ALPHA OMEGA NEWS - N° 170 - JANviEr 2015
SCIENTIFIQUE SPECIAL
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Il existe un système d’éviction manuelle qui est un procédé traditionnel, mais qui trouve
tout son sens en microdentisterie. Il consiste en l’excavation des tissus dentaires cariés
grâce à des instruments manuels, dans le but de minimiser la taille de la cavité avant la
restauration. Cette technique est indiquée lorsque les lésions dentinaires sont accessibles
à ces instruments et permet un bon curetage carieux grâce à une grande sensibilité tac-
tile. Ce système permet de réaliser un raclage sélectif et conservateur pour la dentine af-
fectée. On l’utilise en fin d’intervention sur des cavités volumineuses pour réduire la conta-
mination pulpaire et le risque d’effraction pulpaire. En ce qui concerne les cavités plus
complexes, il est conseillé de compléter l’excavation manuelle par une instrumentation
rotative, sono-abrasive ou autre.
Remarque : cette technique ultraconservatrice est utilisée en ART (Atraumatic Restora-
tive Treatment) dans les pays où il est difficile d’accéder aux soins.
Un autre système d’éviction utilise des instruments rotatifs et c’est celui qui nous intéresse ici.
Lexérèse de l’émail carié et fragile se fait grâce à des fraises diamantées montées sur turbine de
même que l’ouverture du site carieux tandis que l’éviction de la dentine se fait grâce à des ins-
truments rotatifs utilisés à faible vitesse (1000 à 1500 tours minute) sur contre angle, avec des
fraises boules acier, carbure de tungstène ou céramique. Même si le spray est bien sur utilisé,
une vitesse lente permet de limiter les risques d’échauffement tissulaire. En dentisterie restau-
ratrice à minima, les fraises de petit diamètre de type boule, poire ou cylindrique avec un col fin
seront privilégiées. La longueur et la finesse de l’instrumentation permet d’améliorer la visibili-
du champ opératoire. Des fraises composées
de céramique zircone alliée à l’oxyde d’alumine,
peuvent être utilisées pour l’éviction carieuse ;
elles sont très intéressantes car elles ont une
dureté supérieure à celle des fraises « métal ».
Mais, cette dureté leur confère cependant une
certaine fragilité, celle des céramiques. Elles ne
doivent pas être utilisées pour perforer l’émail
pour atteindre la cavité de carie. Elles sont ef-
caces dans la dentine cariée, comme toutes les
fraises de cette forme, en travail latéral par des
petits mouvements avec une simple pression
légère.
(3)
(Fig.1)
Le travail de curetage permet d’appréhender le contact avec une dentine saine quand la
dentine cariée est entièrement éliminée. Cette sensation d’excavation intuitive de la den-
tine cariée est confirmée par une utilisation à très faible vitesse (moins de 1 500 T/min)
avec les contre-angles bague verte. La finesse tactile permet de préserver les tissus sains,
montrant bien que l’utilisation de ces fraises céramiques sont presque indispensables
dans l’approche a minima de la lésion carieuse. Si les indications d’usage sont respectées,
la Société Komet les recommande pour une utilisation raisonnable de 60 cycles, ce qui est
3 fois plus qu’une utilisation de fraises standard. 150 cycles pourraient être atteints même,
car en tournant lentement sans appuyer et en restant dans la dentine, elles ne s’usent
pratiquement pas. Enfin, une caractéristique particulière : leur couleur blanc lait permet
de bien les distinguer de la dentine brune cariée et de bien mettre en évidence la dentine
saine pour l’épargner et la ménager. (Fig.2)
Fig. 2 : réalisation clinique d’une cavité
« tunnel » (ouverture avec une fraise
boule diamantée dans l’émail et
curetage avec une fraise céramique de
la dentine cariée)
(7)
FIg.
2
Grâce à la faible vitesse sous spray, associée à une efficacité de coupe très fine et une
absence de vibration sous une très faible pression, l’évidement de la carie est beaucoup
moins douloureux, car moins agressif, rendant dans la plupart des cas l’anesthésie super-
flue. Cette qualité, associée à une utilisation judicieuse, diminue singulièrement l’échauf-
fement de la dent. Il s’agit d’un confort pour le praticien comme pour le patient. Ces
dernières qualités en font des fraises très employées par les odontologistes pédiatriques
pour soigner les jeunes enfants.
h
Introduction
La dentisterie conservatrice restauratrice actuelle repose sur le respect des tissus den-
taires originels
(4, 5)
; c’est une dentisterie a minima et on parle alors de microdentisterie
(minimally invasive dentistry). Les principes énoncés par Black sont évidemment remis en
cause à l’heure actuelle car le but recherché du praticien et pour le patient et de mainte-
nir la pérennité de l’organe dentaire selon des principes médicaux (tableau 1) et non de
s’inscrire dans un risque de cycle de « mort programmée » de la dent avec des principes
mécaniques.
