D O S S I ER LES DYSFONCTIONNEMENTS DES ORGANISATIONS LORS DE LA RÉALISATION DE PROJETS l'heure où le management par projet devient de plus en plus en vogue dans l'industrie, il convient, pour ne pas être victime des effets de mode, d'analyser les dysfonctionnements des organisations qui sont amenées à réaliser des projets. La connaissance des dysfonctionnements et de leurs causalités premières conduit à retenir de nouvelles formes d'organisation. Ces nouvelles formes d'organisation, en particulier l'organisation cellulaire par projet et les nouveaux rapports avec l'ensemble des entreprises intervenant pour un projet donné, doivent être replacés dans le contexte de beaucoup d'entreprises industrielles qui doivent désormais faire face à un environnement incertain, turbulent et différencié. A « Le sommet de la connaissance est de savoir que quelque chose ne marche pas ». H. VON VOERSTER l n'est pas d'usage d'évoquer dans les entreprises et administrations, les dysfonctionnements de l'organisation, en particulier quand on réalise un projet nouveau. I Parler des dysfonctionnements est souvent perçu comme une attaque des personnes ou un dénigrement de l'entreprise. Beaucoup de conférences et articles sur le management de projet traitent des solutions sans jamais clairement analyser les problèmes. Pourrait-on taire progresser la qualité d'un produit en ignorant ses défauts et la cause de ceux-ci ? Non, alors pourquoi n'en est-il pas de même en ce qui concerne la qualité du management de l'entreprise ? Paul Watzlawick, le célèbre représentant de l'école de Palo Alto (école qui étudie la communication entre humains), fournit une explication : PCM — LE PONT — MAI 1993 38 François JOLIVET A dirigé d'importants projets de BTP dans le monde (centrales nucléaires, grandes opérations de bâtiments, tunnel sous la Manche). Est actuellement conseiller du président de Fougerolle pour les orientations de progrès. D O S S E R Les ingénieurs et techniciens d'étude : « On refait 3 fois le travail ; on ne comprend pas les décisions ; on est découragés ; on est impuissants à maîtriser la situation ». « Dans une organisation, on recherche un individu comme la cause de queique chose, or ia cause d'une difficulté découle souvent d'un système qui génère le problème. » Les techniciens de la réalisation : « Les gens d'étude ne connaissent pas notre façon de travailler Ce qu 'ils demandent n'est pas réaliste ». Alors que le management de projet se répand dans toute l'industrie, il est souhaitable de se consacrer à la connaissance de l'origine des dysfonctionnements avant d'aborder les différentes méthodologies de conduite de projet. Faute de quoi on adoptera des solutions non performantes quelquefois contraires à l'objectif recherché. L'entreprise contractante : « On me donne des objectifs à atteindre et en même temps on m'impose la façon de travailler avec des spécifications irréalistes et lourdes. Je ne peux être à la. fois exécutant et responsable ». Recueillir l'opinion des « acteurs projets ». « On me demande de rattraper les retards des autres. On modifie le projet ». Le client (futur exploitant ou destinataire du projet) : Ecoutons les « acteurs projets », c'est-àdire les personnes qui participent à la réalisation du projet (dans l'entreprise et à l'extérieur de celle-ci). Supposons qu'une coordination par projet ait été mise en place (figure 1). Voici une situation simulée : Le chef d'entreprise : « Je constate un dérapage continu du budget et du délai de réalisation ». « Trop de problèmes me sont soumis, chaque service et département se renvoient la balle ». Les chefs de service et de département : « Les métiers amont (ceux qui interviennent en premier) ont pris du retard dans leur travail ». « Les métiers aval ont modifié ce qui avait été décidé à l'amont ». « La technologie retenue n'était pas éprouvée ». « Je n 'ai pas d'interlocuteur ayant le pouvoir de décider ». « Le projet est en retard, la qualité du travail réalisé ne correspond pas à ce que j'attends ». Un observateur qui analyserait plusieurs entreprises constaterait que les dysfonctionnements sont importants, si le projet est complexe et comporte une part de nouveauté pour l'entreprise. Ceci est confirmé par le fait que lorsqu'on réalise un deuxième projet, similaire au premier, on obtient une amélioration spectaculaire des performances, tant sur le plan de la qualité, des délais et des coûts. Par coûts, on entend aussi bien les coûts de développement du projet que le coût du projet (ou produit) proprement dit. Figure 1. COORDINATION PAR PROJET o + J, } + 4 ooo0 ( o Coordinateur de projet Client O - o - • o G- 1 1 1 1 1 -- o o Directions "métiers" - 1 1 o -- Acteurs projet dans structure métier "Correspondants" métier/projet Sous-traitants PCM —LE PONT—MAI 1993 39 Redécouvrir le fonctionnement de l'entreprise Le fonctionnement de l'entreprise est fondé sur un fractionnement et une attribution des tâches aux différents services et départements « métiers » de l'entreprise. Ces tâches sont réalisées en travail séquentiel, le métier amont, par exemple les études, transférant son travail terminé au métier suivant, par exemple les méthodes ou les achats, etc. Dans cette séquence, chaque département décide et optimise le projet selon ses propres critères de métier. Pour un métier donné, les tâches sont réalisées selon des procédures standard communes à tous les projets. Les entreprises contractantes ne sont consultées que lorsque les études et les cahiers des charges sont figés. On observe que dans la pratique, le métier amont après avoir effectué sa tâche doit refaire son travail par suite du métier aval, qui demande des modifications, (figure 2) Tout se passe comme si le métier amont avait fait des suppositions concernant les critères aval sans les expliciter, le plus souvent en se référant mentalement à un projet précédent. Quand un grand nombre de métiers ou d'entreprises interviennent sur un projet, les modifications abondent, les décisions sont remises en cause, les conflits internes et externes grandissent, les retards s'accumulent. La confusion devient grandissante, les réunions se multiplient, les notes écrites deviennent de plus en plus volumineuses, les actions deviennent contradictoires ou non cohérentes. La somme des retards cumulés est très importante. Elle peut doubler le temps initial imparti. L'exemple de l'automobile japonaise des années 80 a montré qu'on pouvait réduire de moitié les délais de conception et de lancement en fabrication d'un nouveau modèle, sans pour autant augmenter les moyens. Qui est le PPCD ? La recherche d'un consensus (sans arbitrage) entre métiers conduit souvent à des solutions chères qui font l'enveloppe des exigences. Contrairement à l'opinion la plus répandue, ce sont des miUiers de décisions qui font la qualité technique, le délai et le coût d'un projet (quand celui-ci dure quelques années). D O S S I ER Attention aux effets de mode LE TRAVAIL SEQUENTIEL tUidM Théorique '' iOaia Observé I "1 11 1 ' • .,„1 ' .L , 7 ' , " < retard .' • retard retard Figure 2, Chacune des décisions concerne plusieurs métiers. Or dans une structure métier, les arbitrages ne peuvent être rendus que par la Direction Générale (qui est le « PPCD », plus petit commun décideur). Celle-ci se trouve dans l'impossibilité de le faire. Identifier les causalités premières L'identification des dysfonctionnements et de leurs causalités premières met en évidence en général 4 natures de dysfonctionnements primaires, par exemple : 1) Processus décisionnel médiocre : Décisions non prises, remises en cause, décisions tardives, qualité médiocre des décisions. Décideur trop loin du client et des problèmes. Décisions ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités du projet. Pouvoir de décision dilué. 2) Processus d'optimisation du projet médiocre : La somme des optimisations successives faite par les métiers ne conduit pas à l'optimisation globale. Les sous-traitants et les personnes chargées de la réalisation ne participent pas à l'optimisation du projet (intervention trop tardive). 