les dysfonctionnements des organisations lors de la

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D O S S
I
ER
LES DYSFONCTIONNEMENTS
DES ORGANISATIONS
LORS DE LA RÉALISATION DE
PROJETS
l'heure où le management par projet devient de plus en plus en vogue dans
l'industrie, il convient, pour ne pas être victime des effets de mode, d'analyser
les dysfonctionnements des organisations qui sont amenées à réaliser des projets.
La connaissance des dysfonctionnements et de leurs causalités premières conduit à
retenir de nouvelles formes d'organisation.
Ces nouvelles formes d'organisation, en particulier l'organisation cellulaire par projet
et les nouveaux rapports avec l'ensemble des entreprises intervenant pour un projet
donné, doivent être replacés dans le contexte de beaucoup
d'entreprises industrielles qui doivent désormais faire
face à un environnement incertain, turbulent et
différencié.
A
« Le sommet de la connaissance
est de savoir que quelque chose ne marche pas ».
H. VON VOERSTER
l n'est pas d'usage d'évoquer dans les
entreprises et administrations, les dysfonctionnements de l'organisation, en
particulier quand on réalise un projet nouveau.
I
Parler des dysfonctionnements est souvent
perçu comme une attaque des personnes
ou un dénigrement de l'entreprise.
Beaucoup de conférences et articles sur le
management de projet traitent des solutions
sans jamais clairement analyser les problèmes.
Pourrait-on taire progresser
la qualité d'un produit en
ignorant ses défauts et la
cause de ceux-ci ?
Non, alors pourquoi n'en est-il pas de
même en ce qui concerne la qualité du management de l'entreprise ?
Paul Watzlawick, le célèbre représentant de
l'école de Palo Alto (école qui étudie la
communication entre humains), fournit une
explication :
PCM — LE PONT — MAI 1993
38
François JOLIVET
A dirigé d'importants
projets de BTP dans
le monde (centrales
nucléaires, grandes
opérations de
bâtiments, tunnel
sous la Manche).
Est actuellement
conseiller du
président
de Fougerolle
pour les orientations
de progrès.
D O S S
E R
Les ingénieurs et techniciens d'étude :
« On refait 3 fois le travail ; on ne
comprend pas les décisions ; on est découragés ; on est impuissants à maîtriser
la situation ».
« Dans une organisation, on
recherche un individu comme la
cause de queique chose, or ia
cause d'une difficulté découle
souvent d'un système qui génère
le problème. »
Les techniciens de la réalisation :
« Les gens d'étude ne connaissent pas notre façon de travailler Ce qu 'ils demandent
n'est pas réaliste ».
Alors que le management de projet se répand dans toute l'industrie, il est souhaitable de se consacrer à la connaissance de
l'origine des dysfonctionnements avant
d'aborder les différentes méthodologies de
conduite de projet. Faute de quoi on adoptera des solutions non performantes quelquefois contraires à l'objectif recherché.
L'entreprise contractante :
« On me donne des objectifs à atteindre
et en même temps on m'impose la façon
de travailler avec des spécifications irréalistes et lourdes. Je ne peux être à la. fois
exécutant et responsable ».
Recueillir l'opinion des
« acteurs projets ».
« On me demande de rattraper les retards
des autres. On modifie le projet ».
Le client (futur exploitant ou destinataire
du projet) :
Ecoutons les « acteurs projets », c'est-àdire les personnes qui participent à la réalisation du projet (dans l'entreprise et à
l'extérieur de celle-ci).
Supposons qu'une coordination par projet
ait été mise en place (figure 1). Voici une
situation simulée :
Le chef d'entreprise :
« Je constate un dérapage continu du budget et du délai de réalisation ».
« Trop de problèmes me sont soumis, chaque service et département se renvoient la
balle ».
Les chefs de service et de département :
« Les métiers amont (ceux qui interviennent en premier) ont pris du retard dans
leur travail ».
« Les métiers aval ont modifié ce qui avait
été décidé à l'amont ».
« La technologie retenue n'était pas éprouvée ».
« Je n 'ai pas d'interlocuteur ayant le pouvoir de décider ».
« Le projet est en retard, la qualité du travail réalisé ne correspond pas à ce que
j'attends ».
Un observateur qui analyserait plusieurs
entreprises constaterait que les dysfonctionnements sont importants, si le projet
est complexe et comporte une part de nouveauté pour l'entreprise.
Ceci est confirmé par le fait que lorsqu'on
réalise un deuxième projet, similaire au
premier, on obtient une amélioration spectaculaire des performances, tant sur le plan
de la qualité, des délais et des coûts. Par
coûts, on entend aussi bien les coûts de
développement du projet que le coût du
projet (ou produit) proprement dit.
Figure 1.
COORDINATION PAR PROJET
o
+ J, } +
4
ooo0
(
o
Coordinateur
de projet
Client
O
-
o
-
•
o
G-
1
1
1
1
1
--
o
o
Directions
"métiers"
-
1
1
o --
Acteurs projet
dans structure
métier
"Correspondants"
métier/projet
Sous-traitants
PCM —LE PONT—MAI 1993
39
Redécouvrir le
fonctionnement de
l'entreprise
Le fonctionnement de l'entreprise est fondé sur un fractionnement et une attribution
des tâches aux différents services et départements « métiers » de l'entreprise.
Ces tâches sont réalisées en travail séquentiel, le métier amont, par exemple les
études, transférant son travail terminé au
métier suivant, par exemple les méthodes
ou les achats, etc.
Dans cette séquence, chaque département
décide et optimise le projet selon ses propres critères de métier.
Pour un métier donné, les tâches sont réalisées selon des procédures standard
communes à tous les projets.
Les entreprises contractantes ne sont
consultées que lorsque les études et les cahiers des charges sont figés.
On observe que dans la pratique, le métier
amont après avoir effectué sa tâche doit
refaire son travail par suite du métier aval,
qui demande des modifications, (figure 2)
Tout se passe comme si le métier amont
avait fait des suppositions concernant les
critères aval sans les expliciter, le plus souvent en se référant mentalement à un projet
précédent.
Quand un grand nombre de métiers ou
d'entreprises interviennent sur un projet,
les modifications abondent, les décisions
sont remises en cause, les conflits internes
et externes grandissent, les retards s'accumulent.
La confusion devient grandissante, les réunions se multiplient, les notes écrites deviennent de plus en plus volumineuses, les
actions deviennent contradictoires ou non
cohérentes.
La somme des retards cumulés est très importante. Elle peut doubler le temps initial
imparti. L'exemple de l'automobile japonaise des années 80 a montré qu'on pouvait
réduire de moitié les délais de conception
et de lancement en fabrication d'un nouveau modèle, sans pour autant augmenter
les moyens.
Qui est le PPCD ?
La recherche d'un consensus (sans arbitrage) entre métiers conduit souvent à des
solutions chères qui font l'enveloppe des
exigences.
Contrairement à l'opinion la plus répandue, ce sont des miUiers de décisions qui
font la qualité technique, le délai et le coût
d'un projet (quand celui-ci dure quelques
années).
D O S S
I
ER
Attention aux effets de
mode
LE TRAVAIL SEQUENTIEL
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Théorique
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Observé
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retard
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•
retard
retard
Figure 2,
Chacune des décisions concerne plusieurs
métiers. Or dans une structure métier, les
arbitrages ne peuvent être rendus que par
la Direction Générale (qui est le « PPCD »,
plus petit commun décideur). Celle-ci se
trouve dans l'impossibilité de le faire.
Identifier les causalités
premières
L'identification des dysfonctionnements et
de leurs causalités premières met en évidence en général 4 natures de dysfonctionnements primaires, par exemple :
1) Processus décisionnel médiocre :
Décisions non prises, remises en cause, décisions tardives, qualité médiocre des décisions. Décideur trop loin du client et des
problèmes. Décisions ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités du
projet. Pouvoir de décision dilué.
