SYNTHÈSE J Pharm Clin 2010 ; 29 (2) : 61-87 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Prevention of age-related macular degeneration DELPHINE COUASNON, ELSA COBAST, AUDE HERVE, EMILIE LE HAZIF, ALAIN B. LEGRAND Faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université de Rennes 1, 2, avenue du professeur Léon Bernard, 35043 Rennes cedex <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Résumé. La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie dégénérative de la rétine qui touche une partie importante de la population âgée (> 25 % après 75 ans). Elle affecte principalement la vision centrale et précise et représente un handicap de la vie quotidienne. L’influence du stress oxydant dans l’étiologie et l’évolution de la maladie est clairement établie. Nous décrivons les mécanismes de défenses contre l’apparition et l’évolution de la DMLA ainsi que quelques supplémentations alimentaires pouvant les renforcer, notamment les vitamines C et E, les oligoéléments Zn, Se, Cu, la lutéine, et les Acides Gras Polyinsaturés à Longue Chaine (AGPLC) de la série des oméga-3. Quelques essais cliniques achevés ou en cours sont décrits. Mots clés : dégénérescence maculaire liée à l’âge, rétinopathie, stress oxydant, antioxydants, lutéine, acides gras oméga 3 polyinsaturés à longue chaı̂ne, supplémentation alimentaire Abstract. The age-related macular degeneration (AMD) is a degenerative disease of retina concerning an important number of elderly (>25% over 75 years old). AMD mainly affects the central and precise view, and it is an everyday handicap and disability. The role of oxidizing stress on the etiology and evolution of this disease is clearly established. We describe defense mechanisms against the development of AMD and some food supplementations reinforcing such defenses, like vitamins (C & E), oligo-elements (Zn, Se, Cu), lutein, and omega 3 polyunsaturated long chain fatty acids. Some completed or ongoing clinical trials are described. Key words: age-related macular degeneration, retinal disease, oxidizing stress, antioxidants, lutein, omega 3 long chain polyunsaturated fatty acids, food supplementation doi: 10.1684/jpc.2010.0139 Introduction La DMLA ou dégénérescence maculaire liée à l’âge, est selon l’OMS une maladie oculaire prioritaire, et qui touche la vue de la personne âgée. La DMLA est la 3e cause mondiale de déficience visuelle (première cause dans les pays industrialisés) et représente 8,7 % des causes de cécité au monde. La DMLA est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans dans les pays développés. Le risque de survenue de la maladie augmente avec l’âge et dépasse 25 % de la population après 75 ans. Elle touche 2 millions de personnes en France, majoritairement atteintes d’une forme peu sévère. Les formes sévères concernent près de 150 000 à 200 000 Français. Le principal facteur de risque en est donc l’âge. D’autres facteurs de risque adjuvant sont incriminés, comme le tabagisme, l’influence génétique, le degré de pigmentation (risque plus important en cas d’iris clair), l’hypertension artérielle, les ultraviolets et un déséquilibre alimentaire. L’œil a une place prépondérante dans la pathologie liée à l’oxygène : il est exposé non seulement à des réactions * Correspondance et tirés à part : A. Legrand J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 inflammatoires, mais également aux méfaits du soleil et de la pollution atmosphérique. Notre problématique est d’évaluer, au regard des propriétés étiologiques de la DMLA, si des traitements de supplémentation peuvent garantir une prévention de la survenue de la pathologie. Pour y répondre, nous allons étudier le rôle des antioxydants, puis de la lutéine et enfin des oméga-3. Première partie : Physiopathologie de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) Anatomie et physiologie de l’œil humain L’œil humain est l’organe de la vision de l’homme. Il capte la lumière puis interagit avec elle, ce qui nous permet de distinguer les formes et les couleurs (figure 1). L’organisation de l’appareil de la vision [1] L’œil est constitué d’un globe oculaire, formé de 3 enveloppes ou tuniques : les tuniques externe, moyenne et interne. Tunique externe – la sclérotique (= blanc de l’œil), la plus résistante des tuniques de l’œil. C’est la membrane de protection de 61 D. Couasnon, et al. Corps ciliares Cornée Choroïde Nerf optique Iris Cristallin Macula Iris Conjonctive Rétine Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Figure 1. Physiologie de l’œil. Source : http://www710.univlyon1.fr/~fdenis/club_EEA/images/oeil.jpg. l’œil, peu vascularisée, riche en collagène. Elle devient transparente en avant pour donner la cornée ; – la cornée principale lentille de l’œil. Elle assure la fonction de protection de l’œil contre les micro-organismes. Tunique moyenne : l’uvée (membrane vasculaire, nourricière) – la choroïde est une membrane vascularisée disposée autour de la rétine, assurant sa nutrition. Les cellules de cette tunique renferment un pigment, la mélanine, qui lui donne une couleur brun foncé, afin que les rayons ne pénètrent que par la pupille ; – l’iris donne la couleur de l’œil. Constituant le diaphragme de l’œil, jouant sur la quantité de lumière entrant ; – le corps ciliaire sécrète l’humeur aqueuse (figure 2). Tunique interne ou membrane nerveuse (figure 3) – La rétine ; – La tache jaune ou macula ; – Le point aveugle : point de sortie, où les fibres nerveuses se réunissent pour former le nerf optique. Il ne comporte pas de cellule photosensible. Nous allons étudier plus en détail la rétine, siège de la pathologie. Figure 2. Tunique moyenne. Source : http://tecfa.unige.ch/ staf/staf-g/glaus/staf14/ex8/images/oeil4.jpg. Rétine Sclère Cristallin Fovéa Iris Macula Choroïde Rétine Cornée Nerf optique Figure 3. Tunique interne. Source : http://www.vetopsy.fr/ sens/visu/images/oeil_ret.gif. La rétine [1-4] La rétine est la membrane la plus interne de l’œil, elle tapisse entièrement l’œil y compris la face interne de l’iris. Elle comporte deux régions particulières, la région maculaire et l’ora serrata (zone située à l’intérieur du globe oculaire, à proximité de l’iris et plus précisément du bord ciliaire). Organisation de la rétine La rétine est essentiellement constituée de deux parties : – l’épithélium pigmentaire reposant sur la membrane de Bruch, et le neuroépithélium ; – le neuroépithélium quant à lui, est constitué de 3 groupes d’éléments suivants : 1. une chaîne de 3 neurones : cônes et bâtonnets, les cellules bipolaires et les cellules ganglionnaires ; 2. des neurones d’association ; 3. les cellules gliales de soutien (tels que les astrocytes, la glie paravasculaire, la microglie, et surtout les cellules de Müller). La stratification de ces trois groupes d’éléments réalise une organisation en dix couches, détaillées sur la figure 4. La choroïde Le premier niveau est constitué par la choroïde. 62 Celle-ci comprend 2 structures : – la lame choriocapillaire qui constitue la vascularisation de l’ensemble de la rétine, permet l’apport des nutriments ; – la membrane de Bruch : elle nourrit et oxygène l’ensemble de la rétine. En effet, il existe des échanges métaboliques très importants à travers cette membrane ; échanges avec la rétine externe, l’épithélium pigmentaire et la choriocapillaire (étant la principale source de nutriments). La membrane de Bruch, constituée de phospholipides, forme une barrière de filtration semi-perméable à travers laquelle les nutriments passent de la choriocapillaire vers les photorécepteurs, et les produits de dégradation cellulaire (déchets issus des réactions photochimiques) passent dans la direction opposée. Cette membrane s’épaissit naturellement avec l’âge. La membrane de Bruch semble par ce phénomène contribuer à l’étiologie de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). La rétine et ses 10 couches successives – (1) L’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) : monocouche de cellules rétiniennes (ayant des propriétés de cellules J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Lame choriocapillaire Choroïde Lame de Bruch Rétine pigmentaire 1. Epithélium pigmentaire Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2. Photorécepteurs 200 µm 3. Limitante externe Couche neuroépithéliale Bâtonnet 4. Noyaux ou grains externes N e u r o E p i t h é l i u m R é t i n e Cône 5. Plexiforme externe 100 µm Cellule horizontale Cellule bipolaire 6. Noyaux ou grains internes Couche ganglionnaire de la rétine Cellule de Müller Cellule amacrine 7. Plexiforme interne L U M I E R E Astrocyte Cellule Couche ganglionnaire ganglionnaire du nerf optique (II) 8. Cellules ganglionnaires 9. Fibres nerveuses (nerf optique) 10. Limitante interne Capillaire rétinien 0 µm Figure 4. Les différentes couches rétiniennes. Source : http://www.vetopsy.fr/sens/visu/images/ret_dessin.gif. épithéliales) et de granules pigmentaires (mélanine et lipofuscine). Chaque cellule de cet épithélium sera en contact avec au moins 25 bâtonnets ou cônes. Il possède plusieurs rôles : – l’absorption des rayons UV ; – le maintien de la BHR (barrière hémato-rétinienne) ; – la participation au cycle visuel (absorbe tous les photons qui n’ont pas été captés par les photorécepteurs) ; – la phagocytose des segments externes des photorécepteurs ; – les apports de nutriments et métabolites à la rétine neurosensorielle. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Cet épithélium a un rôle essentiel à la fois fonctionnel et métabolique. Il a un rôle de transport, d’interface entre la choroïde et le reste de la rétine par transports actif ou passif. Le transfert des métabolites tels que les acides gras existe de la choroïde vers les photorécepteurs et inversement. L’EPR est l’élément essentiel à l’apport de nutriments aux photorécepteurs. S’il se produit une défaillance au sein de cet épithélium, telle qu’une rupture ou lésion, il y aura un déficit dans ce mécanisme d’apport et de rejet au niveau rétinien. L’épithélium pigmentaire rétinien et les acides gras : l’épithélium aurait la faculté de s’enrichir en DHA et de pro- 63 D. Couasnon, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. duire des métabolites neuroprotecteurs. Il agirait comme une « plaque tournante » du métabolisme des acides gras pour la rétine et pourrait constituer une cible à privilégier dans le cadre d’une prévention nutritionnelle destinée à prévenir les pathologies oculaires liées au vieillissement. – (2) Les photorécepteurs (ou cellules visuelles) : ils servent à décomposer les informations lumineuses en signaux électriques, qui seront envoyés au nerf optique. Il existe deux types de photorécepteurs : les cônes et les bâtonnets (figure 5). – Les cônes : environ 6 millions de cellules dans la rétine, la plus grande concentration est dans la macula. Il existe 3 types différents de cônes servant à décomposer la lumière en couleurs. On parle de 3 pigments rétiniens : iodopsine S pour le bleu, iodopsine M pour le vert et iodopsine L pour le rouge. Ils permettent une vision centrale détaillée et la perception de la couleur. – Les bâtonnets : environ 125 millions de cellules dans la rétine. Ils sont responsables de la vision périphérique et de la vision nocturne. Ils sont constitués d’un unique pigment rétinien : la rhodopsine. Les photorécepteurs requièrent une quantité importante d’oxygène afin de transmettre les signaux au cerveau. En métabolisant l’oxygène, les cellules produisent beaucoup de déchets qui doivent être rejetés de manière efficace afin que les cellules puissent fonctionner normalement. La livraison d’oxygène et le rejet des déchets sont le travail de l’épithélium pigmentaire rétinien, de la membrane de Bruch et de la choroïde qui fonctionnent ensemble comme une « unité sanitaire ». – (4) La couche des grains externes : elle correspond aux noyaux des cellules visuelles. – (6) La couche des grains internes : elle est formée par les corps cellulaires des cellules bipolaires, amacrines, horizontales et de Müller. – (5 et 7) Les couches plexiformes : constituent des synapses entre les différentes cellules. Vascularisation de la rétine Cette vascularisation, artérielle et veineuse, est située dans la couche des fibres ganglionnaires sous la limitante interne. A Disques Espace cytoplasmique Segment externe Membrane plasmique Segment externe Cils Mitochondrie Segment interne Segment interne Noyaux Terminaison synaptique Terminaison synaptique Bâtonnet Cône Figure 5. Les photorécepteurs. Source : http://www.physio. chups.jussieu.fr/vision1.pdf. 64 Au niveau de la macula, il y existe une zone avasculaire (la fovéa). Cette zone est entourée par un capillaire continu ; par conséquent, dans cette partie avasculaire, les échanges se font par l’intermédiaire de la choriocapillaire. La région maculaire [5] Dans cette région les cellules pigmentées sont les plus hautes et les plus denses. – La macula, située dans la rétine centrale est responsable de la vision fine, nous permettant de lire, écrire, et réaliser toutes les activités manuelles de détail. En effet, elle est uniquement composée de cônes, assurant une motilité visuelle maximale. Par conséquent, dans la DMLA seule la vision centrale est altérée ; la vision périphérique étant conservée, du fait que les bâtonnets ne sont pas atteints.Les berges sont plus épaisses car elles comprennent, en plus de la structure rétinienne normale, les éléments d’association et de transmission qui manquent à la fovéa. La plexiforme externe des berges est étirée oblique, nommée « couche de Henlé ». C’est dans cette couche que se collectent les œdèmes maculaires. La lutéine est un pigment caroténoïde qui est concentré dans la macula, donnant ainsi sa couleur jaune. – La fovea, le centre de la macula, est constituée uniquement de cônes, et l’acuité visuelle y est donc maximale. Dégénérescence maculaire liée à l’âge : La physiopathologie Définition [6-8] La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie dégénérative de la rétine d’évolution chronique qui débute après l’âge de 50 ans (son diagnostic est souvent fait 10 à 15 ans plus tard). Cette maladie correspond à des lésions de la macula. Ces lésions sont : dégénératives, non inflammatoires, acquises, survenant