Introduction 7 Introduction Les marques ont toujours eu à cœur d’enrichir leur capital symbolique. À travers leurs différentes techniques de communication, et au-delà de la promotion de leurs produits, elles entreprennent de valoriser leurs clients. En plus de raconter leur propre histoire, elles mettent ainsi en scène ce héros qu’est leur consommateur, et les pouvoirs quasiment surhumains que peut lui conférer l’utilisation de tel ou tel produit. Grâce au déodorant Axe, l’individu se mue en irrésistible séducteur... Et avec les chaussures Nike, il sera sans doute capable d’atteindre les mêmes performances que les grands champions incarnant cette marque ! Comme l’a montré notamment Georges Lewi dans Mythologie des marques1, les marques représentent ainsi les mythes modernes de nos 1.Georges Lewi, Les Marques, mythologies du quotidien : comprendre le succès des grandes marques, Paris, Pearson, 2003 (réédité sous le titre : Mythologie des marques : quand les marques font leur storytelling, 2e éd., 2009). Voir aussi Georges Lewi, L’Odyssée des marques : les marques, mythologie contemporaine, Paris, Albin Michel, 1998. © 2012 Pearson France – Facebook Marketing – Arnaud Auger 8 Facebook marketing sociétés de consommation, où l’individu en tant que tel a pris une part importante. Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter sont des espaces d’expression des individus. Les utilisateurs de ces réseaux ont souvent à cœur de se valoriser face à leurs « amis », et s’afficher comme fan de telle ou telle marque est un bon moyen de le faire, tout comme dans la vie courante on exhibe ses chaussures Louboutin, son iPhone ou sa Mercedes. Les marques s’adressaient jusqu’à présent aux consommateurs par le biais des médias de masse (TV, radio, affichage). Elles avaient donc le contrôle absolu de ce qu’elles exprimaient sur elles-mêmes et pouvaient diffuser en top-down ce message bien calibré vers les consommateurs. L’arrivée des réseaux sociaux a changé la donne. Les marques ne communiquent plus uniquement via les statiques espaces publi­ citaires dédiés à l’émission d’un message à l’intention d’individus qui sont de simples spectateurs. En s’inscrivant sur les réseaux sociaux, les marques communiquent désormais sur des espaces dynamiques en pleine interaction avec les consommateurs. Ces derniers peuvent également à leur tour devenir émetteurs de messages publics sur la marque. Sur les réseaux sociaux, les consommateurs ne sont plus uniquement en situation de réception ; ils peuvent aussi répondre, interagir (c’est ce que l’on appelle le « web 2.0 »). Nous sommes passés de l’ère de la communication à l’ère de la conversation. Il y a encore quelques années, lorsque les consommateurs souhaitaient exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement vis-à-vis d’une marque, ils ne pouvaient le faire que dans leur entourage proche. Pour s’adresser à la marque, il fallait envoyer un message privé dans la rubrique « contact » du confidentiel « service clients ». Avec l’arrivée des blogs et des médias © 2012 Pearson France – Facebook Marketing – Arnaud Auger Introduction 9 sociaux, les consommateurs, jusque-là anonymes, ont acquis les potentialités technologiques d’une audience de masse ou tout du moins d’une audience amplifiée. Citons l’exemple de Maxime Brunet, un jeune homme de 20 ans, dont le blog Modissimo accueille plus de 60 000 visiteurs uniques par mois tandis que bon nombre de marques de référence, parfois établies depuis des dizaines d’années, n’en accueillent que quelques centaines ou quelques milliers sur leur site internet. Les consommateurs peuvent désormais aisément créer une page sur Facebook en l’honneur d’une marque ou au contraire pour la critiquer. Il existe ainsi de nombreuses « pages fans » non officielles de marques, créées par des particuliers, comptant parfois beaucoup plus de membres que les pages officielles de ces mêmes marques2. Le grand mythe du « client roi », qui n’était jusqu’ici guère plus qu’une vue de l’esprit évoquant « LE client » en toute abstraction, se voit désormais confronté à une nouvelle réalité où les clients, bien concrets et très conscients de leur pouvoir, n’hésitent pas à s’adresser directement à la marque sur sa page Facebook ou son compte Twitter. La posture rhétorique de la marque s’en voit bouleversée. Auparavant, la marque était bien souvent dans la posture d’une grande experte délivrant sa sainte parole à l’ensemble des consommateurs qui devaient l’écouter religieusement. Dorénavant, elle est contrainte de dialoguer avec eux, de répondre à leurs interrogations et leurs remises en cause, tout en se voyant encensée ou critiquée en public. La marque se retrouve presque dans une position d’égal à égal avec ses consommateurs, comme l’encourage 2.Exemple : jusqu’en juin 2011, la page non officielle de Malabar sur Facebook comptait plus de 70 000 fans, quand la page officielle n’en comptait qu’à peine 4 000. © 2012 Pearson France – Facebook Marketing – Arnaud Auger 10 Facebook marketing notamment la structure