quotidien : les soins d’hygiène, les
déplacements, les préventions des complications. Les ergothérapeutes sont plus qualifiés sur
les aides techniques, le matériel d’installation au fauteuil, l’aménagement du domicile ainsi
que sur les troubles neuropsychologiques.
Pour le groupe « activité physique », en l’absence d’éducateur sportif, il me semble
qu’un binôme de kinésithérapeutes serait le plus adapté. En effet, cette profession a la
spécificité du geste sportif, de l’endurance, de la marche et de la course.
B : réflexions plus générales
•
Le positionnement
Bien que, me pensant dans une relation empathique avec les patients, j’ai pris conscience,
dès les premiers jours de formation, que, dans ma pratique, j’avais un positionnement
autoritaire. J’ai très vite compris qu’il me fallait sortir de ce statut de rééducateur, de « celui
qui sait », « celui qui dicte comment faire » pour adopter une démarche guidante, basée sur le
patient, sur ses croyances, sur ses difficultés et ses propres objectifs. Très inconfortable au
début, je me sentais perdue.
Puis j’ai réalisé que la formation en éducation thérapeutique me permettait d’agir
différemment dans ma relation thérapeutique, en lien ou non avec un programme d’éducation
thérapeutique. Je l’ai d’ailleurs expérimenté depuis quelques semaines avec les patients
actuels en formulant mes questions de manière beaucoup moins fermée, moins induite et en
pratiquant la reformulation. Je me suis efforcée de ne pas verbaliser mon savoir et de
m’abstenir de tout jugement de valeur : uniquement de l’écoute active. J’en ai immédiatement
perçu le résultat. En effet, cette démarche relationnelle utilise les ressources propres du
patient qui, finalement trouve seul, ou presque, des solutions adaptées, pertinentes pour
résoudre certaines difficultés :
-
Pour les patients ayant des troubles cognitifs (sans anosognosie) : ils peuvent ainsi
trouver un système de compensation qu’ils investiront puisqu’il a du sens pour eux.
-
Pour les patients n’ayant pas encore intégré leur maladie chronique : le patient est
amené à une réflexion, à son rythme, qui l’aide à la prise de conscience sans
dirigisme.
Cette nouvelle posture d’adaptation au patient, basée sur l’écoute, la prise en compte
des croyances et la reformulation permet en effet la négociation d’objectifs communs entre le
thérapeute et le patient, qui se sent compris dans ses difficultés. Un climat de confiance
propice au changement s’installe.
•
Les troubles cognitifs : limite de l’ETP ?
La particularité de la population que le service prend en charge, est la présence de troubles
cognitifs : troubles du langage, atteinte du système mnésique, des fonctions exécutives.
Lorsque les troubles sont modérés, les patients peuvent tout à fait intégrer un programme
d’éducation thérapeutique. Des troubles majeurs de ces fonctions, rend me semble t-il la
pratique de l’éducation thérapeutique sans intégration d’un aidant tout à fait vaine. En effet,
on peut facilement imaginer qu’un patient qui a un oubli à mesure ne trouvera aucun bénéfice
dans cette démarche puisqu’il aura oublié l’événement après quelques minutes. De la même
manière, un patient ayant de gros troubles de la compréhension ne pourra pas intégrer un tel
programme seul. C’est dans ce cas que l’aidant prend toute sa place. En effet, il a un rôle
particulier à tenir pour faire le lien entre la prise en charge en éducation thérapeutique et le
quotidien. L’aidant est alors incontournable, son implication est déterminante pour la prise en
charge éducative.
•
Le maillage géographique
1) Des professionnels de santé
Il devient alors évident que l’information et la formation des professionnels de santé
exerçants en libéral sont fondamentales pour intégrer les patients dans la filière AVC. Je
pense en particulier aux médecins généralistes comme partenaires privilégiés puisqu’ils sont
en première ligne dans le parcours de soin. D’autre part, des programmes d’éducation
thérapeutique ne seront investis que s’ils sont à une distance raisonnable géographiquement.