2) Processus d'optimisation du projet médiocre :
La somme des optimisations successives
faite par les métiers ne conduit pas à l'optimisation globale. Les sous-traitants et les
personnes chargées de la réalisation ne participent pas à l'optimisation du projet (intervention trop tardive).
3) Le processus de travail sont trop rigides
et trop figés :
Les procédures métier (souvent standardisées) ne permettent pas de travailler
avec souplesse et efficacité. Elles imposent
le travail en séquence. Ces procédures ne permettent pas de s'adapter aux exigences du
client, du projet et à son évolution.
4) L'environnement évolue pendant la vie
du projet sans que les conséquences soient
prises en compte correctement :
Le client apporte des modifications, la réglementation évolue, les concurrents réagissent.
D'autres natures de dysfonctionnements
peuvent être identifiées, par exemple :
- des objectifs de projet irréalistes,
- la confusion des rôles et manque de
confiance entre les multiples intervenants au projet (investisseurs, prêteurs,
exploitants, concepteurs et réalisateurs).
La majorité des dysfonctionnements internes à l'entreprise proviennent de l'organisation même de l'entreprise et du fractionnement du travail qui vise à regrouper
les tâches identiques par métier.
Si l'on regarde objectivement le
fonctionnement d'une entreprise
on s'aperçoit que les prétendues
économies d'échelle générées par
un regroupement des tâches
identiques sont ridiculement
petites par rapport aux surcoûts
et retards générés par les
dysfonctionnements dûs à
l'absence d'intégration des tâches
par projet Dès lors qu'on aborde
des projets complexes et
nouveaux pour l'entreprise, les
nouvelles formes d'organisation
peuvent conduire à des gains de
productivité de l'ordre de 30 à
50 %.
PCM — LE PONT — MAI 1993
40
Le management par projet n'est plus désormais l'exclusivité de certains secteurs
d'activité tels que l'aéronautique, la
construction, le spatial.
Déjà beaucoup d'autres industriels ressentent la nécessité d'un fonctionnement
« transversal » de leur entreprise. Le management de projet, sous ses différentes
formes va devenir à la fois une nécessité
et une mode.
Beaucoup d'entreprises vont essuyer des
échecs en voulant se lancer dans des solutions ou en adoptant des outils sans avoir
identifié et compris l'origine des dysfonctionnements.
Le thermomètre ne guérit
pas le malade
Beaucoup de chefs d'entreprise croient que
la mise en place de la planification et du
contrôle budgétaire par projet vont résoudre les problèmes, or tout le monde sait
que « le thermomètre ne guérit pas le malade ! ».
Ponce Pilate
a fait son temps
D'autres entreprises vont avoir recours à
une organisation matricielle « à consensus ». Dans cette forme d'organisation, on
garde une structuration de l'entreprise par
métier, mais les décisions doivent être
prises en commun entre les directions métier et la direction de projet.
Le fonctionnement d'une telle organisation
est désormais assez bien connu ; il est satisfaisant dans des entreprises à taille humaine (où la direction générale peut intervenir fréquemment).
Par contre, pour les grands projets l'organisation matricielle conduit à un processus
décisionnel très médiocre amplifié par les
conflits de pouvoir entrte métier et projet,
conflits résultant d'une double ligne décisionnelle. Le PPCD (plus petit commun décideur) reste la Direction Générale.
Un contrat de mariage est
fait pour gérer le divorce
Dans certaines entreprises apparaît une autre forme de relations métier/projet : la notion de client-fournisseur. Les métiers doivent fournir un service à leur client :
l'équipe de Projet.
Sur le plan des principes, cela paraît inté-
D O S S
ressant. Mais on voit souvent les directions
métiers et projet vouloir gérer leurs relations sur une base contractuelle. Cette
contractualisation interne est très difficile
à définir, car les métiers par essence très
interdépendants pour un projet donné. Pire
encore, cette contractualisation est souvent
conçue comme un outil de recherche des
culpabilités.
Pour rendre l'entreprise
plus souple et plus
réactive, il ne faut pas la
rigidifier verticalennent et
horizontalement
Dans les organisations ci-dessus (organisation matricielle, relation client-fournisseur), l'entreprise peut être amenée à officialiser le fonctionnement transversal de
l'entreprise.
Cela se traduit souvent par un volumineux
manuel d'entreprise qui définit les rapports
réciproques entre métiers et projets à partir
de procédures figées, applicables à tous les
projets. Ceci rigidifie encore plus l'entreprise ce qui amplifie les dysfonctionnements !
Une organisation
biologique :
l'auto-organisation par
cellules temporaires de
projet
I
ER
sur des processus d'auto-organisation à
partir de « meta règles ». Chaque grand
projet se subdivisera lui-même en cellules
multifonctionnelles.
De même, l'entreprise sous traitante constituera sa cellule de projet qui participera à
l'optimisation d'ensemble de l'activité.
Un danger :
transformer l'entreprise
en champ de bataille
Si une entreprise veut se lancer dans le
management par projet, les dangers sont
grands. Le plus grave découle d'une « évidence » qui met cependant un certain
temps à s'imposer : chaque projet doit
avoir son propre patron (pour permettre un
processus décisionnel correct, une véritable optimisation du projet et pour décider
des processus de travail).
Ceci conduit à introduire un nouveau pouvoir dans l'entreprise.
C'est à la direction générale d'établir sans
ambiguïté ce nouveau pouvoir, faute de
quoi l'entreprise sera transformée en
champ de bataille entre direction projet et
directions métiers. L'affrontement sera stérile, car fondé sur une logique « gagnant
perdant ». (Figure 3).
La conduite de projets complexes et à fort
caractère de nouveauté, affecte le fonctionnement de toute l'entreprise, ses habitudes,
sa culture. Adopter le management par projet ce n'est pas introduire un nouveau métier dans l'entreprise. Il ne s'agit pas d'une
Une nouvelle forme d'organisation se révèle être la plus performante tout en étant
la plus délicate à mettre en œuvre : l'organisation cellulaire temporaire ou « task
force », dans laquelle les compétences sont
rassemblées.
Le chef d'entreprise sera d'autant plus tenté par cette formule que le projet a un caractère singulier et qu'il est complexe.
Ce type d'organisation consiste, chaque
fois que la taille et la durée du projet le
permettent, à « sortir » le projet de l'organisation permanente de l'entreprise en
regroupant le personnel nécessaire des différents métiers sous les ordres d'un directeur de projet.
Seuls les métiers nouveaux ou à ressources
rares resteront dans les structures permanentes de l'entreprise, alors que les compétences des métiers éprouvés seront réparties dans les « talk force ».
L'organisation cellulaire pour être immédiatement opérationnelle, pourra s'appuyer
PCM — LE PONT — MAI 1993
41
réorganisation parmi d'autres. C'est pour
l'entreprise toute entière apprendre à travailler différemment.
Le management des projets complexes et
peu répétitifs va accélérer la « détaylorisation » des entreprises et administrations,
dont le fondement principal de l'organisation était le regroupement des tâches par
nature, métier ou fonction et le perfectionnement des règles et procédures.
Changer la façon de travailler, changer les
comportements, cela génère du stress, des
résistances, cela demande de bâtir un système cohérent, cela prend du temps.
// faut plus d'une dizaine
d'années pour passer d'une
organisation taylorienne à une
organisation « biologique ».
Les industriels en auront-ils le temps ? Cela dépend de la situation de leurs concurrents.
Désormais, face à un environnement évolutif instable, incertain et inconnu, il nous
faudra subordonner notre organisation, nos
régies, nos certitudes au client et au marché.
Mais attention, si ce qui précède conduit à
de nouveaux repères conceptuels qui sont
utiles, il faut cependant s'en méfier : un projet aussi bien organisé que possible, présentera toujours des dysfonctionnements, qu'il
conviendra de résorber avec beaucoup d'humilité et de pragmatisme.
•
ü
U
b
b
I
b
k
LE MANAGEMENT D'UNE
ORGANISATION
our répondre aux évolutions du « grand maiv hé européen », les entreprises
sont amenées à revoir profondément leurs or^ anisations. Cela ne se fait pas
sans difficulté et nécessite
des qualités et des compétences
compétences que nos systèmes
de formation ne stimulent
pas forcément.