sur un œil auparavant normal, entraînant une altération de la vision centrale. La vision périphérique ou latérale ne sont pas atteintes. Les défaillances physiopathologiques à l’origine d’une DMLA [5, 9] Avec le vieillissement, les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien se détériorent, causant un maillon faible dans le processus « sanitaire rétinien ». Les cellules photoréceptrices sont en manque d’oxygène, et ne peuvent plus envoyer de signaux visuels au cerveau. Il y aura une diminution de la destruction des déchets qui vont s’accumuler au niveau de l’œil. Cette accumulation de déchets entraîne le dépôt de Drusen, précurseurs de la DMLA. Une autre théorie suggère que les vaisseaux sanguins sous-jacents, qui fournissent les nutriments et rejettent les déchets de l’épithélium pigmentaire rétinien et des photorécepteurs, ne fonctionnent pas correctement. Par conséquent, il y aura un manque d’oxygène et accumulation des déchets. Ce manque d’oxygène entraîne une hypoxie, qui va induire la libération du VEGF (vascular endothelial growth factor). Ce facteur de croissance vasculaire va quant à lui induire la mise en place d’un mécanisme de compensation par la formation de nouveaux vaisseaux sanguins anormaux, on parle de néovascularisation choroïdienne. Aujourd’hui les mécanismes expliquant la formation de ces néovaisseaux ne sont pas encore tous connus. En J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. revanche, le rôle du facteur de croissance VEGF dans le développement de ces néovaisseaux est bien identifié. Ces néovaisseaux sont à l’origine de décollements pigmentaires et d’hémorragies au niveau de la macula, qui vont gêner la vision. Les radicaux libres sont produits en grande quantité par la macula, et neutralisés par les antioxydants. Malheureusement, l’organisme lorsqu’il est exposé à des facteurs influençant, va produire un taux de radicaux libres supérieur à ses besoins. Ces radicaux libres réagissent avec les cônes des photorécepteurs dans la macula et produisent une quantité anormale de déchets, qui s’accumulent et entraînent un dysfonctionnement au niveau des cellules photoréceptrices. Les facteurs de risques [7, 10] Les facteurs de risque les mieux identifiés de la DMLA sont l’âge et le tabac. – l’âge (personne de plus de 50 ans) est un facteur de risque essentiel, contre lequel on ne peut évidemment pas agir. La prévalence de l’apparition de la DMLA chez les plus de 80 ans est de 30 % ; – le deuxième facteur de risque reconnu est le tabac. Une étude a montré l’augmentation de la fréquence de la DMLA chez les fumeurs ; ce risque persiste jusqu’à 20 ans après l’arrêt du tabac. Les sujets fumant plus de 20 cigarettes par jour ont un risque de DMLA multiplié par 2,5. Le tabagisme pourrait favoriser l’apparition de néovaisseaux choroïdiens. Cependant des personnes n’ayant jamais fumé de leur vie peuvent être atteintes de DMLA ; – l’hérédité intervient dans la survenue de la DMLA, même si la probabilité de transmission aux descendants n’est pas encore prouvée, au moins 3 gènes seraient impliqués. La présence d’un seul allèle favorisant multiplie par 2 à 5 le risque d’être atteint. Le risque est supérieur à 80 % avec 3 allèles favorisants ; – l’alimentation est le facteur de risque que nous allons étudier. Les patients atteints de DMLA seraient aussi ceux ayant un régime faible en vitamines, minéraux et oligoéléments ; – la lumière : on a cru longtemps que les rétinopathies étaient dues à une élévation de la température provoquée par l’observation directe du soleil (notamment au cours d’éclipse). On admet aujourd’hui que les effets solaires rétiniens sont de nature photochimique et qu’ils ont pour siège les photorécepteurs et l’épithélium pigmentaire de la rétine. En effet, les photons de haute énergie détruisent l’article externe des photorécepteurs. Ainsi, la rétine du sujet âgé, protégée par un cristallin opacifié, devient dangereusement exposée après chirurgie de la cataracte (les cristallins artificiels présentent de mauvaises qualités d’absorption des UV et de la lumière bleue). La différence entre les pigments de l’épithélium pigmentaire rétinien que sont la mélanine et la lipofushine, réside dans leurs taux. La mélanine est un piège à radicaux libre alors que la lipofushine ne l’est pas ; lors de la vieillesse la lipofushine augmente, par conséquent on observe une forte concentration de l’oxygène dans épithélium pigmentaire. D’autres facteurs de risque tels que la couleur des yeux, l’hypertension artérielle et l’obésité ont été évoqués, mais à l’heure actuelle, ils ne sont pas confirmés. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 À retenir : les symptômes qui doivent alerter Une baisse de la sensibilité aux contrastes. Une baisse d’acuité visuelle. Une vision déformée ou gondolée. Une apparition d’une tache centrale : un scotome. Les formes cliniques [6-8, 11] Étiologie de la DMLA Dans le DMLA, la région maculaire présente deux anomalies caractéristiques : – apparition de Drusen : taches blanches dues à l’accumulation de déchets lipidoprotéiques sous la rétine (figures 6 et 7). Les Drusen sont des dépôts localisés de lipides et lipoprotéines, secondaires à une accumulation de déchets métaboliques dus à la destruction de cellules photoréceptrices ; – l’altérationde l’épithélium pigmentaire : les cellules épithéliales et photoréceptrices disparaissent et laissent la place à des plages cicatricielles au niveau de la rétine. Lorsque ces plages cicatricielles vont se rejoindre, on parle fovea optic nerve Human retina Figure 6. Rétine normale. Source : http://www.jordanseyes. com/userimages/normal-retina.jpg. DRUSEN Figure 7. Drusen du pôle postérieur. Source : http://www.snof. org/maladies/dmla.html. 65 D. Couasnon, et al. de scotome, zone où l’acuité visuelle est nulle. Ce phénomène atrophique serait lié à la présence des Drusen qui altéreraient les échanges métaboliques rétiniens. Les différentes formes Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Il existe trois formes cliniques conduisant à l’apparition d’une DMLA : – la forme précoce caractérisée par une petite quantité de Drusen et une pigmentation rétinienne anormale (hypo ou hyperpigmentation). Cette forme est très souvent asymptomatique. On peut aussi parler de stades 1 et 2 ; – la forme intermédiaire caractérisée par la présence d’un taux élevé de Drusen d’une taille moyenne. On observe des parties atrophiées mais qui ne sont pas étendues à la macula. On peut aussi parler de stade 3 ; – on distingue deux formes évolutives (ou stade 4), la forme atrophique (ou « sèche ») et la forme exsudative (ou « humide »). Elles ont les mêmes conséquences sur la vision mais évoluent à des vitesses différentes. Le stade débutant est le même dans les deux cas : apparition de Drusen au niveau de la macula ou altération de l’épithélium pigmentaire rétinien. La DMLA « sèche » ou atrophique est la forme la plus fréquente (figure 8). D’évolution lente, elle aboutit inévitablement vers une baisse sévère de l’acuité visuelle. Elle se caractérise par la disparition progressive des cellules visuelles et pigmentaires de la rétine (cônes et bâtonnets). Ces cellules sont remplacées par des lésions atrophiques au niveau de la macula. Elles s’étendent lentement pendant de nombreuses années sans gêne visuelle. Elles finissent par se rejoindre et toucher la macula, entraînant alors une altération de la vision. On parle de scotome : portion du champ visuel dépourvue de vision. Les personnes atteintes par cette forme ressentent le besoin d’une lumière forte pour lire et souffrent d’éblouissements. Aujourd’hui, aucun traitement n’existe pour cette forme atrophique. La DMLA exsudative ou « humide » est la forme la moins fréquente (figure 9). Elle se caractérise par la formation de néovaisseaux choroïdiens sous la macula, gênant ainsi la vision. Comme ils laissent passer facilement le sérum et le sang, cela va donner un soulèvement de l’épithélium pigmentaire, avec des hémorragies et des exsudats. L’évolution se fera vers une cicatrice fibreuse avec une atrophie Hémorragies Fovea avec néovaisseaux Exsudats Figure 9. Forme exsudative de DMLA. Source : http://www. snof.org/maladies/dmla.html. du tissu choriorétinien. Son évolution peut être particulièrement rapide, conduisant à une perte de la vision centrale en quelques semaines à quelques années. Pour cette forme, des solutions thérapeutiques existent. Les signes cliniques et symptômes [7] La DMLA entraîne une perte de la vision centrale, tout en laissant intacte la vision périphérique. Les premiers signes de la maladie sont habituellement discrets et peuvent être négligés. Attention, une baisse de la vision chez la personne qui prend de l’âge ne doit pas être mise sur le compte du vieillissement naturel. Les symptômes caractéristiques évoluent par la suite, le stade le plus avancé est l’apparition d’une tache au centre du champ visuel. Les signes cliniques évocateurs (figure 10) Les deux yeux sont-ils forcément atteints ? L’atteinte sévère du deuxième œil est très variable d’un sujet à l’autre : elle peut survenir rapidement, dans un an, dans 10 ans, ou jamais. S’il existe une DMLA exsudative ou « humide » à un œil, il y a un risque de la développer au deuxième. Les examens pour poser le diagnostic [7, 11-13] SCOTOME Seul un ophtalmologiste peut poser le diagnostic de la DMLA. Pour le diagnostic, la première étape consiste à mesurer l’acuité visuelle de près et de loin. Puis l’ophtalmologiste procède à un examen du fond d’œil (permet de mettre en évidence certaines anomalies caractéristiques d’une DMLA tels que les Drusen, altération de l’épithélium pigmentaire, les hémorragies et les exsudats). Suivant la forme de DMLA diagnostiquée, d’autres examens peuvent être prescrits. L’angiographie Figure 8. Forme atrophique. Source : http://www.snof.org/ maladies/dmla.html. 66 Examen essentiel dans le diagnostic de la DMLA exsudative. Cet examen consiste à photographier les vaisseaux de la rétine après injection intraveineuse d’un colorant fluorescent. Il montre ainsi les vaisseaux et le tissu de la rétine. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Diminution de la sensibilité aux contrastes Avoir l’impression de manquer de lumière pour lire ou écrire. Les images peuvent apparaître plus ternes ou jaunies. Diminution de l’acuité visuelle Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Ressentir des difficultés à percevoir les détails. La baisse de l’acuité visuelle peut intervenir de manière rapide. Déformation des lignes droites Percevoir des lignes droites comme déformées ou ondulées. On parle de métamorphopsie pouvant être recherchée par le test d’Amsler. Apparition d’une tache sombre centrale Percevoir une tache noire ou grise (appelée SCOTOME) devant l’oeil gênant pour distinguer les éléments (par exemple les visages). Figure 10. Formes cliniques de la DMLA. Source : www.dmlainfo.fr. L’OCT (tomographie en cohérence optique) Permet une exploration anatomique des couches de tissus constituant la rétine. L’OCT est de plus en plus utilisée pour la surveillance et la prise en charge de la DMLA. Test d’Amsler Une DMLA commence habituellement par une déformation des images (métamorphopsies). Il faut donc tester chacun de ses yeux, en fixant le point bleu central (figure 11). On ne doit pas voir la grille environnante déformée, ce qui nécessiterait une consultation en urgence chez un ophtalmologiste. Les patients présentant des anomalies maculaires telle que la DMLA voient ce type d’images (figures 12 et 13). Comment vivre avec une DMLA ? [7] Généralités La DMLA représente une source importante d’angoisse car elle peut entraîner une réduction des capacités à réaliser les activités de la vie quotidienne et peut avoir un retentissement sur l’autonomie au cours de son évolution. Le mode de vie n’est pas forcément modifié par la DMLA : il est possible de voyager, prendre l’avion. Les personnes peuvent continuer à avoir une activité physique régulière. Le champ visuel périphérique étant conservé, les malades gardent une certaine autonomie et accomplissent sans aide les gestes quotidiens : se déplacer, s’habiller, manger. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Dans le cas le plus gênant, une tâche centrale (scotome) peut empêcher, par exemple, de lire, de reconnaître les visages dans la rue et de pratiquer des activités de bricolage précis. Le problème de la conduite automobile Lorsque la DMLA est très évoluée, la conduite automobile est dangereuse. Des conseils pour l’aménagement du lieu de vie Installer un éclairage de bonne intensité en évitant les zones d’ombre et d’éblouissement Éviter les risques de chute en supprimant les obstacles comme des meubles non positionnés le long du mur, des fils électriques qui traînent par terre, des tapis non fixés. Utiliser un téléphone à grosses touches. Avoir un réveil ou une montre parlante. La prévention Il y a 3 niveaux de prévention : – la prévention primaire consiste à dépister les personnes à risque avant les premiers signes de la maladie, afin de leur proposer des mesures de protection. Il s’agit au niveau national de recommander dans la population des mesures préventives telles que la lutte contre le tabagisme, ou encore un régime alimentaire approprié (riche en antioxydants, en lutéine ou encore en DHA) mais aussi le port de lunettes de haute protection contre les rayons lumineux ; 67 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. D. Couasnon, et al. Figure 11. Grille d’Amsler. Source : http://www.snof.org/maladies/dmla.html. Figure 13. DMLA évoluée. Source : http://www.snof.org/maladies/dmla.html. La prévention tertiaire correspond à l’ensemble des éléments diagnostiques et thérapeutiques mis en œuvre dans les meilleurs délais afin d’assurer la prise en charge optimale des patients et la meilleure acuité visuelle possible. Elle correspond également à l’ensemble des mesures d’éducation du patient pour une détection précoce des symptômes en cas de récidive ou d’atteinte du deuxième œil et surtout à sa prise en charge rapide. De multiples nutriments interviennent dans la vision et pourraient influencer le déclenchement et/ou l’évolution de la DMLA, notamment : les antioxydants, les xanthophylles (lutéine et zéaxanthine) ainsi que les acides gras oméga-3 à longues chaînes : DHA et EPA. Cette optique d’apport nutritionnel fait partie intégrante de la prévention primaire, que nous allons donc étudier. Deuxième partie : DMLA et stress oxydant Figure 12. Début de DMLA. Source : http://www.snof.org/ maladies/dmla.html. Du fait de la dépendance de sa fonction à l’oxygène, la rétine est fortement exposée au stress oxydant qui est un facteur majeur de l’apparition de la DMLA. Il existe cependant des mécanismes de défenses antioxydants qui peuvent être renforcés pas des apports nutritionnels. Le stress oxydant [14] – la prévention secondaire a pour but de limiter l’évolution des lésions, en intervenant avant l’apparition des symptômes. Le maître mot de cette prévention est donc le dépistage des cas asymptomatiques. Elle correspond à la détection des premiers signes de maculopathie liée à l’âge (MLA) ou de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) par un examen du fond d’œil à partir de l’âge de 55 ans ; – la prévention tertiaire a pour objectif de réduire les complications de la DMLA, pour limiter les conséquences de la maladie et améliorer la qualité de vie des personnes. 