Notenstein La Roche Repères, mars 2016 Repères Les principaux marchés des actions n’ont pas connu pire début d’année depuis des décennies. Approchons-nous dès lors du scénario de l’«abîme rouge»? Nous observons en effet un assombrissement du contexte conjoncturel et une réduction de la marge de manœuvre budgétaire et monétaire. Pour nous, ces signaux sont la conséquence de l’avancée du scénario «patience et bidouillage» des acteurs politiques. Mais plus les indispensables réformes sont différées, plus les adaptations consécutives seront douloureuses. La dimension et la vitesses des corrections de cours depuis le début d’année ont surpris maints investisseurs, d’autant plus qu’un grand nombre de leurs causes préoccupent les mar­ chés depuis un certain temps déjà. On se doute depuis long­ temps que la Chine va au-devant d’une phase de ralentisse­ ment en raison du degré de maturité accru de son économie. Les bas prix record du pétrole et la question de savoir s’ils soutiennent la conjoncture mondiale ou la pénalise à cause du recul des investissements sont loin d’être inconnus. La nouveauté, par contre, c’est que les mesures des ac­ teurs publics ont récemment plutôt déstabilisé les citoyens que contribué à apaiser les marchés. De la question si la Fed a correctement évalué les conditions avant de relever les taux pour la première fois en huit ans, en passant par la com­ munication malheureuse du nouveau régime monétaire et boursier de la Chine jusqu’à l’introduction inefficace ou presque de taux négatifs au Japon, la confiance dans les insti­ tutions publiques semble ébranlée et la foi aveugle dans le pouvoir des banques centrales envolée. Pourtant, nous ne pensons pas être menacés par l’«abîme rouge». Celui-ci serait caractérisé par une perte d’efficacité totale des mesures de relance publiques, une récession sé­ vère ainsi qu’une perte de confiance dans la valeur de l’argent. Ces critères ne sont en majeure partie pas remplis. Car en dépit d’anticipations de croissance moroses et de ­l’influence décroissante des impulsions monétaires, cette insécurité profite précisément aux débiteurs publics et à l’argent comptant. Les rendements des emprunts de débi­ teurs d’Etat solides flirtent ainsi de nouveau avec leurs ­planchers historiques, tandis que la demande d’argent li­ quide à titre de valeur refuge augmente sans relâche depuis des années; le nombre de billets de mille francs suisses a par exemple augmenté de près de 90 % entre 2000 et 2014. Il semble toutefois que les banques centrales des EtatsUnis et de l’Europe n’ont pas encore abattu toutes leurs cartes. De plus, les dernières corrections ont ramené les valorisations des actions à des niveaux attrayants. En com­ paraison avec d’autres classes d’actifs, les actions tirent bien leur épingle du jeu grâce à des rendements de dividende ­élevés. C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre optimisme prudent à leur égard. Les récentes turbulences du marché devraient néanmoins servir d’avertissement aux politiciens et les convaincre de procéder avec détermination aux indispensables réformes structurelles ainsi que de prendre des mesures en faveur de la croissance. Tant qu’ils ne le feront pas de manière crédible, les marchés resteront sujets à une volatilité accrue. Fabian Dori Président du Comité de placement Clientèle privée –1– ­Silvan Schriber Suppléant du président du Comité de placement Clientèle privée Notenstein La Roche Repères, mars 2016 Marchés des actions: redressement en vue? Turbulences boursières en Chine, prix du pétrole en chute libre, inquiétudes croissantes au sujet de la conjoncture américaine et, récemment, craintes d’une nouvelle crise ban­ caire: voilà le menu du pire début d’année de tous les temps pour un grand nombre de marchés des actions. Pendant les six premières semaines de négoce, le SMI suisse a ainsi dé­ vissé de 13,2 %, tandis que l’indice Euro Stoxx 50 reculait de 15,7 % et l’indice américain S&P 500 de 8,8 %. Ces chutes drastiques ont pesé lourdement sur l’humeur des opérateurs de marché; le camp des perdants est désor­ mais majoritaire et la communauté des analystes commence à corriger à la baisse ses objectifs de cours pour la fin de l’année. Du point de vue de l’analyse technique, les marchés sont en revanche nettement survendus, ce qui augmente les chances d’assister à un redressement à court terme, lequel pourrait persister cette fois-ci