3) Le processus de travail sont trop rigides et trop figés : Les procédures métier (souvent standardisées) ne permettent pas de travailler avec souplesse et efficacité. Elles imposent le travail en séquence. Ces procédures ne permettent pas de s'adapter aux exigences du client, du projet et à son évolution. 4) L'environnement évolue pendant la vie du projet sans que les conséquences soient prises en compte correctement : Le client apporte des modifications, la réglementation évolue, les concurrents réagissent. D'autres natures de dysfonctionnements peuvent être identifiées, par exemple : - des objectifs de projet irréalistes, - la confusion des rôles et manque de confiance entre les multiples intervenants au projet (investisseurs, prêteurs, exploitants, concepteurs et réalisateurs). La majorité des dysfonctionnements internes à l'entreprise proviennent de l'organisation même de l'entreprise et du fractionnement du travail qui vise à regrouper les tâches identiques par métier. Si l'on regarde objectivement le fonctionnement d'une entreprise on s'aperçoit que les prétendues économies d'échelle générées par un regroupement des tâches identiques sont ridiculement petites par rapport aux surcoûts et retards générés par les dysfonctionnements dûs à l'absence d'intégration des tâches par projet Dès lors qu'on aborde des projets complexes et nouveaux pour l'entreprise, les nouvelles formes d'organisation peuvent conduire à des gains de productivité de l'ordre de 30 à 50 %. PCM — LE PONT — MAI 1993 40 Le management par projet n'est plus désormais l'exclusivité de certains secteurs d'activité tels que l'aéronautique, la construction, le spatial. Déjà beaucoup d'autres industriels ressentent la nécessité d'un fonctionnement « transversal » de leur entreprise. Le management de projet, sous ses différentes formes va devenir à la fois une nécessité et une mode. Beaucoup d'entreprises vont essuyer des échecs en voulant se lancer dans des solutions ou en adoptant des outils sans avoir identifié et compris l'origine des dysfonctionnements. Le thermomètre ne guérit pas le malade Beaucoup de chefs d'entreprise croient que la mise en place de la planification et du contrôle budgétaire par projet vont résoudre les problèmes, or tout le monde sait que « le thermomètre ne guérit pas le malade ! ». Ponce Pilate a fait son temps D'autres entreprises vont avoir recours à une organisation matricielle « à consensus ». Dans cette forme d'organisation, on garde une structuration de l'entreprise par métier, mais les décisions doivent être prises en commun entre les directions métier et la direction de projet. Le fonctionnement d'une telle organisation est désormais assez bien connu ; il est satisfaisant dans des entreprises à taille humaine (où la direction générale peut intervenir fréquemment). Par contre, pour les grands projets l'organisation matricielle conduit à un processus décisionnel très médiocre amplifié par les conflits de pouvoir entrte métier et projet, conflits résultant d'une double ligne décisionnelle. Le PPCD (plus petit commun décideur) reste la Direction Générale. Un contrat de mariage est fait pour gérer le divorce Dans certaines entreprises apparaît une autre forme de relations métier/projet : la notion de client-fournisseur. Les métiers doivent fournir un service à leur client : l'équipe de Projet. Sur le plan des principes, cela paraît inté- D O S S ressant. Mais on voit souvent les directions métiers et projet vouloir gérer leurs relations sur une base contractuelle. Cette contractualisation interne est très difficile à définir, car les métiers par essence très interdépendants pour un projet donné. Pire encore, cette contractualisation est souvent conçue comme un outil de recherche des culpabilités. Pour rendre l'entreprise plus souple et plus réactive, il ne faut pas la rigidifier verticalennent et horizontalement Dans les organisations ci-dessus (organisation matricielle, relation client-fournisseur), l'entreprise peut être amenée à officialiser le fonctionnement transversal de l'entreprise. Cela se traduit souvent par un volumineux manuel d'entreprise qui définit les rapports réciproques entre métiers et projets à partir de procédures figées, applicables à tous les projets. Ceci rigidifie encore plus l'entreprise ce qui amplifie les dysfonctionnements ! Une organisation biologique : l'auto-organisation par cellules temporaires de projet I ER sur des processus d'auto-organisation à partir de « meta règles ». Chaque grand projet se subdivisera lui-même en cellules multifonctionnelles. De même, l'entreprise sous traitante constituera sa cellule de projet qui participera à l'optimisation d'ensemble de l'activité. Un danger : transformer l'entreprise en champ de bataille Si une entreprise veut se lancer dans le management par projet, les dangers sont grands. Le plus grave découle d'une « évidence » qui met cependant un certain temps à s'imposer : chaque projet doit avoir son propre patron (pour permettre un processus décisionnel correct, une véritable optimisation du projet et pour décider des processus de travail). Ceci conduit à introduire un nouveau pouvoir dans l'entreprise. C'est à la direction générale d'établir sans ambiguïté ce nouveau pouvoir, faute de quoi l'entreprise sera transformée en champ de bataille entre direction projet et directions métiers. L'affrontement sera stérile, car fondé sur une logique « gagnant perdant ». (Figure 3). La conduite de projets complexes et à fort caractère de nouveauté, affecte le fonctionnement de toute l'entreprise, ses habitudes, sa culture. Adopter le management par projet ce n'est pas introduire un nouveau métier dans l'entreprise. Il ne s'agit pas d'une Une nouvelle forme d'organisation se révèle être la plus performante tout en étant la plus délicate à mettre en œuvre : l'organisation cellulaire temporaire ou « task force », dans laquelle les compétences sont rassemblées. Le chef d'entreprise sera d'autant plus tenté par cette formule que le projet a un caractère singulier et qu'il est complexe. Ce type d'organisation consiste, chaque fois que la taille et la durée du projet le permettent, à « sortir » le projet de l'organisation permanente de l'entreprise en regroupant le personnel nécessaire des différents métiers sous les ordres d'un directeur de projet. Seuls les métiers nouveaux ou à ressources rares resteront dans les structures permanentes de l'entreprise, alors que les compétences des métiers éprouvés seront réparties dans les « talk force ». L'organisation cellulaire pour être immédiatement opérationnelle, pourra s'appuyer PCM — LE PONT — MAI 1993 41 réorganisation parmi d'autres. C'est pour l'entreprise toute entière apprendre à travailler différemment. Le management des projets complexes et peu répétitifs va accélérer la « détaylorisation » des entreprises et administrations, dont le fondement principal de l'organisation était le regroupement des tâches par nature, métier ou fonction et le perfectionnement des règles et procédures. Changer la façon de travailler, changer les comportements, cela génère du stress, des résistances, cela demande de bâtir un système cohérent, cela prend du temps. // faut plus d'une dizaine d'années pour passer d'une organisation taylorienne à une organisation « biologique ». Les industriels en auront-ils le temps ? Cela dépend de la situation de leurs concurrents. Désormais, face à un environnement évolutif instable, incertain et inconnu, il nous faudra subordonner notre organisation, nos régies, nos certitudes au client et au marché. Mais attention, si ce qui précède conduit à de nouveaux repères conceptuels qui sont utiles, il faut cependant s'en méfier : un projet aussi bien organisé que possible, présentera toujours des dysfonctionnements, qu'il conviendra de résorber avec beaucoup d'humilité et de pragmatisme. • ü U b b I b k LE MANAGEMENT D'UNE ORGANISATION our répondre aux évolutions du « grand maiv hé