Le fardeau de la dette des états-unis : bleu, blanc et à l`encre rouge

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RBC Gestion mondiale d’actifs
Repères économiques
Vue d’ensemble pour les investisseurs
NUMÉRO 8 • aoÛt 2011
Le fardeau de la dette des états-unis :
bleu, blanc et à l’encre rouge
POINTS SAILLANTS
Eric Lascelles
Économiste en chef
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
› La crise liée au plafond de la dette du gouvernement américain et la réduction de la cote de solvabilité
des États-Unis ont souligné la nécessité de recourir à des mesures d’austérité budgétaire.
› Les décideurs politiques doivent trouver des moyens de réaliser des économies d’au moins 5 billions
de dollars durant la prochaine décennie, un défi de taille exigeant à la fois des réductions de
dépenses et des hausses d’impôts, de même que des modifications des programmes de dépenses
discrétionnaires et d’admissibilité aux prestations.
› Pour le moment, la classe politique est peu désireuse d’agir en ce sens, mais les pressions des agences
de notation et un changement dans l’opinion publique pourraient contribuer à faire avancer les choses.
› Les mesures d’austérité budgétaire devraient réduire la croissance économique de 1 % en 2012 et
mettre en péril une reprise déjà fragile.
Les années 1990 ont été une décennie d’effervescence.
Grâce à l’essor économique mondial et à une certaine
prudence budgétaire, le gouvernement fédéral des ÉtatsUnis a réussi à rétablir l’équilibre budgétaire, son fait
d’armes ayant été quatre glorieuses années d’excédents
de 1998 à 2001. En l’an 2000, la course à la présidence
avait donné lieu à des disputes quant à ce que chacun
ferait du torrent de liquidités qui allait se déverser dans
le Trésor. Le marché obligataire s’inquiétait de son destin
une fois payé le dernier créancier des États-Unis.
obligataires, les conséquences semblent s’annoncer
assez négligeables.
Les conséquences de l’abaissement de la cote
Le riche investisseur Warren Buffet a affirmé qu’il donnerait
aux États-Unis un « quadruple A » s’il le pouvait. Hélas, il
n’a pas l’autorité voulue. Mais il est intéressant de souligner
que les trois agences de notation continuent d’accorder
la plus haute note aux titres d’emprunt à court terme des
États-Unis. Et même deux des trois titres d’emprunt à long
terme des États-Unis ont conservé un triple A. Parmi ces
agences, Fitch persiste à juger neutres les perspectives
pour les États-Unis, signalant ainsi l’absence d’un risque
particulier de dégradation ultérieure. Cependant, Moody’s
perçoit un risque d’abaissement, mais l’évalue à 1 sur 3
au cours des deux prochaines années. Par contre, avant
d’abaisser la note du pays, Standard and Poor’s (S&P)
avait évalué à 50 % le risque d’un autre abaissement dans
les trois mois suivants. Essentiellement, aucune autre
révision à la baisse ne semble imminente, du moins
jusqu’au rapport du groupe bipartite à l’automne. Bien des
investisseurs – même parmi ceux qui sont liés aux
termes de mandats spécifiant une note minimale –
considèrent toujours les titres de créance américains
comme étant un investissement de niveau triple A.
Un abaissement de la cote de solvabilité de la dette
souveraine des États-Unis, qu’est-ce que cela signifie ?
Mis à part une réaction instinctive du marché se traduisant
par une chute des cours boursiers et une réduction des taux
On a constaté dans le passé que, mathématiquement,
le passage d’une note AAA à une note AA s’accompagne
normalement d’une hausse de 25 points de base du
coût de financement à 10 ans. Aux États-Unis, l’effet
Telles étaient les difficultés en ces temps plus faciles. Il
va sans dire que la dernière décennie a été beaucoup
plus cruelle. Après une bulle des titres technologiques,
deux guerres et une crise du crédit, les excédents
réalisés par le gouvernement américain ont depuis
longtemps été remplacés par des déficits, qui ont
engendré un alourdissement du fardeau de la dette,
lequel a maintenant contribué à l’abaissement de la
cote de solvabilité. Au début du mois d’août, la cote de
solvabilité des États-Unis, qui s’était longtemps maintenue
à AAA, a été ramenée au niveau modeste de AA+.
RBC Gestion mondiale d’actifs
Sur le marché obligataire, aucun des points chauds
habituels que sont le marché monétaire, le marché des
mises en pension, le marché de financement des banques
et celui des titres d’organismes gouvernementaux
n’a un tant soit peu manifesté de signe de détresse.
