DES CHERCHEURS DE L’ULB IDENTIFIENT BCL6, UN GENE DE CANCER DU SANG, COMME UN
FACTEUR-CLE DE LA DIFFÉRENCIATION DES CELLULES NERVEUSES DU CORTEX CEREBRAL. LEUR
ÉTUDE EST PUBLIÉE DANS NATURE NEUROSCIENCE.
Le cortex cérébral est la structure la plus complexe de notre cerveau, les cellules nerveuses
ou neurones qui le constituent sont les éléments essentiels de son bon fonctionnement, et la
cible de nombreuses maladies neurologiques et psychiatriques (comme les épilepsies,
certaines formes de retards mentaux et de maladies psychiatriques).
Le travail d'une équipe de chercheurs menée par Pierre Vanderhaeghen (Université libre de
Bruxelles (ULB), Investigateur WELBIO à l'Institut de Recherches interdisciplinaires en
Biologie Humaine et Moléculaire (IRIBHM, Faculté de Médecine) et au ULB Neuroscience
Institute (UNI)) ouvre de nouvelles perspectives sur le développement cérébral en
découvrant un facteur-clé, appelé BCL6, qui contrôle la génération des cellules
nerveuses du cortex cérébral, ou neurones corticaux.
Ce travail est publié ce 18 novembre (2 PM EST) dans la revue Nature Neuroscience 1.
Luca Tiberi et Jelle van den Ameele (Aspirant et Chargé de Recherches FNRS à l’IRIBHM),
ont tout d’abord identifié BCL6 en recherchant des facteurs capables de modifier la
production de neurones corticaux dans un modèle de différenciation neurale à partir de
cellules souches embryonnaires. Ils ont ainsi observé que la suractivation de BCL6 dans
ce modèle résultait en une transformation massive des cellulessouches/
progénitrices neurales en cellules nerveuses différenciées et
fonctionnelles.
Cette découverte était surprenante, car le gène BCL6 est connu depuis de nombreuses
années comme facteur déclenchant de certains lymphomes (tumeurs des cellules du sang),
mais rien n'était connu de son rôle dans le cerveau ou les cellules neurales. Afin de vérifier
ces observations, les chercheurs ont ensuite examiné un modèle de souris déficientes en
BCL6, et ont découvert que le cortex cérébral de ces souris est réduit de taille, car il contient
moins de neurones, confirmant ainsi que BCL6 est un facteur à la fois nécessaire et
suffisant à la différenciation des cellules nerveuses du cortex cérébral dans le
cerveau en développement.
Comment BCL6 agit-il pour contrôler la production des neurones corticaux ? Pour le
comprendre, les chercheurs ont combiné des techniques d'observation de biologie cellulaire
et d'analyses moléculaires. Ils ont ainsi révélé que BCL6 agit comme un "interrupteur"
moléculaire de la différenciation des cellules nerveuses, en "éteignant" l'expression
de certains gènes d'une voie de signalisation importante appelée Notch, qui normalement
bloque ou freine la différenciation. Ce phénomène de répression de l'expression génique,
dite "épigénétique", permet ainsi aux cellules souches neurales d'échapper au bloc
dépendant de Notch, et ainsi de se différencier de façon rapide et irréversible en cellules
nerveuses.
Ce travail de neurosciences fondamentales ouvre de nombreuses perspectives intéressantes.
Tout d'abord il identifie un facteur-clé de la production des cellules neuronales du
cortex cérébral à partir de cellules souches. Par ailleurs, il élucide son mécanisme
d'action moléculaire, par répression épigénétique de la voie Notch, une voie de signalisation
essentielle pour le maintien indifférencié de la plupart des cellules souches, même
nonneurales.
Enfin, il révèle que BCL6, un facteur pro-cancéreux dans les cellules du
sang, peut avoir des effets totalement différents dans le cerveau, illustrant de façon
frappante qu'un même gène peut avoir des effets diamétralement opposés en fonction de la
cellule où il agit.
Des travaux futurs devront maintenant déterminer si BCL6 est impliqué dans la promotion de
la différenciation d'autres types de cellules souches, neurales ou non-neurales, et si ces
effets inattendus pourraient permettre de mieux comprendre son implication dans les