Présence et trajet du canal incisif dans la région interforaminale de

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Présence et trajet du canal incisif dans la
région interforaminale de la mandibule
humaine: Imagerie en deux dimensions
versus observation anatomique
N. MRAIWA, R. JACOBS, P. MOERMAN, I. LAMBRICHTS, D. VAN STEENGERGHE ET
M. QUIRYNEN
Introduction
Le nerf alvéolaire inférieur emprunte un trajet entièrement intra-osseux depuis son
entrée dans le canal mandibulaire jusqu’au foramen mandibulaire. Dans le canal
mandibulaire, le nerf est accompagné par l’artère alvéolaire inférieure, une
branche de l’artère maxillaire. Ces structures vasculo-nerveuses vascularisent et
innervent les dents et le périodonte mandibulaire. Au niveau du foramen
mentonnier, le nerf et l’artère alvéolaires inférieures abandonnent respectivement
le nerf et l’artère mentaux qui vascularisent et innervent la peau de la lèvre
inférieure, la muqueuse alvéolaire et la gencive jusqu’à la deuxième prémolaire en
arrière [35]. Le nerf incisif a été décrit comme l’une des branches terminales du
nerf alvéolaire inférieur [2] et semble suivre un canal incisif bien défini dans la
zone interforaminale de la partie mentonnière de la mandibule [2, 19]. Cependant,
la présence et le trajet de l’innervation du bloc incisif restent sujets à discussion et
quelques auteurs nient même son existence [6, 25, 32].
Une autre disposition anatomique est celle du foramen lingual. De façon
surprenante, il n’est pas documenté dans les traités anatomiques généraux [14, 21,
23, 35, 36]. Les traités d’anatomie dentaire ne traitent pas non plus de l’existence
du foramen lingual [4, 15, 17]. Cependant, le foramen lingual est bien identifié sur
les radiographies orales et il est ainsi clairement décrit dans les traités illustrant
l’anatomie radiologique [8, 11, 13, 18]. Sur les radiographies intra-orales, le
foramen lingual peut apparaître sous forme d’une lacune circulaire entourée par
une opacité périphérique. Le foramen lingual est habituellement situé sur la ligne
médiane de la face interne de la mandibule, au niveau ou au-dessus des épines
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mentonnières [20]. Tepper et al. [31] ont mentionné l’existence de nombreux
foramens sur la face interne de la mandibule, même à distance de la ligne
médiane, dans la région prémolaire. Dans quelle mesure ces foramens jouent un
rôle dans la vascularisation et l’innervation de la mandibule et des dents qu’elle
porte, n’a pas été étudié.
Le présent travail a été réalisé pour évaluer la présence et le trajet du canal incisif
et le foramen lingual dans la région interforaminale du menton de la mandibule
humaine. Les buts généraux de cette étude étaient donc :
(1) de déterminer la présence et la localisation du canal incisif et du
foramen lingual sur des mandibules de cadavres humains,
(2) de mesurer les dimensions et d’apprécier la localisation du canal
incisif mandibulaire,
(3) de croiser ces données anatomiques à la visualisation de ces
structures sur des radiographies en deux dimensions (intra-
orale, péri-apicale et occlusale, panoramique et tomographique)
Matériel et méthode
Matériel
Les mandibules sèches de 50 cadavres adultes humains qui avaient donné leur
corps pour la recherche ont été collectées avec l’accord du comité d’éthique dans
le département d’anatomie de la faculté de médecine de l’université catholique de
Leuven. 40 mandibules étaient édentées alors que les 10 autres étaient encore
dentées dans la région interforaminale.