européen », les entreprises sont amenées à revoir profondément leurs or^ anisations. Cela ne se fait pas sans difficulté et nécessite des qualités et des compétences compétences que nos systèmes de formation ne stimulent pas forcément. Le verre Plat de PPG en Europe Description PPG est une multinationale américaine, basée à Pittsburgh (Pennsylvanie), qui réalise 6 Milliards de dollars de chiffre d'affaires. L'activité est répartie entre quatre métiers : le verre, la peinture, la chimie de base et le biomédical. Au cours des dix dernières années, le groupe a augmenté la part de son chiffre d'affaires en Europe qui en représente aujourd'hui près d'un tiers. Dans le secteur du verre, PPG est le troisième mondial, derrière Pilkington (UK) et très proche de St-Gobain (France). En Europe, PPG est numéro 4, derrière St-Gobain, Pilkington et Glaverbel (ASAHI), alors qu'il est clairement leader aux États-Unis. Sa présence en Europe s'est faite historiquement sentir en Italie, au travers de la Société Vernante Pennitalia et en France lors du rachat en 1982 de la société BOUSSOIS SA dans le cadre du retrait du groupe BSN de ce secteur. Le siège de PPG à Pittsburg. PCM — LE PONT— MAI 1993 42 U U b 5 I ER L'activité de base est la production de verre plat par le procédé Float Glass (38 lignes en Europe). Un Float coûte environ 800 MF pour un chiffre d'affaires génère de l'ordre de 400 MF. Le marché est typique de celui des « commodity products » : le niveau de qualité et de service est très proche entre les concurrents, et le prix reste le critère déterminant d'achat. Cependant, les applications du verre évoluent rapidement par croissance forte des verres dits à valeur ajoutée ou transformés : vitrage isolant, vitrages feuilletés de sécurité, vitrage Low-E à faible transmission énergétique, verres réfléchissants ou colorés, miroirs. La structure de la profession évolue également par rachat successif des distributeurs indépendants par les grands groupes. tonnent de différences de prix qui peuvent exister de part et d'autre d'une frontière, supposée ne plus exister. Ils y trouvent un levier de négociation des prix à la baisse assez puissant. Les investissements, de plus en plus lourds, ne peuvent plus être rentabilisés sur un seul marché. Le choix de leur localisation doit être aussi européen que possible, alors que les directeurs généraux nationaux ont souvent tendance à favoriser leur pays. Les coûts de transports, lourds dans ce métier, doivent être optimisés. Or, l'optimisation européenne peut conduire à favoriser telle ou telle usine, et être assez éloignée d'optimum locaux. Enfin, la vision prospective des États-Unis d'Europe, vus depuis Pittsburgh au travers du prisme déformant des Etats-Unis d'Amérique, a sans doute également contribué à accélérer les décisions vers cette nouvelle structure. Il faut d'ailleurs noter que bon nombre de multinationales américaines ont, dans la même période, et encore aujourd'hui, infléchi leurs structures dans le même sens. L'organisation antérieure Jusqu'en 1990, le groupe opérait à partir de ses deux sociétés nationales (France et Italie) et des agences de vente qu'elles possédaient dans les autres pays européens. Une structure parisienne très légère assurait une certaine coordination. Essentiellement constituée déjeunes américains « à potentiel », passant là deux à trois années, l'efficacité et la puissance de la coordination étaient plus liées à la capacité d'apprentissage et de conviction de ceux-ci qu'à l'organisation. Les directeurs généraux des deux sociétés étaient clairement les décideurs, par leur connaissance des hommes et des marchés, et par leur pérennité. En 1990, l'organisation a évolué vers une centralisation par métier. Trois directeurs généraux européens par SBU (Strategy Business Unit) ont été créés : verre plat, automobile, seconde monte automobile. Leur compétence est désormais européenne, et la fonction de directeur général national a disparu, sauf pour les raisons purement légales. Des services fonctionnels (finance, ressources humaines, informatique), eux aussi organisés sur une base européenne, travaillent « à leur service ». Les conséquences changement du Les motivations d'origine Un certain nombre de raisons ont motivé ces changements. Certains sont d'ordre philosophique, d'autres plus pragmatiques. L'un des objectifs était de réduire les structures centrales. Les deux sociétés avaient en effet à peu près la même organisation avec une duplication des tâches. Le théorème des économies d'échelle selon lequel 1 + 1 est strictement inférieur à 2 devait donc apporter des économies immédiates. Les marchés évoluent vite. Nos clients, purement nationaux il y a encore quelques années, s'implantent maintenant dans d'autres pays et s'é- Guy MAUGIS IPC 78 Après cinq années au Ministère de la Construction et en DDE (Yveiines), Guy IVIAUGIS a rempli diverses fonctions au sein du groupe Pechiney (Direction de la stratégie, marketing, Direction des usines de i'Argentière puis de RhénaluNeuf-Brisach). il a rejoint le groupe PPG en 1988 où, après avoir mené une part active dans la réorganisation européenne, il s'est vu confié le poste de Directeur Général Verre Plat Europe en 1992. PCM — LE PONT— MAI 1993 43 Les difficultés rencontrées Elles avaient été, comme souvent, sous-estimées. Ce qui était perçu comme un changement mineur au niveau des États-majors, a été vécu, de fait, comme une fusion/absorption entre deux sociétés française et italienne, aux cultures très différentes. Le « qui absorbe qui » étant essentiellement lié à la nationalité des dirigeants des SBU. Les styles de management ont dû fortement évoluer. Outre les obstacles linguistiques (les grands bénéficiaires objectifs sont à l'évidence les cours de langue, dispensés aux cadres comme aux secrétaires), le passage d'une direction rapprochée (tout son staff sur le même lieu) à une direction éloignée (les membres du staff à 1000 km les uns des autres) ne permet pas de travailler de la même façon. Les membres des sociétés, et notamment ceux des services fonctionnels, ont perdu le point de référence central que constitue un directeur général proche. L'appartenance à une société locale, identifiée par son dirigeant, s'est diluée dans une structure plus confuse et plus lointaine, créatrice d'un certain malaise, et de réactions de défense. Les choix d'optimisation globale, conduisant à défavoriser telle ou telle usine au profit d'une autre, pour le bien de l'ensemble, ont été plus ou moins bien vécus, malgré de longues explications. Là encore, des interprétations « nationalistes » sont souvent énoncées. Les mécanismes légaux de la participation en France, par exemple, renforcent la recherche d'optimum locaux, et rendent difficile l'acceptation de mesures réduisant le résultat de la société française même si l'augmentation du résultat de la société italienne est supérieure. Comprendre est une chose, admettre en est une autre. La non existence d'une structure juridique de so- D O S S La déstabilisation que cela représente, et n o t a m m e n t la difficulté de diriger à distance dans un c o n t e x t e de langue, d e culture, de personnes et d'outils inconnus, a é t é diversement vécue et acquise. I ER ciété européenne y contribue, car l'on doit continuer à publier des résultats par société nationale. La vie quotidienne d'un bon nombre des membres du staff a fortement évoluée. L'apprentissage des langues, effectué à marche forcée (4 heures par semaine), a été plus ou moins bien vécu selon l'âge et les facilités des uns ou des autres. Les déplacements ont fortement augmenté. D'un emploi du temps 3 jours à Paris/2 jours sur site ou en clientèle, nous sommes passés à 1 jour à Paris/4 jours à l'extérieur. Cette évolution, classique pour des cadres de haut niveau passant d'une responsabilité de site à une responsabilité plus vaste (directeur d'usine devenant directeur industriel par exemple) a été d'une part étendue à des niveaux relativement plus bas dans la hiérarchie et, surtout, à