MEI "médias et information" n°1- 1993
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de publicitaires à considérer qu’une
stratégie below the line, c’est-à-dire
d’utilisation moins intensive des
médias de masse, constitue une alter-
native plus judicieuse au «tout
médias".3
Après le marketing de masse, on en
viendrait donc à un marketing sur
mesure beaucoup plus développé, ce-
lui-ci permettant une approche plus
individualisée de la communication.
C’est ainsi que se développeraient
l’usage du minitel, les relations presse
avec la création de rumeurs, les mes-
sages téléphoniques à domicile, mais
aussi tout un matériau «lourd»
individualisé ; ainsi du mailing, qui
se développe en s’adjoignant la for-
mule roman-photos : pour présenter
ses vœux de nouvelle année (1992),
J. Toubon propose aux habitants du
13ème arrondissement de Paris, dont
il est maire, un dépliant de 14 photos
qui le suivent depuis son «lever ma-
tinal» jusqu’à la «soirée de gala» qui
clôture sa journée, en passant par une
cérémonie républicaine, une visite de
chantier et un tête-à-tête avec un
saucisse-frites pour son déjeuner de
midi.
J. Dray, député socialiste de
l’Essonne, propose pour ces mêmes
vœux une version B.D. et raconte «la
journée d’un élu» sous forme de
bulles…
Pour ce qui est de la campagne de
Maastricht, en septembre 1992, V.
Giscard d’Estaing quant à lui rem-
place le traditionnel tract qu’il juge
inefficace par le «pin’s intelligent» :
à peine plus grand qu’une carte de
crédit, ce tract nouvelle formule
développe sur 65 cm2 les principales
étapes de la construction européenne,
sans oublier le portrait et la signature
du Député du Puy-de-Dôme…
«L’observatoire de la démocratie»,
organisation où coexistent des repré-
sentants de nombreuses tendances po-
litiques (comme R. Barre, J.P.
Soisson, A. Devaquet, etc.), propose
à ses adhérents d’organiser des «réu-
nions de voisinage» : on invite chez
soi des amis, des relations, des voisins,
et on enseigne la démocratie «à
domicile». La démocratie à la mode
Tupperware, en quelque sorte.
Se développent ainsi toutes sortes de
nouvelles techniques «fragmentées»,
par opposition à la télévision qui reste
fondamentalement un média généra-
liste et le plus «mass-média» de tous
les médias. On passerait donc d’une
société de consommation à une
société de consommateurs.
Ce mouvement de retrait des mass-
médias paraît significatif d’un chan-
gement autrement plus profond qu’un
simple retournement de stratégie
communicationnelle. «Quand on est
perdu, on en revient en désespoir de
cause à la substance, c’est-à-dire pour
la publicité, au produit», écrit J.
Séguéla qui ajoute : «Moins de
contenant, plus de contenu, moins de
signe, plus de sens, moins de forme,
plus de fond. Tout ce qui a représenté
la frénésie des années quatre-vingt ne
peut plus être crédible.»4 (Challenge,
juillet-août 1989). Le retrait
médiatique observé chez certains
hommes politiques aurait donc pour
corollaire le retour de la «substance»
politique, de l’idéologie au sens
traditionnel du terme.
De fait, si l’on a pu considérer que la
succession idéologique était en
déshérence, il semble que l’on puisse
là aussi distinguer l’amorce d’un pro-
cessus nouveau et parler, peut-être,
d’une «re-idéologisation» de la sphère
politique française.
A droite de l’échiquier politique, les
forces non-démocratiques restent vi-
ves en dépit d’un mode de scrutin qui
les pénalise. Comme le note A.