au-delà de quelques jours. Comme les cours intègrent désormais nombre de nouvelles négatives, quelques petites surprises positives suffiraient à inverser la tendance. Faible début d’année Inversion de tendance probable à court terme a­ près avoir suivi une tendance haussière pendant des années. Les volumes des programmes de rachat d’actions et les tran­ sactions de fusion et acquisition pourraient eux aussi avoir atteint leur point culminant et perdre de leur influence com­ me moteur de performance. Enfin, la situation des liquidités sur les marchés s’est péjorée à la suite du resserrement de la politique monétaire par la Fed et de la hausse des primes ­liées au risque de crédit du côté des obligations d’entreprise. D’ailleurs, le niveau de valorisation des actions a baissé et encore gagné en attrait par rapport notamment au segment à taux fixe. Aussi les actions restent-elles une classe d’actifs pratiquement sans alternative. Néanmoins, compte tenu du cadre peu favorable, les valorisations des actions ne sont pas forcément avantageuses d’un point de vue absolu et leur marge de progression est limitée. Ces prochains mois, le contexte boursier pourrait rester difficile et les marchés volatils. Pour toutes ces raisons, il est indiqué de donner une orientation défensive aux porte­ feuilles tout en mettant l’accent sur des valeurs intrinsèques à fort dividende. Taux: la descente se poursuit Marchés des actions indexés 105 100 95 90 85 80 01.01.16 SMI 16.01.16 EURO STOXX 50 31.01.16 15.02.16 S&P 500 Source: Bloomberg, données au 18.02.2016 A moyen terme, les perspectives des marchés des actions res­ tent toutefois contrastées. Quelques inquiétudes demeurent certes exagérées, à l’instar des discussions quant à une nou­ velle crise bancaire: les banques sont aujourd’hui mieux capi­ talisées qu’à l’époque de la crise financière, le fonctionne­ ment des marchés monétaires est jusqu’ici irréprochable et, enfin, les banques centrales disposent de divers plans de sau­ vetage en cas de besoin. Pourtant, en comparaison avec les années précédentes, les conditions fondamentales pour les actions se sont récemment dégradées. En 2016, les bénéfices des entreprises pourraient dès lors sensiblement reculer, Les banques centrales pourraient continuer d’être à la base de fluctuations sur les marchés financiers. Ces dernières années, elles ont régulièrement tenté de soutenir les marchés des actions ou d’affaiblir des devises à l’aide d’injections monétaires diverses ou de communications verbales. Or la demi-vie de leurs exercices d’assouplissement monétaire ne cesse de se raccourcir. Ainsi, l’effet de l’introduction de taux négatifs par la Banque du Japon à fin janvier s’est es­ tompé en très peu de temps: l’indice des actions japonaises, le Nikkei, a poursuivi son recul dès le lendemain, tandis que le yen n’a cessé de se raffermir au cours des dernières semai­ nes. La Riksbank suédoise, qui a encore abaissé ses taux ­directeurs à –0,5% il y a deux semaines, n’a réussi à affaiblir la couronne suédoise que le temps de quelques heures. Pourtant, même si l’efficacité d’une politique monétaire ultrasouple apparaît plus que douteuse, les banques cen­ trales devraient maintenir ce cap. Mario Draghi a déjà laissé entendre qu’il fallait s’attendre prochainement à de nou­ velles actions de la Banque centrale européenne (BCE) vu les taux d’inflation toujours trop bas dans la zone euro. Une nouvelle baisse du taux de rémunération des dépôts ainsi qu’une prolongation du programme de rachat de titres sont presque une affaire conclue pour la prochaine séance de la BCE en mars. –2– Notenstein La Roche Repères, mars 2016 Les taux négatifs se démocratisent Aucune fin en vue pour la spirale baissière Taux directeurs 4% 3% 2% 1% 0% –1% 2009 2010 Zone euro Japon 2011 2012 Suisse Etats-Unis 2013 Suède 2014 2015 2016 Danemark Source: Bloomberg, données au 18.02.2016 Qu’en est-il aux Etats-Unis? La Fed a mis fin à sa politique de taux bas en décembre et, en relevant ses taux pour la pre­ mière fois en presque dix ans, ouvert la voie à une augmen­ tation graduelle de ces derniers. Deux mois plus tard, il sem­ ble qu’elle doive déjà classer ce projet car, entre-temps, le secteur industriel – où les indicateurs avancés pointaient de­ puis longtemps vers un net fléchissement – n’est plus seul à piétiner. Les données du secteur des services, jusque-là assez robustes, se sont elles aussi