même des « pages fans » des marques, similaire à celle des pages personnelles des membres utilisateurs de Facebook. Les individus peuvent ainsi s’immiscer dans la vie de la marque sur sa page Facebook. Les exemples ne manquent pas où des marques ont dû prendre en compte les avis des consommateurs dans leurs décisions stratégiques. C’est le cas de Gap, qui souhaitait changer de logo, et qui a dû faire face à une levée de boucliers de mécontentement sans précédent3 de la part des consommateurs qui avaient l’impression d’être dépossédés de « leur » marque, et qui l’ont forcée à revenir en arrière. Les marques comme « signes publics » ne sont plus les monopoles exclusifs de leur entreprise propriétaire. Par l’imaginaire, les mythes qu’elles renvoient, les marques appartiennent aussi au corps social qui les a intégrées. Cela pose la question du management de ces marques à l’heure des réseaux sociaux, et de la gestion de leur image du fait de cette ingérence des consommateurs-utilisateurs. En complément du brand manager (chef de marque), apparaît un nouvel acteur important, le community manager (responsable de la communauté de la marque sur les réseaux sociaux). Est-il exagéré d’utiliser le terme de « communauté » de la marque en parlant des fans sur Facebook ou des followers sur Twitter ? Non, si l’on s’en tient à cette définition donnée par Mancur Olson : « Ensemble de personnes liées par des intérêts communs4. » En effet, les membres desdites communautés sont des consommateurs ou non de la marque qui ont décidé 3. Hormis peut-être le cas de Coca-Cola qui avait voulu changer sa formule et qui avait dû faire machine arrière face aux protestations massives de ses consommateurs. 4. Mancur Olson, The Logic Collective Action, 1965 (La Logique de l’action collective, PUF, 1978, traduction de Mario Levi). © 2012 Pearson France – Facebook Marketing – Arnaud Auger Introduction 11 de s’inscrire aux contenus publiés par la marque sur sa page Facebook ou son fil Twitter notamment. Ces mêmes membres ont donc également la capacité d’interagir avec les marques et, entre eux, sur les marques. L’objectif du community manager est donc de générer de bonnes réactions pour la marque de la part des membres et d’encadrer, sinon de contrôler, les mauvais contenus qui pourraient apparaître à l’encontre de la marque. On le voit, le community manager chargé de l’animation et de la modération de la communauté autour d’une marque se révèle en être le véritable porte-parole ; il incarne la voix même de la marque, en direct, pour les membres de la communauté. On est loin des publicités créées pour la marque par des agences, où chaque mot, chaque détail est pensé stratégiquement pendant des semaines, voire des mois. Le changement que cela implique dans la gestion de l’image d’une marque est donc radical. Les signes associés à la marque se démultiplient, tout comme ses « prises de parole ». Alors, comment manager sa marque à l’heure du web 2.0 ? En quoi Facebook et les nouvelles habitudes des utilisateursconsommateurs modifient-ils le management et la communication d’une marque ? Quelles sont les nouvelles contraintes et opportunités ? Cet ouvrage a pour but de fournir des réponses concrètes à ces questions. Les marques doivent-elles contrôler absolument tous les messages émis à leur sujet ? Si oui, qui doit le faire ? Le community manager avec la validation préalable du brand manager ? Ici se pose le problème de nouvelles procédures à instaurer, qui plus est avec la réactivité nécessaire sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte, comment la marque peut-elle garder la main sur ce contenu ? Faut-il laisser aux membres de la communauté la liberté de dire ce qu’ils veulent comme ils le veulent ? Quel © 2012 Pearson France – Facebook Marketing – Arnaud Auger 12 Facebook marketing doit être l’objectif de la page « fans » d’une marque ? Avoir le plus de fans possible, ou au contraire, rechercher avant tout la qualité de l’interaction avec lesdits fans ? Comment s’y prendre pour gérer et trancher parmi toutes ces questions stratégiques ? Cet ouvrage se donne pour mission de répondre précisément à chacune de ces interrogations. Au cœur de toutes ces questions, se trouve l’équation entre trois grands types d’acteurs : le réseau social de type Facebook, les consommateurs et enfin les marques. Trois acteurs aux intérêts potentiellement différents, voire divergents (ou potentiellement convergents), pris dans un rapport de force. Ainsi, la première partie de cet ouvrage analysera le nouveau rapport que Facebook instaure entre les consommateurs et les marques. La deuxième partie expliquera en quoi le pouvoir des consommateurs face aux marques a évolué avec l’apparition des réseaux sociaux. Enfin, dans la troisième partie, il s’agira de voir comment, concrètement, les marques peuvent et doivent s’organiser et communiquer au mieux pour surmonter les obstacles potentiels et saisir les nouvelles opportunités qui s’offrent à elles. © 2012 Pearson France – Facebook Marketing – Arnaud Auger