touché environ une centaine de personnes au même moment. La déstabilisation que cela représente, et notamment la difficulté de diriger à distance dans un contexte de langue, de culture, de personnes et d'outils inconnus, a été diversement vécue et acquise. Certains se sont investis fortement dans la découverte et l'apprentissage du nouveau pays (voire en négligeant leur responsabilité globale) ; la plupart s'est crispée sur son site d'origine, évitant - consciemment ou inconsciemment - de se mettre en situation difficile dans un contexte inconnu. Ceci a pu créer une certaine perte de motivation chez ceux qui ont eu du mal à s'adapter, rejetant les difficultés sur « l'organisation » sans vouloir ou pouvoir admettre leurs propres limites. Les avantages Les a v a n t a g e s à court t e r m e de gain e n personnel de siège, d e réduction des coûts de transport s e sont révélés assez v i t e . Les avantages à court terme de gain en personnel de siège, de réduction des coûts de transport se sont révélés assez vite. La compréhension globale du marché, avec ses spécificités nationales, mais aussi la compréhension fine des tendances émergentes (certains pays étant, à l'évidence en « avance » par rapport à d'autres) et la possibilité de dialogue avec les clients en possédant une connaissance détaillée des problèmes est également un net avantage. La définition des stratégies européennes et leur mise en place s'en trouvent également facilitées. Le partage d'expériences entre les usines et la généralisation des meilleures pratiques de production ont été également fortement accélérés. Le sentiment de travailler pour un tout et non pour une partie ayant fini, petit à petit à s'imposer, réduisant par la même la compétition entre sites. Des séjours longs d'ingénieurs d'une usine dans d'autres, la découverte des points forts et faibles des uns et des autres y a aussi grandement contribué. Enfin, un regain de motivation pour les meilleurs, qui se sentaient un peu à l'étroit dans un pur contexte national, où leur évolution de carrière était difficile à assurer. PCM — LE PONT — MAI 1993 44 Les implantations européennes du Groupe, Les leçons de l'Europe L'évolution de PPG n'est certainement pas unique. Les différents dirigeants que j ' a i pu rencontrer et qui ont traversé le même type de changement en tirent à peu près les mêmes leçons. Celles-ci vont sans doute impliquer dans les années qui viennent une évolution forte des compétences requises pour travailler dans le nouveau contexte européen. Même si l'Europe semble aujourd'hui plus lointaine qu'il y a deux ans, l'évolution me paraît aujourd'hui inéluctable. Nous sommes déjà, et seront de plus en plus amenés à demander à nos cadres de nouvelles compétences : - la connaissance des langues, d'abord. L'anglais au minimum, une ou deux autres langues européennes sans aucun doute (Allemand, Espagnol, Italien). - la compréhension des cultures nationales, acquise au travers de solides connaissances de l'histoire des pays et des séjours longs à l'étranger. D O S S I ER - une capacité forte à apprendre, une curiosité suffisante pour écouter sans à priori et jusqu'au bout sans plaquer « sa » solution. Savoir admettre qu'il n'existe pas une bonne solution et une seule à un problème, mais plusieurs selon le contexte local. - une bonne compréhension des mécanismes de base de la psychologie des diverses nationalités. Un Italien ne vous prendra pas forcément de front - car le respect de la hiérarchie est très fort en Italie - mais ne fera pas, s'il n'est pas convaincu. Un Français vous expliquera sans doute que vous avez tort avant la fin de votre phrase et fera peut-être. Un Allemand obéira sans doute, même si vous avez tort, et vous ne le verrez ou saurez que trop tard. - une bonne compréhension des mécanismes de la sociologie des organisations, et des jeux d'acteurs, renforcée par une bonne connaissance des règles du jeu nationales. Si ces compétences ne sont pas nouvelles, et requises depuis longtemps pour les postes les plus élevés des multinationales, elles devront désormais être partagées et acquises dans des niveaux beaucoup plus bas de l'organisation, et beaucoup plus tôt dans la vie professionnelle. Or, ce sont, pour la plupart, des notions qui s'acquièrent par l'expérience cumulée, plus que par la lecture, ou les concours des grandes écoles. Ce sont par ailleurs des aptitudes (langues, histoire, sociologie) que la sélection et l'apprentissage essentiellement basée sur les sciences exactes (mathématiques, physique) que nous connaissons en France, ne permet pas forcément de révéler, et de développer. • La connaissance des langues d'abord, la compréhension des cultures nationales, une c a p a c i t é forte à apprendre, une curiosité suffisante pour é c o u t e r sans a priori... des notions qui s'acquièrent par l'expérience c u m u l é e plus que par la l e c t u r e ou les concours des Grandes Écoles. Les cours de langues ont connu un vif essor. PCM — LE PONT — MAI 1993 45 ' Ä ^ ^î^e^ee t é c A ï ^ e^.:^^^e#^^/ Des suppa^'é'um auprès de p hntM es élevée ngénieurs 100 publications annuelles plus d^un million de lecteurs Régie publicitaire exclusive des publications de : Polytechnique - Saint-Cyr - Centrale Ponts et Chaussées. - Travaux Publics de l'État - Sup'Aéro ENSAE - INSA-Lyon - Architectes - CSTB - FNPC - UCMI Fiabci France - ASITA - CAIA - CAIETA - Ministère Logement Commissariat Général du Plan POSSIBILITÉ DE PUBLICITÉ COLLECTIVE TARIFS - RENSEIGNEMENTS - TÉLÉPHONE : (1) 48.24.93.39 U r i L K S U F Claude NATAF, Directeur 28, rue des Petites-Écuries - 75010 PARI fi D O S S I E R LE JUSTE A TEMPS OU LA REVOLUTION DU MANAGEMENT I est très présomptueux de vouloir aborder un tel sujet en quelques lignes. Ce qui va suivre sera donc volontairement condensé et résumera la pensée de l'une des divisions d'une entreprise, très impliquée dans la transformation de la matière plastique, matière ayant atteint aujourd'hui un niveau de performance remarquable. La mise en œuvre des thermoplastiques constitue en effet l'origine et la base du métier d'équipementier de Plastic Omnium Industrie, c'est-à-dire de concepteur et fabricant de fonctions destinées essentiellement à l'industrie automobile. I e « Juste a temps » et ses conséquences n'est, en effet, pas un but en soi mais au contraire un fil philosophique conducteur et un moyen de répondre aux questions de fond que pose l'évolution du produit automobile et à l'obligation de performance, de réactivité et de flexibilité de toutes les entreprises concernées. Celles-ci doivent en effet disposer tant d'un outil industriel efficace et allégé, condition nécessaire de leur survie que d'une capacité croissante de recherche et de développement de nouveaux produits. L Rappelons donc que le « Juste a temps » c'est produire exactement ce qui est demandé ou ce qui devrait l'être, de la façon la plus simple et la plus sûre possible, en évitant tout acte de production ou administratif qui ne soit pas créateur de valeur ajoutée, au moment où il le faut et au niveau de qualité requis ; c'est aussi plus généralement, allouer le minimum de ressources à l'ensemble des fonctions de l'entreprise pour faire « bien du premier coup », et non pas s'en tenir à l'idée, trop réductrice, de l'éhmination des stocks pour faire disparaître la charge financière correspondante. Jean-Louis MERVEILLE IPC 7 5 . Directeur Général Plastic Omnium Industrie. Il a travaillé à la direction régionale de la Navigation du Nord et du Pas-de-Calais, puis à la direction de l'Équipement de Seine Maritime où il a principalement dirigé le port de Dieppe. Il a rejoint le port autonome de Dunkerque e n 1 9 8 2 où il a é t é successivement Directeur Technique, Directeur de l'Exploitation puis Directeur Général Adjoint. Il est entré à la Compagnie PCM — LE PONT — MAI 1993 47 D O S S I ER Il convient ainsi de s'attaquer : - lors de la conception du produit aux fonctions inutiles et surabondantes et à ce qui freine la standardisation, - lors de