Le fardeau de la dette des états-unis : bleu, blanc et à l`encre rouge

RBC Gestion mondiale d’aCtifs
Les années 1990 ont été une décennie d’effervescence.
Grâce à l’essor économique mondial et à une certaine
prudence budgétaire, le gouvernement fédéral des États-
Unis a réussi à rétablir l’équilibre budgétaire, son fait
d’armes ayant été quatre glorieuses années d’excédents
de 1998 à 2001. En l’an 2000, la course à la présidence
avait donné lieu à des disputes quant à ce que chacun
ferait du torrent de liquidités qui allait se déverser dans
le Trésor. Le marché obligataire s’inquiétait de son destin
une fois payé le dernier créancier des États-Unis.
Telles étaient les difficultés en ces temps plus faciles. Il
va sans dire que la dernière décennie a été beaucoup
plus cruelle. Après une bulle des titres technologiques,
deux guerres et une crise du crédit, les excédents
réalisés par le gouvernement américain ont depuis
longtemps été remplacés par des déficits, qui ont
engendré un alourdissement du fardeau de la dette,
lequel a maintenant contribué à l’abaissement de la
cote de solvabilité. Au début du mois d’août, la cote de
solvabilité des États-Unis, qui s’était longtemps maintenue
à AAA, a été ramenée au niveau modeste de AA+.
Les conséquences de l’abaissement de la cote
Un abaissement de la cote de solvabilité de la dette
souveraine des États-Unis, qu’est-ce que cela signifie ?
Mis à part une réaction instinctive du marché se traduisant
par une chute des cours boursiers et une réduction des taux
obligataires, les conséquences semblent s’annoncer
assez négligeables.
Le riche investisseur Warren Buffet a affirmé qu’il donnerait
aux États-Unis un « quadruple A » s’il le pouvait. Hélas, il
n’a pas l’autorité voulue. Mais il est intéressant de souligner
que les trois agences de notation continuent d’accorder
la plus haute note aux titres d’emprunt à court terme des
États-Unis. Et même deux des trois titres d’emprunt à long
terme des États-Unis ont conservé un triple A. Parmi ces
agences, Fitch persiste à juger neutres les perspectives
pour les États-Unis, signalant ainsi l’absence d’un risque
particulier de dégradation ultérieure. Cependant, Moody’s
perçoit un risque d’abaissement, mais l’évalue à 1 sur 3
au cours des deux prochaines années. Par contre, avant
d’abaisser la note du pays, Standard and Poor’s (S&P)
avait évalué à 50 % le risque d’un autre abaissement dans
les trois mois suivants. Essentiellement, aucune autre
révision à la baisse ne semble imminente, du moins
jusqu’au rapport du groupe bipartite à l’automne. Bien des
investisseurs – même parmi ceux qui sont liés aux
termes de mandats spécifiant une note minimale –
considèrent toujours les titres de créance américains
comme étant un investissement de niveau triple A.
On a constaté dans le passé que, mathématiquement,
le passage d’une note AAA à une note AA s’accompagne
normalement d’une hausse de 25 points de base du
coût de financement à 10 ans. Aux États-Unis, l’effet
Le fardeau de la dette des états-unis :
bleu, blanc et à l’encre rouge
Eric Lascelles
Économiste en chef
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
NUMÉRO 8 AOÛT 2011
POINTS SAILLANTS
La crise liée au plafond de la dette du gouvernement américain et la réduction de la cote de solvabilité
des États-Unis ont souligné la nécessité de recourir à des mesures d’austérité budgétaire.
Les décideurs politiques doivent trouver des moyens de réaliser des économies d’au moins 5 billions
de dollars durant la prochaine décennie, un défi de taille exigeant à la fois des réductions de
dépenses et des hausses d’impôts, de même que des modifications des programmes de dépenses
discrétionnaires et d’admissibilité aux prestations.
Pour le moment, la classe politique est peu désireuse d’agir en ce sens, mais les pressions des agences
de notation et un changement dans l’opinion publique pourraient contribuer à faire avancer les choses.
Les mesures d’austérité budgétaire devraient réduire la croissance économique de 1 % en 2012 et
mettre en péril une reprise déjà fragile.