tassées. Sur les marchés des taux, les attentes en faveur de nouveaux relèvements des taux di­ recteurs ont déjà sensiblement reculé à la suite des données macroéconomiques essentiellement moroses des dernières semaines. En cas de nouveau fléchissement de la dynamique économique aux Etats-Unis, la Fed pourrait s’accorder une pause prolongée après son premier relèvement de taux déjà, voire revenir prochainement en arrière. Pour l’heure, nous ne tablons pas sur une récession aux Etats-Unis. La consom­ mation privée, c’est-à-dire la principale source de croissance, continue d’être soutenue par une saine confiance des con­ sommateurs et un marché du travail robuste. fait l’objet d’une surenchère, d’où la probabilité d’une pro­ chaine correction. Compte tenu de la croissance mondiale atone, des taux de renchérissement faibles et de la tendance expansionniste des banques centrales, les taux ne grimperont pas indéfiniment, même dans la partie longue de la courbe. Les cartes seront également redistribuées sur les mar­ chés des devises en raison de l’impasse dans laquelle se trouve le processus de relèvement des taux de la Fed. Ces deux dernières années, le dollar a profité de la perspective de taux US plus élevés et n’a cessé de s’apprécier tant vis-àvis des devises des pays émergents que du franc suisse et de l’euro. Cette voie à sens unique arrive progressivement à terme. Les écarts de taux évoluent désormais en défaveur du billet vert, tandis que les balances courantes traditionnelle­ ment meilleures des devises européennes gagnent en im­ portance. Au final, cette situation devrait conduire en cours d’année à une évolution latérale plus volatile des paires EUR/USD et USD/CHF. La tendance haussière du dollar US par rapport à ces devises semble toutefois être révolue. Le cours de l’or devrait lui aussi bénéficier de la perte de vitesse du dollar. En huit semaines seulement, il a passé de USD 1’050 à USD 1’260 l’once à son plus haut. Si la perspec­ tive de taux bas à plus long terme a également soutenu le métal jaune, la demande en or a récemment augmenté tant du côté de l’industrie asiatique de la bijouterie que de celui des fonds de matières premières. De surcroît, les banques centrales ont augmenté leurs achats d’or de 25% au qua­ trième trimestre 2015. Et enfin, son prix a tiré parti de l’aver­ sion accrue au risque et de la hausse de la volatilité sur les marchés financiers. De ce fait, l’or a une fois de plus rempli son rôle de diversification au sein du portefeuille et devrait continuer de trouver sa place dans une allocation d’actifs orientée sur le long terme. Envolée du prix de l’or Le métal jaune profite des taux bas et des marchés volatils Cours de l’or par once 1’300 Or et obligations: surchauffe à court terme 1’200 Cette évolution rend la fin des taux bas dans le monde en­ core plus inaccessible. Sur les marchés des obligations, cette situation a déclenché un rallye impressionnant en début d’année, qui se poursuit aujourd’hui encore. Les rendements des emprunts d’Etat US à 10 ans sont ainsi passés de 2,3 % à 1,6 %. Ceux des Etats allemand et suisse se négociaient dé­ but février à proximité de leur plancher de l’année dernière. Contrairement aux marchés des actions, les obligations ont 1’100 1’000 900 01.2015 USD 07.2015 CHF EUR Source: Bloomberg; données au 18.02.2016 –3– 01.2016 Notenstein La Roche Repères, mars 2016 Eclairage La banque privée Notenstein La Roche organise régulière­ ment des évènements sur des thèmes d’actualité qui ont trait à l’économie, à la politique et à la société. En ce moment, nous parcourons la Suisse avec notre conférence «Perspec­ tives 2016», qui analyse le lien entre négoce et croissance dans le monde à l’exemple des routes commerciales interna­ tionales. Nous souhaitons vous présenter ci-après le message principal de la manifestation. Perspectives 2016: à économie interconnectée, monde complexe Impossible d’évoquer l’évolution du commerce international des marchandises sans faire référence à la Chine. Il y a dix ans encore, le produit intérieur brut de l’Empire du Milieu était plus de cinq fois moins élevé que celui des Etats-Unis. En 2014, il prenait la tête du classement mondial, en parité de pouvoir d’achat. Les volumes de négoce américains ont été dépassés en 2013 déjà, faisant de la Chine la première puissance économique mondiale. La Chine est aujourd’hui l’un des principaux investisseurs dans des