la conception du process, aux opérations superflues et aux manutentions évitables, - lors de la production, aux attentes inuùles, aux temps de changement de fabrication non maîtrisés, aux contrôles et aux pannes, à la désorganisation des flux d'information... Dit autrement, cela revient à porter une attention toute particulière à la notion d'interface : qu'il soit physique entre machines, humain ou relatif au cheminement de l'information, car tout interface est potentiellement générateur d'erreurs ou au mieux de redondances. Ne cachons pas qu'il faut parfois réapprendre à lire, écrire et compter à ceux dont on attend désormais une application bien comprise de consignes rendues simples et une participation active au progrès. Ceci signifie que le management tout entier doit organiser l'atelier dans ce but, que les cadres de l'usine veillent à ce que les procédés de production soient robustes, que la maîtrise ne se préoccupe pas que des quantités à produire mais également du suivi de la qualité, des flux d'information (par exemple, la bonne étiquette au bon endroit et la non interversion des pièces droite/gauche). Elle doit donc disposer des informations correspondantes et peu à peu abandonner l'idée que le savoir faire technique suffit, qu'il est son monopole pour mieux exploiter en revanche son savoir faire « managerial » et répondre en temps réel aux attentes de l'équipe. Faire bien du premier coup c'est donner la primauté à l'opération élémentaire qu'il s'agit de rendre sûre, nuit et jour (pour Plastic Omnium Industrie l'enjeu est de 200 000 pièces bonnes par jour). Cela entraîne que les conditions de travail soient soigneusement étudiées ; - Ergonomie des postes pour limiter des opérations inutiles, fatigantes et dangereuses. - Propreté aussi élevée que possible de l'atelier car les produits ne seront pas de qualité si l'environnement professionnel n'est pas lui-même de qualité. - Analyse attentive des risques et recherche permanente de la sécurité car au-delà de l'obligation naturelle de respect de l'intégrité humaine, il est clair que l'accident, grave ou bénin, n'est que la forme ultime du dysfonctionnement. Cela signifie aussi des actions de formation lourdes et durables ; l'apprentissage exige du PCM — LE PONT — MAI 1993 48 temps, l'évolution des mentalités et des comportements aussi . Ne cachons pas qu'il faut parfois réapprendre à lire, écrire et compter à ceux dont on attend désormais une application bien comprise de consignes rendues simples et une participation active au progrès. Il s'agit donc de déléguer autant que possible l'acte élémentaire et par voie de conséquence d'enrichir les tâches à accomplir. C'est dès lors donner autant d'importance à l'opérateur qu'au client à proprement parler ; il devient client interne et au demeurant s'avère être le même homme que le client qui fait vivre l'entreprise. Cela conduit à la participation aux changements rapides de fabrication, à la maintenance dite de premier niveau, à l'autocontrôlé et surtout à la remontée de l'observation des dysfonctionnements puis à la participation à la définition et à la mise en œuvre de solutions adéquates. En schématisant, il serait idéal que l'intérêt du travail ne soit pas l'acte de production mais la participation à la résolution des problèmes, à titre individuel ou mieux par un travail de groupe. L'accent est donc mis au niveau de la direction d'un atelier sur l'animation et la motivation des uns et des autres et le directeur d'une usine qui, somme toute, est d'abord l'animateur d'un groupe social doit être aussi attentif à la technologie utilisée qu'à la sociologie des organisations. Pour mettre en œuvre le « Juste à Temps », ce ne sont pas les outils qui manquent et la littérature technique et organisationnelle abonde, le plus difficile, c'est l'adhésion, la compréhension et l'application résolue de ce qui précède. Je conclurai en soulignant qu'il ne s'agit pas d'être naïf ou immodérément optimiste et que nombre d'opérateurs ou d'agents administratifs viennent travailler pour d'abord disposer d'une rémunération. Mais l'expérience montre que l'on arrive à des résultats étonnants lorsque la volonté de progrès existe et qu'elle est clairement affichée. • (1) En termes purement financiers, rémunérer un agent de production durant sa vie industrielle coûte autant qu'acheter une machine moyenne ; mais une telle décision n'échappe pas à l'examen préalable de son opportunité et entraîne la mise en œuvre d'un programme de maintenance approprié tout au long de la vie de la machine. D O S S I ER Le management du changement est une préoccupation à l'ordre du jour dans un nombre croissant d'entreprises. Ce n'est pas - loin de là - une préoccupation >^ spécifiquement FAUT-IL BRULER LES ï = { ? " ^ ^ Ca ^^W • I % # P^ A ^ ^ ^ ^% I I \ / M MX I H t ^ V lvA%^7tw P^ Il I^E W E mutation de l'issue ^^ laquelle dépend leur survie. ''°''^ symbolique de ce qu'il ne s'agit pas d'une tendance marginale mais véritablement du M AN AGE M E NT ? i r Ä il consacrer un numéro spécial avec le concours des meilleures signatures, ou tout au moins des meilleures signatures américaines. Simultanément, l'on commence, en France, à se poser la question suivante : les nouvelles formes de management imaginées au cours des année quatre-vingts sont-elles encore d'actualité dans cette conjoncture particulièrement déprimée que traversent les entreprises ? Est-il bien raisonnable de parler de « management participatif » alors même que se multiplient les « charrettes de licenciements » ? Le soupçon est assez clair : le « nouveau management » n'aurait duré que ce que durent les modes. Il n'aurait pas résisté à la pression économique et représenterait, en fin de compte, une vision mythique de l'entreprise. Le management du changement sur la défensive Si les nouvelles formes de management se trouvent ainsi mises en cause, c'est pour une série de raisons qui demandent à être identifiées. Certaines présentent un caractère intrinsèque ; d'autres sont liées à la conjoncture économique. Les raisons intrinsèques c ^x^ © Le nouveau management s'est affirmé en tant que mouvement dans les années 83-84 avec la publication de best sellers : Le prix de l'excellence de Peters et Waterman aux États-Unis, L'entreprise du 3'^ type de Georges Archier et Hervé Sérieyx en France. Il a donc pris la forme d'un discours théorique (reposant certes sur des cas susceptibles d'être mis en avant), qui s'est trouvé ensuite décliné en démarches (le « projet d'entreprise ») et en méthodologies (les « cercles de qualité ») tendant rompre avec la conception traditionnelle de l'entreprise. Quoi qu'on en dise, la réalité des entreprises françaises en a été profon- PCM — LE PONT — MAI 1993 49 e D O S S dément transformée. Cela, il importe de le souligner. Néanmoins : - Ici et là. le « nouveau management » a pris trop fortement la forme d'un discours incantatoire, nourri d'intentions optimistes et généreuses, mais sans prise réelle sur la réalité profonde de l'entreprise, celle que vit tous les jours le salarié. Christian Morel a ainsi pu distinguer « l'entreprise rêvée » (celle des dirigeants et de leurs conseillers) et « l'entreprise réelle » (celle qui se dessine à travers les rapports de travail, tels qu'ils résultent de l'organisation de l'entreprise et du comportement des acteurs). Certes, chacun comprend fort bien que le discours anticipe par rapport à la réalité : il désigne un but, motivé par un espoir. Il perd toutefois de sa crédibilité dès lors que rien ne change. - Certaines méthodologies ont fait long feu alors même que d'aucuns en attendaient un changement radical : plaquées avec enthousiasme sur une organisation globalement inchangée, elles se sont vite heurtées à la résistance des comportements les plus traditionnels. Ainsi en eston venu à s'apercevoir de ce qu'il ne suffisait pas de décréter la création de « cercles de qualité » pour modifier substantiellement une réalité marquée par des dizaines d'années de taylorisme et de coups de