REPÈRES ÉCONOMIQUES
Vue d’ensemble pour les investisseurs
2 | RepèRes éConomiques
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de cette rétrogradation devrait être encore moindre, et
cela pour deux raisons. D’abord, la note a été abaissée
à AA+ et non à AA, et par une seule agence de notation.
Ensuite, le dollar US jouit d’un statut particulier, car il
est la monnaie de réserve mondiale. Cela confère aux
États-Unis de nombreux avantages, dont la capacité
d’accumuler une dette anormalement élevée (ou de subir
une révision à la baisse de la qualité de sa dette) sans trop
de conséquences. Il est encourageant de constater que
la dette des États-Unis a toujours la cote la plus élevée
des trois plus importantes économies mondiales. Il en
va de même pour le statut de son marché obligataire,
qui compte toujours parmi les trois premiers dans le
monde (figure 1). L’Amérique reste le leader mondial.
Sur le marché obligataire, aucun des points chauds
habituels que sont le marché monétaire, le marché des
mises en pension, le marché de financement des banques
et celui des titres d’organismes gouvernementaux
n’a un tant soit peu manifesté de signe de détresse.
Essentiellement, l’abaissement de la cote de la dette
devrait avoir peu de conséquences négatives persistantes.
Les raisons de la dégradation
Nous estimons que trois facteurs ont provoqué cette
révision à la baisse. Premièrement, le climat économique
s’est quelque peu assombri : les récentes révisions ont
révélé que la récession avait été plus grave que ce qui
avait auparavant été constaté ; la reprise économique
semble hésitante ; et les perspectives se sont détériorées.
Deuxièmement, les États-Unis sont aux prises avec un très
grave dysfonctionnement politique. Troisièmement, les
niveaux d’endettement de l’État montent rapidement.
Le dysfonctionnement politique
Selon S&P, l’agence de notation qui a pris l’initiative
d’abaisser la cote de solvabilité des États-Unis : «...les
tergiversations politiques des récents mois soulignent
que la gouvernance et l’établissement des politiques aux
États-Unis deviennent moins stables, moins efficaces et
moins prévisibles que nous le pensions auparavant. » Si les
choix appropriés ont finalement été faits lors de l’adoption
tardive de la loi qui a permis de relever le plafond de
la dette et d’éviter la défaillance technique, l’attitude
imprévoyante des politiciens représente certainement le
risque le plus grand qui pourrait empêcher un retour de
la situation financière et budgétaire des États-Unis sur la
voie de la viabilité. Pour illustrer à quel point les enjeux
politiques se situent au cœur du problème, signalons que
le Royaume-Uni et la France ont réussi à conserver leur
note triple A malgré une dette plus lourde (figure 2) et des
perspectives de croissance économique aussi ternes.1
Les freins et les contrepoids si essentiels au système
politique américain ont bien servi le pays tout au
long de son illustre histoire. Le système bicaméral
et ses particularités américaines sont de nature à
empêcher régulièrement l’adoption de lois, mais
cela est souvent bénéfique, car les lois bâclées sont
ainsi évitées. Il est difficile de contester le succès
1 Le Royaume-Uni a déjà mis en œuvre des mesures d’austérité budgétaire ; la France
a été moins prompte et elle risque aussi de subir un léger abaissement de sa note, à
moins qu’elle ne remédie à la situation.
Figure 2 :
La décote des É.-U. s’explique par un dysfonctionnement
politique et non par l’endettement du pays
Nota : L’endettement correspond à la dette brute du gouvernement central (selon
l’OCDE), qui équivaut à la dette publique du CBO.
Sources : CBO, OCDE, FMI, RBC GMA
69 % 70 %
92 %
0
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40
60
80
100
É.-U. France R.-U.
Ratio dette/PIB (%)
Figure 1 : Les États-Unis dominent toujours
Sources : Bloomberg, RBC GMA
les tRois pRinCipales éConomies mondiales
Pays Cote de la dette (S&P)
É.-U. AA+
Chine AA-
Japon AA-
LES TROIS PRINCIPAUX MARCHÉS OBLIGATAIRES MONDIAUX
Pays Cote de la dette (S&P)
É.-U. AA+
Japon AA-
Italie A+
RepèRes éConomiques | 3
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des États-Unis, qui restent sans conteste le moteur
de l’innovation économique de la planète.
