Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 37 rue des Volontaires 75725 Paris cedex 15
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D : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Lucie Pacherie - I : PRD S.A.R.L. - N° ISSN 1627.498
Selon le conseil des ministres du 7 mai dernier : la proposition de loi levant l’interdiction de la recherche sur l’embryon reviendra au Par-
lement avant l’été. Bien que rien ne soit encore inscrit dans le calendrier, il faut donc veiller. Parallèlement, comme pour s’y habituer, les
eets d’annonce sur l’embryon continuent et pourraient faire l’objet d’une récupération politique en France. Ce contexte est l’occasion de
mentionner la mobilisation européenne UN DE NOUS qui permet de sortir de l’anesthésie des promoteurs de la recherche sur l’embryon.
Interview d’Albert Barrois, blogueur scientique7.
Recherche sur l’embryon, la saga continue
G : La revue Cell8 a publié la « découverte»
de scientiques américains armant avoir
réussi à créer des cellules souches embryon-
naires par clonage thérapeutique. Pouvez-
vous nous éclairer sur cette annonce, d’un
point de vue scientique et éthique ?
A.B. : Ces chercheurs ont fait chez l’homme
ce qui avait été fait avec la brebis Dolly : in-
troduire un noyau déjà formé dans un ovule
dont on avait enlevé le patrimoine géné-
tique. Il s’agit d’un clonage, c’est-à-dire
de la création d’un vrai jumeau, mais à des
années d’écart. Se reposent donc toutes les
questions et les problèmes soulevés pen-
dant la décennie précédente. Ces embryons
seront créés dans l’unique but d’être détruits
pour en extraire les cellules souches après
10 ou 15 jours de développement in vitro.
Le fantasme ultime de ces manipulations
est connu : on espère créer des clones pour
générer des « pièces de rechange » parfaite-
ment compatibles 1.
Il faut aussi évoquer les femmes qui vont être
conduites à donner ou vendre des ovules. La
procédure est dangereuse, douloureuse et
peut entraîner une stérilité : elle exige un
traitement hormonal lourd puis l’introduc-
tion d’une aiguille à travers la paroi vaginale
pour récupérer les ovules. Que des hommes
en blouses blanches puissent proposer cela
à des femmes reste un mystère… Comme le
fait justement remarquer une collègue blo-
gueuse américaine, si les hommes devai-
ent donner leurs spermatozoïdes dans les
mêmes conditions ces recherches seraient
encore de la science-ction ! On ne peut
d’ailleurs que s’étonner du lobbying actuel
en faveur de la vitrication ovocytaire qui
suggère que certains proteront de l’au-
baine pour obtenir des ovules à peu de frais
: on vous en stocke quelques uns et on garde
le reste pour la recherche…
G : Deux jours plus tard, c’est la société
américaine ACT qui a annoncé la « guéri-
son » d’un patient par le biais des cellules
souches embryonnaires humaines. Qu’en
pensez-vous ?
A.B. : Cette « guérison » a été annoncée par
Robert Lanza, le patron d’ACT, protant de
la caisse de résonance de l’annonce du pre-
mier clonage humain. Mais on ne sait même
pas de quelle maladie ce patient sourait, ni
si les deux yeux étaient atteints, et surtout
aucune preuve n’a été apportée. Si c’est
conrmé c’est évidemment un événement
majeur car il serait le premier patient guéri
par une thérapie cellulaire à base de cel-
lules souches embryonnaires humaines. On
peut cependant remarquer qu’il n’y aurait à
ce stade qu’une guérison sur plus de vingt
patients traités : on est loin d’un succès pro-
bant et rien ne prouve que ce traitement n’in-
duit pas de complications, ce qui est l’objec-
tif de la première phase d’un essai clinique.
G : Ces deux annonces sont donc à prendre
avec prudence, comme souvent pour les
découvertes sur l’embryon. Cependant les
publications sur les cellules souches ne
concernent pas que l’embryon, avez-vous
connaissance d’annonces dans le domaine
de la thérapie cellulaire non embryonnaire,
ou des cellules iPS ?
A.B. : Les cellules souches adultes gué-
rissent des milliers de malades chaque
année, surtout les cellules souches héma-
topoïétiques qui se trouvent dans la mœlle
osseuse ou dans le sang de cordon. On
commence aussi à savoir utiliser d’autres
cellules comme les cellules souches mé-
senchymateuses. Et plusieurs patients ont
reçu une trachée reconstituée à partir de
cellules souches adultes. Mais il y a surtout
l’immense espoir que représentent les cel-
lules iPS de Yamanaka qui permettent de
modéliser de très nombreuses maladies
et ne provoqueraient aucun rejet dans un
cadre thérapeutique. Impossible de citer
ici tous les travaux de modélisation, mais
les résultats les plus récents touchent la
sclérose latérale amyotrophique (aussi
connue comme la maladie de Charcot ou
maladie de Lou Gherig) ou la trisomie 212.
Pour ce qui est des essais cliniques les
japonais sont les plus en avance et lance-
ront dans les mois qui viennent le premier
essai clinique à base des cellules iPS pour
guérir la même maladie que l’essai initié
par ACT à partir de cellules souches em-
bryonnaires. Cet essai sera supervisé par
Masayo Takahashi du Centre de Biologie
du Développement de Kobé au Japon.
G : Pensez-vous que la « découverte » sur
le clonage dit thérapeutique et celle de la
société ACT auront un impact sur la scène
politique ?
A.B. : C’est bien sûr possible mais le clo-
nage humain reste techniquement très
complexe et il faudra beaucoup d’ovules
pour faire ces expériences. Quant à la «
guérison » évoquée elle n’est pas conr-
mée à ce jour et tout chercheur ou po-
litique un tant soit peu sérieux restera
très prudent face à cette annonce pour le
moment. Si elle devait être exploitée cela
manifesterait une fébrilité certaine et une
absence confondante d’argument sérieux.
En tout état de cause cela ne changerait
rien à l’objection fondamentale qu’un em-
bryon n’est pas un matériau de laboratoire
et qu’il ne devrait jamais être sacrié sous
prétexte de progrès scientique.
1- « Le clonage thérapeutique est encore plus grave [que le clonage reproductif]
au plan éthique ». Dignitas Personæ, §30. La question du clonage reprodutif,
pas encore d’actualité, n’est pas abordée ici.
2- voir le blog pour plus de détails.
Mobilisation UN DE NOUS pour protéger l’embryon
En Europe, les citoyens se mobilisent pour signer l’Initiative Citoyenne Européenne UN DE NOUS. L’enjeu : stopper le nancement par l’Union eu-
ropéenne des programmes conduisant à la destruction d’embryons humains. En réunissant 1 million de signatures, la Commission européenne
aura l’obligation de reconsidérer le nancement de la recherche sur l’embryon et de tout programme menaçant l’être humain dès sa conception.
Cette initiative portée en France par Alliance VITA, la Fondation Jérôme Lejeune, les Associations Familiales Catholiques et le Comité Protestant
évangélique pour la Dignité Humaine doit réunir 60 000 signatures d’ici cet été. Pour signer la pétition : www.undenous.fr
7. http://albertbarrois.blogspot.fr/
8. Publication 15 mai 2013 “Human Embryonic Stem Cells Derived by Somatic Cell Nuclear Transfer” http://www.cell.com/fulltext/S0092-8674(13)00571-0