68 Le stress oxydant se définit comme un déséquilibre entre la surproduction d’espèces réactives de l’oxygène et/ou la baisse des défenses antioxydantes (figure 14). Origine du stress oxydant dans la DMLA Les causes potentielles d’un stress oxydant sont diverses : certaines sont liées à la production excessive d’espèces réactives de l’oxygène (comme l’oxygène singulet, le radical superoxyde et hydroxyle ou le peroxyde d’hydrogène), d’autres à une diminution des défenses anti radicalaires. L’excès tissulaire des espèces oxygénées réactives crée un stress oxydant qui se manifeste par des altérations structuJ Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Le stress oxydatif est la conséquence d'une rupture entre l'équilibre: Radicaux libres ↔ Anti-oxydants • Baisse des défenses anti-oxydantes • Exposition à la lumière • Phagocytose • Respiration cellulaire trés active Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Figure 14. Equilibre entre radicaux libres et antioxydants. D’après [14]. rales et fonctionnelles dues à l’attaque radicalaire des lipides, des protéines et des acides nucléiques. D’autre part, le stress oxydant est capable de réguler l’expression de gènes impliqués notamment dans la croissance cellulaire et dans l’apoptose. Plusieurs circonstances rencontrées dans la DLMA sont susceptibles d’être à l’origine d’un stress oxydant qui pourrait prendre part à l’étiopathogénie de la maladie. Les espèces réactives de l’oxygène formées au niveau de la rétine [15] La rétine offre un contexte idéal pour la production de FRO (formes réactives de l’oxygène) pour diverses raisons : – la consommation d’oxygène est beaucoup plus importante dans la rétine que dans n’importe quel autre organe ; – la rétine est soumise à une irradiation cumulative de niveau élevé ; – les membranes de la couche externe photoréceptrice sont riches en acides gras polyinsaturés facilement oxydables et pouvant être à l’origine de chaînes de réactions cytotoxiques ; – ces espèces réactives peuvent également découler de réactions enzymatiques le plus souvent catalysées par les oxydases. Les FRO sont le plus souvent des radicaux libres. Or, l’état radicalaire est dit « instable », le radical libre réagit de façon fugace avec tous les édifices moléculaires voisins, même ceux chimiquement les plus stables. Dès lors, une cascade de réactions chimiques formant de nouveaux radicaux libres va se mettre en place. L’anion superoxyde (O2·–) [16] C’est le radical libre oxygéné le plus abondamment formé. Il résulte de la réaction ci-dessous : O2 + e– → O2·– Cette réduction est essentiellement le fait de l’activité d’une enzyme membranaire, la NADPH oxydase, présente le plus souvent dans les phagocytes. O2·– peut également provenir de la réduction d’O2 par la chaîne mitochondriale de respiration cellulaire. O2·– est lui-même un faible oxydant mais il joue un rôle important du fait de sa participation à la formation des autres FRO. Le peroxyde d’hydrogène (H2O2) H2O2 est obtenu par la réaction : O2·– + e– → O22– O22– + 2H+ → H2O2 Cette réaction a lieu sous la dépendance d’une enzyme : la superoxyde dismutase (SOD) et donne naissance au J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 peroxyde d’hydrogène qui possède un fort pouvoir oxydant. Le radical hydroxyle (OH.) Son obtention nécessite l’intervention de cations métalliques telles le fer sous forme non liée : H2O2 + Fe2+ → Fe3+ + OH– + OH· Le radical hydroxyle est plusieurs milliers de fois plus réactif qu’O2·–. L’oxygène singulet (1O2) [16] Il est surtout formé par activation photochimique d’O2 : O2 + hv → 1O2 Ce n’est pas un radical toxique et il ne semble jouer qu’un rôle mineur dans l’éventail des effets toxiques dus aux FRO. La génération de ces FRO au niveau de la rétine initie une cascade de réactions biochimiques et toxiques. Ces réactions peuvent endommager les tissus biologiques de la rétine s’ils ne sont pas suffisamment détruits ou piégés par les systèmes antioxydants. La peroxydation lipidique [17] Les membranes des cônes et des bâtonnets sont constituées d’une double couche lipidique. Les lipides sont attaqués par les FRO et deviennent responsables d’une phototoxicité rétinienne. Les lipides peroxydés peuvent stimuler la production d’aldéhydes électrophiles très réactifs qui vont se lier de façon covalente aux protéines en formant des adduits avec les résidus cystéine, lysine, ou histidine. En plus de ces aldéhydes, il se forme du malondialdehyde (MDA) et du 4-hydroxynonenal (HNE) qui représentent les produits majeurs de la peroxydation lipidique. Les chromophores de la rétine et la lipofuscine [18-23] Les chromophores sont des molécules colorées qui absorbent la lumière et qui de ce fait produisent une réaction chimique. On peut définir les dommages photochimiques comme étant une altération provoquée par l’absorption des UV et de la lumière par un chromophore, ce qui modifie l’état électronique du chromophore pour le faire passer à l’état excité. Les chromophores rétiniens sont par exemple la rhodopsine, la mélanine, la lipofuscine et les enzymes respiratoires mitochondriales (notamment la cytochrome C-oxydase). La lipofuscine est un pigment composé de lipides et de protéines dont la teneur augmente avec l’âge. On parle de « pigment du vieillissement », elle est utilisée comme un marqueur de sénescence cellulaire. La peroxydation lipidique, l’inactivation enzymatique ainsi que le dysfonctionnement cellulaire de l’épithélium pigmentaire (figure 15) participent à la formation de lipofuscine. La lipofuscine provoque une diminution de la capacité phagocytaire de l’épithélium pigmentaire rétinien et une inhibition des enzymes protéolytiques des lysosomes. De plus, la lipofuscine contribue au stress oxydant en tant que chromophore. Elle sensibilise les cellules épithéliales à la lumière bleue, provoquant ainsi la production d’oxygène singulet et de radicaux libres. Ceci induit des réactions photo-oxydatives qui endommagent ces cellules et causent leur mort par apoptose (figure 15). La stimulation du métabolisme oxydant [24, 25] La phagocytose des segments externes des photorécepteurs qui a lieu dans les cellules de l’épithélium pigmentaire entraîne une production continue de radicaux libres 69 D. Couasnon, et al. Les altérations cellulaires et enzymatiques Acides gras polyinsaturés O2 Enzymes antioxydantes [31, 32] Une association significative a été mise en évidence entre les concentrations de GPX (glutathion peroxydase) plasmatique et le risque de DMLA évolutive. Par contre, le risque de DMLA précoce n’a pas pu être corrélé de manière significative au niveau élevé de GPX plasmatique. Lumière Peroxydation lipidique Modification/dommage des protéines Protection des protéines contre la protéolyse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Inactivation/Inhibition des hydrolases lysosomales Stockage lysosomal Dysfonctionnement du lysosome Endommagement de la membrane lysosomale Lipofuscinogenèse Phototoxicité Figure 15. Mécanismes possibles de l’influence de la lipofuscine sur le dysfonctionemment lysosomyal. D’après [18]. oxygénés qui soumettent cet épithélium à un stress oxydant potentiel. Miceli et al. [24] ont montré que l’épithélium pigmentaire possédait une NADPH oxydase localisée dans les phagosomes. Cette NADPH oxydase (activée par la phagocytose) entraîne la production de H2O2 intracellulaire. L’équipement de l’épithélium en systèmes de défense antioxydants lui permet normalement d’éviter les lésions oxydatives et la mort cellulaire. Cependant des études récentes rapportent que les défenses cellulaires antioxydantes (catalase, glutathion peroxydase, métallothionéine) sont diminuées dans la rétine de singes atteints de DMLA précoce ce qui pourrait rendre compte de l’atteinte de l’épithélium. Ischémie [26-30] L’ischémie aiguë rétinienne est génératrice de radicaux libres oxygénés ayant pour conséquence un déficit en antioxydants endogènes et des altérations oxydatives de la rétine. L’ischémie peut aussi être considérée, non pas comme un facteur primaire de la dégénérescence maculaire, mais comme un élément secondaire responsable de son évolution. Il est en effet démontré que l’hypoxie stimule la libération du facteur de croissance vasculaire VEGF. Ce facteur est impliqué dans les processus de néovascularisation post-ischémiques. Des études récentes démontrent en outre que des formes réactives de l’oxygène, comme O2·– et H2O2, sont capables de stimuler la libération du VEGF dans différents tissus dont l’épithélium pigmentaire. Ainsi le stress oxydant dû à l’ischémie, à une réaction inflammatoire ou à une génération radicalaire pourrait être en partie responsable de la néovascularisation 70 La mitochondrie [15] Les mutations de l’ADN mitochondrial s’accumulent progressivement avec l’âge, en particulier dans la région fovéolaire. Protéasome [33] Il existe une altération du protéasome au cours du vieillissement (protéines cytoplasmiques impliquées dans la détoxification cellulaire). Enzymes impliquées dans le métabolisme lipidique La composition lipidique des membranes joue un rôle important dans le maintien des fonctions visuelles. Des modifications, dans la composition des phospholipides et dans l’activité des enzymes impliquées dans la formation des insaturations des acides gras, peuvent altérer ces fonctions. Au cours du vieillissement, la fluidité membranaire est affectée du fait du stress oxydant et d’une modification du métabolisme lipidique (les activités delta 6 et 9 désaturase diminuent). La modulation génique [34] Le vieillissement tissulaire est un mécanisme complexe qui est lié à l’interaction de plusieurs gènes et de facteurs de l’environnement (lumière, tabac…). La résultante de ces interactions peut se traduire sous la forme d’une réponse inflammatoire chronique avec production de médiateurs pro-inflammatoires comme le VEGF. Les différents systèmes antioxydants de la rétine Pour prévenir la survenue d’un stress oxydatif, on peut distinguer trois grands systèmes de défense antioxydants. Les systèmes de défenses enzymatiques La superoxyde dismutase (SOD) La SOD est une métalloprotéine contenant du zinc et du cuivre (SOD (Cu, Zn)) ou du cuivre et du manganèse (SOD (Cu, Mn)). Elle catalyse la dismutation de l’anion superoxyde : SOD 2H+ + 2O2·– → H2O2 + O2 La SOD est localisée au niveau des segments internes de la couche des photorécepteurs et de l’EPR (épithélium pigmentaire rétinien). La glutathion peroxydase (Se-Gpx) La glutathion peroxydase sélénium dépendant se trouve dans le cytosol et le compartiment mitochondrial des cellules rétiniennes et nécessite la présence de sélénium pour être activée. Elle agit selon la réaction située ci-dessous : H2O2 + 2GSH → 2H2O + GS – SG ROOH + 2GSH → ROH + H2O + GS – SG Ces deux réactions sont couplées avec l’oxydation du glutathion et la réduction du NADP+ en NADPH, H+. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge La catalase [35, 36] La catalase est une hémoprotéine qui se trouve dans les segments internes des photorécepteurs et dans l’EPR (épithélium pigmentaire rétinien). Elle catalyse la réaction suivante : Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2H2O2 → 2H2O + O2 OH R2 R1 R3 H O Lors du vieillissement, on observe une diminution liée à l’âge de la catalase dans l’épithélium pigmentaire rétinien. Le glutathion (GSH) Le glutathion est un tripeptide (glutamyl-cystéinyl-glycine) hydrosoluble présent dans la rétine, en particulier dans les segments externes des photorécepteurs. Le GSH intervient en tant que cofacteur de la peroxydation lipidique : il permet de transformer un lipoperoxyde (ROOH) en alcool (ROH). Il agit également en tant que cofacteur de la Se-Gpx. Les vitamines antioxydantes La vitamine C (acide ascorbique) [37] La vitamine C est un antioxydant hydrosoluble considéré comme le plus efficace des antioxydants présents dans le sang (figure 16). Dans la rétine sa concentration n’est pas très élevée mais cette vitamine se concentre plutôt au niveau du cristallin. En s’associant à d’autres molécules antioxydantes comme le glutathion, la vitamine C piège les radicaux libres de l’oxygène et les radicaux ROO–. Par exemple : 2O2– + 2H+ + ascorbate → H2O2 + déhydroascorbate 2OH· + ascorbate → 2H2O + déhydroascorbate La vitamine C protège aussi les membranes contre la peroxydation lipidique en régénérant la vitamine E, principal antioxydant liposoluble membranaire. La vitamine E (alpha tocophérol) [32, 38, 39] La vitamine E est un antioxydant liposoluble présent en grande quantité dans la rétine, particulièrement dans les segments externes des bâtonnets et dans l’EPR (figure 17). Grâce à sa lipophilie, elle peut s’insérer dans les doubles couches lipidiques des membranes cellulaires où elle constitue un excellent piégeur de radicaux lipoperoxyles ROO- formés sur les AGPI (acides gras polyinsaturés). OH O O HO CH3 H CH3 H3C H CH3 CH3 Figure 17. Structure de la vitamine E. Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:VitamineE.png (structure de la vitamine E). Ce rôle essentiel lui confère le pouvoir de stabilisant de membrane. La vitamine E est régénérée aux dépens de la vitamine C ou du glutathion réduit. C’est un exemple d’inter-relation vitaminique. De plus la vitamine E agit en synergie avec les enzymes antioxydantes SOD, GPO, catalase. Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence une corrélation inverse entre les concentrations plasmatiques en vitamine E et le risque de DMLA. La vitamine A et bêtacarotène [40] La vitamine A est un dérivé du bêtacarotène présent dans l’organisme sous forme de rétinol, de rétinal, d’acide rétinoïque et de réthinylphosphate (figure 18). La vitamine A est une vitamine liposoluble impliquée dans la régénération de la rhodopsine, pigment retrouvé dans les bâtonnets (nécessaire à la vision nocturne). De plus, elle a une activité antiradicalaire et protège les cellules des dommages de la lipoperoxydation. Le bêtacarotène n’est quant à lui pas retrouvé en grande quantité dans la rétine, seules la lutéine et la zéaxanthine sont présentes à haute concentration au niveau de la macula. Les oligoéléments : zinc et sélénium Le zinc La concentration de zinc dans la rétine est élevée. Il joue un rôle très important dans les mécanismes de défense antioxydants dans la mesure où il agit comme cofacteur de la SOD (Cu, Zn) et est impliqué dans la régulation de l’activité de la catalase. En outre, le zinc initie la synthèse de métallothioléine, connue pour sa capacité à fixer les radicaux hydroxyles et stabilise les lipides membranaires contre l’oxydation. Le sélénium Le sélénium est également très présent au niveau de la rétine. Ce métalloïde proche du soufre est le cofacteur de la glutathion peroxydase (Se-Gpx) seule enzyme capable de réduire les peroxyles lipidiques. CH3 CH3 CH3 OH CH3 HO OH CH3 Figure 16. Structure de la vitamine C. Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Vitamine_C.png (structure de la vitamine C). J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Figure 18. Structure de la vitamine A. Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Vitamine_A.png (structure de la vitamine A). 71 D. Couasnon, et al. Prévention nutritionnelle de la DMLA par les antioxydants Aujourd’hui, plus que jamais, on demande aux ophtalmologues de répondre aux questions des patients sur la supplémentation et la nutrition. Plus récemment, l’intérêt s’est porté sur les compléments nutritionnels pouvant prévenir la perte de vision chez des patients atteints de maladie dégénérative comme la cataracte et la dégénérescence maculaire. Besoins de la rétine Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Pour la même masse de tissu, les besoins métaboliques de la rétine sont environ sept fois ceux du cerveau, et les plus élevés de tous les tissus de l’organisme. L’apport de sang à l’œil et à la rétine en est la preuve. Il existe deux circulations distinctes, la circulation rétinienne (en surface) et la circulation choroïdienne (en profondeur). Prévention de la DMLA et vitamines Vitamine C et DMLA Les sources de vitamine C dans l’alimentation Poivron Kiwi Fraise Agrume Jus d’orange Teneur en vitamine C pour 100 g 100 mg 80 mg 60 mg 40-50 mg 30-50 mg Notre besoin journalier en vitamine C est de 60 mg/j. Études sur la vitamine C [41] 17 études ont analysées les relations entre vitamine C et DMLA : – 12 études n’ont pas trouvé une association significative ; – 1 étude montre qu’un niveau bas de vitamine C observé chez des patients italiens est corrélé à l’apparition de DMLA ; – 1 étude suggère que des niveaux élevés de vitamine C provenant de la nourriture ou de compléments alimentaires étaient associés à un risque plus élevé de DMLA précoce. Conclusions Il semble donc difficile de conclure sur les bienfaits de la vitamine C utilisée seule dans le traitement préventif de la DMLA. Pourtant le rapport de l’étude AREDS a montré un résultat significatif pour la prévention des complications secondaires de la DMLA. Dans cette étude que nous verrons plus loin, la vitamine C était prise au sein d’un cocktail de micronutriments antioxydants à hautes doses. Vitamine E et DMLA Les sources de vitamine E dans l’alimentation Huiles végétales Margarine végétale Germes de blé Teneur en vitamine E pour 100 g 30-100 mg 10-80 mg 22 mg Notre besoin journalier en vitamine E est de 10 mg/j. 72 Études sur la vitamine E [32, 43-47] Des études expérimentales ont montré l’apparition de dégénérescences rétiniennes en cas de carence en vitamine E. Sur le plan épidémiologique, le taux plasmatique de vitamine E est inversement corrélé à la survenue d’une DMLA dans l’étude cas-témoins Eye Disease Case-Control Study Group [EDCCS] [43] et dans une étude prospective (Baltimore Longitudinal Study of Aging) [44], mais de façon non significative (du fait d’un grand intervalle de confiance). L’étude POLA [32] a en revanche démontré une diminution significative de 80 % du risque de survenue d’une DMLA chez les sujets ayant des concentrations plasmatiques plus élevées en vitamine E. Enfin, le niveau tissulaire de la vitamine E ne présente pas de lien fort avec les apports alimentaires. Conclusions [42] Les supplémentations en vitamine E dans ces études sont à des doses de vitamine qui ne peuvent être obtenues seulement par la nutrition. L’étude des relations entre prise de vitamine E, concentration plasmatique et risque de DMLA est donc mitigée. En effet, bien qu’une haute concentration plasmatique en vitamine E semble donner un effet protecteur contre la DMLA, nous ne pouvons pas affirmer au vu de ces études que la prise de compléments ou un régime alimentaire riche en vitamine E permet une forte concentration plasmatique. Le cocktail de micronutriments de l’étude AREDS contenait également de la vitamine E à haute dose. Multivitamines et DMLA Les multivitamines [48] Sous le terme « multivitamines » on comprend toutes les vitamines essentielles que l’on peut retrouver dans l’alimentation à des concentrations qui satisfont à l’exigence nutritive de presque tous les individus sains. Ces concentrations correspondent au niveau maximum des AJR en fonction du sexe et de l’âge. Tableau récapitulatif des AJR des vitamines Vitamine Vitamine C Acide ascorbique Vitamine D Calciférol Vitamine E Tocophérol Vitamine A Rétinol Vitamine K Phylloquinone et ménaquinone Vitamine B1 Thiamine Vitamine B2 Riboflavine Vitamine B3 Niacine Vitamine B6 Pyridoxine Vitamine B9 Acide Folique Vitamine B12 AJR 60 mg 5 μg 15 mg 800 μg 100 μg 1,1 mg 1,2 mg 15 mg 1,3 mg 400 μg 1,4 μg Études sur les multivitamines [49, 50] Il n’y a aucune preuve que l’utilisation de multivitamines ralentit le début ou la progression de DMLA, bien qu’elle ait été examinée dans plusieurs populations. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Conclusions [51-53] Il est difficile de conclure d’après ces études sur un effet éventuel des multivitamines dans la prévention de la DMLA. De plus, la preuve d’un avantage peut être dure à démontrer car les patients ayant des antécédents familiaux de DMLA ont souvent déjà recours à des supplémentations. Ceci peut donc entraîner un « bruit » qui fausse les résultats. Or, le bienfait des multivitamines a été mis en évidence pour retarder l’apparition de cataracte. Même s’il manque des preuves que les multivitamines influencent l’évolution de la dégénérescence maculaire, pourquoi ne pas recommander les multivitamines « à tout hasard » ? L’idée que les multivitamines sont bonnes pour la santé en général reste controversée et les preuves d’efficacité des multivitamines dans des essais cliniques manquent. Certains médecins émettent des réserves quant à la supplémentation et préfèrent privilégier l’apport des vitamines par l’alimentation. L’alimentation fournit une plus grande richesse de formes chimiques. Par exemple, dans les compléments alimentaires, la vitamine E est représentée par l’α-tocophérol, qui est l’isomère considéré comme celui ayant la plus haute activité. Or, dans l’alimentation, c’est le γ-tocophérol qui constitue la majorité de la vitamine E. Ces 2 isomères l’α-tocophérol et le γ-tocophérol possèdent des propriétés différentes dans la prévention de la pathogénie de maladies chroniques. De plus, la supplémentation en α-tocophérol réduit la concentration dans le plasma et dans les tissus de γ et δtocophérols d’origine alimentaire. Par conséquent, la forme trouvée dans les suppléments ne peut être suffisante et peut en réalité réduire la biodisponibilité d’autres substances nutritives, bien qu’il y ait actuellement peu de preuve de risques spécifiques pour la santé. Un second avantage des aliments est qu’ils contiennent plusieurs espèces chimiques qui peuvent avoir des bénéfices sur la santé. Par exemple, la lutéine et zéaxanthine trouvées dans les végétaux verts foncés ont un rôle important dans la santé de l’œil et dans l’état général. Il y a donc probablement d’autres substances contenues dans les aliments dont nous sommes actuellement ignorants. De plus, les multivitamines peuvent donner aux patients un faux sens de sécurité sur leur statut nutritionnel. Le risque est donc que les patients diversifient moins leur alimentation. De plus, certaines substances sont mieux absorbées lorsqu’elles sont prises au sein d’un aliment, comme la vitamine E. Risques [54, 55] Il n’y a aucune preuve directe pour affirmer qu’une supplémentation en multivitamines respectant les AJR pose un risque pour la santé. Cependant, des prudences spéciales peuvent s’appliquer dans certaines circonstances ; par exemple, un excès de vitamine A est associé au risque d’augmentation de l’ostéoporose et de fracture de la hanche. Remarque : les préparations multivitaminiques avec vitamine A fournissent typiquement 800 μg/j, bien en dessous de la limite supérieure sûre. La consommation journalière de vitamine A est en moyenne de 1 000 μg/j. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la DMLA et zinc Les sources de zinc dans l’alimentation Huı̂tres-coquillages Pain complet Foie Viande Jaune d’œuf Légumes secs Teneur en zinc pour 100 g 20-30 mg 5 mg 4 mg 4 mg 4 mg 2-5 mg Notre besoin journalier en zinc est de 15 mg/j. Études sur le zinc [56, 57] Une étude [56] montre qu’une supplémentation en zinc à la hauteur de 80 mg/j (soit 5 fois les AJR) permet de réduire le risque de progression de la DMLA à un stade avancé parmi les patients qui avaient déjà de vastes Drusen. Par contre un essai clinique [57] est arrivé à des conclusions opposées. Cependant ce dernier essai était effectué sur moins de personnes et pendant moins longtemps. Le zinc a été également étudié lors de l’étude AREDS. Risques [58] Il existe plusieurs effets secondaires possibles liés à une supplémentation en zinc. La toxicité aiguë de zinc est assez rare. Cependant, l’ingestion de zinc en excès (100-300 mg/j) peut conduire à des douleurs gastriques, des nausées et des vertiges. Dans l’AREDS, la supplémentation en zinc (avec le cuivre) n’a pas significativement influencé les niveaux de lipides dans le sang, mais des effets à plus long terme n’ont pas été étudiés. Conclusions Dans l’attente d’informations complémentaires sur la sécurité en supplémentation en zinc, la prudence est justifiée. Il est facile de surdoser le zinc car le corps n’a pas de façons efficaces d’éliminer un excès en zinc comme il peut le faire pour des vitamines hydrosolubles. The National Academy of Sciences a actuellement mis une limite supérieure de sécurité à 40 mg/j pour les adultes, valeur basée sur l’interférence avec le cuivre. Cependant, l’impact à plus long terme et l’impact dans les populations plus larges d’individus sont actuellement inconnus. Nous verrons par la suite que l’étude AREDS a mis en évidence que le zinc joue un rôle au niveau de la prévention de la dégénérescence maculaire. Prévention de la DMLA et sélénium Les sources de sélénium dans l’alimentation Champignon Moule Crevette Poisson Muesli Viande Pain complet Teneur en sélénium pour 100 g 1 400 μg 300 μg 200 μg 100-200 μg 180 μg 60-160 μg 100 μg Notre besoin journalier en sélénium est de 60 μg/j. 73 D. Couasnon, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Étude sur le sélénium [59] L’étude Benchaboune et al. parue en 2004 est une étude pilote, monocentrique d’une durée de 24 mois, réalisée dans le service d’ophtalmologie du CHU de SaintÉtienne. Elle s’est intéressée à 48 patients atteints d’une DMLA et d’âge supérieur à 50 ans. Son objectif était double : d’une part, évaluer l’impact de doses pharmacologiques de Granions® de sélénium (960 μg/j) sur l’évolution fonctionnelle biologique de la DMLA ; d’autre part, évaluer la tolérance de ces doses sur 24 mois. Cette étude montre l’intérêt d’une supplémentation en sélénium sur les critères fonctionnels de la vision (acuité visuelle, vision des contrastes, pic maculaire) pour des patients atteints d’une DMLA. Mais là encore, les doses utilisées sont des doses pharmacologiques et non nutritionnelles. Au cours de cette étude, il en ressort qu’un traitement journalier de 960 μg de Granions® de sélénium au long cours est bien toléré : en effet, aucun élément indésirable lié au traitement n’a été constaté. Cependant, une étude [59] a montré que le sélénium à hautes doses peut favoriser la cataracte. Par conséquent, le sélénium semble bien jouer un rôle au niveau de la prévention de la DMLA mais il reste à préciser à quelle dose on doit l’utiliser dans la supplémentation. Enfin, le sélénium n’a pas été pris en compte lors de l’étude AREDS que nous allons voir au point suivant. Etude AREDS (Age Related Eyes Disease Study, report n° 8, 2001) [42-44] Présentation de l’étude L’AREDS a été soutenue par le National Eye Institute. Cette étude randomisée en double aveugle a duré 6,3 ans et a mobilisé 11 centres médicaux spécialisés. Elle a porté sur 3 640 patients âgés de 55 à 80 ans qui ont été suivis sur une période de 6,3 ans à raison d’un examen tous les 6 mois. L’étude AREDS est actuellement l’étude de référence dans la mise en place de traitements préventifs contre la DMLA. Classification des patients de l’AREDS et selon divers stades de DMLA (figure 19) Quatre groupes ont permis de différencier les patients selon leur stade de DMLA : – Stade 1 : quelques Drusen de petit taille (< 63 μm) ; – Stade 2 : nombreux Drusen de petite taille, quelques Drusen de taille moyenne (entre 63 et 125 μm) et anomalies de pigmentation ; Acuité visuelle conservée pour les stades 1 et 2 ; – Stade 3 : nombreux Drusen d’une taille entre 63 et 125 μm ou plus, ou des surfaces non centrales avec atrophie géographique ; – Stade 4 : patients avec perte de vision d’un œil due à une DMLA dans un œil (néovascularisation choroïdienne, maculopathie exsudative) ; Baisse de l’acuité visuelle pour les stades 3 et 4. Au sein de ces 4 catégories, les effets de quatre traitements ont été étudiés, effectués de façon randomisée. Groupes d’antioxydants étudiés – Groupe 1 : « antioxydants : vitamine C » (500 mg/j), vitamine E (400 UI/j) et bêtacarotène (15 mg/j) – Groupe 2 : « zinc » : oxyde de zinc (80 mg/j) et oxyde de cuivre (2 mg/j) – Groupe 3 : « antioxydants plus zinc » – Groupe 4 : « placebo » Résultats de l’étude Dans cette étude, les deux critères de jugement étaient la progression de la maladie (survenue d’une complication Total participants AREDS Randomisé n = 4757 Essai DMLA seulement n = 128 Bilatéral Aphakique/Pseudophakique Essai DMLA et cataracte n = 3512 Essai cataracte seulement n = 1117 Sans DMLA (Catégorie 1) Essai DMLA n = 3640 (Catégorie 2, 3, 4) Placebo n = 903 Anti oxydants n = 945 Zinc n = 904 Anti oxydants + Zinc n = 888 Figure 19. Age-Related Eye Disease Study (AREDS) randomization schema. 