Tableau 1 : Principes de la dentisterie « a minima »
PRINCIPES DE LA DENTISTERIE A MINIMA OU DE LA MICRODENTISTERIE
Réduction des bactéries cariogènes
Contrôle du risque carieux
Prévention
Diagnostic précoce
Reminéralisation des lésions débutantes
Acte chirurgical reporté aussi longtemps que
possible tant quil n’y a pas de cavitation
Techniques préservatrices
Ouverture chirurgicale minimale des lésions
présentant une cavitation carieuse
Cavités « tunnel » par voie occlusale « slot »
par voie proximale
Réparation, plutôt que le remplacement, des
obturations défectueuses dès que possible
Suivi des lésions
Contrôles réguliers
TaB.
1
La dentisterie restauratrice se veut la plus conservatrice possible et doit être micro inva-
sive
(1)
tout en se focalisant sur une préservation tissulaire maximale ; ceci implique une
bonne connaissance du processus carieux initial, lui-même, afin de pouvoir ensuite faire
un choix raisonné parmi les outils les plus performants mis à notre disposition pour l’exé-
rèse des tissus cariés. La dentisterie traditionnelle est basée essentiellement sur l’utili-
sation d’instruments rotatifs qui vont entrainer des préparations cavitaires souvent plus
mutilantes que la taille réelle des lésions ; il y a surtraitement. Les techniques opératoires
(5)
sont classées selon deux critères, l’un mécanique et l’autre ou non mécanique. Les tech-
niques mécaniques incluent l’éviction manuelle, l’excavation rotative que nous développe-
rons particulièrement avec les fraises céramiques, la sono-abrasion et les techniques non
mécaniques juste citées qui sont l’élimination chimio-mécanique, les méthodes enzyma-
tiques, l’air abrasion et les lasers.
Le processus carieux doit être connu pour pouvoir traiter les dents selon une approche
médicale ; on parle donc de la maladie carieuse. La carie est un phénomène infectieux qui
est dépendant de l’adhésion des bactéries de la flore buccale sur la surface amélaire. Cer-
taines de ces bactéries (Streptocoques mutans et Lactobacilles) sont acidogéniques. Elles
produisent donc de l’acide dès qu’elles métabolisent des carbohydrates fermentables is-
sus de l’alimentation du patient. A l’issue de la glycolyse, ces acides diffusent au travers de
la plaque et dans l’organe dentaire, et peuvent alors, dissoudre les phosphates de calcium
qui constituent la phase minérale de l’émail, de la dentine ou du cément.
Dans un second temps, des tampons, comme les bicarbonates, présents dans la salive,
diffusent dans la plaque et neutralisent les acides présents. Ils stoppent ainsi la fuite de
calcium et de phosphate jusqu’à la prochaine phase de production acide. A ce stade trois
situations sont envisageables. Si le processus se répète, la lésion va progresser, pouvant
éventuellement induire la formation d’une cavité qu’il faudra restaurer. Si les ingestions
de sucres sont ralenties ou stoppées par le contrôle alimentaire ou si la production d’acide
est neutralisée par l’élimination de la plaque, alors de nouveaux phosphates de calcium
peuvent reprécipiter in situ. Lévolution des lésions cesse alors et leur symptomatologie
disparaît. Si des ions fluor sont apportés par le dentifrice ou une solution de rinçage, les
phosphates de calcium qui vont recristalliser seront moins solubles à la dissolution que les
phosphates initiaux. Le développement d’une lésion carieuse sur un site dentaire résulte
directement d’une série de réactions de dissolution et de précipitation
(4)
entre les phases
minérales (tissus durs) et les phases liquides (baignant les tissus dentaires). Toutes les ca-
vitations devront être traitées pour enrayer le processus carieux. Lexérèse de la dentine ca-
riée est essentielle pour éliminer les tissus amélo-dentinaires infectés, conserver la vitalité
du complexe pulpodentinaire et permettre une compatibilité entre la dent et le matériau
de restauration. En micro-dentisterie, le praticien intervient à l’échelle tissulaire et non à
l’échelle dentaire
(2)
.
Ceci implique l’utilisation d’outils adaptés et souvent de « mini outils » pour les cavités
tunnel, slot ou de sillons.
Apport des fraises
céramiques dans
le curetage de
la lésion carieuse
DR. B. PELISSIER
UFR d’Odontologie de
Montpellier I (France)
DR. F. PARAHY
Université Internationale
de Catalogne, Barcelone
(Espagne)
DR. M. PARAHY
Université Internationale
de Catalogne, Barcelone
(Espagne)
DR E. BRUGEAUD
UFR d’Odontologie de
Montpellier I (France)
J.-C. CHAZEL
UFR d’Odontologie de
Montpellier I (France)
FIg.
1
Fig.1 : Fraise céramique et curetage de la
lésion carieuse (Pr Hervé TASSERY)
(6)
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Montpellier, une UFR dynamique
Les résultats obtenus au MEB
ne montrent pas de défauts
majeurs après 300 cycles d’uti-
lisation, ce qui est remarquable
car le nombre est 5 fois plus im-
portant que celui recommandé ;
le petit défaut observé en MEB
semble être à l’usinage initial
car il est visible sur les fraises
neuves comme sur les fraises
utilisées pour cette étude ; cela
semble nengendrer aucun pro-
blème lors du curetage de la lé-
sion. (Fig. 3 et 4)
FIg.