Toutefois, la dernière volute de fumée nocive projetée par
le Congrès n’a pas été bénéfique. Elle a grandement terni
la réputation de l’Amérique et la confiance du public dans
l’économie. Le dysfonctionnement politique semble avoir
empiré ces dernières années. Le relèvement du plafond de
la dette, qui se faisait couramment tous les ans ou tous les
deux ans – réalisé 38 fois depuis 1980 généralement sans
difficulté (figure 3) – a récemment dégénéré en bataille
partisane épique.
En toute franchise, ce phénomène de dysfonctionnement
n’est pas une particularité des États-Unis. Les politiciens
européens n’ont pas fait beaucoup mieux ces dernières
années avec leurs disputes au sujet des renflouements.
À leur décharge, ils sont coincés dans une union
monétaire imparfaite, et on leur demande de venir en
aide non pas à leurs compatriotes mais à des partenaires
internationaux. Qui plus est, ils le font, quoique mal.
Alors, quel facteur fait en sorte qu’il est si difficile pour
leurs cousins américains d’exécuter une opération – le
relèvement du plafond de la dette – techniquement si
simple ? Les divisions au sein du Congrès ne facilitent
pas les choses : les républicains ont la main haute sur la
Chambre des représentants tandis que les démocrates
dominent le Sénat et la Maison-Blanche. Pour compliquer
le tout, les républicains sont eux-mêmes divisés, car ils
ont à composer avec une aile radicale qui demande un
allègement de l’État et un maintien des impôts à leurs
niveaux actuels, et elle semble disposée à mettre en péril
l’économie pour arriver à ses fins. On pourrait arguer que
le découpage tendancieux de la carte électorale a favorisé
les candidats les plus radicaux et provoqué une raréfaction
des politiciens modérés disposés à faire des compromis.
Mais fondamentalement, le court cycle électoral de
deux ans auquel est assujettie la chambre basse de
même que les lois laxistes sur le financement des
campagnes électorales empêchent de voir les problèmes
à long terme et créent une dépendance à l’égard
du financement des groupes d’intérêts particuliers,
qui accroissent ainsi leur influence électorale.
Les politiciens ont donc réussi à relever le plafond de la
dette le 2 août, mais ils y sont arrivés en ayant recours
au dénominateur commun le plus bas, de sorte que peu
de choses ont été faites pour stabiliser la dynamique
Figure 4 : Les États-Unis sont davantage tributaires du marché des
titres de créance que la plupart des autres pays
Nota : On désigne les besoins en financement bruts comme la valeur des obligations
à émettre, et ils dépendent à la fois de la taille du déficit et de l’échéance moyenne du
stock de titres de créance.
Sources : Bloomberg, FMI
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19
19
20
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24
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56
0 10 20 30 40 50 60
Allemagne
R.-U.
Canada
Espagne
Irlande
France
Portugal
Italie
Grèce
É.-U.
Japon
Besoins de financement bruts en % du PIB pour 2011
Figure 3 : Le plafond de la dette est relevé fréquemment
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2
4
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8
10
12
14
16
80 82 84 87 89 92 94 96 99 01 04 06 09 11
Titres du Trésor américain en circulation
(en billions de dollars)
Chaque point représente une autorisation législative visant à relever le plafond de la
dette des États-Unis.
Sources : Trésor américain, RBC GMA
de l’endettement, et la confiance dans la capacité des
politiciens de le faire s’en est trouvée diminuée.
La hausse de la dette
Le troisième facteur qui a mené à un abaissement de
la cote de solvabilité des États-Unis est la tendance
des finances du gouvernement américain. Pour une
troisième année consécutive, les États-Unis s’enfoncent
dans un déficit avoisinant les 10 % du PIB. Pour placer
les choses en perspective, ce déficit est deux fois plus
important que le pire de la difficile période des années
1980 sur le plan financier, et de loin le plus gros depuis
la Seconde Guerre mondiale. Par rapport à ceux de
pays comparables, ce déficit est énorme ; il surpasse
celui du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France
4 | RepèRes éConomiques
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et même celui du quatuor de nations en difficulté
que forment la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie.
Seuls ceux du Japon et de l’Irlande s’en approchent.