74 J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. ou d’une évolution) et l’acuité visuelle (mesurée une fois par an). Résultat sur la progression vers la DMLA évoluée Pour des patients atteints de Drusen < 125 μm ou chez les patients de stade II, le risque de progression étant faible (< 1,3 % à 5 ans) aucun effet des supplémentations n’a été montré. En revanche pour les patients de stade III et IV, un effet protecteur des suppléments en vitamines et minéraux vers la DMLA évoluée a été montré. Les résultats concernant la réduction des lésions maculaires chez les patients au stade III et IV sont résumés dans le tableau ci-dessous : DMLA évoluée Vitamines antioxydantes 17 % Zinc 21 % Vitamines antioxydantes + Zinc 25 % On constate que le zinc obtient un meilleur résultat par rapport aux vitamines. L’association des deux donne une meilleure réduction des lésions maculaires. Résultats sur la perte d’acuité visuelle De même, pour les patients atteints de stade 3 et 4, un effet protecteur des suppléments vis-à-vis de la perte d’acuité visuelle a été observé. Les résultats de la réduction du risque de perte d’acuité visuelle dans les stades 3 et 4 sont résumés dans le tableau ci-dessous : Perte d’acuité visuelle Vitamines antioxydantes 15 % Zinc 17 % Vitamines antioxydantes + Zinc 25% On peut constater que les effets obtenus avec les antioxydants et le zinc sont sensiblement identiques et que l’association des deux permet l’obtention d’une meilleure protection. Conclusions et remarques L’étude AREDS représente un pas important pour la prévention des complications de la DMLA. De plus, jusqu’ici, aucun traitement n’avait été validé pour limiter le passage à une DMLA plus évoluée. Pourtant, des interrogations et remarques face à cette étude peuvent se poser : – l’utilisation de bêtacarotène peut paraître un peu « démodée ». De plus cette étude AREDS ne prend pas en compte ni la lutéine, ni la zéaxanthine, ni le sélénium. En ce qui concerne la lutéine et la zéaxanthine il y avait peu d’information en 2001 sur ces deux caroténoïdes. Cependant, ils sont pris en compte dans l’étude AREDS 2 (en cours et se terminant en 2011) ; – les doses étudiées des vitamines antioxydantes et du zinc sont élevées : ce ne sont pas des doses nutritionnelles mais des doses pharmacologiques. L’étude AREDS n’avait pas pour but de rechercher un effet-dose mais d’établir un effet net ; – l’AREDS n’a pas duré assez longtemps ou sur assez de témoins pour exclure un avantage potentiel sur les patients au premier stade de DMLA ; – pour les patients avec une histoire familiale de la DMLA, Les patients ayant participé à l’étude AREDS étaient plus sains que la population générale, ayant la moitié du taux J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 de mortalité d’une population générale comparable. L’avantage des antioxydants pourrait être plus grand ou moins important dans différentes population. L’impact devra être confirmé sur des populations plus larges de personnes atteintes de DMLA. Tolérance, contre-indication [60] L’étude AREDS est la première étude à valider un traitement de la DMLA aux stades 3 et 4 de la maladie pour prévenir l’émergence des formes sévères. Ce traitement consiste en une supplémentation en vitamines antioxydantes et en minéraux à haute dose. En effet ces doses sont nettement supérieures des apports journaliers recommandés (AJR) en France. Vitamine C Vitamine E Bêta-carotène Zinc Cuivre AJR 60 mg 10 mg 4,8 mg 15 mg 2,5 mg AREDS 500 mg 268 mg (400 UI) 15 mg 80 mg 2 mg Ainsi, face à ces doses importantes, se pose le problème de la tolérance et de contre-indications. La tolérance a été excellente, les seuls effets secondaires étaient une augmentation de la fréquence des infections génito-urinaires chez l’homme. Une seule contre-indication s’impose : celle du bêtacarotène à haute dose chez le fumeur. En effet, chez les fumeurs, le bêta-carotène à haute dose pourrait potentialiser les proliférations cellulaires et être lié à la genèse de processus tumoraux. En ce qui concerne la vitamine E à forte dose, elle est à éviter chez les patients ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral ou à risque hémorragique car elle possède à forte dose une action antiagrégante plaquettaire. Enfin la supplémentation en zinc est également à considérer avec prudence selon la dose. En effet, il a été montré que l’administration journalière d’une dose de 50 mg de zinc pendant plusieurs mois provoquait une baisse de la ferritine, une baisse de la concentration sanguine de cuivre, une baisse de l’activité de la SOD et une baisse du HDL cholestérol. Il apparaît alors utile d’adjoindre une supplémentation en cuivre et une surveillance biologique pour dépister une carence en fer chez les sujets à risque. Indications La formule de l’AREDS ne peut être prescrite ou recommandée qu’à des patients appartenant aux stades 3 et 4 de DMLA. Ainsi sur la base de cette étude il est alors recommandé de proposer la formule de l’AREDS chez des patients présentant : – des Drusen séreux dont la taille est supérieure à 125 μm ; – des Drusen dont la surface totale représente plus du 1/5e de la surface papillaire ; – une atrophie géographique ne touchant pas la macula ; – une DMLA avancée unilatérale (atrophie géographique centrale ou néovascularisation choroïdienne). Pour ces patients, la supplémentation a bien fait la preuve de son efficacité pour diminuer le risque de passage à une forme sévère d’un œil ou de l’autre ou de diminuer la fréquence d’apparition des formes sévères du deuxième œil. 75 D. Couasnon, et al. La prise d’antioxydants est-elle risquée ? [61, 62] Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. On peut observer en pharmacie de nombreux suppléments pour prévenir les maladies oculaires liées à l’âge. Ces suppléments contiennent des antioxydants comme la vitamine C (acide ascorbique), la vitamine E, les caroténoïdes et le zinc à de hauts niveaux. Les niveaux d’autres substances nutritives dans ces suppléments sont généralement 2 à 10 fois ceux des AJR. Le sélénium, qui à de hautes doses peut favoriser la cataracte, est en général à des niveaux inférieurs. Récemment, il a été observé chez des patients prenant des antioxydants à haute dose qui prenaient aussi des doses hautes d’acide nicotinique et de statine une réduction inattendue du taux de HDL et un risque d’accidents cardiaques et d’infarctus augmenté. Pour conclure, l’avantage de suppléments antioxydants à haute dose dans la progression de la DMLA est fortement suggéré par les résultats de l’AREDS. À cause du risque potentiel des suppléments sur l’état de santé, nous devrions être prudents dans la recommandation du supplément à de hauts niveaux. En effet, les hautes doses de supplémentation permettent d’obtenir un effet pharmacologique mais également des effets secondaires non observés à des doses « physiologiques » et provenant de l’alimentation. Avec le temps, il est probable que nous aurons une meilleure compréhension des antioxydants à forte dose. Nous pourrons ainsi mieux prévenir certaines maladies. Cependant, on peut considérer quelques directives générales pour tenir compte des avantages et réduire au minimum le risque. Si les suppléments d’antioxydants sont pris à dose haute, le risque peut être moindre s’ils sont pris simultanément. Les enzymes antioxydantes et les microsubstances nutritives interagissent les unes avec les autres dans une chaîne d’événements pour neutraliser le stress oxydant dans les cellules. Si un élément de ce jeu complexe est pris à de hautes doses, il y a alors un déséquilibre. On a ainsi montré que quelques antioxydants, comme la vitamine C, peuvent être des pro-oxydants dans de hauts niveaux et sous certaines conditions. Pour ces raisons, il est préférable de prendre des antioxydants à des niveaux prudents de consommation et associés dans des préparations plutôt qu’en prise unique. Enfin nous insisterons une fois de plus sur l’importance de manger un régime bien équilibré qui participe également à l’équilibre de la balance oxydant/antioxydant. Troisième partie : DMLA et la lutéine Présentation de la lutéine [63-66] Historique [63] C’est en 1945 que le chercheur Georges Wald détermina que la lutéine était présente dans la rétine. À la fin des années 1980, on commença à explorer le vaste univers des pigments alimentaires. On découvrit alors divers flavonoïdes et caroténoïdes dont les fonctions, outre qu’ils coloraient les plantes, étaient encore mal comprises. Il fallut attendre les années 1990 pour qu’on puisse isoler la lutéine et commencer à comprendre quel rôle elle pouvait jouer dans l’organisme. Nos connaissances à ce sujet restent encore limitées, ce qui explique pourquoi la lutéine n’est apparue sous forme de suppléments et dans les 76 préparations commerciales de multivitamines qu’au début des années 2000. Description [63] La lutéine est l’un des 3 pigments caroténoïdes qui se trouvent en très forte concentration dans la rétine de l’œil, plus précisément dans la macula (une tâche jaune d’environ 2 mm de diamètre). La couleur jaune de la macula est due à la présence de lutéine, de zéaxanthine et de mésozéaxanthine. Ces caroténoïdes ne sont pas synthétisés par l’homme et doivent donc être apportés par l’alimentation. La lutéine et la zéaxanthine (appelés également « xantophylles ») ont des propriétés antioxydantes et filtrent la lumière bleue. Ces deux actions contribueraient à prévenir les pathologies maculaires telles que la DMLA. Par conséquent, on pense que ces pigments caroténoïdes permettraient à la rétine d’agir à la fois en neutralisant les électrons libres (effet antioxydant) et en filtrant la lumière bleue, qui agresse les photorécepteurs de l’œil (effet antioxydant indirect). À la différence du bêtacarotène, la lutéine ne joue aucun rôle dans le métabolisme de la vitamine A, et ne peut donc être considérée comme une provitamine. Elle fait partie de cette catégorie de substances qui ne sont pas considérées comme des nutriments essentiels, mais qui semblent pourtant jouer un rôle crucial pour la santé. Comme tous les caroténoïdes, la lutéine est mieux absorbée en présence de matière grasse car elle est liposoluble. Les sources alimentaires en lutéine [64-67] Les légumes vert foncé sont ceux qui renferment le plus de lutéine. L’œuf malgré sa faible teneur en lutéine (0,16 mg pour un œuf de 50 g) par rapport aux légumes vert foncé, en est tout de même une source intéressante. La lutéine qu’il contient est mieux absorbée par l’organisme que celle des végétaux. De plus, des études indiquent que l’œuf augmente nettement la concentration de lutéine et de zéaxanthine dans la rétine, ce qui peut avoir un effet protecteur contre la dégénérescence maculaire. Teneur en lutéine et zéaxanthine de quelques aliments Elle est présentée sur la figure 20. Métabolisme [68] La plupart des caroténoïdes sont métabolisés en vitamine A par une enzyme, la carotène dioxygénase, dans l’intestin grêle et le foie : ces caroténoïdes sont dits à activité provitaminique A. La lutéine et la zéaxanthine ne possèdent pas cette activité provitaminique A et ne participent donc pas à l’apport en vitamine A. La lutéine et la zéaxanthine sont absorbées par l’intermédiaire d’un transporteur protéique. Une fois absorbées, ces pigments sont transportés dans le sang par les chylomicrons jusqu’au foie où ils sont stockés ou métabolisés puis transportés par des lipoprotéines et distribués vers de nombreux tissus oculaires dont la macula, le cristallin et le corps ciliaire. La biodisponibilité des xantophylles est variable et dépend de nombreux facteurs : – leur nature (polarité, estérification) ; – la dose ; – l’environnement nutritionnel. Par exemple, les esters de lutéine sont mieux absorbés si l’alimentation est riche en lipides ; cela n’a pas été observé pour la lutéine sous forme libre. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Aliments Portion Quantité Choux vert frisé cuit 130 g 24 mg zéaxanthine : 0,224 mg Epinard cuit 180 g 20 mg zéaxanthine : 0,322 mg Courges d’été cuites 180 g 4 mg Courges d’hivers cuites 205 g 3 mg Brocoli 165 g 2 mg Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. zéaxanthine : 0,023 mg Pois verts 170 g 2 mg zéaxanthine : 0,686 mg Maïs 256 g 2 mg zéaxanthine : 0,686 mg Figure 20. Teneur en lutéine et zéaxanthine de quelques aliments. D’après [68]. Toutes les études montrent une bonne corrélation entre les apports alimentaires et les taux plasmatiques observés et entre les apports alimentaires et la densité du pigment maculaire. OH HO Lutéine (formule chimique). Source : http://upload.wikimedia. org/wikipedia/commons/1/1d/Lutein.png. Besoins et apports [69] Les apports observés dans les études sont variables car les teneurs ne sont pas encore bien définies dans tous les aliments, la lutéine et la zéaxanthine sont associées dans les tables de composition. De plus, la lutéine et la zéaxanthine ne sont pas considérées jusqu’à présent comme des nutriments indispensables. En règle générale, on estime que les apports quotidiens sont de l’ordre de 1 à 4 mg par jour. Cependant, les effets bénéfiques de la lutéine observés visà-vis de la DMLA concerneraient des doses de 6 à 10 mg par jour. Rôle de la lutéine dans la DMLA Introduction [70-75] Parmi les antioxydants d’origine alimentaire, la lutéine et la zéaxanthine soulèvent un intérêt particulier, car ces caroténoïdes composent le pigment maculaire, donnant à la macula sa couleur jaune caractéristique. Ce sont également les seuls caroténoïdes présents dans le cristallin. Leur rôle est de filtrer la lumière bleue, source potentielle de stress oxydant. Ils ont un rôle protecteur visà-vis de la DMLA et de la cataracte. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 La DMLA est la cause la plus fréquente de malvoyance et de cécité, touchant les personnes de plus de 50 ans dans les pays industrialisés. La prévention et les possibilités de correction de la DMLA apparaissent de ce fait d’un intérêt majeur pour la santé. En effet, la rétine est riche en acides gras essentiels polyinsaturés (AGPI) oméga-3 (EPA/DHA). Elle est donc potentiellement et particulièrement exposée aux attaques radicalaires oxydatives. La fovéa appelée aussi macula lutea concentre naturellement 2 caroténoïdes : lutéine et zéaxanthine. Cette concentration est unique. Les différentes études nous montrent que l’oxydation des caroténoïdes par le soleil et par la lumière UV engendre une cascade de dégradation allant du lycopène à la zéaxanthine puis à la lutéine. Ceci nous confirme que la lutéine est spécifiquement la plus résistante face aux attaques radicalaires UV. Cela explique la relative absence du lycopène dans la macula, alors qu’il est le caroténoïde le plus concentré dans le sérum. Et ce, parallèlement à une très forte concentration de lutéine dans la fovéa (2,7 fois plus), déclinant très rapidement à la périphérie. On constate aussi que la lutéine est en plus forte concentration naturellement dans la macula saine, et dans les « rétines jeunes » par rapport aux « rétines âgées ». Il apparaît aussi que la zéaxanthine est d’avantage impliquée dans la protection de la lipoperoxydation et la lutéine dans la protection liée aux radiations photoniques à onde courte pénétrant dans la rétine. De même, on constate une inégalité de risque entre les hommes et les femmes (les femmes étant plus atteintes) : les hommes auraient une densité pigmentaire de plus de 38 % par rapport aux femmes et ceci en dépit d’une concentration plasmatique semblable. Le facteur diététique notamment lié aux graisses, pourrait être incriminé ainsi que les habitudes tabagiques. Toutes ces données confirment l’effet protecteur, maintenant clairement identifié par les chercheurs, de la lutéine dans la prévention de la DMLA. Parallèlement à ces études sur la réalité préventive de la lutéine, des chercheurs ont élaboré ces dernières années l’hypothèse selon laquelle, la synergie d’action d’antioxydants pourrait dans certains cas aller au-delà du stade préventif pour donner un début de réponse correctrice dans la DMLA [66]. Quelques études récentes et certifiées [42] nous apportent un certain nombre de réponses, sur ce qu’envisageaient les hypothèses précédentes. À savoir qu’une supplémentation de lutéine en synergie ou non avec d’autres antioxydants, pouvait non seulement différer les risques mais aussi détourner, modifier le cours d’une DMLA acquise : « Une consommation importante (> 6 mg par jour) de lutéine/ zéaxanthine est inversement et isolément associée au risque de DMLA […] les autres nutriments n’ayant pas été significativement associés à cette diminution de risque. » [76] Apports suggérés par une supplémentation chez des sujets sains et atteints de dégénérescence oculaire (cataracte/DMLA) [77-79] Chez le sujet sain La supplémentation en lutéine a été étudiée par plusieurs auteurs. 77 D. Couasnon, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Landrum [77], Granado [78], et Berendschot [79] ont supplémenté des patients sains pendant plusieurs mois aux doses respectivement de 30, 15 et 10 mg de lutéine par jour. Ces trois doses rechargent rapidement (4 semaines) les taux sanguins et augmentent durablement la densité optique du pigment maculaire. Ces études d’intervention nutritionnelle (supplémentation aux doses supérieures) ont été réalisées sur des périodes de 12 à 36 semaines, les apports totaux cumulés en lutéine libre varient de plus ou moins 720 mg à plus ou moins 4 320 mg. Landrum a donné 4 200 mg de lutéine libre (8 400 mg d’esters) au cours de 140 jours de supplémentation, la teneur en lutéine s’est élevée de 10 fois entre les vingtième et quarantième jours de supplémentation ; après cette rapide augmentation de la teneur sanguine, celle-ci s’est stabilisée en plateau. La densité optique du pigment maculaire s’est élevée à partir du vingtième au quarantième jour et a même continué à augmenter durant 40 à 50 jours après l’arrêt de la supplémentation. Selon Granado, une supplémentation continue par 15 mg de lutéine par jour induit un effet plafond qui traduit la saturation de la capacité de transport de la lutéine par les lipoprotéines. Cette saturation semble atteinte pour une concentration sérique supérieure à 1,05 μmol/L. La lutéine se réestérifie et se stocke dans les lipoprotéines. Berendschot estime que la dose de 10 mg par jour est suffisante pour élever d’un facteur 5 le taux sérique et de 4 à 5 % la densité optique du pigment maculaire. D’une manière générale, ces études montrent que le pigment maculaire continue à s’élever pendant quelques semaines après la supplémentation, ce qui explique la constitution d’une mise en réserve en lutéine et d’un relatif faible turn-over des xantophylles (lutéine et zéaxanthine) dans les pigments rétiniens en post réplétion. Chez le sujet atteint de dégénérescence maculaire [71] Les études les plus récentes concernent les patients atteints de dégénérescence maculaire, Olmedilla [71] a donné 4 320 mg de lutéine libre à raison de 45 mg par semaine (15 mg tous les 3 jours soit plus ou moins 5 mg par jour) ; ce qui équivaut à 3 repas riches en lutéine par semaine. La teneur sérique a progressé pendant 12 mois et s’est stabilisée au cours de la deuxième année de supplémentation (figure 21). Olmedilla a permis de montrer une augmentation de l’acuité visuelle de plus ou moins 64 % et l’augmentation de la sensibilité à la lumière de 33 %. Richer et al. [80] ont démontré l’intérêt d’une dose de 10 mg de lutéine administrée seule ou en association 1,2 baseline 12-24 months 1 0,8 Acuité visuelle en Snellen 0,6 0,4 0,2 0 lutein low lutein medium lutein high placebo low placebo placebo medium high Figure 21. Acuité visuelle corrélée aux taux de lutéine. D’après [83]. 78 avec des antioxydants chez des patients atteints de DMLA atrophique. Donc, après nous avoir démontré l’effet protecteur des caroténoïdes dans la DMLA, les chercheurs nous donnent quelques signes encourageants dans des possibilités de correction d’une maladie pour laquelle à ce jour quasiment aucun moyen chirurgical ou médical n’est retenu pour la résorber. Les caroténoïdes, et particulièrement la lutéine, en supplémentation synergique ou non, apparaissent aussi capable de modifier ou de détourner le cours de cette pathologie. Face à ce véritable problème de santé publique que représente la DMLA, la supplémentation en lutéine et zéaxanthine représente, à ce jour, une des rares réponses positives à l’angoisse de la « tâche noire ». Étude LAST [81] Introduction Au cours de la dernière décennie, des recherches scientifiques importantes ont été réalisées. Ces études ont permis de montrer les avantages de la lutéine et des caroténoïdes alimentaires dans la DMLA [82, 83]. De plus, des techniques ophtalmologiques de pointe [80] et les nouvelles méthodes de biomarqueurs mesurant l’action de la lutéine dans la macula humaine [84] contribuent en grande partie à de nouvelles découvertes dans ce domaine. Ces méthodes, en accord avec les recherches précédentes, ont permis d’établir le rôle majeur de la lutéine dans la réduction du risque de DMLA chez l’homme. L’évidence de l’efficacité de la lutéine dans la DMLA est augmentée par la publication de l’étude LAST (Lutein Antioxydants Suplementation Trial) [81]. Objectif L’objectif de cette étude était d’évaluer l’effet de la lutéine seule et en association avec des caroténoïdes, des antioxydants, des vitamines et des minéraux sur le pigment maculaire et sur les principaux paramètres ophtalmiques qui évaluent l’intégrité de la vision centrale de la DMLA atrophiée (test à l’éblouissement, vision des contrastes, acuité visuelle). Présentation de l’étude L’étude LAST est une étude prospective de 12 mois, randomisée, menée en double insu, contrôlée par placebo. 90 patients ont été inclus dans l’étude (86 hommes et 4 femmes). Après randomisation, chaque patient a reçu l’un des 3 traitements étudiés (tableau 1) : – groupe 1 : lutéine 10 mg par jour (n = 29) ; – groupe 2 : lutéine 10 mg par jour + antioxydants (vitamine A, B complexe, C, D3, Zn, Cu, Se, Mn) (n = 30) ; – groupe 3 : placebo (n = 31). Il n’y avait aucune différence significative inter-groupe quant à l’âge, la date du diagnostic de la DMLA, le tabagisme, la consommation d’alcool, la consommation de caféine, la couleur de l’iris, le régime alimentaire. Il n’y avait également aucune différence significative de cataracte, d’acuité visuelle, de rétablissement à la lumière éblouissante, de sensibilité. Des tests ophtalmiques ont été exécutés et reconduits tous les 4 mois jusqu’à la fin de l’étude. Des techniques ophtalmiques de pointe (exemple OCT : tomographie en cohérence optique) ont été utilisées pour évaluer le pigment maculaire. Les défauts de vision centrale comme les altéraJ Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Tableau 1. Les trois groupes de l’étude LAST. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Traitement MPOD* Temps de récupération au photo-stress Sensibilité à la lumière Acuité visuelle de près les 2 yeux à distance (œil droit) à distance (œil gauche) Qualité de la vision Amélioration visuelle Effets indésirables Groupe 1 Lutéine Augmenté de 36 % Diminué à 23,7 secondes Amélioration significative Augmenté de 5,4 Snellen*** – 0,10logMAR** – 0,03logMAR Tendance à l’amélioration Amélioration significative Pas d’effet indésirable significatif Groupe 2 Lutéine + antioxydants Augmenté de 46 % Diminué de 34,7 secondes Augmenté de 3,5 Snellen – 0,03logMAR – 0,06logMAR Groupe 3 Placebo Légèrement diminué Diminué de 22,7 secondes Pas d’amélioration Diminué de 0,2 Snellen 0,14logMAR +0,05logMAR Pas de changement statistiquement significatif Amélioration nette, mais non significative *MPOD : biomarqueur de santé maculaire. **MAR : angle minimal de résolution (les nombres négatifs de logMAR traduisent une amélioration). ***Snellen : mesure de l’acuité visuelle. tions de ligne ou des tâches visuelles, ont été évalués par le test AMSLER. Pour finir, un questionnaire (VFQ-14) utilisé par l’institut national de l’œil a permis de mesurer les activités de la vie quotidienne, la conduite de nuit et la perturbation d’adaptation à la lumière éblouissante. Résultats Un des résultats les plus importants est l’amélioration significative des paramètres de la fonction visuelle. Conclusion Les auteurs de l’étude LAST [81] concluent que les améliorations des différentes fonctions visuelles peuvent être dues au rôle protecteur de la lutéine. La lutéine a un rôle de filtre à la lumière bleue, elle a également un rôle d’antioxydant. La lutéine peut jouer un rôle important sur la santé de l’œil comme un agent bioactif utile dans la réduction du risque de DMLA. De plus, il y a une augmentation significative du MPOD (biomarqueur de santé maculaire) dans les groupes 1 et 2. Ces résultats laissent penser que la lutéine, seule ou associée à des antioxydants, peut apporter un effet bénéfique aux patients atteints de DMLA atrophique [85]. varie donc guère en cas d’apport augmenté en ALA, d’où l’intérêt d’enrichir notre alimentation en DHA et EPA qui sont directement utilisables par notre organisme. Le métabolisme des oméga-3 se fait par la même voie enzymatique que les oméga-6, d’où un phénomène de compétition entre ces deux groupes d’acides gras polyinsaturés. Ainsi, un régime riche en acides gras oméga-6 diminue l’utilisation par notre organisme des acides gras oméga-3, et vice versa. L’acide linoléique est le précurseur de la famille des oméga-6, ce qui signifie que les autres acides de la famille peuvent être synthétisés à partir de cet acide. Le corps humain peut ainsi produire l’acide arachidonique, qui a un rôle physiologique important, si l’acide linoléique est suffisamment abondant dans l’alimentation. O 9 HO 1 α 9 6 12 3 15 ω 1 18 Figure 22. Structure moléculaire de l’ALA, Acide alphalinolénique.Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:ALAnumbering.png. Quatrième partie : Les acides gras polyinsaturés oméga-3 Les oméga-3 [86, 87] Les oméga-3 sont des acides gras polyinsaturés définis par une double liaison située au niveau du troisième carbone à partir de l’extrémité méthyle de la chaîne. Il en existe trois principaux : – l’acide α-linolénique = ALA, chef de file de cette famille (18:3 n-3) (figure 22) ; – l’acide docosahexaénoïque = DHA (20:5 n-3) (figure 23) ; – l’acide eicosapentaénoïque= EPA (20:6 n-3) (figure 24) ; Les oméga-3 sont des acides gras dits essentiels c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être synthétisés par notre organisme, ils doivent donc être apportés par notre alimentation. Les acides EPA et DHA peuvent être synthétisés par l’organisme humain à partir de l’acide ALA, mais seulement en faible quantité (≤ 2 %). En pratique, le taux de DHA ne J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 COOH Figure 23. Structure moléculaire de l’acide docosahexaénoïque (DHA). Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier: DHA.svg. COOH Figure 24. Structure moléculaire de l’acide écosapentaénoïque (EPA). Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier: EPA.svg. 79 D. Couasnon, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les omégas-3 et 6 sont les composants précurseurs des thromboxanes A2 et A3, activés par des oxygénases. Les oméga-6 forment le thromboxane A2 qui est fortement thrombogène, alors que le thromboxane A3 est moins fortement thrombogène et est synthétisé à partir de l’EPA. C’est pourquoi les oméga-3 sont bénéfiques pour la santé par des activités anti-thrombotiques, quand ils ne sont pas en excès. Les acides gras polyinsaturés à longue chaîne contribuent à la constitution des glycérophospholipides de la double couche lipidique des membranes. Ils permettent d’assurer la fluidité membranaire et de maintenir l’équilibre entre les échanges externes et internes de la cellule. La rétine est très riche en acides gras polyinsaturés et notamment en DHA. Par conséquent, cela suggère bien une importante influence des oméga-3 et plus encore du DHA sur les fonctions visuelles. Ces acides gras vont avoir un rôle bénéfique sur la rétine et sur la prévention de la DMLA. La quantité totale des apports en graisses saturées et en cholestérol semble positivement corrélée au risque de DMLA (rôle protecteur des statines). A l’opposé, une plus forte consommation d’acides gras insaturés de la famille des oméga-3 irait de pair avec une diminution du risque relatif de DMLA. Le DHA au niveau rétinien Le DHA est connu pour sa participation dans le développement de la fonction visuelle et de la rétine chez l’enfant. Rôle structural [88, 89] Le DHA est un constituant des membranes biologiques, il est particulièrement abondant dans les cellules rétiniennes. Dans la plupart des tissus, il ne représente que 1 à 5 % des acides gras présents, alors qu’au niveau de la rétine, il est à hauteur de 50 % des acides gras. Cette teneur en acides gras polyinsaturés conditionne la fluidité membranaire, qui permet le bon déroulement du processus de traduction du signal lumineux en message nerveux (phototransduction). Il est présent au niveau des membranes des disques des segments externes des photorécepteurs. Les segments externes des photorécepteurs ont une capacité inhabituelle de rétention et de stockage du DHA. Pour faire diminuer le taux de DHA dans les photorécepteurs, il est nécessaire d’avoir un régime carencé en oméga-3 prolongé. Seul le DHA s’incorpore dans la membrane rétinienne, pas l’EPA ni l’ALA. Ainsi, dans les conditions physiologiques normales, la rétine ne contient pas, ou très peu, d’ALA et d’EPA. La biotransformation de l’ALA en EPA puis en DHA, qui s’opère essentiellement au niveau hépatique et accessoirement au niveau astrocytaire, est très faible (de l’ordre de 2 %). Ainsi, le DHA qui parvient au cerveau et à la rétine est principalement de source alimentaire (produits marins chez l’adulte, lait maternel chez le nouveau-né). Les segments externes des photorécepteurs sont renouvelés en permanence afin de compenser les dommages oxydatifs continus. Les nouveaux disques sont générés à la base des segments externes et les plus anciens sont phagocytés par les cellules de l’épithélium pigmentaire. Un déficit en DHA diminue la fluidité membranaire et induit de sévères 80 modifications morphologiques et fonctionnelles des photorécepteurs. L’équipe de Pauleikhoff [90] a montré qu’avec l’âge, l’accumulation des phospholipides augmenterait dans la membrane de Bruch. L’accumulation liée à l’âge de lipides neutres ou des phospholipides et la présence de cholestérol estérifié et non estérifié contribuent à la désorganisation de la membrane de Bruch et à l’apparition des Drusen. Rôle fonctionnel [91-94] Le DHA facilite la régénération de la rhodopsine. La rhodopsine est un photo-pigment des bâtonnets, c’est-à-dire une molécule (transmembranaire) photosensible qui absorbe la lumière (certaines longueurs d’onde du spectre visible). Or, quand la lumière arrive sur la rhodopsine, celle-ci se « casse ». Un recyclage est possible au bout de quarantecinq minutes. Le DHA facilite cette régénération et permet à tout ce système de fonctionner normalement. Une carence en DHA induit d’importantes altérations de la fonction visuelle. Rôle protecteur [95, 96] Les rôles protecteurs du DHA au niveau de la rétine sont de plusieurs natures : – Anti-apoptotique : le DHA est le seul acide gras capable de promouvoir la survie des photorécepteurs et diminuer le nombre de marqueurs de l’apoptose cellulaire. Dans un milieu de culture sans DHA, les cellules rétiniennes se développent normalement pendant 14 jours, puis dégénèrent par un processus apoptotique. L’ajout de DHA dans le milieu retarde le phénomène d’apoptose. – Anti-ischémique : le DHA a la capacité de réduire les tensions rétiniennes induites par l’ischémie. – Élimination des débris lipidiques dans l’épithélium pigmentaire en augmentant l’activité de la lipase acide lysosomiale, et stimulation de l’activité mitochondriale. Les photorécepteurs se renouvellent à un rythme très rapide. Les segments externes sont digérés par l’épithélium pigmentaire et éliminés vers la circulation sanguine. Or, c’est l’accumulation excessive de débris non digérés qui déclencherait la DMLA. – Activité anti-angiogénique : les acides gras oméga-3 peuvent montrer des actions cytoprotectives et cytothérapeutiques, contribuant à un certain nombre de mécanismes anti-angiogéniques et neuroprotectifs au niveau de la rétine. – Peroxydation des lipides : la peroxydation lipidique induit une phototoxicité rétinienne : les lipides peroxydés vont jouer un rôle dans l’induction de la néovascularisation. Ces lipides peroxydés augmentent avec l’âge et pourraient intervenir dans l’étiologie de la DMLA, notamment dans la néovascularisation choroïdienne. Le DHA est l’acide gras polyinsaturé de la famille des oméga-3, le plus fortement désaturé (six doubles liaisons (C22:6 n-3)), et le plus présent au niveau des phospholipides membranaires présents dans les disques des photorécepteurs. Le haut degré d’insaturation du DHA le rendrait très sensible à l’oxydation liée à l’exposition à la lumière et son taux élevé dans la rétine permettent de compenser les effets délétères de la peroxydation lipidique. L’acide arachidonique (C20:4 n-6), a un potentiel de peroxydation important entraînant la formation de dérivés oxydés. Il est le précurseur des eicosanoïdes des séries 2 et J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge 4 qui sont des acteurs de l’inflammation. Les eicosanoïdes regroupent les prostaglandines, la prostacycline, le thromboxane, les leucotriènes et les lipoxines. L’acide arachidonique entraîne notamment la formation de prostaglandines E2 qui possèdent des propriétés proinflammatoires et de thromboxane A2 qui sont vasoconstrictrices. Les oméga-3 des segments externes des photorécepteurs entrent en compétition avec l’acide arachidonique pour les enzymes responsables de la production d’eicosanoïdes. Les oméga-3 diminuent ainsi la formation des prostaglandines pro-inflammatoires. Cette activité anti-inflammatoire tissulaire pourrait avoir un rôle bénéfique dans la prévention de la DMLA, notamment dans le développement des néovaisseaux choroïdiens. Des médiateurs essentiels à la fin de la réaction inflammatoire, appelés également médiateurs « pro-révolution », sont synthétisés par l’organisme à partir du DHA et dans une faible mesure à partir de l’EPA [97]. Ces médiateurs sont les résolvines (série E et D) et les protectines, ils permettent le retour à l’homéostasie (phase de résolution de l’inflammation). Graisses d’origine végétale Besoins et apport [92, 98] Graisses d’origine animale Seule l’alimentation permet d’assurer l’apport en acide gras oméga-6 et acide gras oméga 3. Les besoins chez l’homme sont difficiles à estimer d’un point de vue quantitatif et dans le rapport de l’un par rapport à l’autre (rapport oméga-6/oméga-3) du fait qu’il existe une compétition entre eux pour la biosynthèse des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC). Le rapport oméga-6/oméga-3 de la ration alimentaire est classiquement compris entre 8 et 10, voire 15. Mais il devrait tendre désormais vers 5 du fait de la limitation des oméga-6 et de l’intérêt d’un apport en oméga-3. Les eicosanoïdes qui viennent des oméga-6 sont responsables de réactions d’inflammation, de douleurs diffuses, de fièvres, de fatigues. Les réactions d’inflammation sont importantes, elles sont nécessaires à la limitation des bactéries, des virus, à la constitution des cicatrices… En face, à partir de la famille des oméga-3, vient toute une série d’autres eicosanoïdes qui eux, au contraire, ont des propriétés anti-inflammatoires, d’anti-agrégation plaquettaire qui réduisent les phénomènes de constriction vasculaire et d’inflammation. Ils augmentent le flux sanguin. La modulation de l’activité inflammatoire est basée sur l’équilibre de ces précurseurs. Les acides gras oméga-3 suppriment la biosynthèse des eicosanoïdes dérivés de l’acide arachidonique. L’ingestion diététique détermine l’équilibre des acides gras oméga-3 et des acides gras oméga-6 dans les membranes cellulaires. Une consommation élevée d’acides gras oméga-3 a comme conséquence le déplacement de l’acide arachidonique habituellement plus abondant par l’acide eicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque. Les huiles d’origine végétale ne contiennent que l’acide α linolénique, chef de file des oméga-3. Les huiles de poissons contiennent en plus des acides gras à longue chaîne comme l’EPA ou le DHA. Compte tenu du faible taux de conversion de l’ALA en oméga-3 à chaîne longue, il est préférable de consommer directement les acides gras à longue chaîne AGPILC ω 3. On distingue 2 groupes : – poissons maigres ; – poissons gras. La composition en acides gras polyinsaturés à chaîne longue des graisses de poissons est très variable selon les espèces considérées. Il existe même des variations de composition à l’intérieur d’une espèce selon le lieu de pêche ou la saison. Le DHA représente environ 10 à 30 % des acides gras totaux contenus dans les poissons et l’EPA représente 5 à 20 %. Sources [99] Pour équilibrer les apports, il est important de bien connaitre la composition des aliments en acides gras polyinsaturés. Les huiles végétales constituent une source importante d’acides gras indispensables (oméga-3 et oméga-6). Les oméga-3 à longues chaînes (C20 et C22) sont retrouvés en grande partie dans les produits d’origine marine. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Les acides gras contenus dans les huiles végétales alimentaires sont essentiellement retrouvés sous forme de triglycérides. Ces huiles sont classées en trois catégories selon la proportion et le type d’acides gras qu’elles contiennent. On distingue : – les huiles végétales pauvres en acides gras polyinsaturés contenant seulement 17 % d’acides gras saturés (huile d’olive) ; – les huiles végétales riches en oméga-6 : huile de noisette, d’arachide, de pépins de raisin, de tournesol, de bourrache. Elles contiennent en majorité l’acide linoléique (30 à 40 %) mais sont dépourvues d’oméga-3 ; – les huiles végétales riches en oméga-3 et en oméga-6, avec l’huile de colza, de soja, de noix et de lin. C’est l’huile de colza qui favorise le plus l’apport d’oméga-3 par rapport à celui d’oméga-6. La consommation d’huiles riches en acide α-linolénique est recommandée, mais celles-ci doivent être préférentiellement utilisées pour l’assaisonnement. Les acides gras polyinsaturés et plus particulièrement les oméga-3 sont instables à la chaleur et sont ainsi dégradés. Supplémentation [98] Il est très difficile de dire, au point où nous en sommes des études scientifiques, si 2 à 3 g d’oméga-3 obtenus de sources naturelles ont des effets équivalents à ce que l’on peut attendre d’une dose équivalente sous forme de suppléments alimentaires. On retrouve les acides gras polyinsaturés dans de nombreuses spécialités médicamenteuses, le plus souvent à base d’huile de poisson. Il faut faire attention aux taux d’oméga-3 dans ces spécialités, celui-ci variant énormément d’une spécialité à l’autre. L’effet secondaire le plus courant des suppléments oméga3 est l’arrière-goût de poisson, voire des éructations. Toutefois, il est possible d’éliminer ceci simplement en divisant les doses (par exemple, deux gélules avant chaque repas pour une dose journalière de six gélules) et en les prenant immédiatement au début des repas. Certaines personnes voient leur transit intestinal s’accélérer. Dans ce cas, il faut simplement diminuer la dose pendant une semaine ou deux et essayer à nouveau la dose plus forte pour voir si elle est tolérée. 