Le verre Plat de PPG en
Europe
Description
PPG est une multinationale américaine, basée à
Pittsburgh (Pennsylvanie), qui réalise 6 Milliards
de dollars de chiffre d'affaires. L'activité est répartie entre quatre métiers : le verre, la peinture,
la chimie de base et le biomédical. Au cours des
dix dernières années, le groupe a augmenté la
part de son chiffre d'affaires en Europe qui en
représente aujourd'hui près d'un tiers.
Dans le secteur du verre, PPG est le troisième
mondial, derrière Pilkington (UK) et très proche
de St-Gobain (France). En Europe, PPG est numéro 4, derrière St-Gobain, Pilkington et Glaverbel (ASAHI), alors qu'il est clairement leader
aux États-Unis.
Sa présence en Europe s'est faite historiquement
sentir en Italie, au travers de la Société Vernante
Pennitalia et en France lors du rachat en 1982
de la société BOUSSOIS SA dans le cadre du
retrait du groupe BSN de ce secteur.
Le siège de PPG à Pittsburg.
PCM — LE PONT— MAI 1993
42
U U b 5
I
ER
L'activité de base est la production de verre plat
par le procédé Float Glass (38 lignes en Europe).
Un Float coûte environ 800 MF pour un chiffre
d'affaires génère de l'ordre de 400 MF. Le marché est typique de celui des « commodity products » : le niveau de qualité et de service est
très proche entre les concurrents, et le prix reste
le critère déterminant d'achat. Cependant, les applications du verre évoluent rapidement par
croissance forte des verres dits à valeur ajoutée
ou transformés : vitrage isolant, vitrages feuilletés de sécurité, vitrage Low-E à faible transmission énergétique, verres réfléchissants ou colorés, miroirs. La structure de la profession
évolue également par rachat successif des distributeurs indépendants par les grands groupes.
tonnent de différences de prix qui peuvent exister
de part et d'autre d'une frontière, supposée ne
plus exister. Ils y trouvent un levier de négociation des prix à la baisse assez puissant.
Les investissements, de plus en plus lourds, ne
peuvent plus être rentabilisés sur un seul marché.
Le choix de leur localisation doit être aussi européen que possible, alors que les directeurs généraux nationaux ont souvent tendance à favoriser leur pays.
Les coûts de transports, lourds dans ce métier,
doivent être optimisés. Or, l'optimisation européenne peut conduire à favoriser telle ou telle
usine, et être assez éloignée d'optimum locaux.
Enfin, la vision prospective des États-Unis d'Europe, vus depuis Pittsburgh au travers du prisme
déformant des Etats-Unis d'Amérique, a sans
doute également contribué à accélérer les décisions vers cette nouvelle structure.
Il faut d'ailleurs noter que bon nombre de multinationales américaines ont, dans la même période, et encore aujourd'hui, infléchi leurs structures dans le même sens.
L'organisation antérieure
Jusqu'en 1990, le groupe opérait à partir de ses
deux sociétés nationales (France et Italie) et des
agences de vente qu'elles possédaient dans les
autres pays européens. Une structure parisienne
très légère assurait une certaine coordination. Essentiellement constituée déjeunes américains « à
potentiel », passant là deux à trois années, l'efficacité et la puissance de la coordination étaient
plus liées à la capacité d'apprentissage et de
conviction de ceux-ci qu'à l'organisation. Les directeurs généraux des deux sociétés étaient clairement les décideurs, par leur connaissance des
hommes et des marchés, et par leur pérennité.
En 1990, l'organisation a évolué vers
une centralisation par métier.
Trois directeurs généraux européens par SBU
(Strategy Business Unit) ont été créés : verre
plat, automobile, seconde monte automobile.
Leur compétence est désormais européenne, et
la fonction de directeur général national a disparu, sauf pour les raisons purement légales. Des
services fonctionnels (finance, ressources humaines, informatique), eux aussi organisés sur
une base européenne, travaillent « à leur service ».
Les conséquences
changement
du
Les motivations d'origine
Un certain nombre de raisons ont motivé ces
changements. Certains sont d'ordre philosophique, d'autres plus pragmatiques.
L'un des objectifs était de réduire les structures
centrales. Les deux sociétés avaient en effet à
peu près la même organisation avec une duplication des tâches. Le théorème des économies
d'échelle selon lequel 1 + 1 est strictement inférieur à 2 devait donc apporter des économies
immédiates.
Les marchés évoluent vite. Nos clients, purement
nationaux il y a encore quelques années, s'implantent maintenant dans d'autres pays et s'é-
Guy MAUGIS
IPC 78
Après cinq années
au Ministère de la
Construction et en
DDE (Yveiines),
Guy IVIAUGIS a
rempli diverses
fonctions au sein
du groupe
Pechiney
(Direction de la
stratégie,
marketing,
Direction des
usines de
i'Argentière puis
de RhénaluNeuf-Brisach).
il a rejoint le
groupe PPG en
1988 où, après
avoir mené une
part active dans
la réorganisation
européenne, il
s'est vu confié le
poste de Directeur
Général Verre Plat
Europe en 1992.
PCM — LE PONT— MAI 1993
43
Les difficultés rencontrées
Elles avaient été, comme souvent, sous-estimées.
Ce qui était perçu comme un changement mineur
au niveau des États-majors, a été vécu, de fait,
comme une fusion/absorption entre deux sociétés
française et italienne, aux cultures très différentes. Le « qui absorbe qui » étant essentiellement lié à la nationalité des dirigeants des SBU.
Les styles de management ont dû fortement évoluer. Outre les obstacles linguistiques (les grands
bénéficiaires objectifs sont à l'évidence les cours
de langue, dispensés aux cadres comme aux secrétaires), le passage d'une direction rapprochée
(tout son staff sur le même lieu) à une direction
éloignée (les membres du staff à 1000 km les
uns des autres) ne permet pas de travailler de
la même façon.
Les membres des sociétés, et notamment ceux
des services fonctionnels, ont perdu le point de
référence central que constitue un directeur général proche. L'appartenance à une société locale,
identifiée par son dirigeant, s'est diluée dans une
structure plus confuse et plus lointaine, créatrice
d'un certain malaise, et de réactions de défense.
Les choix d'optimisation globale, conduisant à
défavoriser telle ou telle usine au profit d'une
autre, pour le bien de l'ensemble, ont été plus
ou moins bien vécus, malgré de longues explications. Là encore, des interprétations « nationalistes » sont souvent énoncées. Les mécanismes légaux de la participation en France, par
exemple, renforcent la recherche d'optimum locaux, et rendent difficile l'acceptation de mesures
réduisant le résultat de la société française même
si l'augmentation du résultat de la société italienne est supérieure. Comprendre est une chose,
admettre en est une autre.
La non existence d'une structure juridique de so-
D O S S
La
déstabilisation
que cela
représente, et
n o t a m m e n t la
difficulté de
diriger à
distance dans
un c o n t e x t e de
langue, d e
culture, de
personnes et
d'outils
inconnus, a é t é
diversement
vécue et
acquise.
I
ER
ciété européenne y contribue, car l'on doit continuer à publier des résultats par société nationale.
La vie quotidienne d'un bon nombre des membres du staff a fortement évoluée. L'apprentissage des langues, effectué à marche forcée
(4 heures par semaine), a été plus ou moins bien
vécu selon l'âge et les facilités des uns ou des
autres.
Les déplacements ont fortement augmenté. D'un
emploi du temps 3 jours à Paris/2 jours sur site
ou en clientèle, nous sommes passés à 1 jour à
Paris/4 jours à l'extérieur.