Comparativement à d’autres pays, les États-Unis ont
aussi des besoins de financement anormalement élevés
(figure 4). Ils doivent donc émettre plus d’obligations
que tout autre pays à l’exception du Japon, compte tenu
de la dimension de leur économie. Cela s’explique par
l’importance du déficit et l’échéance de la dette, qui est
plus courte que la moyenne. Ces facteurs rendent les États-
Unis plus susceptibles de subir une période temporaire de
mécontentement du marché. L’échéance moyenne des
bons du Trésor y est de 5,3 ans, alors qu’elle est de 7,3 ans
en France et d’une durée enviable de 13,8 ans au R.-U.
Aux États-Unis, contrairement au Japon, les ménages et
les entreprises sont incapables de financer complètement
les emprunts de leur gouvernement. Les investisseurs
étrangers possèdent donc un peu plus de la moitié des
titres du Trésor américain détenus par le public – un talon
d’Achille frustrant pour un pays autrement si puissant. Le
fait que la Chine – un pays alternativement perçu comme
un ami et un adversaire étant donné les liens économiques
approfondis et les ambitions géopolitiques potentiellement
incompatibles – en détienne plus que tout autre pays
étranger (environ 12 % au total) est loin d’être l’idéal.
Heureusement, le fardeau de la dette du gouvernement
américain n’était pas exagérément lourd lorsque ce
sombre épisode a commencé – et c’est la principale raison
pour laquelle les États-Unis sont beaucoup moins en
péril que la plupart des pays périphériques d’Europe.2
Mais la taille de la dette du gouvernement américain a
pris de l’expansion depuis et sa dimension est évaluée
par de nombreuses organisations et méthodologies. Ici,
nous nous intéressons uniquement à la dette fédérale
et n’examinons que la dette détenue par le public (à
l’exclusion de celle que le gouvernement a contracté
envers lui-même sous la forme notamment des titres
du Trésor détenus par le Social Security Trust Fund). Le
ratio dette/PIB qui en résulte s’établit à 69 %. Au départ,
ce ratio semblait peu inquiétant. Mais il a doublé en
l’espace de quatre ans – une vitesse insoutenable.
2 Les États-Unis sont aussi capables d’enregistrer une croissance économique plus
vigoureuse, et le fait qu’ils ont une économie souterraine relativement restreinte
devrait accroître l’efficacité des mesures d’austérité gouvernementale annoncées.
Figure 6 : Le ratio dette/PIB des États-Unis gonfle en l’absence de
mesures d’austérité
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100
1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020
Ratio dette/PIB (%)
PRÉVISION
Dernier relevé en 2021
Sources : OCDE, autre scénario budgétaire du CBO (politique actuelle), RBC GMA
L’avenir s’annonce encore pire. Certes, le déficit devrait
naturellement diminuer de moitié au cours des prochaines
années étant donné l’expiration des programmes de
relance, la croissance économique et l’ajustement des
stabilisateurs automatiques. Mais sans efforts plus
intenses, le déficit ne sera jamais entièrement résorbé :
de fait, il recommencera à augmenter (figure 5) pour
combler le trou apparemment sans fond creusé par les
dépenses au titre de l’admissibilité aux prestations. Toute
inaction se traduira par un gonflement du ratio dette/
PIB à 92 %3 en l’espace d’une décennie (figure 6). À
l’heure actuelle, cela peut très bien s’avérer raisonnable,
3 Compte tenu du maintien des politique fiscales actuelles, de la fin des activités
militaires outre-mer et d’une stabilité des coûts du programme Medicare.
Figure 5 : Le déficit fédéral aux États-Unis demeure important en
l’absence de mesures d’austérité
-12
-9
-6
-3
0
3
1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020
Solde budgétaire (% du PIB)
PRÉVISION
Dernier relevé en 2021
Sources : Autre scénario budgétaire du Congressional Budget Office (CBO) – politique
actuelle, RBC GMA
RepèRes éConomiques | 5
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vendre ? En fait, nous avons déjà constaté que cela se
produit un peu. La Chine semble avoir réduit son taux
d’accumulation et, ces dernières années, plusieurs pays
se sont tournés vers des pays moins endettés comme
l’Australie et le Canada pour y faire une partie de leurs
achats. Mais l’ampleur de ce changement devrait être
limitée et ses conséquences, assez négligeables.
D’abord, nous savons que les banques centrales
ont tendance à être moins inconstantes dans leurs
investissements que la plupart des autres investisseurs.