gueule venant des petits chefs. A défaut d'une approche globale, un certain nombre de démarches se sont ainsi usées, prenant l'allure de mouvements de mode et leur effet se perdant finalement dans les sables du scepticisme et de l'indifférence. - Les résistances au changement avaient été également sous-estimées. L'entreprise traditionnelle avait sa cohérence et sa « logique de l'honneur ». Les rapports de travail s'y conformaient à des règles du jeu, somme toute, rassurantes. L'on savait à quoi s'attendre du contremaître, du chef de service ou du délégué CGT. Droits et devoirs de chacun y étaient parfaitement clairs. Tout cela s'est trouvé brutalement bousculé par les nouvelles formes de management. Certains y ont trouvé une occasion d'affirmation personnelle ; d'autres se sont placés dans une prudente attitude de spectateurs, attendant de voir de quel côté tournerait le vent ; d'autres, enfin, se sont trouvés déstabilisés, ayant perdu tous les repères (habitudes, rites, codes, etc.) qui fondaient leur sécurité personnelle. Pour eux, l'impression dominante était que l'on ne savait pas où l'on allait, que le chaos s'installait ; il n'est pas facile I ER de s'orienter dans la jungle lorsque l'on ils savaient qu'ils seraient jugés, nombre n'a connu que le bel ordonnancement des de cadres opérationnels se sont trouvés Jardins à la française ; beaucoup ont craint pris en élau entre les objectifs qu'ils - non sans raison - pour leur avenir propoursuivaient sur le long terme et les fessionnel ; certains (peu nombreux) se objectifs exigés d'eux sur le court terme. sont interposés : « il faut revenir aux Certains d'entre eux en ont profité pour bonnes vieilles méthodes » ; d autres, bien revenir aux méthodes traditionnelles plus nombreux, ont fait semblant d'adhéauxquelles ils demeuraient attachés. rer, manifestant tous les signes extérieurs Ce raidissement s'est propagé en casde l'attitude que l'on attendait d'eux mais se gardant soigneusement de toute initiative remettant en cause l'ordre auquel ils dece u'ssr-v/s 66TOUT) î?£: meuraient attachés, faute Mouüoif^ ^(KULEiL ces Qu^^^oes de pouvoir imaginer autre chose. Les raisons liées à la conjoncture économique Ces obstacles au changement sont bien connus des praticiens de l'entreprise. La résistance de l'encadrement i n t e r m é d i a i r e se constate probablement dans le monde entier ; les dirigeants se préoccupent d'en réduire le poids, de faire évoluer les comportements à grand renfort de programmes de formation plus ou moins efficaces. A cela s'ajoutent toutefois des circonstances particuHères à la conjoncture économique et sociale française. - Avec la récession économique, la maîtrise des coijts s'est faite plus urgente. Dans un grand nombre d'entreprises, celle-ci s'est traduite par des licenciements dont le principe même allait à rencontre de l'idée d'un progrès qui serait partagé par l'ensemble des salariés. On ne peut pas à la fois broder sur le thème du management participatif et mettre les gens à la porte au premier à-coup conjoncturel. Nombre de dirigeants, toutefois, se sont trouvés pressés par des impératifs de rentabilité, voire de survie à court terme. Coûte que coûte, il leur fallait redresser la situation. La recherche, sur le long terme, des voies et moyens d'un système socio-technique compétitif a été parfois perdue de vue. - Il en est résulté, un peu partout, un raidissement de la chaîne hiérarchique qui s'est traduit par un retour à des méthodes autoritaires que l'on croyait révolues. Les contrôleurs de gestion leur ayant fixé des objectifs, par rapport auxquels PCM — LE PONT— MAI 1993 50 SAVcHl^Cöm^kiT CE rAii^£.„ < cade, le souci intelligent de réduire les coûts se traduisant de proche en proche en attitudes de plus en plus imbéciles et en directives incompréhensibles aux yeux des salariés, sinon qu'elles étaient contradictoires avec le discours convivial affiché au cours de ces dernières années par l'entreprise. Certes, il ne faut pas généraliser ce qui ne constitue probablement qu'une tendance dont savent se préserver nombre de dirigeants. Demeure toutefois sans réponse une question plus globale. Dans l'entreprise traditionnelle, le « contrat social » était parfaitement clair : il consistait, pour le salarié, à apponer une certaine compétence, cotée selon une certaine classification (laquelle était négociée, au niveau professionnel, entre représentants des employeurs et représentants des syndicats), et cela pour un certain nombre d'heures qui faisaient l'objet d'une rémunération convenue. A D O S S cela s'ajoutait une relative sécurité de l'emploi. Or, ceci n'est plus le cas. La sécurité de l'emploi, sauf dans certains bastions privilégiés, a disparu. En revanche, il est demandé au salarié d'apporter non seulement sa compétence, mais sa capacité d'initiative ; il doit, autrement dit, connaître les objectifs de l'entreprise, les faire siens, c'est-à-dire COST 'Poue,<Sfj0t JfyiécRhf ce LiW6j iNVisP&^sAQùe Ä s'engager. Moyennant quoi il est en droit de se demander à quoi l'entreprise, pour sa part, s engage à son égard. Il faut admettre qu'à cette question la réponse de la plupart des entreprises n'est pas très nette. Et il serait vain de chercher une réponse du côté du CNPF ou des centrales syndicales : il n'est plus, aujourd'hui, de « doctrine de l'entreprise » susceptible d'asseoir un contrat social qui soit évident et équilibré aux yeux des salariés. A défaut de quoi ceux-ci peuvent être légitimement tentés de se placer en « stand by », d'en faire un minimum (celui qui est jugé nécessaire pour éviter le risque d'un licenciement) et. surtout, d'éviter le risque que représente nécessairement toute initiative personnelle. La conjoncture rend plus pressantes les contraintes financières à court terme. Il en résulte pour chacun une exigence, souvent brutalement imposée d'en haut, de réduira E R les coûts par tous les moyens, la crainte du chômage entretenant par ailleurs un climat de peur. Des contradictions se font jour : accroître la productivité, c'est, pour certains, contribuer à creuser sa propre tombe. Nombre d'analystes observent ainsi une tendance à la régression sociale. Le repli sur soi, dans une attitude infantile, en vient à l'emporter sur le dynamisme et la capacité d'initiative. Cette tendance est d'autant plus « remarquable » que la population française manifeste par ailleurs énormément de vitalité. Ce qui, donc, est en cause, c'est le décalage entre les attentes et les comportements d'une part, et d'autre part un cadre institutionnel qui, dans l'entreprise comme ailleurs, ne s'adapte qu'avec retard. Ce décalage, toutefois, doit être considéré comme étant propre à la France (même s'il peut être constaté dans certains autres pays, proches ou lointains). Il ne va pas à rencontre de la tendance générale. Plus, il va à rencontre de l'évolution en cours, sur la scène mondiale, dans le management des entreprises. Ce qui est en cause, ce ne sont pas les principes de management qui ont été formulés dans les années quatrevingts, ce sont les conditions de leur mise en œuvre dans un certain nombre d'entreprises, compte tenu tout à la fois du poids de notre héritage culturel et de l'impact de la conjoncture économique, telle qu'elle fait resurgir les vieux réflexes élitistes. Le « nouveau management >> plus que jamais nécessaire Par rapport au fonctionnement traditionnel des entreprises françaises, le « nouveau management » apparaît plus que jamais comme une condition de la survie. Sa mise en œuvre, toutefois, ne saurait être improvisée. Il ne s'agit plus seulement de proclamer que l'entreprise exige écoute du client, qualité de service, flexibilité et réactivité, autonomie et capacité d'initiative : il s'agit d'ancrer ces principes dans la réa- PCM — LE PONT— MAI 1993 51 lité de tous les jours, et donc dans le système de gestion. Une condition de la survie L'effort de transformation de l'entreprise - malgré la crise - demande à être poursuivi pour trois raisons qui ne feront ici l'objet que d'un