Questions pour un champion en réanimation 577
6. LIMITES STRUCTURELLES DES COMITÉS D’ÉTHIQUE CLINIQUE
6.1. FACTEURS DE DYSFONCTIONNEMENTS DES COMITÉS
Des ambiguïtés, dans la nature même des comités, sont susceptibles de les faire
apparaître comme des comités «à l’essai», selon que les missions sont imprécises, non
précisées, ou encore non identiques pour tous. Un certain nombre de facteurs, générant des
difficultés dans le fonctionnement, ont ainsi été individualisés dans la littérature [11] :
• L’ambiguïté sur la fonction d’aide à la décision du comité entre position directive ou
incitative.
• La conception contradictoire et problématique de la compétence éthique.
• La difficulté à appréhender la validité des avis proposés.
• L’indisponibilité des membres des comités.
• La tentation du recours à la fausse sécurité des normes juridiques.
Les comités apparaissent comme un moyen de changer les comportements, de
modifier la réflexion, de convaincre et de contraindre à des changements de pratique. Le
risque est leur perception trop bureaucratique [1], ou venant bouleverser l’autorité sur
laquelle reposent les normes de l’institution hospitalière [12]. Il peut ainsi s’agir, pour les
infirmières, d’utiliser les comités pour exercer des pressions sur les médecins, pour les
médecins, de les utiliser contre les demandes de patients, ou encore, pour le comité, de
s’opposer ou de décourager les demandes par les proches de cessation de traitement, qui
seraient estimées prématurées ou injustifiées. Ainsi, en 1999, dans une étude européenne
par questionnaire, moins de la moitié des réanimateurs d’Europe du sud se disaient
favorables à une consultation d’éthique [13]. Récemment, seul le tiers des infirmières
et médecins interrogés étaient favorables à l’intervention d’un tiers extérieur dans les
décisions d’arrêt thérapeutique dans une étude concernant 133 centres de réanimation
français [19]. Dans la même étude, une minorité des interrogés préférait l’intervention
d’un comité à celle d’un psychologue ou d’un autre médecin non éthicien. En 2000,
29 % parmi 301 réanimateurs français interrogés sur leur approche de la consultation
d’éthique étaient favorables au principe et seulement 34 % d’entre eux l’avaient déjà
sollicitée [14]. Le comité d’éthique local n’était souhaité comme intervenant que pour
43 % et le motif d’intervention le plus souvent relevé était l’existence d’un conflit avec
les proches pour 69 %, une décision de fin de vie médicalisée pour 56 % et une partici-
pation à un protocole de recherche clinique pour 23 %. Les réticences les plus souvent
notées à une telle intervention étaient le manque de formation spécifique de l’intervenant
pour 88 % des interrogés, son indisponibilité pour 84 % et l’incapacité pour l’équipe à
désigner un tel intervenant pour 75 % [14].
6.2. CAS PARTICULIER DU MANQUE D’ÉVALUATION DES COMITÉS
Le manque d’évaluation des comités reste problématique pour assurer leur légitimité
et la validité de leurs actions auprès des services [15]. Ainsi, trente ans après la mise
en place des premiers comités d’éthique aux Etats-Unis, un récent «position paper» de
la «Bioethics Consultation Task Force on Standards for Bioethics Consultation» a du
réaffirmer le besoin de formation spécifique des membres des comités et d’évaluation
de leurs activités [10].
La littérature concernant l’évaluation des comités contient essentiellement des études
rétrospectives. Les résultats sont généralement favorables aux consultations d’éthique,
mais essentiellement en termes de satisfaction médicale plutôt que de celles des patients
ou de leurs proches [16].
Parmi les activités des comités évaluées prospectivement, deux domaines d’inter-
vention ont plus particulièrement été étudiés, en particulier en réanimation : la question