La Chine et le Japon sont, et de loin, les plus importants
porteurs de titres d’emprunt étrangers et ils détiennent
des titres du Trésor américain pour des raisons tout à fait
pragmatiques. Leurs achats empêchent leur monnaie de
s’apprécier et fournissent à leurs économies marchandes
des conditions d’accès avantageuses aux acheteurs
américains. Pour ce qui est des solutions de rechange, on ne
voit pas comment la Chine pourrait investir les centaines
de milliards de dollars de ses réserves ailleurs sans
perturber le marché. Aucun des autres importants marchés
obligataires du monde n’est en bien meilleure forme.
Ensuite, nous savons que le marché des titres du Trésor
américain fait l’objet d’une demande très élastique. En
conséquence, la disparition d’un important acheteur
n’exigerait qu’une légère hausse de taux pour attirer
une demande de substitution. Cela a été parfaitement
démontré lorsque la Réserve fédérale américaine
a cessé ses gigantesques achats en juin sans que le
marché obligataire en soit sensiblement touché.
Néanmoins, malgré l’absence d’un seuil absolu de viabilité
bien défini, le simple fait que le ratio d’endettement
des États-Unis entre dans un territoire inexploré depuis
la période d’après-guerre des années 1943 à 1950 est
une raison suffisante pour faire preuve de prudence
et, espérons-le, pour remédier à la situation.
Un catalyseur utile
La débâcle provoquée par la question du plafond de
la dette et la tentative peu convaincante de procéder
à une réforme budgétaire qui a suivi ont donné lieu
essentiellement à de mauvaises nouvelles. Mais cela
pourrait receler quelques bonnes nouvelles. Parfois, un
événement perturbateur – dans ce cas-ci, un abaissement
de la cote de solvabilité – peut être le plus efficace des
incitatifs pour régler un problème de longue date.
mais
c’est une pente savonneuse, car la dette continue
d’augmenter à un rythme de plus en plus rapide.
La viabilité de la dette
À l’heure actuelle, le Trésor consacre un petit pourcentage
du total de ses dépenses au service de la dette :
seulement 1,4 % du PIB, un creux jamais vu en 39 ans.
La faiblesse sans précédent des taux d’intérêt rend le
fardeau croissant de la dette supportable, une situation
peu susceptible de changer beaucoup au cours des
prochaines années. Ce qui changera la donne cependant,
c’est l’augmentation de la dette et la probabilité d’une
hausse des taux d’intérêt à moyen terme. Étant donné la
tendance actuelle de la dette, le Trésor pourrait devoir
dépenser deux fois plus (proportionnellement au PIB)
au titre du service de la dette dans une décennie.
Les pays ayant les dettes gouvernementales les plus lourdes
ont tendance à souffrir d’une croissance économique plus
lente.4 Un ratio dette/PIB à 90 % pourrait être, en quelque
sorte, un seuil au-dessus duquel un pays risque de glisser
dans une situation économique gênante. D’après certaines
définitions de la dette plus alarmistes, les États-Unis ont
déjà franchi les portes de l’enfer. Heureusement, notre
mesure de prédilection (une mesure plus adéquate à cette
fin) – à savoir la dette fédérale détenue par le public –
donne à entendre que les États-Unis en sont encore à une
certaine distance. Mais les projections de base indiquent
clairement qu’ils s’acheminent dans cette direction.
En réalité, il n’existe probablement pas de seuil magique
d’endettement. L’énorme dette du gouvernement japonais
le prouve. Contrairement aux États-Unis, le Japon a peu
de dettes envers les investisseurs étrangers et il détient
des avoirs importants hors du pays, tandis qu’un peu
plus de la moitié de la dette publique des États-Unis
est détenue par des investisseurs étrangers, et de façon
disproportionnée par des banques centrales étrangères.
Cela indique que les obligations américaines ont toujours
fait l’objet d’une forte demande, mais il y a aussi un risque.
Qu’arriverait-il si les investisseurs étrangers cessaient
de les acheter – ou pire – s’ils commençaient à les
4 Les mécanismes de transmission et le lien de causalité font encore l’objet de ques-
tionnements importants, et il y a aussi un certain degré d’incertitude quant à savoir si
le rythme plus lent de la croissance est une simple conséquence temporaire de la mise
en œuvre de mesures d’austérité budgétaire visant à réduire la dette de ces pays.
Mais le message fondamental est clair : un lourd fardeau de la dette ne crée pas des
conditions propices à la croissance.
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