rapide rappel dans la mesure où elles ont été par ailleurs déjà longuement exposées . - L'évolution des techniques et des process de production rendent possibles et nécessaires de nouvelles formes d'organisation, qui appellent à leur tour un comportement différent, venant de « l'encadrement ». Pour prendre une comparaison militaire, les qualités des officiers qui ont gagné la « guerre du Golfe » ne sont pas exactement celles de ceux qui ont gagné Austerlitz. L'opérateur qui assure le contrôle d'une chaîne robotisée n'a ni la formation ni le rôle de l'ouvrier des années cinquante. Parce qu'elle est ancrée dans les habitudes. L'organisation manifeste toutefois plus ou moins d'inertie par rapport aux possibilités offertes par la technique. D'où les difficultés d'adaptation d'entreprises anciennes et vénérables par rapport à des concurrents plus jeunes qui se sont d'entrée de jeu organisés en exploitant par ailleurs toutes les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Les cartes mentales ne suivent que difficilement l'évolution des réalités, surtout lorsqu'elles s'identifient à des convictions, des habitudes et à des privilèges enracinés dans la routine. - L'évolution des niveaux de vie et l'impact des technologies de la communication (radio, téléphone, etc.) dans l'existence de tous les jours ont induit par ailleurs une évolution des comportements qui peut être observée à l'échelle mondiale, à proportion de leur pénétration. L'homme formé et informé n'a pas le comportement de son ancêtre : il a une opinion et il entend qu'elle soit prise en considération. Cela est vrai sur le plan politique (d'où les révoltes qui ont conduit à l'effondrement d'un certain nombre de régimes dictatoriaux, notamment dans les pays de l'Est) ; cela est vrai également sur le plan commercial, le client étant désormais de plus en plus sensible aux services qui conditionnent son libre choix. Et ceci est vrai également dans l'entreprise. On ne saurait admettre d'être informé par la télé- / - cf. notamment mon livre Vers l'entreprise intelligente, Calmann-Lévy. 1991. D O S S vision, quelquefois en direct, de ce qui se passe ailleurs dans le monde - mais d'apprendre fortuitement que la division dans laquelle on travaille a été cédée à une entreprise concurrente. On ne saurait accepter d'être chargé en tant que consommateur et traité sans égard, dans l'entreprise, par un quelconque « petit chef », soucieux de maintenir ce qu'il croit être son « pouvoir ». Les entreprises qui ne prendraient pas en compte cette réalité risqueraient d'avoir le sort du régime communiste en URSS ou de l'organisation commerciale de Peugeot au Japon ou aux États-Unis. - Les conditions du marché mondial, sur lequel les entreprises se heurtent à de nouveaux compétiteurs, font de leur transformation une condition de leur survie. Les incantations sur la malhonnêteté des Japonais n'expliquent pas que Peugeot ait échoué là où d'autres ont réussi. Les bénéfices d'IBM, voici quelques années, n'auront nullement constitué une garantie pour l'avenir, face à de nouvelles technologies et de nouveaux compétiteurs. Et il convient d'ajouter, dans un monde en rapide transformation, que le succès n est jamais définitivement assuré. Certaines entreprises françaises qui pourraient être présentées comme des « success stories » se heurteront peut-être, dans un proche avenir, à des difficultés susceptibles de compromettre leur existence (il serait donc malvenu de les citer). D'autres, qui jouissaient d'une solide réputation d'archaïsme, se sont rapidement transformées et peuvent être désormais présentées comme des exemples d'un management intelligent, malgré les lourdeurs et les résistances qui, bien entendu, se manifestent en leur sein. Le changement ne s'improvise pas Nombre de dirigeants et de DRH peuvent avoir le sentiment d'être englués dans une situation inextricable. D'une part, le changement de paradigme se présente comme une nécessité ; d'autre part, ils se démènent au milieu d un nœud de contradictions ; contradictions entre les urgences à court terme et la recherche d une cohérence à long terme ; contradictions entre les vues purement financières et comptables des uns et l'optique humaniste des autres ; contradictions entre les structures mises en place et des comportements dont on mesure inopinément à quel point ils n'ont pas changé ; contradictions entre les vues de la direction générale et celles des responsables d'unités périphériques. Dans ce magma, il peut être I ER Hubert LANDIER Cet article a été initialement publié dans << lUIanagement et conjoncture sociale » n- 406 du 22 février 1993. tentant de se décourager et de jeter aux orties les ouvrages de management qui, depuis une dizaine d'années, ont enrichi les bibliothèques d'entreprises. A moins de s'en tenir, afin de poursuivre la route malgré les vents contraires, à quelques principes simples susceptibles de servir de boussole. 1 - Se garder de toute démarche superficielle. Le changement implique une démarche globale en même temps que des actions localisées. Une telle démarche né saurait se limiter à la mise en œuvre de recettes, plaquées sur une organisation inchangée, et dont on attendrait des miracles. Un « projet d'entreprise » peut constituer la meilleure ou la pire des choses. Les « effets d'annonce » peuvent être uriles, s'ils expriment l'engagement de la direction générale, mais conduire à de la dérision, venant des salariés, s'ils se limitent à un discours incantatoire sans prise sur la réalité de tous les jours. Le « zapping », dès lors qu'il réduit le changement à la mise en œuvre de la dernière mode venue de la Harvard Business School, renforce le conservatisme. 2 - Que l'on parle de « nouveau management », d'« entreprise du troisième type » ou d'« entreprise intelligente », les principes qui conditionnent la survie et le développement de l'entreprise sont aujourd ' h u i bien c o n n u s , au moins des promoteurs du changement. Le problème majeur des années quatre-vingt-dix sera probablement celui de la mise en cohérence, par rapport à eux, des grands systèmes de gestion hérités de la période précédente. Il convient ainsi de porter plus particulièrement l'attention sur : PCM — LE PONT — M Al 1993 52 - les systèmes de rémunération, qui ne vont pas nécessairement dans le sens du dynamisme personnel attendu de chacun des salariés ; - la politique de recrutement et de promotion, ainsi que la gestion prévisionnelle des emplois et des talents ; les réductions d'effectifs, lorsqu'elles sont menées maladroitement ou avec précipitation, peuvent être ressenties comme étant profondément contradictoires avec les principes affichés au cours de ces dernières années, même lorsqu'elles sont économiquement nécessaires ; - les systèmes de formation et d'information, souvent relégués dans un rôle périphérique par rapport aux activités jugées importantes ; - les rapports collectifs de travail, souvent archaïques par rapport à l'esprit que les promoteurs du changement s'efforcent de favoriser. 3 - Le changement ne saurait non plus se passer de règles du jeu qui soient claires entre le salarié et l'entreprise. Celle-ci demande à ses collaborateurs, au-delà de leurs compétences techniques, de prendre des initiatives et donc de s'engager en vue d'assurer sa réussite. Ils doivent savoir, en contrepartie, à quoi elle-même s'engage à leur égard. L'absence de transparence, à cet égard, présente un caractère dévastateur. En l'absence d'un contre-pouvoir syndical consistant, la formulation de ces règles du jeu r e v i e n t aux d i r i g e a n t s eux-mêmes. 