4
Fig.4 : Étude au MEB des fraises
céramiques K1SM de Komet et
anomalie observée avant et
après 300 cycles d’utilisation et
de stérilisation (Réalisation à
Barcelone, Catalogne, Espagne)
h
Conclusion
Il existe d’autres systèmes de so-
no-abrasion et ultrasono-abra-
sion pour le curetage de la
lésion carieuse. Ces procédés per-
mettent de réaliser des prépara-
tions cavitaires complexes type
« tunnel » ou en« entonnoir » et
des finitions. Cependant, cette
technique est à la fois alterna-
tive et complémentaire de l’ins-
trumentation rotative. Les tech-
niques non mécaniques existent
aussi comme le système de cu-
retage chimique utilisant un gel
qui permettrait d’éliminer la den-
tine infectée en la ramollissant
car le chlore actif peut s’attaquer
au collagène dénaturé des -
sions carieuses
(8)
. Le curetage par
air abrasion peut aussi être utili-
; cest une méthode qui utilise
un jet de microparticules sous
pression d’oxyde d’alumine -
langées à de l’air et de l’eau, en-
trainant une éviction rapide des
tissus infectés.
(6)
h
Étude microscopique
Une étude en microscopie électronique à balayage a été menée en col-
laboration avec l’Université Internationale de Catalogne ; l’intérêt a été
de visualiser l’usure des fraises en céramique de la Société Komet au
bout de 300 cycles d’utilisation et de stérilisation. En effet, il est im-
pératif de nettoyer ces fraises avant stérilisation avec une brossette
en nylon spécifique. En effet, l’usage de brossettes métalliques en-
traîne des rayures noires caractéristiques sur toutes les céramiques. Il
convient toujours, en regard de cette fragilité, de les stériliser dans des
sachets sans fraises métalliques, car leur frottement provoquerait des
marques et, pire, des fractures de la céramique. Pour éviter le contact
avec des fraises en métal, le stockage en séquenceurs stérilisables est
optimal. La céramique satisfait aux exigences cliniques grâce à ses ca-
ractéristiques (résistances à la compression, à l’usure ou aux produits
chimiques, et résistance à la flexion) ; ces fraises sont très intéressantes
par leur efficacité sur la dentine molle et cariée tout en épargnant les
tissus durs et sains. De plus, elles ont une grande longévité ; la Société
Komet les recommande pour une utilisation raisonnable de 60 cycles,
ce qui est 3 fois plus qu’une utilisation de fraises standard. 150 cycles
pourraient être atteints même.
FIg.
3
Fig. 3 : Étude au MEB
des fraises céramiques
K1SM de Komet après
300 cycles d’utilisation
et de stérilisation
(Réalisation à
Barcelone, Catalogne,
Espagne)
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Le Système de curetage par le
laser utilise un rayon lumineux
amplifié, étroit et précis. Ce
rayon lumineux agit comme un
« bistouri lumineux »pour réa-
liser une éviction sélective des
tissus dentaires infectés sans
toucher aux tissus sains. Le trai-
tement des caries radiculaires
des patients en cours de phase
de maintenance parodontale
semblerait être l’indication
de choix du laser par la facili-
d’accès et la présence d’une
faible quantité d’émail à ce ni-
veau. Le Système d’ozonothéra-
pie ou stérilisation de la plaie
dentinaire est utilisé pour trai-
ter les caries primaires radicu-
laires ; 10 à 20 secondes d’appli-
cation d’ozone vont permettre
une diminution significative
des Streptocoques mutans. Les
indications sont élargies aux
sillons occlusaux, caries de col-
let et désinfection de la dentine
avant obturation. Lors de l’em-
ploi de toutes ces méthodes de
dentisterie peu invasives, a mi-
nima et respectant les principes
d’économie tissulaire, il est re-
commandé d’utiliser des aides
optiques pour améliorer la visi-
bilité étant donnée la petitesse
des lésions à traiter. Les loupes
et microscopes sont de plus en
plus utilisés afin d’optimiser le
champ visuel, permettre une
ergonomie suffisante à l’ob-
tention d’une meilleure qualité
et longévité des restaurations.
Dans cette optique, il convient
de porter une attention parti-
culière aux nouveaux modes de
préparation visant à minimiser
l’agression et la perte croissante
de tissu au cours du cycle de vie
de la dent comme avec l’utilisa-
tion des fraises céramiques de
la société Komet. Cela permet
une meilleure qualité et une
prédictibilité des résultats de
traitements avec un moindre
« coût biologique »
h
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nation of residual dentine caries after
conventional mechanical caries removal with
cariosolv. Clinical Oral Investig 2001 ;5 :250-3.
Maya NASR nouvelle lauréate du prix
CNEP*/Pierre Fabre Oral Care,
avec comme sujet :
Implication de la cigarette électronique
dans la prise en charge parodontale -
conduiteà tenir face à ce phénomène
de société
Directrice de thèse :
Docteur Brenda MERTENS
(AO Montpellier)
* Collège National des Enseignants de Parodontologie
Maya Nasr à côté d’Emmanuel Savi (PFOC)
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