Cette évolution, classique pour des cadres de
haut niveau passant d'une responsabilité de site
à une responsabilité plus vaste (directeur d'usine
devenant directeur industriel par exemple) a été
d'une part étendue à des niveaux relativement
plus bas dans la hiérarchie et, surtout, à touché
environ une centaine de personnes au même moment. La déstabilisation que cela représente, et
notamment la difficulté de diriger à distance dans
un contexte de langue, de culture, de personnes
et d'outils inconnus, a été diversement vécue et
acquise. Certains se sont investis fortement dans
la découverte et l'apprentissage du nouveau pays
(voire en négligeant leur responsabilité globale) ;
la plupart s'est crispée sur son site d'origine, évitant - consciemment ou inconsciemment - de se
mettre en situation difficile dans un contexte inconnu.
Ceci a pu créer une certaine perte de motivation
chez ceux qui ont eu du mal à s'adapter, rejetant
les difficultés sur « l'organisation » sans vouloir
ou pouvoir admettre leurs propres limites.
Les avantages
Les a v a n t a g e s
à court t e r m e
de gain e n
personnel de
siège, d e
réduction des
coûts de
transport s e
sont révélés
assez v i t e .
Les avantages à court terme de gain en personnel
de siège, de réduction des coûts de transport se
sont révélés assez vite.
La compréhension globale du marché, avec ses
spécificités nationales, mais aussi la compréhension fine des tendances émergentes (certains pays
étant, à l'évidence en « avance » par rapport à
d'autres) et la possibilité de dialogue avec les
clients en possédant une connaissance détaillée
des problèmes est également un net avantage.
La définition des stratégies européennes et leur
mise en place s'en trouvent également facilitées.
Le partage d'expériences entre les usines et la
généralisation des meilleures pratiques de production ont été également fortement accélérés.
Le sentiment de travailler pour un tout et non
pour une partie ayant fini, petit à petit à s'imposer, réduisant par la même la compétition entre
sites. Des séjours longs d'ingénieurs d'une usine
dans d'autres, la découverte des points forts et
faibles des uns et des autres y a aussi grandement
contribué.
Enfin, un regain de motivation pour les meilleurs,
qui se sentaient un peu à l'étroit dans un pur
contexte national, où leur évolution de carrière
était difficile à assurer.
PCM — LE PONT — MAI 1993
44
Les implantations européennes du Groupe,
Les leçons
de
l'Europe
L'évolution de PPG n'est certainement pas unique. Les différents dirigeants que j ' a i pu rencontrer et qui ont traversé le même type de changement en tirent à peu près les mêmes leçons.
Celles-ci vont sans doute impliquer dans les années qui viennent une évolution forte des compétences requises pour travailler dans le nouveau
contexte européen. Même si l'Europe semble aujourd'hui plus lointaine qu'il y a deux ans, l'évolution me paraît aujourd'hui inéluctable.
Nous sommes déjà, et seront de plus en plus amenés à demander à nos cadres de nouvelles compétences :
- la connaissance des langues, d'abord. L'anglais
au minimum, une ou deux autres langues européennes sans aucun doute (Allemand, Espagnol, Italien).
- la compréhension des cultures nationales, acquise au travers de solides connaissances de
l'histoire des pays et des séjours longs à l'étranger.
D O S S
I
ER
- une capacité forte à apprendre, une curiosité suffisante pour écouter sans à priori et jusqu'au
bout sans plaquer « sa » solution. Savoir admettre qu'il n'existe pas une bonne solution et
une seule à un problème, mais plusieurs selon
le contexte local.
- une bonne compréhension des mécanismes de
base de la psychologie des diverses nationalités.
Un Italien ne vous prendra pas forcément de
front - car le respect de la hiérarchie est très
fort en Italie - mais ne fera pas, s'il n'est pas
convaincu. Un Français vous expliquera sans
doute que vous avez tort avant la fin de votre
phrase et fera peut-être. Un Allemand obéira
sans doute, même si vous avez tort, et vous ne
le verrez ou saurez que trop tard.
- une bonne compréhension des mécanismes de
la sociologie des organisations, et des jeux d'acteurs, renforcée par une bonne connaissance des
règles du jeu nationales.
Si ces compétences ne sont pas nouvelles, et requises depuis longtemps pour les postes les plus
élevés des multinationales, elles devront désormais être partagées et acquises dans des niveaux
beaucoup plus bas de l'organisation, et beaucoup
plus tôt dans la vie professionnelle. Or, ce sont,
pour la plupart, des notions qui s'acquièrent par
l'expérience cumulée, plus que par la lecture, ou
les concours des grandes écoles.
Ce sont par ailleurs des aptitudes (langues, histoire, sociologie) que la sélection et l'apprentissage essentiellement basée sur les sciences
exactes (mathématiques, physique) que nous
connaissons en France, ne permet pas forcément
de révéler, et de développer.
•
La
connaissance
des langues
d'abord, la
compréhension
des cultures
nationales,
une c a p a c i t é
forte à
apprendre, une
curiosité
suffisante
pour é c o u t e r
sans a priori...
des notions
qui
s'acquièrent
par
l'expérience
c u m u l é e plus
que par la
l e c t u r e ou les
concours des
Grandes
Écoles.
Les cours
de langues
ont connu
un vif essor.
PCM — LE PONT — MAI 1993
45
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DU MANAGEMENT
I est très présomptueux de vouloir aborder un tel sujet en
quelques lignes. Ce qui va suivre sera donc volontairement
condensé et résumera la pensée de l'une des divisions d'une
entreprise, très impliquée dans la transformation de la matière
plastique, matière ayant atteint aujourd'hui un niveau de
performance
remarquable.
La mise en œuvre des thermoplastiques constitue en effet l'origine
et la base du métier d'équipementier de Plastic Omnium Industrie,
c'est-à-dire de concepteur et fabricant de fonctions destinées
essentiellement à l'industrie
automobile.
I
e « Juste a temps » et ses conséquences
n'est, en effet, pas un but en soi mais au
contraire un fil philosophique conducteur
et un moyen de répondre aux questions de fond
que pose l'évolution du produit automobile et à
l'obligation de performance, de réactivité et de
flexibilité de toutes les entreprises concernées.
Celles-ci doivent en effet disposer tant d'un outil
industriel efficace et allégé, condition nécessaire
de leur survie que d'une capacité croissante de
recherche et de développement de nouveaux produits.
L
Rappelons donc que le « Juste a temps » c'est
produire exactement ce qui est demandé ou ce
qui devrait l'être, de la façon la plus simple et
la plus sûre possible, en évitant tout acte de production ou administratif qui ne soit pas créateur
de valeur ajoutée, au moment où il le faut et au
niveau de qualité requis ; c'est aussi plus généralement, allouer le minimum de ressources à
l'ensemble des fonctions de l'entreprise pour
faire « bien du premier coup », et non pas s'en
tenir à l'idée, trop réductrice, de l'éhmination
des stocks pour faire disparaître la charge financière correspondante.
Jean-Louis MERVEILLE
IPC 7 5 .
Directeur Général
Plastic Omnium Industrie.
Il a travaillé à la direction régionale de la Navigation
du Nord et du Pas-de-Calais, puis à la direction de
l'Équipement de Seine Maritime où il a principalement
dirigé le port de Dieppe. Il a rejoint le port autonome
de Dunkerque e n 1 9 8 2 où il a é t é successivement
Directeur Technique, Directeur de l'Exploitation puis
Directeur Général Adjoint. Il est entré à la Compagnie
PCM — LE PONT — MAI 1993
47
D O S S
I
ER
Il convient ainsi de s'attaquer :
- lors de la conception du produit aux fonctions
inutiles et surabondantes et à ce qui freine la
standardisation,
- lors de la conception du process, aux opérations
superflues et aux manutentions évitables,
- lors de la production, aux attentes inuùles, aux
temps de changement de fabrication non maîtrisés, aux contrôles et aux pannes, à la désorganisation des flux d'information...
Dit autrement, cela revient à porter une attention
toute particulière à la notion d'interface : qu'il
soit physique entre machines, humain ou relatif
au cheminement de l'information, car tout interface est potentiellement générateur d'erreurs ou
au mieux de redondances.