4 - Les changements, en termes d'organisation, peuvent être nécessaires ; mais ils sont vains en l'absence d'une modification de la « carte mentale » qui conditionne les comportements. Ce qui est donc en jeu, ce sont les croyances issues de l'éducation et de l'environnement socio-culturel. Le passage d'une organisation fondée sur l'élitisme à une organisation « participative », d'une organisation fondée sur l'obéissance à une organisation fondée sur la responsabilité, ne peut ainsi se concevoir que comme un très long processus, parallèlement aux évolutions qui affectent la société qui constitue le milieu dans lequel se développe l'entreprise. Et il est clair, de ce point de vue, que l'action de celle-ci n'entre pas seule en jeu. L'entreprise ne peut être ni trop en retard ni trop en avance par rapport à son environnement. Elle ne peut non plus « mettre la société à son service ». Seule est concevable, à ce niveau, une démarche interactive mettant en jeu les fondements éthiques et politiques du devenir humain. • D O S S I ER L'EPARGNE SALARIALE : UNE IDEE NEUVE... OUS sommes tous frappés par la grande richesse des solutions miracles qui vont « mettre un turbo » au fonctionnement des entreprises. Ecarter les vraies-fausses solutions, qui répondent d'ailleurs souvent à de vrais-faux problèmes, demande des nerfs solides. Alors, pourquoi ne pas tout simplement faire un retour sur les bonnes vieilles recettes ? Celles-là mêmes qui pourraient bien devenir rapidement les bonnes solutions de demain... N Une bonne vieille idée.... Quand les pouvoirs publics, dans les années 60, donnaient le signal de lancement de l'épargne salariale, en appréciaient-ils toutes les implications ? Associer les salariés aux fruits de l'entreprise : Idée fondatrice du système, elle donne lieu à cette fameuse RSP (réserve spéciale de participation), que les entreprises de plus de 50 salariés sont tenues de dégager dans leurs bilans. C'est obligatoire. Dans l'esprit de beaucoup, cela en fait une sorte de « punition ». Pourquoi ne pas en faire une opportunité ? L'épargne salariale le permet. Cette épargne « forcée » peut, en effet, fructifier à l'avantage de chacun. C'est le but du placement de la participation dans les Fonds Communs de Placement d'Entreprise. Par le biais de la gestion collective que ce dispositif implique, ce placement est rémunéré dans de bonnes conditions. Par le biais des avantages fiscaux, tous les attraits de la formule sont préservés dans leur intégralité. Enfin, rappelons qu'il n'y a participation que s'il y a résultat. Chacun mesure l'intérêt que cela représente, par rapport à tous les dispositifs de rémunération à caractère irréversible : les « avantages acquis ». Olivier THIBAUD (PC 76), Directeur Générai de FONGEPAR (Groupe Caisse des Dépôts). De 9 0 à 9 2 , Directeur financier de l'Ircantec et Directeur du Développement à la Branche Caisses de Retraites de la Caisse des Dépôts. PCM — LE PONT— MAI 1993 53 D O S S Mobiliser pour une plus grande compétitivité : Le développement des accords d'intéressement au cours des dernières années, ne résulte pas d'un effet miraculeux. Une enquête réalisée fin 1992 par Fongépar et le magazine Entreprendre, montre que les chefs d'entreprise considèrent avoir effectué l'essentiel de leur investissement sur l'outil ; ils pensent également que les années à venir seront celles de l'investissement sur l'homme. Parallèlement, le développement des politiques de qualité totale, illustre de façon frappante la prise de conscience de l'atout qualité dans la compétitivité des entreprises. Ces deux orientations se rejoignent sur un outil commun : l'intéressement. De nombreux accords d'intéressement mobilisent les équipes sur les aspects qualitatifs de la production de l'entreprise. Ils complètent ainsi la participation, qui mobilise l'entreprise sur les aspects quantitatifs des résultats. Chacun y trouve son compte. Le caractère souple de l'intéressement permet de moduler la politique de rémunération, tout en facilitant la mise en place d'un management par objectifs. Tout le monde y gagne en stimulation, en adhésion au projet d'entreprise commun. I ER Une idée d'avenir ?... Au-delà de l'existant, qui appartient maintenant au domaine des solutions bien rodées, on assiste à l'émergence de réflexions et d'idées nouvelles. En effet, l'épargne salariale, compte tenu de sa souplesse et des nombreux avantages qui lui sont attachés, ne serait-elle pas une des réponses possibles aux questions du moment ? Fongépar, société de gestion d'épargne salariale du groupe Caisse des dépôts, agit pour innover en la matière. Gestion de l'emploi : Dans un environnement complexe, où nous ne savons pas ce que sera demain, sinon qu'il sera fait de toujours plus de compétitivité et de productivité, il est nécessaire d'envisager tous les scénarios relatifs à l'emploi. Fongépar a monté, pour de grandes entreprises, des systèmes de plans d'épargne dans lesquels les salariés sont incités, par un abondement progressif, à allonger la durée de blocage de leur épargne. Celle-ci, fixée réglementairement à cinq ans, est prolongée à dix ans. Seul un départ, volontaire ou non, de l'entreprise, permet de conserver l'avantage de l'abondement. Un tel dispositif permet donc, selon les cas, d'améliorer les conditions du départ à la retraite, ou les conditions d'un départ forcé de l'entreprise, en cas de dé térioration de sa situation, le tout sans porter aucun pré- Plus prosaïquement, les pouvoirs publics ont voulu donner une impulsion à ce type de système, par des exonérations de cotisations sociales et fiscales que les primes classiques ne permettent pas, et sur lesquelles l'employeur et les salariés accorderont leurs intérêts... Là encore, le salarié trouvera avantage à verser son intéressement dans des Fonds Communs de Placement d'Entreprise grâce au Plan d'Épargne d'Entreprise ; avantage fiscal, par l'exonération totale d'impôt au moment du versement et au moment du retrait de même que sur les plus-values ; progression de la rémunération de son épargne, dans les conditions évoquées plus haut. judice en période continue de prospérité. Pour sa part, l'employeur pourra lui-même trouver intérêt à avoir des collaborateurs « fourmis » plutôt que « cigales », avec tout ce que cela imphque en stabilité et fidélité. Dans certaines limites, les dispositifs d'abondement facilitent l'orientation de l'intéressement vers les formules d'épargne salariale (Plans d'Épargne d'Entreprise). Soyons modeste : tout a été dit sur le problème des retraites. Le débat est suffisamment âpre, pour prétendre sérieusement le trancher en quelques lignes. Sans ajouter une voix de plus, sous peine d'accroître la discordance, rappelons donc que cela fait plus de vingt ans, sans faire de bruit, que l'épargne salariale permet à des miUions de salariés d'accumuler un capital. Que les Complément de retraite : PCM — LE PONT — MAI 1993 54 conditions de sécurité de gestion des 100 milliards de francs collectés par ce biais, n'ont jamais donné lieu à une quelconque remise en cause. Que la souplesse du système ne fait jamais peser sur l'entreprise le risque d'un engagement irréversible. Qu'il est totalement loisible au salarié, de conserver son épargne jusqu'à sa retraite, ou bien d'en disposer pour faire face à des situations difficiles... A chacun d'en tirer les conclusions. Fongépar met ses capacités d'ingénierie pour accommoder les montages aux préoccupations spécifiques de l'entreprise. Complément de prévoyance : Dans l'ordre des apports de l'épargne salariale à la panoplie des outils de management social, Fongépar propose des solutions de couplage entre les Plans d'Épargne et des systèmes de prévoyance, permettant de démultiplier les acquis de l'épargne individuelle dans des situations personnelles de besoins financiers accrus. Conclusion Idée ancienne ?... Pas tant qu'il n'y paraît. C'est une vertu rare que possède l'outil épargne salariale ; son ancienneté est gage d'expérience et de sécurité. Son développement n'est pas e fruit du hasard, mais bien des nombreux avantages qu'elle apporte tant aux entreprises qu'à leurs salariés ; - ses possibilités d'évolution en font un outil de progrès, moyennant un réel souci d'innovation au service du management des entreprises. C'est la conviction de Fongépar de mobiliser l'éthique de la Caisse des dépôts au service de l'innovation dans un domaine qui, gageons-le, n'a pas dit son dernier mot. •