projets d’infrastructure de portée géopolitique. Sur mer comme sur terre, L’Empire du Milieu poursuit l’idée d’une «nouvelle route de la soie». Celle-ci tire son nom du ré­ seau commercial légendaire qui, de l’Antiquité au Moyen Age, a permis non seulement l’échange de marchandises, mais aussi la diffusion de technologies et des cultures entre l’Orient et l’Occident. Le projet actuel prévoit un réseau de diverses voies de transport, des axes routiers et ferroviaires à la créa­ tion d’une infrastructure de télécommunication moderne, en passant par le développement de ports et de barrages. Au-delà des grands projets chinois, les investissements vont également bon train dans l’infrastructure commerciale: récemment, l’Egypte célébrait la réouverture du canal de Suez élargi et approfondi, et, d’ici à 2020, Dubaï aura construit le plus grand aéroport du monde, l’aéroport international Al Maktoum. Avancée de l’interconnexion physique et numérique Les débats réduisent bien souvent l’interconnexion phy­ sique et numérique croissante de l’économie mondiale à la croissance économique. Cette schématisation fait facilement ­oublier d’autres effets de la mondialisation: les évolutions socio­économiques et les déplacements de pouvoir géopoli­ tiques, pour n’en citer que deux. La locomotive chinoise en particulier arrive progressivement aux limites économiques et écologiques de son potentiel de croissance. Dans leur ­effort pour relancer la conjoncture, les pays occidentaux s’endettent toujours davantage. Certes les investissements dans de futurs moteurs de croissance, comme les projets d’infrastructure susmentionnés, peuvent être pertinents, mais les dépenses pour relancer la consommation (pro­ grammes conjoncturels européens et plans de sauvetage) n’offrent que peu de contre-valeur réelle à plus long terme. Ce qui, avec un peu de bon sens, paraît évident au premier coup d’œil, est au cœur d’intérêts politiques complexes sur le plan économique mondial. L’équation «plus d’inter­ connexion, plus de commerce, plus de croissance et de ­prospérité» est donc ostensiblement réductrice. Des scénarios pour un monde imprévisible Pour faire face à cette complexité croissante, Notenstein La Roche adopte une approche par scénarios. En période de bouleversement, les scénarios présagent les développe­ ments les plus vraisemblables et les plus dangereux, et nous orientent dans la conception de notre politique de ­placement. Que signifient concrètement ces considérations pour vous, en tant qu’investisseur? D’une part, il est possible d’in­ vestir de manière ciblée dans des secteurs qui sont active­ ment impliqués dans la mondialisation de l’économie. Les entreprises du domaine des infrastructures et du transport ou les prestataires de services numériques sont particulière­ ment attrayants. D’autre part, vu l’incertitude ambiante, la répartition du portefeuille dans divers secteurs et classes d’actifs reste importante et nous permet d’être préparés au mieux aux différentes évolutions. Nous sommes là pour vous aider à catégoriser les changements économiques et à prendre les décisions de placement opportunes. Impressum Edition Notenstein La Roche Repères, mars 2016 Editeur Notenstein La Roche Banque Privée SA, Bohl 17, Case postale, CH-9004 Saint-Gall, [email protected], www.notenstein-laroche.ch Rédaction Oliver Hackel, responsable Recherche macro et TAA; Beda Oertig, communication d’entreprise Service aux lecteurs Vous pouvez nous faire part de vos réactions ou commander l’une de nos publications en ligne au moyen du formulaire mis à votre disposition sur www.notenstein-laroche.ch/contact, ou par courrier postal. Le présent document paraît tous les deux mois, en même temps que le Dialogue avec Notenstein La Roche, publication dans laquelle des experts de notre Banque débattent de grandes tendances économiques et sociales avec une personnalité du monde économique ou scientifique. Notenstein La Roche Banque Privée SA édite également Focus Asie, un document de fond sur le continent asiatique. Mention légale Les informations contenues dans le présent document sont fournies à titre purement informatif et ne constituent en aucun cas un prospectus simplifié au sens de l’art. 5 al. 2 LPCC. Nous nous tenons en outre à votre disposition pour tout renseignement complémentaire aux numéros de téléphone suivants: +41 21 313 26 26 (Lausanne) ou +41 22 307 21 21 (Genève). ISSN 2297-6701 –4–