81 D. Couasnon, et al. Dans de rares cas, les oméga-3 peuvent faciliter l’apparition d’ecchymoses (des bleus) dans la mesure où, comme l’aspirine, ils interfèrent avec certains mécanismes de coagulation (l’agrégation des plaquettes). La seule interaction médicamenteuse des oméga-3 est avec les anticoagulants dont ils rendent les effets plus puissants. Il est préférable d’avertir le médecin avant la supplémentation en oméga-3 afin d’ajuster le traitement anticoagulant. Études sur le rôle des oméga-3 dans la prévention de la DMLA [76, 93, 100-114] Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Il n’existe encore que peu d’études sur l’intérêt des oméga 3 dans la prévention de la DMLA. Leur rôle dans la physiopathologie de la DMLA est étayé par plusieurs études épidémiologiques qui ont objectivé la moindre incidence de la DMLA parmi les populations ayant une consommation régulière d’oméga-3. Les acides gras oméga-3 alimentaires peuvent réduire la DMLA, selon une étude publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition [100]. Les résultats de cette étude ont indiqué que les individus qui consomment habituellement des poissons huileux ou qui consomment 300 mg d’acide docosahexaénoïque et d’acide eicosapentaénoïque ont 70 % moins de risque d’avoir une DMLA néovasculaire. On a constaté lors d’une étude que les régimes qui contiennent des quantités importantes d’acides gras oméga-3 et de poissons sont inversement associés au risque d’une DMLA quand la prise de l’acide linoléique (oméga-6) était faible [93, 108]. Depuis 1985, la relation entre consommation de lipides (cholestérol et AG saturés) a été retrouvée par plusieurs études qui ont montré qu’une consommation augmentée en AG saturés, mono-insaturés ou polyinsaturés accentuait le risque de DMLA. Plusieurs études épidémiologiques ont permis de souligner le rôle protecteur des oméga-3, ou d’un équivalent à savoir la consommation de poisson. La Blue Mountain Eye Study [108] a montré que la consommation de poisson 2 fois par semaine diminuait de 50 % le risque de DMLA. La Nurse Health Study [111] a montré que la consommation fréquente de poisson et de thon permettait de diminuer le Risque Relatif (RR) à 0,65 et 0,61 respectivement. Les résultats de l’étude Eye Disease Case Control Study (EDCCS) [93] a montré que, si la consommation de lipides avait un effet délétère sur la survenue de DMLA, celle d’oméga 3 permettait en revanche de limiter le risque de DMLA avec un RR estimé à 0,36. La National Health and Nutrition Examination Survey (NHAHES) [95] a montré également une diminution non significative du risque de DMLA chez les gros consommateurs de poissons. L’AREDS [112] a enfin montré une diminution du risque de DMLA chez les patients consommant une grande quantité d’oméga-3 associée à une faible quantité d’oméga-6, soulignant une fois de plus que plus que la quantité absolue d’AGPI, c’est bien le rapport entre oméga-3 et oméga-6 qui est primordial. Plus récemment, des études sont venues conforter cette série. La cohorte de la Blue Mountain Eye Study [113] a fait récemment l’objet d’une publication reliant l’effet de 82 l’apport alimentaire en oméga-3 au risque de maculopathie. Ainsi que ce soit par la consommation globale en oméga 3 ou par la consommation de poisson au moins une fois par semaine, les auteurs ont observé une diminution du risque de maculopathie liée à l’âge avec respectivement un oddratio (OR) à 0,41 et 0,58 (avec des intervalles de confiance à 95 % strictement inférieur à 1). Encore plus intéressante est la diminution du risque de progression d’une MLA vers une DMLA par une consommation de poisson à plus de 3 fois par semaine. Par ailleurs, les facteurs environnementaux protecteurs pourraient semble-t-il compenser les effets nocifs d’autres facteurs, comme semble le montrer l’étude américaine (Cohorte de la Blue Mountain Eye Study) [113] montrant que des fumeurs actuels ou passés compenseraient leur augmentation du risque de DMLA lié au tabac, par une consommation augmentée de poisson ou d’oméga 3. On peut donc modifier le contenu tissulaire en modulant l’apport alimentaire et la proportion de ses différents constituants. Les AGPI constituent donc une approche de prévention primaire pour des formes peu évoluées. Dans une méta-analyse [101], datant de 2008, comprenant 88 974 sujets, une importante ingestion d’acides gras oméga-3 a été associée à une réduction globale de 38 % du risque de DMLA avancée. De plus, le fait de consommer des acides oméga-3 provenant de poissons ingérés au moins deux fois par semaine a été associé à une diminution du risque de DMLA tant à ses débuts qu’à un stade avancé. Cette méta-analyse montre donc qu’une consommation de poisson et d’aliments riches en oméga-3, pourrait être associée à un moindre risque de DMLA. Cependant au jour d’aujourd’hui, aucune étude ne permet d’affirmer avec certitude que l’utilisation régulière d’oméga-3 peut prévenir la DMLA non évoluée. En effet, il y a trop peu d’études prospectives et seulement des essais cliniques en cours [101]. Les études sur l’intérêt des oméga-3 dans cette pathologie sont difficiles à mener car il faut étudier une population importante sur une longue période et évaluer la quantité d’oméga-3 ingérée (source, dose) d’où l’intérêt des supplémentations en oméga-3 qui permettent de mieux quantifier l’apport. Les études d’intervention NAT2 et AREDS2 sont en cours et étudient l’effet d’un apport quotidien en oméga-3 sur l’incidence de la DMLA. AREDS-2 [76, 112] Le recrutement pour l’étude AREDS 2 a démarré récemment. Cet essai a été conçu dans le but d’évaluer l’effet des xanthophyles (lutéine/zéaxanthine) et/ou des acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC) oméga-3 alimentaires, sur l’évolution de la DMLA avancée. On attend de cette étude qu’elle recueille et évalue les données collectées sur près de 4 000 participants âgés de 50 à 85 ans et présentant, soit de grands Drusen bilatéraux, soit de grands Drusen dans un seul œil et une DMLA avancée (étiologies de néovascularisation ou d’atrophie maculaire) dans l’autre œil. Dans la première randomisation, tous les participants recevront la formule de l’étude AREDS originale (considérée, à présent, comme le traitement standard). Sur ces 4 000 participants, 1 000 serviront de témoins, 1 000 recevront de la lutéine (10 mg) et de la J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge zéaxanthine (2 mg), 1 000 recevront des acides gras poly insaturés à longue chaîne oméga-3 (DHA/EPA) et 1 000 participants recevront, à la fois, de la lutéine, de la zéaxanthine et de la DHA/EPA. Dans une seconde randomisation, 1 000 participants serviront de groupe témoin et recevront la formule de l’étude AREDS originale. Les 3 autres groupes de participants recevront une variante de la formule AREDS, soit sans bêtacarotène, soit avec une faible teneur en zinc (25 mg), soit sans bêtacarotène et avec de faibles taux de zinc. Les principaux objectifs d’AREDS 2 consistent à étudier les effets : – d’une supplémentation en xanthophyles (lutéine et zéaxanthine) et AGPI-LC oméga-3 alimentaires, à fortes doses, sur le développement de la DMLA avancée ; – de ces suppléments sur la perte de vision modérée (doublement de l’angle visuel ou perte de plus ou moins 15 lettres sur le graphique de l’étude du traitement précoce de la rétinopathie diabétique) (Early Treatment Diabetic Retinopathy Study [ETDRS]) ; – de ces suppléments sur la cataracte ; – de l’élimination du bêta-carotène de la formule AREDS originale sur le développement et l’évolution de la DMLA ; – de la baisse de la teneur en zinc, par rapport à la formule AREDS originale, sur le développement et l’évolution de la DMLA. Cette étude a démarré en septembre 2006 et il est prévu que ses participants soient suivis pendant au moins 5 ans. Le rapport numéro 20 de l’étude Age-Related Eye Disease Study (AREDS) a constaté qu’une prise plus élevée d’oméga-3 et de poissons a été franchement liée à une diminution de la probabilité de contracter une DMLA néovasculaire. Le rapport numéro 23 de l’étude AREDS Report a récemment suggéré que la prise d’acides gras oméga-3 est associée à une diminution du risque de la progression des Drusen bilatéraux vers l’atrophie géographique centrale (ou atrophie maculaire). Le rapport intermédiaire numéro 22 de l’étude AREDS a indiqué qu’une ingestion élevée de lutéine et de zéaxanthine est associée à une probabilité réduite d’avoir une DMLA. Les sujets qui consomment des quantités importantes de lutéine et de zéaxanthine ont une diminution de probabilité de 35 % de développer une DMLA néovasculaire et une probabilité de 55 % moins de chances d’avoir une atrophie géographique. Etudes NAT-1 et NAT-2 [107] L’effet du DHA dans le cadre de la DMLA est en cours d’évaluation grâce aux essais cliniques NAT. L’étude NAT-1 (Nutritional AMD treatment 1) réalisée par l’école de Créteil (1999-2000), a montré la stabilité des lésions de DMLA chez des patients supplémentés en DHA. Cette étude a incité à réaliser une étude randomisée avec témoin, actuellement en cours, pour démontrer l’avantage potentiel d’une supplémentation en DHA. Il s’agit de l’étude NAT-2 (Créteil) démarrée en 2003, c’est une étude interventionnelle, cas-contrôle, monocentrique, en double insu. Le critère d’évaluation principal sera l’apparition d’une néovascularisation sur le deuxième œil. Globalement, il existe différents arguments expérimentaux laissant penser que les différentes substances mentionnées pourraient avoir un intérêt protecteur dans la DMLA mais il n’existe pas, jusqu’à une date récente, d’études randomiJ Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 sées prospectives, permettant d’affirmer l’efficacité de ces produits. Dans l’état actuel de nos connaissances, ces traitements préventifs ne doivent être proposés que s’il existe des atteintes du fond d’œil. Cependant, certains auteurs proposent une supplémentation en oméga 3 chez les enfants de patients atteints, c’est-à-dire lorsqu’il existe un terrain familial favorisant la DMLA. Les études d’observation comportant une supplémentation en acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPILC) de la famille oméga-3 (DHA) représentent également une avancée importante pour la prévention primaire de la maladie. Une supplémentation en AGPI oméga-3 pourrait être proposée en prévention primaire chez certains sujets à risque de DMLA. Conclusion La DMLA est au jour d’aujourd’hui un problème de santé publique et d’actualité. Des campagnes préventives (publicitaires, médias…) permettre de sensibiliser la population à la première des préventions essentielles : le dépistage. Car en effet, la prise en charge précoce de cette pathologie semble être plus que nécessaire, la DMLA étant une atteinte dégénérative de la rétine d’évolution chronique, pouvant aller de quelques jours à quelques années. L’étude AREDS publiée en 2001 [42] étudiant les effets des apports en antioxydant, zinc ou les deux en comparaison avec un placebo, prouve qu’une supplémentation permet de diminuer de 25 % le risque d’une perte de l’acuité visuelle en associant zinc + antioxydant. Par conséquent, les supplémentations en vitamines semblent apporter un bénéfice à la diminution de l’évolution de la DMLA ; mais il existe des limites. En effet, la vitamine E des compléments alimentaires se trouve sous forme α tocophérol, celle-ci entre en interaction avec les formes γet δ-tocophérol (tissus et circulant dans le sang) ; cette interaction diminue la concentration des formes vitaminiques E de l’organisme. La vitamine A, quant à elle, augmente le risque d’ostéoporose à forte dose. Le zinc en surdosage peut être dangereux pour l’organisme qui ne possède pas de mécanismes efficaces d’élimination du zinc en excès. Les formes vitaminiques trouvées dans les suppléments ne peuvent être suffisantes et en réalité réduisent la biodisponibilité d’autres substances nutritives. De plus, les aliments apportent d’autres produits chimiques pouvant avoir des bénéfices sur la santé, dont on ignore encore l’existence ou les bienfaits. Le risque de ces compléments est la perte d’une alimentation équilibrée et diversifiée chez les patients. La lutéine pigment, essentiel à la macula, est uniquement apportée par une alimentation riche en légumes vert foncé. Ce caroténoïde a sans aucun doute des bénéfices sur le vieillissement maculaire, mais les supplémentations seront-elles aussi efficaces ? L’étude LAST publiée en 2003-2004 [81] prouve qu’un apport de lutéine permet la réduction du risque de l’évolution des stades 3 et 4 de la DMLA. Mais des limites sont encore à apporter. En effet, l’étude se porte sur trop peu de personnes (90 malades) et sur une inégalité entre le nombre d’hommes et de femmes ; 83 D. Couasnon, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. les femmes étant réduites à 4 alors qu’il a été prouvé que la DMLA touche plus les femmes que les hommes. De plus, un recul dans l’évaluation des doses à administrer semble nécessaire à avoir au regard des doses efficaces dans une thérapeutique préventive ; ces doses étant à l’heure actuelle mal connues. Les compléments alimentaires restent avant tout des « médicaments » dont les doses ne doivent pas dépasser les AJR. Le risque engendré, lors d’apport d’une dose trop forte de caroténoïdes, est d’entraîner une potentialisation des processus tumoraux chez les fumeurs. Les oméga-3 existent sous plusieurs formes, mais seul le DHA est l’oméga-3 essentiel à la vision. Le DHA est synthétisé en quantité très faible par l’organisme, il doit donc être apporté par l’alimentation. La méta-analyse publiée en 2008 [101] rassemble plusieurs études épidémiologiques regroupant ainsi 88 974 personnes. Cette métaanalyse conclut que l’apport d’oméga-3 permet de diminuer de 38 % le risque de développer une DMLA avancée et une consommation d’oméga-3 (poisson) supérieure ou égale à 2 fois/semaine est un facteur protecteur dans l’évolution d’une DMLA. Mais dans l’organisme l’effet des oméga-3 est plus complexe qu’un simple apport. En effet le facteur préventif de ces AGPI résulte uniquement du rapport oméga-6/ oméga-3 qui devra tendre vers 5 du fait que notre alimentation devra être limitée en oméga-6. Toutes les études épidémiologiques analysées dans ce projet suggèrent que la supplémentation est bénéfique sur l’évolution en stades 3 et 4 de la DMLA. Le manque de certitude est dû à un manque de précision dans les critères d’inclusion des malades dans ces études. Pour conclure à notre problématique (évaluer, au regard des propriétés étiologiques de la DMLA, si des traitements de supplémentation peuvent garantir une prévention de la survenue de la pathologie), nous nous appuyons sur l’étude AREDS 2 ayant débuté en 2006 et s’achevant en 2011. Les premières données publiées prouvent que l’apport en oméga-3, et en lutéine permet de diminuer le risque de développer une DMLA. Cette étude devra, dans la mesure du possible, nous permettre d’apporter des réponses plus exactes, plus fiables sur la supplémentation des nutriments réellement bénéfiques et sur leur dose efficace dans une prophylaxie. ■ Remerciements Nous remercions le professeur Alain Legrand pour son aide dans nos recherches et dans le déroulement de ce projet. Financement : aucun. 5. Francois P, Bonnet M. La Macula. Paris : Masson, 1976. 6. Site de l’OMS, 2009. http://www.who.int/fr 7. www.dmlainfo.fr. 8. Galan G, Bontemps F. La DMLA. Le Moniteur des Pharmacies Formation, 7 mars 2009, Cahier II n° 2769 (n° 59) : 16. 9. Semani M. Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) : épidémiologie, facteurs de risques et prévention primaire : étude analytique sur quelques cas. Thèse d’exercice de médicine, Lille, 2009, 1 vol. (71 f.) : 15-17. 10. Bonne C Et Milhaud A-M. Radicaux libres et physiopathologie oculaire. SAURAMPS 1991 : 23-4/85-6. 11. Jager R, Mieler W, Miler J. 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