Ne cachons
pas qu'il faut
parfois
réapprendre à
lire, écrire et
compter à
ceux dont on
attend
désormais une
application
bien comprise
de consignes
rendues
simples et une
participation
active au
progrès.
Ceci signifie que le management tout entier doit
organiser l'atelier dans ce but, que les cadres de
l'usine veillent à ce que les procédés de production soient robustes, que la maîtrise ne se préoccupe pas que des quantités à produire mais
également du suivi de la qualité, des flux d'information (par exemple, la bonne étiquette au
bon endroit et la non interversion des pièces
droite/gauche).
Elle doit donc disposer des informations correspondantes et peu à peu abandonner l'idée que
le savoir faire technique suffit, qu'il est son
monopole pour mieux exploiter en revanche son
savoir faire « managerial » et répondre en temps
réel aux attentes de l'équipe.
Faire bien du premier coup c'est donner la primauté à l'opération élémentaire qu'il s'agit de
rendre sûre, nuit et jour (pour Plastic Omnium
Industrie l'enjeu est de 200 000 pièces bonnes
par jour).
Cela entraîne que les conditions de travail soient
soigneusement étudiées ;
- Ergonomie des postes pour limiter des opérations inutiles, fatigantes et dangereuses.
- Propreté aussi élevée que possible de l'atelier
car les produits ne seront pas de qualité si l'environnement professionnel n'est pas lui-même
de qualité.
- Analyse attentive des risques et recherche permanente de la sécurité car au-delà de l'obligation naturelle de respect de l'intégrité humaine,
il est clair que l'accident, grave ou bénin, n'est
que la forme ultime du dysfonctionnement.
Cela signifie aussi des actions de formation
lourdes et durables ; l'apprentissage exige du
PCM — LE PONT — MAI 1993
48
temps, l'évolution des mentalités et des comportements aussi
.
Ne cachons pas qu'il faut parfois réapprendre à
lire, écrire et compter à ceux dont on attend désormais une application bien comprise de
consignes rendues simples et une participation
active au progrès.
Il s'agit donc de déléguer autant que possible
l'acte élémentaire et par voie de conséquence
d'enrichir les tâches à accomplir. C'est dès lors
donner autant d'importance à l'opérateur qu'au
client à proprement parler ; il devient client interne et au demeurant s'avère être le même
homme que le client qui fait vivre l'entreprise.
Cela conduit à la participation aux changements
rapides de fabrication, à la maintenance dite de
premier niveau, à l'autocontrôlé et surtout à la
remontée de l'observation des dysfonctionnements puis à la participation à la définition et à
la mise en œuvre de solutions adéquates.
En schématisant, il serait idéal que l'intérêt
du travail ne soit pas l'acte de production mais
la participation à la résolution des problèmes,
à titre individuel ou mieux par un travail de
groupe.
L'accent est donc mis au niveau de la direction
d'un atelier sur l'animation et la motivation des
uns et des autres et le directeur d'une usine qui,
somme toute, est d'abord l'animateur d'un
groupe social doit être aussi attentif à la technologie utilisée qu'à la sociologie des organisations.
Pour mettre en œuvre le « Juste à Temps », ce
ne sont pas les outils qui manquent et la littérature technique et organisationnelle abonde, le
plus difficile, c'est l'adhésion, la compréhension
et l'application résolue de ce qui précède.
Je conclurai en soulignant qu'il ne s'agit pas d'être naïf ou immodérément optimiste et que nombre d'opérateurs ou d'agents administratifs viennent travailler pour d'abord disposer d'une
rémunération.
Mais l'expérience montre que l'on arrive à des
résultats étonnants lorsque la volonté de progrès
existe et qu'elle est clairement affichée.
•
(1) En termes purement financiers, rémunérer un agent
de production durant sa vie industrielle coûte autant qu'acheter une machine moyenne ; mais une telle décision
n'échappe pas à l'examen préalable de son opportunité
et entraîne la mise en œuvre d'un programme de maintenance approprié tout au long de la vie de la machine.
D O S S
I
ER
Le management du changement est une préoccupation à l'ordre du jour dans un
nombre croissant d'entreprises. Ce n'est pas - loin de là - une préoccupation
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spécifiquement
FAUT-IL BRULER LES ï = { ? "
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mutation de l'issue
^^ laquelle dépend leur survie.
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s'agit pas d'une tendance
marginale mais véritablement du
M AN AGE M E NT ? i r Ä il
consacrer un numéro
spécial avec le concours des meilleures signatures, ou tout au moins des meilleures
signatures américaines. Simultanément, l'on commence, en France, à se poser la
question suivante : les nouvelles formes de management imaginées au cours des
année quatre-vingts sont-elles encore d'actualité dans cette conjoncture
particulièrement
déprimée que traversent les entreprises ? Est-il bien raisonnable de parler de
« management participatif » alors même que se multiplient les « charrettes de
licenciements » ? Le soupçon est assez clair : le « nouveau management » n'aurait
duré que ce que durent les modes. Il n'aurait pas résisté à la pression économique et
représenterait, en fin de compte, une vision mythique de l'entreprise.
Le management du
changement sur la
défensive
Si les nouvelles formes de management se
trouvent ainsi mises en cause, c'est pour
une série de raisons qui demandent à être
identifiées. Certaines présentent un caractère intrinsèque ; d'autres sont liées à la
conjoncture économique.
Les raisons intrinsèques
c
^x^
©
Le nouveau management s'est affirmé en
tant que mouvement dans les années 83-84
avec la publication de best sellers : Le prix
de l'excellence de Peters et Waterman aux
États-Unis, L'entreprise du 3'^ type de
Georges Archier et Hervé Sérieyx en
France. Il a donc pris la forme d'un discours théorique (reposant certes sur des cas
susceptibles d'être mis en avant), qui s'est
trouvé ensuite décliné en démarches (le
« projet d'entreprise ») et en méthodologies (les « cercles de qualité ») tendant
rompre avec la conception traditionnelle de
l'entreprise. Quoi qu'on en dise, la réalité
des entreprises françaises en a été profon-
PCM — LE PONT — MAI 1993
49
e
D O S S
dément transformée. Cela, il importe de le
souligner.
Néanmoins :
- Ici et là. le « nouveau management » a
pris trop fortement la forme d'un discours incantatoire, nourri d'intentions
optimistes et généreuses, mais sans prise
réelle sur la réalité profonde de l'entreprise, celle que vit tous les jours le salarié. Christian Morel a ainsi pu distinguer « l'entreprise rêvée » (celle des
dirigeants et de leurs conseillers) et
« l'entreprise réelle » (celle qui se dessine à travers les rapports de travail, tels
qu'ils résultent de l'organisation de l'entreprise et du comportement des acteurs). Certes, chacun comprend fort
bien que le discours anticipe par rapport
à la réalité : il désigne un but, motivé
par un espoir. Il perd toutefois de sa crédibilité dès lors que rien ne change.
- Certaines méthodologies ont fait long
feu alors même que d'aucuns en attendaient un changement radical : plaquées
avec enthousiasme sur une organisation
globalement inchangée, elles se sont vite
heurtées à la résistance des comportements les plus traditionnels. Ainsi en eston venu à s'apercevoir de ce qu'il ne
suffisait pas de décréter la création de
« cercles de qualité » pour modifier
substantiellement une réalité marquée
par des dizaines d'années de taylorisme
et de coups de gueule venant des petits
chefs. A défaut d'une approche globale,
un certain nombre de démarches se sont
ainsi usées, prenant l'allure de mouvements de mode et leur effet se perdant
finalement dans les sables du scepticisme et de l'indifférence.
- Les résistances au changement avaient
été également sous-estimées. L'entreprise traditionnelle avait sa cohérence et
sa « logique de l'honneur ». Les rapports de travail s'y conformaient à des
règles du jeu, somme toute, rassurantes.
L'on savait à quoi s'attendre du contremaître, du chef de service ou du délégué
CGT.