Les radiographies réalisées sur la région interforaminale du menton comprenaient
des images intra-orales (péri-apicales et occlusales), un cliché panoramique et des
tomographies spiralées qui devaient permettre la visualisation des repères
anatomiques de la région interforaminale. Pour les radiographies panoramiques et
la tomographie spiralée, nous avons utilisé un Cranex Tome ® (Sorodex,
Helsinki, Finlande). Pour la radiographie intra-orale, nous avons utilisé un
appareil Trophy Irix ® 70 kV (Trophy Trex, Marne-la-Vallée, France) selon une
technique parallèle grâce à l’utilisation de porte-film Rinn XCP ® (Rinn Co,
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Elgin, Il, USA) et des bandes adhésives pour s’assurer d’une position standard et
stabilisée de la mandibule. L’absence des parties molles environnantes permettait
un placement optimal du film et l’exposition d’une zone plus large. Une
radiographie occlusale inférieure à 90° était réalisée en attachant le film au plan
occlusal en utilisant une bande adhésive. Les radiographies intra-orales étaient
prises avant et après insertion d’un fil orthondotique de 0,5 mm de diamètre
(Dentaurum ® Ispringen, Allemagne) (fig. 1). Le fil était dirigé en avant pour
démontrer le trajet du canal incisif (fig. 2). Quand le diamètre du canal devenait
trop petit, le fil était enlevé et un produit de contraste (Omnipaque 300 ®
Nycomed, Bruxelles, Belgique) était injecté sous pression dans le foramen
mentonnier des mandibules grâce à des seringues et aiguilles à usage unique (fig.
3). Une troisième série de radiographies intra-orales de la région foraminale était
alors réalisée.
Ensuite, les mandibules étaient sciées verticalement en blocs de 6 mm
d’épaisseur, pour correspondre à l’épaisseur des coupes des tomographies
spiralées centrées sur la région présumée du canal incisif (fig. 4). A partir des
observations directes et des images radiographiques, les mesures du canal incisif
et du foramen lingual (fig. 5) ont été réalisées à l’aide d’un compas digital
(Digimatic Calliper ®, Mitutoyo, Andover, Royaume-Uni) (fig. 6). Finalement, la
largeur et la hauteur de l’os mandibulaire ont été mesurées (fig. 7).
Analyse des données et analyse statistique
Les mesures des dimensions et le taux de visibilité ont été étudiés par deux
observateurs indépendants, tous deux spécialisés en imagerie de la région orale et
dans l’interprétation anatomique. L’un des observateurs réalisait deux fois les
mesures et les observations. On a ainsi pu calculer les coefficients de variation
pour la variabilité intra-et inter-observateurs [33]. Toutes les données étaient
rassemblées et analysées statistiquement grâce au logiciel Statistica de Windows
® (5. 1) (Stat Soft, Tulsa, Oklahoma, USA). Le risque de première espèce a été
choisi à 5 %. A côté des statistiques descriptives, nous avons utilisé le coefficient
de Pearson pour rechercher toutes relations possibles entre les mesures de
dimensions sur la mandibule, les repères anatomiques et leur apparence
radiographique. Les tests appariés de Wilcoxon ont été utilisés pour comparer les
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côtés droit et gauche. Les tableaux de contingence pour étude statistique exacte de
Fischer ont été utilisés pour appréhender l’influence de la corticalisation et de la
technique d’imagerie sur la visibilité du canal. Finalement, la sensibilité
(proportion de repères visualisés sur le nombre de repères anatomiques présents)
de chaque technique radiographique a été déterminée.
Résultats
Macroscopiquement, l’épaisseur moyenne de l’os mandibulaire dans la région
interforaminale était de 11,2 + 1,5 mm, la hauteur maximum de l’os mandibulaire
était de 23,1 + 5,7 mm. La largeur moyenne de l’os mandibulaire aux tiers moyen
et inférieur de la mandibule était respectivement de 10 + 1,5 mm et de 10,5 + 1,4
mm. De l’os spongieux dense a été trouvé sur les tranches de section passant par
la symphyse mentonnière et environ 3 mm de chaque côté.