Or le SSR Système Nerveux d’Aunay sur Odon est à vocation régionale. Il ne pourra assurer
seul la prise en charge en éducation thérapeutique des patients qu’il reçoit de toute la Basse
Normandie. La création des maisons médicales et pôles de Santé, particulièrement dans les
zones rurales, devient alors une précieuse ressource. Regroupant des professionnels
pluridisciplinaires, elles permettent la mise en place de programmes d’éducation
thérapeutique. Idéalement la coordination de ces programmes pourrait être orchestrée par
ERET et ses bases territoriales.
2)De l’accompagnement post-programme
Une fois la réalisation des programmes terminée, dans le domaine de l’activité physique
en particulier, se pose la question de la poursuite de la pratique. Les structures, associations et
infrastructures existantes sont peu nombreuses et situées en villes. Elles sont donc
particulièrement peu accessibles pour la population qui n’y vit pas. Or la pratique adaptée
d’une activité physique voire sportive de manière collective a de nombreuses vertues. Au-delà
des bienfaits sur la santé en terme de prévention des récidives d’AVC, elle permet de limiter
l’essoufflement motivationnel, de rompre l’isolement social lié au handicap moteur et/ou
cognitif. Cette pratique est également l’occasion d’échanges privilégiés sur les expériences de
chacun face à la maladie, mais elle permet aussi la création de liens sociaux, voire de
solidarité.
En tant que kinésithérapeute, je pense avoir un rôle important à jouer au niveau de
l’information auprès des patients de l’existant concernant ces associations et structures.
CONCLUSION
Dans l’attente de la mise en place institutionnelle de l’éducation thérapeutique post AVC à
Aunay sur Odon, je vais poursuivre la pratique de l’écoute active de mes patients. Elle me
demande encore beaucoup d’attention, mais je pense qu’elle devrait devenir plus spontanée
avec le temps. J’ai compris que le patient et son entourage peuvent avoir des ressources
précieuses à exploiter, qu’ils ont des compétences à développer avec notre aide pour gagner
en qualité de vie avec leur maladie chronique. Je vais poursuivre mes lectures sur les
techniques de communication, en particulier sur l’entretien motivationnel, les différents outils
permettant d’objectiver et de motiver le changement dans les habitudes de vie. Je vais
également veiller à me tenir informée des structures permettant la pratique de l’activité
physique adaptée.
J’ai compris grâce à cette formation combien la démarche d’éducation thérapeutique est
extrêmement bienveillante.
RESUME
Le développement de l’éducation thérapeutique pour les patients victimes d’un
AVC (Accident Vasculaire Cérébral) fait partie des priorités du plan ministériel
2010-2014. Dans ce contexte un projet institutionnel est né afin d’intégrer cette
pratique thérapeutique à la prise en charge des patients hospitalisés dans le SSR
du Système Nerveux du Centre Hospitalier d’Aunay sur Odon. Une description
des pratiques actuelles met en évidence un terreau favorable au développement
de l’éducation thérapeutique : une approche holistique du patient, un travail
interdisciplinaire, des objectifs individualisés, et une intégration de l’aidant dans
le projet de vie. Se projeter dans un tel programme fait émerger des réflexions
institutionnelles sur la mise en place des programmes. D’autres réflexions plus
personnelles apparaissent également sur le positionnement thérapeutique, la
répercussion des troubles cognitifs dans un tel programme ainsi que sur
l’importance du maillage géographique pour la pratique de l’éducation
thérapeutique et pour l’accompagnement à sa suite.
Mots clés : AVC – approche holistique – troubles cognitifs – éducation
thérapeutique – kinésithérapie
BIBLIOGRAPHIE
• Loi HPST
• Plan AVC 2010-2014
• Guides de l’HAS sur l’ETP
• Guides de la SOFMER (Société Française de Médecine Physique et de Réadaptation)
portant sur les conséquences physiques et cognitives de l’AVC
• www.inpes.santé.fr
• L’éducation thérapeutique des patients : Accompagner les patients avec une maladie
chronique : nouvelles approches. A.Lacroix et J.-P Assal
• Apprendre à éduquer le patient : Approche pédagogique. JF D’Ivernois et R. Gagnayre
• Revue adsp n°66 mars 2009 : Education thérapeutique Concepts et enjeux
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