Droits et devoirs de chacun y étaient parfaitement clairs. Tout cela s'est trouvé brutalement bousculé par les nouvelles formes
de management. Certains y ont trouvé une
occasion d'affirmation personnelle ; d'autres se sont placés dans une prudente attitude de spectateurs, attendant de voir de
quel côté tournerait le vent ; d'autres, enfin, se sont trouvés déstabilisés, ayant perdu tous les repères (habitudes, rites, codes,
etc.) qui fondaient leur sécurité personnelle. Pour eux, l'impression dominante
était que l'on ne savait pas où l'on allait,
que le chaos s'installait ; il n'est pas facile
I
ER
de s'orienter dans la jungle lorsque l'on
ils savaient qu'ils seraient jugés, nombre
n'a connu que le bel ordonnancement des
de cadres opérationnels se sont trouvés
Jardins à la française ; beaucoup ont craint
pris en élau entre les objectifs qu'ils
- non sans raison - pour leur avenir propoursuivaient sur le long terme et les
fessionnel ; certains (peu nombreux) se
objectifs exigés d'eux sur le court terme.
sont interposés : « il faut revenir aux
Certains d'entre eux en ont profité pour
bonnes vieilles méthodes » ; d autres, bien
revenir aux méthodes traditionnelles
plus nombreux, ont fait semblant d'adhéauxquelles ils demeuraient attachés.
rer, manifestant tous les signes extérieurs
Ce raidissement s'est propagé en casde l'attitude que l'on attendait d'eux mais se gardant
soigneusement de toute
initiative remettant en
cause l'ordre auquel ils dece u'ssr-v/s 66TOUT) î?£:
meuraient attachés, faute
Mouüoif^ ^(KULEiL ces Qu^^^oes
de pouvoir imaginer autre
chose.
Les raisons liées à
la conjoncture
économique
Ces obstacles au changement sont bien connus des
praticiens de l'entreprise.
La résistance de l'encadrement i n t e r m é d i a i r e se
constate probablement
dans le monde entier ; les
dirigeants se préoccupent
d'en réduire le poids, de
faire évoluer les comportements à grand renfort de
programmes de formation
plus ou moins efficaces. A
cela s'ajoutent toutefois
des circonstances particuHères à la conjoncture économique et sociale française.
- Avec la récession économique, la maîtrise des coijts s'est faite
plus urgente. Dans un grand nombre
d'entreprises, celle-ci s'est traduite par
des licenciements dont le principe même
allait à rencontre de l'idée d'un progrès
qui serait partagé par l'ensemble des salariés. On ne peut pas à la fois broder
sur le thème du management participatif
et mettre les gens à la porte au premier
à-coup conjoncturel. Nombre de dirigeants, toutefois, se sont trouvés pressés
par des impératifs de rentabilité, voire
de survie à court terme. Coûte que coûte,
il leur fallait redresser la situation. La
recherche, sur le long terme, des voies
et moyens d'un système socio-technique
compétitif a été parfois perdue de vue.
- Il en est résulté, un peu partout, un raidissement de la chaîne hiérarchique qui
s'est traduit par un retour à des méthodes
autoritaires que l'on croyait révolues.
Les contrôleurs de gestion leur ayant
fixé des objectifs, par rapport auxquels
PCM — LE PONT— MAI 1993
50
SAVcHl^Cöm^kiT CE rAii^£.„
<
cade, le souci intelligent de réduire les
coûts se traduisant de proche en proche
en attitudes de plus en plus imbéciles
et en directives incompréhensibles aux
yeux des salariés, sinon qu'elles étaient
contradictoires avec le discours convivial affiché au cours de ces dernières
années par l'entreprise.
Certes, il ne faut pas généraliser ce qui
ne constitue probablement qu'une tendance dont savent se préserver nombre
de dirigeants. Demeure toutefois sans réponse une question plus globale. Dans
l'entreprise traditionnelle, le « contrat
social » était parfaitement clair : il
consistait, pour le salarié, à apponer une
certaine compétence, cotée selon une
certaine classification (laquelle était négociée, au niveau professionnel, entre
représentants des employeurs et représentants des syndicats), et cela pour un
certain nombre d'heures qui faisaient
l'objet d'une rémunération convenue. A
D O S S
cela s'ajoutait une relative sécurité de
l'emploi. Or, ceci n'est plus le cas. La
sécurité de l'emploi, sauf dans certains
bastions privilégiés, a disparu. En revanche, il est demandé au salarié d'apporter non seulement sa compétence,
mais sa capacité d'initiative ; il doit, autrement dit, connaître les objectifs de
l'entreprise, les faire siens, c'est-à-dire
COST 'Poue,<Sfj0t JfyiécRhf
ce LiW6j iNVisP&^sAQùe Ä
s'engager. Moyennant quoi il est en droit
de se demander à quoi l'entreprise, pour
sa part, s engage à son égard. Il faut
admettre qu'à cette question la réponse
de la plupart des entreprises n'est pas
très nette. Et il serait vain de chercher
une réponse du côté du CNPF ou des
centrales syndicales : il n'est plus, aujourd'hui, de « doctrine de l'entreprise »
susceptible d'asseoir un contrat social
qui soit évident et équilibré aux yeux
des salariés. A défaut de quoi ceux-ci
peuvent être légitimement tentés de se
placer en « stand by », d'en faire un minimum (celui qui est jugé nécessaire
pour éviter le risque d'un licenciement)
et. surtout, d'éviter le risque que représente nécessairement toute initiative personnelle.
La conjoncture rend plus pressantes les
contraintes financières à court terme. Il en
résulte pour chacun une exigence, souvent
brutalement imposée d'en haut, de réduira
E R
les coûts par tous les moyens, la crainte
du chômage entretenant par ailleurs un climat de peur. Des contradictions se font
jour : accroître la productivité, c'est, pour
certains, contribuer à creuser sa propre
tombe. Nombre d'analystes observent ainsi
une tendance à la régression sociale. Le
repli sur soi, dans une attitude infantile,
en vient à l'emporter sur le dynamisme et
la capacité d'initiative.
Cette tendance est d'autant plus « remarquable »
que la population française manifeste par ailleurs énormément de vitalité. Ce qui, donc, est en
cause, c'est le décalage
entre les attentes et les
comportements d'une
part, et d'autre part un cadre institutionnel qui, dans
l'entreprise comme ailleurs, ne s'adapte qu'avec
retard. Ce décalage, toutefois, doit être considéré
comme étant propre à la
France (même s'il peut
être constaté dans certains
autres pays, proches ou
lointains). Il ne va pas à
rencontre de la tendance
générale. Plus, il va à rencontre de l'évolution en
cours, sur la scène mondiale, dans le management
des entreprises. Ce qui est
en cause, ce ne sont pas
les principes de management qui ont été formulés
dans les années quatrevingts, ce sont les conditions de leur mise
en œuvre dans un certain nombre d'entreprises, compte tenu tout à la fois du poids
de notre héritage culturel et de l'impact
de la conjoncture économique, telle qu'elle
fait resurgir les vieux réflexes élitistes.
Le « nouveau
management >> plus que
jamais nécessaire
Par rapport au fonctionnement traditionnel
des entreprises françaises, le « nouveau
management » apparaît plus que jamais
comme une condition de la survie. Sa mise
en œuvre, toutefois, ne saurait être improvisée. Il ne s'agit plus seulement de proclamer que l'entreprise exige écoute du
client, qualité de service, flexibilité et réactivité, autonomie et capacité d'initiative :
il s'agit d'ancrer ces principes dans la réa-
PCM — LE PONT— MAI 1993
51
lité de tous les jours, et donc dans le système de gestion.
Une condition de la survie
L'effort de transformation de l'entreprise
- malgré la crise - demande à être poursuivi
pour trois raisons qui ne feront ici l'objet
que d'un rapide rappel dans la mesure où
elles ont été par ailleurs déjà longuement
exposées .