L’observation macroscopique des mandibules sectionnées permettait d’y trouver
un canal incisif bien défini dans 87 % des mandibules. Dans 86 % des
mandibules, le canal incisif était situé au tiers moyen de la mandibule. La distance
moyenne qui séparait le bord inférieur du canal incisif du bord inférieur de la
mandibule était de 9,7 + 1,8 mm dans la région canine. Son trajet dirigé vers la
ligne médiane était légèrement descendant, amenant à une distance de 7,2 + 2,1
mm dans la région incisive. Sur la ligne médiane, il était difficile de trouver une
structure qui ressemble véritablement à un canal incisif. Sur seulement 9 de nos
50 cas (18 %) un canal a été observé sur la ligne médiane. Sur tous les autres cas,
le canal se terminait à l’aplomb de l’incisive latérale ou parfois de l’incisive
centrale. Le diamètre interne moyen du canal incisif était de 1,8 + 0,5 mm. La
hauteur interne moyenne en était de 1,84 + 0,54 mm, légèrement plus grande que
la largeur interne 1,81 + 0,51 mm. Nous avons remarqué que le diamètre interne
du canal incisif était plus large au voisinage du foramen mentonnier. Le canal
devenait plus étroit au fur et à mesure que nous avancions vers l’avant avec une
inclinaison légèrement descendante, au fur et à mesure qu’il approchait de la
symphyse mentonnière. La plupart des canaux montraient une paroi bien
corticalisée (91 %). Ceci était significativement lié à la visibilité sur les
radiographies orales (tableau de contingence avec tests exacts de Fischer).
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De plus l’observation de la région médiane de la mandibule sur son versant
lingual permettait d’y voir la présence d’un foramen lingual net sur la majorité des
mandibules étudiées (48 sur 50). Sur la plupart des mandibules (32 cas, 64 %) on
ne voyait qu’un seul foramen lingual. Cependant, dans 7 cas (32 %), on notait
deux foramens linguaux, voire plus. Quand on trouvait deux foramens, l’un était
situé au-dessus ou au niveau des épines mentonnières et l’autre au-dessous des
épines mentonnières, près du bord inférieur de la mandibule (fig. 8). La distance
moyenne séparant le bord inférieur du foramen lingual et le bord inférieur de la
mandibule était de 12,3 + 5,5 mm.
Les radiographies intra-orales et occlusales ne permettaient généralement pas de
voir le canal incisif alors que le foramen lingual était observé dans 70 % des cas.
En utilisant le fil orthodontique et/ou le produit de contraste, les radiographies
intra-orales et occlusales montraient le trajet du canal incisif dans 80 % des cas.
La détection du foramen lingual pouvait alors atteindre 92 %. Avec les
radiographies panoramiques, le canal incisif était visualisé sous forme d’un
prolongement du canal mandibulaire sur 50 % des mandibules étudiées. Le
foramen lingual pouvait être observé sur la majorité des images panoramiques (92
%).
Les tomographies spiralées donnaient de bons scores de visibilité, à la fois pour le
canal incisif (96 % des visualisations dont 50 % bonnes, 41 modérées, et 5 %
faibles) et le foramen lingual (94 % de visualisation, dont 72 bonnes et 22 %
modérées). De plus, les mesures des dimensions sur les coupes tomographiques et
les coupes anatomiques équivalentes montraient une corrélation linéaire
hautement significative (r = 0,96). Sur les tomographies spiralées, le canal était
situé en moyenne à 9,4 + 2,5 mm du bord cortical inférieur (5,5 à 16,1). Le taux
de visibilité sur les radiographies et les coupes anatomiques montraient également
une corrélation significative (test exact de Fisher) avec une sensibilité de 1. Pour
le foramen lingual, la sensibilité était de 0,98. Avec les radiographies
panoramiques et intra-orales, la visualisation était moins bonne, de même que le
score de sensibilité (tableau 2). Un marqueur radio-opaque (fil métallique ou
produit de contraste) augmentait notablement la sensibilité des radiographies péri-
apicales et occlusales.
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