- L'évolution des techniques et des process de production rendent possibles et
nécessaires de nouvelles formes d'organisation, qui appellent à leur tour un
comportement différent, venant de
« l'encadrement ». Pour prendre une
comparaison militaire, les qualités des
officiers qui ont gagné la « guerre du
Golfe » ne sont pas exactement celles
de ceux qui ont gagné Austerlitz. L'opérateur qui assure le contrôle d'une
chaîne robotisée n'a ni la formation ni
le rôle de l'ouvrier des années cinquante.
Parce qu'elle est ancrée dans les habitudes. L'organisation manifeste toutefois plus ou moins d'inertie par rapport
aux possibilités offertes par la technique.
D'où les difficultés d'adaptation d'entreprises anciennes et vénérables par
rapport à des concurrents plus jeunes qui
se sont d'entrée de jeu organisés en exploitant par ailleurs toutes les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Les cartes mentales ne suivent
que difficilement l'évolution des réalités, surtout lorsqu'elles s'identifient à
des convictions, des habitudes et à des
privilèges enracinés dans la routine.
- L'évolution des niveaux de vie et l'impact des technologies de la communication (radio, téléphone, etc.) dans
l'existence de tous les jours ont induit
par ailleurs une évolution des comportements qui peut être observée à l'échelle mondiale, à proportion de leur pénétration. L'homme formé et informé
n'a pas le comportement de son ancêtre :
il a une opinion et il entend qu'elle soit
prise en considération. Cela est vrai sur
le plan politique (d'où les révoltes qui
ont conduit à l'effondrement d'un certain nombre de régimes dictatoriaux, notamment dans les pays de l'Est) ; cela
est vrai également sur le plan commercial, le client étant désormais de plus
en plus sensible aux services qui conditionnent son libre choix. Et ceci est vrai
également dans l'entreprise. On ne saurait admettre d'être informé par la télé-
/ - cf. notamment mon livre Vers l'entreprise
intelligente, Calmann-Lévy. 1991.
D O S S
vision, quelquefois en direct, de ce qui
se passe ailleurs dans le monde - mais
d'apprendre fortuitement que la division
dans laquelle on travaille a été cédée à
une entreprise concurrente. On ne saurait
accepter d'être chargé en tant que
consommateur et traité sans égard, dans
l'entreprise, par un quelconque « petit
chef », soucieux de maintenir ce qu'il
croit être son « pouvoir ». Les entreprises qui ne prendraient pas en compte
cette réalité risqueraient d'avoir le sort
du régime communiste en URSS ou de
l'organisation commerciale de Peugeot
au Japon ou aux États-Unis.
- Les conditions du marché mondial, sur
lequel les entreprises se heurtent à de
nouveaux compétiteurs, font de leur
transformation une condition de leur survie. Les incantations sur la malhonnêteté
des Japonais n'expliquent pas que Peugeot ait échoué là où d'autres ont réussi.
Les bénéfices d'IBM, voici quelques années, n'auront nullement constitué une
garantie pour l'avenir, face à de nouvelles technologies et de nouveaux
compétiteurs. Et il convient d'ajouter,
dans un monde en rapide transformation,
que le succès n est jamais définitivement
assuré. Certaines entreprises françaises
qui pourraient être présentées comme
des « success stories » se heurteront
peut-être, dans un proche avenir, à des
difficultés susceptibles de compromettre
leur existence (il serait donc malvenu
de les citer). D'autres, qui jouissaient
d'une solide réputation d'archaïsme, se
sont rapidement transformées et peuvent
être désormais présentées comme des
exemples d'un management intelligent,
malgré les lourdeurs et les résistances
qui, bien entendu, se manifestent en leur
sein.
Le changement
ne s'improvise pas
Nombre de dirigeants et de DRH peuvent
avoir le sentiment d'être englués dans une
situation inextricable. D'une part, le changement de paradigme se présente comme
une nécessité ; d'autre part, ils se démènent au milieu d un nœud de contradictions ; contradictions entre les urgences à
court terme et la recherche d une cohérence
à long terme ; contradictions entre les vues
purement financières et comptables des uns
et l'optique humaniste des autres ; contradictions entre les structures mises en place
et des comportements dont on mesure inopinément à quel point ils n'ont pas changé ;
contradictions entre les vues de la direction
générale et celles des responsables d'unités
périphériques. Dans ce magma, il peut être
I
ER
Hubert LANDIER
Cet article a été initialement
publié dans << lUIanagement et
conjoncture sociale » n- 406
du 22 février 1993.
tentant de se décourager et de jeter aux
orties les ouvrages de management qui, depuis une dizaine d'années, ont enrichi les
bibliothèques d'entreprises. A moins de
s'en tenir, afin de poursuivre la route malgré les vents contraires, à quelques principes simples susceptibles de servir de
boussole.
1 - Se garder de toute démarche superficielle. Le changement implique une démarche globale en même temps que des
actions localisées. Une telle démarche né
saurait se limiter à la mise en œuvre de
recettes, plaquées sur une organisation inchangée, et dont on attendrait des miracles.
Un « projet d'entreprise » peut constituer
la meilleure ou la pire des choses. Les « effets d'annonce » peuvent être uriles, s'ils
expriment l'engagement de la direction générale, mais conduire à de la dérision, venant des salariés, s'ils se limitent à un discours incantatoire sans prise sur la réalité
de tous les jours. Le « zapping », dès lors
qu'il réduit le changement à la mise en
œuvre de la dernière mode venue de la
Harvard Business School, renforce le
conservatisme.
2 - Que l'on parle de « nouveau management », d'« entreprise du troisième type »
ou d'« entreprise intelligente », les principes qui conditionnent la survie et le développement de l'entreprise sont aujourd ' h u i bien c o n n u s , au moins des
promoteurs du changement. Le problème
majeur des années quatre-vingt-dix sera
probablement celui de la mise en cohérence, par rapport à eux, des grands systèmes de gestion hérités de la période précédente. Il convient ainsi de porter plus
particulièrement l'attention sur :
PCM — LE PONT — M Al 1993
52
- les systèmes de rémunération, qui ne
vont pas nécessairement dans le sens du
dynamisme personnel attendu de chacun
des salariés ;
- la politique de recrutement et de promotion, ainsi que la gestion prévisionnelle des emplois et des talents ; les réductions d'effectifs, lorsqu'elles sont
menées maladroitement ou avec précipitation, peuvent être ressenties comme
étant profondément contradictoires avec
les principes affichés au cours de ces
dernières années, même lorsqu'elles
sont économiquement nécessaires ;
- les systèmes de formation et d'information, souvent relégués dans un rôle périphérique par rapport aux activités jugées importantes ;
- les rapports collectifs de travail, souvent
archaïques par rapport à l'esprit que les
promoteurs du changement s'efforcent
de favoriser.
3 - Le changement ne saurait non plus se
passer de règles du jeu qui soient claires
entre le salarié et l'entreprise. Celle-ci demande à ses collaborateurs, au-delà de
leurs compétences techniques, de prendre
des initiatives et donc de s'engager en vue
d'assurer sa réussite. Ils doivent savoir, en
contrepartie, à quoi elle-même s'engage à
leur égard. L'absence de transparence, à
cet égard, présente un caractère dévastateur. En l'absence d'un contre-pouvoir syndical consistant, la formulation de ces règles du jeu r e v i e n t aux d i r i g e a n t s
eux-mêmes.
4 - Les changements, en termes d'organisation, peuvent être nécessaires ; mais ils
sont vains en l'absence d'une modification
de la « carte mentale » qui conditionne les
comportements. Ce qui est donc en jeu,
ce sont les croyances issues de l'éducation
et de l'environnement socio-culturel. Le
passage d'une organisation fondée sur l'élitisme à une organisation « participative », d'une organisation fondée sur l'obéissance à une organisation fondée sur la
responsabilité, ne peut ainsi se concevoir
que comme un très long processus, parallèlement aux évolutions qui affectent la société qui constitue le milieu dans lequel
se développe l'entreprise. Et il est clair,
de ce point de vue, que l'action de celle-ci
n'entre pas seule en jeu. L'entreprise ne
peut être ni trop en retard ni trop en avance
par rapport à son environnement. Elle ne
peut non plus « mettre la société à son service ». Seule est concevable, à ce niveau,
une démarche interactive mettant en jeu
les fondements éthiques et politiques du
devenir humain.
•
D O S S
I
ER
L'EPARGNE SALARIALE :
UNE IDEE NEUVE...
OUS sommes tous frappés par la grande richesse des solutions miracles qui vont
« mettre un turbo » au fonctionnement des entreprises.
Ecarter les vraies-fausses solutions, qui répondent d'ailleurs souvent à de
vrais-faux problèmes, demande des nerfs solides.
Alors, pourquoi ne pas tout simplement faire un retour sur les bonnes vieilles
recettes ? Celles-là mêmes qui pourraient bien devenir rapidement les bonnes solutions
de demain...
N
Une bonne vieille idée....
Quand les pouvoirs publics, dans les années 60, donnaient le signal de lancement
de l'épargne salariale, en appréciaient-ils
toutes les implications ?
Associer les salariés
aux fruits de l'entreprise :
Idée fondatrice du système, elle donne lieu
à cette fameuse RSP (réserve spéciale de
participation), que les entreprises de plus
de 50 salariés sont tenues de dégager dans
leurs bilans. C'est obligatoire. Dans l'esprit
de beaucoup, cela en fait une sorte de « punition ». Pourquoi ne pas en faire une opportunité ? L'épargne salariale le permet.
Cette épargne « forcée » peut, en effet,
fructifier à l'avantage de chacun. C'est le
but du placement de la participation dans
les Fonds Communs de Placement d'Entreprise. Par le biais de la gestion collective
que ce dispositif implique, ce placement
est rémunéré dans de bonnes conditions.
Par le biais des avantages fiscaux, tous les
attraits de la formule sont préservés dans
leur intégralité.
Enfin, rappelons qu'il n'y a participation
que s'il y a résultat. Chacun mesure l'intérêt que cela représente, par rapport à tous
les dispositifs de rémunération à caractère
irréversible : les « avantages acquis ».
Olivier THIBAUD (PC 76),
Directeur Générai de FONGEPAR
(Groupe Caisse des Dépôts).
De 9 0 à 9 2 , Directeur financier de l'Ircantec et Directeur
du Développement à la Branche Caisses de Retraites
de la Caisse des Dépôts.
PCM — LE PONT— MAI 1993
53
D O S S
Mobiliser
pour
une plus grande
compétitivité :
Le développement des accords d'intéressement au cours des dernières années, ne
résulte pas d'un effet miraculeux.
Une enquête réalisée fin 1992 par Fongépar et le magazine Entreprendre, montre
que les chefs d'entreprise considèrent avoir
effectué l'essentiel de leur investissement
sur l'outil ; ils pensent également que les
années à venir seront celles de l'investissement sur l'homme.
Parallèlement, le développement des politiques de qualité totale, illustre de façon
frappante la prise de conscience de l'atout
qualité dans la compétitivité des entreprises.
Ces deux orientations se rejoignent sur un
outil commun : l'intéressement. De nombreux accords d'intéressement mobilisent
les équipes sur les aspects qualitatifs de
la production de l'entreprise. Ils complètent ainsi la participation, qui mobilise
l'entreprise sur les aspects quantitatifs des
résultats.
Chacun y trouve son compte. Le caractère
souple de l'intéressement permet de moduler la politique de rémunération, tout en
facilitant la mise en place d'un management par objectifs. Tout le monde y gagne
en stimulation, en adhésion au projet d'entreprise commun.
I
ER
Une idée d'avenir ?...
Au-delà de l'existant, qui appartient maintenant au domaine des solutions bien rodées, on assiste à l'émergence de réflexions
et d'idées nouvelles. En effet, l'épargne salariale, compte tenu de sa souplesse et des
nombreux avantages qui lui sont attachés,
ne serait-elle pas une des réponses possibles aux questions du moment ?
Fongépar, société de gestion d'épargne salariale du groupe Caisse des dépôts, agit
pour innover en la matière.
Gestion de l'emploi :
Dans un environnement complexe, où nous
ne savons pas ce que sera demain, sinon
qu'il sera fait de toujours plus de compétitivité et de productivité, il est nécessaire
d'envisager tous les scénarios relatifs à
l'emploi.
Fongépar a monté, pour de grandes entreprises, des systèmes de plans d'épargne
dans lesquels les salariés sont incités, par
un abondement progressif, à allonger la durée de blocage de leur épargne. Celle-ci,
fixée réglementairement à cinq ans, est
prolongée à dix ans. Seul un départ, volontaire ou non, de l'entreprise, permet de
conserver l'avantage de l'abondement.
Un tel dispositif permet donc, selon les cas,
d'améliorer les conditions du départ à
la retraite, ou les conditions d'un départ
forcé de l'entreprise, en cas de dé
térioration de sa situation, le
tout sans porter aucun pré-
Plus prosaïquement, les pouvoirs publics
ont voulu donner une impulsion à ce type
de système, par des exonérations de cotisations sociales et fiscales que les primes
classiques ne permettent pas, et sur lesquelles l'employeur et les salariés accorderont leurs intérêts...
Là encore, le salarié trouvera avantage à
verser son intéressement dans des Fonds
Communs de Placement d'Entreprise grâce
au Plan d'Épargne d'Entreprise ; avantage
fiscal, par l'exonération totale d'impôt au
moment du versement et au moment du
retrait de même que sur les plus-values ;
progression de la rémunération de son
épargne, dans les conditions évoquées plus
haut.
judice en période continue
de prospérité.
Pour sa part, l'employeur pourra lui-même
trouver intérêt à avoir des collaborateurs
« fourmis » plutôt que « cigales », avec
tout ce que cela imphque en stabilité et
fidélité. Dans certaines limites, les dispositifs d'abondement facilitent l'orientation
de l'intéressement vers les formules d'épargne salariale (Plans d'Épargne d'Entreprise).
Soyons modeste : tout a été dit sur le problème des retraites. Le débat est suffisamment âpre, pour prétendre sérieusement le
trancher en quelques lignes. Sans ajouter
une voix de plus, sous peine d'accroître
la discordance, rappelons donc que cela fait
plus de vingt ans, sans faire de bruit, que
l'épargne salariale permet à des miUions
de salariés d'accumuler un capital. Que les
Complément
de retraite :
PCM — LE PONT — MAI 1993
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conditions de sécurité de gestion des
100 milliards de francs collectés par ce
biais, n'ont jamais donné lieu à une quelconque remise en cause. Que la souplesse
du système ne fait jamais peser sur l'entreprise le risque d'un engagement irréversible. Qu'il est totalement loisible au salarié, de conserver son épargne jusqu'à sa
retraite, ou bien d'en disposer pour faire
face à des situations difficiles... A chacun
d'en tirer les conclusions.
Fongépar met ses capacités d'ingénierie
pour accommoder les montages aux préoccupations spécifiques de l'entreprise.
Complément
de prévoyance :
Dans l'ordre des apports de l'épargne salariale à la panoplie des outils de management social, Fongépar propose des solutions de couplage entre les Plans
d'Épargne et des systèmes de prévoyance, permettant de démultiplier les
acquis de l'épargne individuelle dans des
situations personnelles de besoins financiers accrus.
Conclusion
Idée ancienne ?... Pas tant qu'il n'y paraît.
C'est une vertu rare que possède l'outil
épargne salariale ;
son ancienneté est gage
d'expérience et de
sécurité. Son développement
n'est pas
e fruit
du hasard,
mais bien
des
nombreux avantages qu'elle
apporte tant aux entreprises qu'à leurs
salariés ;
- ses possibilités d'évolution en font un
outil de progrès, moyennant un réel souci d'innovation au service du management des entreprises.
C'est la conviction de Fongépar de mobiliser l'éthique de la Caisse des dépôts au
service de l'innovation dans un domaine
qui, gageons-le, n'a pas dit son dernier
mot.
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