Essentiellement, l’abaissement de la cote de la dette
devrait avoir peu de conséquences négatives persistantes.
Les raisons de la dégradation
Nous estimons que trois facteurs ont provoqué cette
révision à la baisse. Premièrement, le climat économique
s’est quelque peu assombri : les récentes révisions ont
révélé que la récession avait été plus grave que ce qui
avait auparavant été constaté ; la reprise économique
semble hésitante ; et les perspectives se sont détériorées.
Deuxièmement, les États-Unis sont aux prises avec un très
grave dysfonctionnement politique. Troisièmement, les
niveaux d’endettement de l’État montent rapidement.
Le dysfonctionnement politique
Selon S&P, l’agence de notation qui a pris l’initiative
d’abaisser la cote de solvabilité des États-Unis : «...les
tergiversations politiques des récents mois soulignent
que la gouvernance et l’établissement des politiques aux
États-Unis deviennent moins stables, moins efficaces et
moins prévisibles que nous le pensions auparavant. » Si les
choix appropriés ont finalement été faits lors de l’adoption
tardive de la loi qui a permis de relever le plafond de
la dette et d’éviter la défaillance technique, l’attitude
imprévoyante des politiciens représente certainement le
risque le plus grand qui pourrait empêcher un retour de
la situation financière et budgétaire des États-Unis sur la
2 | Repères économiques
Figure 1 : Les États-Unis dominent toujours
Les trois principales économies mondiales
Pays
Cote de la dette (S&P)
É.-U.
AA+
Chine
AA-
Japon
AA-
Les trois principaux marchés obligataires mondiaux
Pays
Cote de la dette (S&P)
É.-U.
AA+
Japon
AA-
Italie
A+
Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 2 : La décote des É.-U. s’explique par un dysfonctionnement
politique et non par l’endettement du pays
100
80
Ratio dette/PIB (%)
de cette rétrogradation devrait être encore moindre, et
cela pour deux raisons. D’abord, la note a été abaissée
à AA+ et non à AA, et par une seule agence de notation.
Ensuite, le dollar US jouit d’un statut particulier, car il
est la monnaie de réserve mondiale. Cela confère aux
États-Unis de nombreux avantages, dont la capacité
d’accumuler une dette anormalement élevée (ou de subir
une révision à la baisse de la qualité de sa dette) sans trop
de conséquences. Il est encourageant de constater que
la dette des États-Unis a toujours la cote la plus élevée
des trois plus importantes économies mondiales. Il en
va de même pour le statut de son marché obligataire,
qui compte toujours parmi les trois premiers dans le
monde (figure 1). L’Amérique reste le leader mondial.
92 %
69 %
70 %
É.-U.
France
60
40
20
0
R.-U.
Nota : L’endettement correspond à la dette brute du gouvernement central (selon
l’OCDE), qui équivaut à la dette publique du CBO.
Sources : CBO, OCDE, FMI, RBC GMA
voie de la viabilité. Pour illustrer à quel point les enjeux
politiques se situent au cœur du problème, signalons que
le Royaume-Uni et la France ont réussi à conserver leur
note triple A malgré une dette plus lourde (figure 2) et des
perspectives de croissance économique aussi ternes.1
Les freins et les contrepoids si essentiels au système
politique américain ont bien servi le pays tout au
long de son illustre histoire. Le système bicaméral
et ses particularités américaines sont de nature à
empêcher régulièrement l’adoption de lois, mais
cela est souvent bénéfique, car les lois bâclées sont
ainsi évitées. Il est difficile de contester le succès
1
Le Royaume-Uni a déjà mis en œuvre des mesures d’austérité budgétaire ; la France
a été moins prompte et elle risque aussi de subir un léger abaissement de sa note, à
moins qu’elle ne remédie à la situation.
RBC Gestion mondiale d’actifs
Toutefois, la dernière volute de fumée nocive projetée par
le Congrès n’a pas été bénéfique. Elle a grandement terni
la réputation de l’Amérique et la confiance du public dans
l’économie. Le dysfonctionnement politique semble avoir
empiré ces dernières années. Le relèvement du plafond de
la dette, qui se faisait couramment tous les ans ou tous les
deux ans – réalisé 38 fois depuis 1980 généralement sans
difficulté (figure 3) – a récemment dégénéré en bataille
partisane épique.
En toute franchise, ce phénomène de dysfonctionnement
n’est pas une particularité des États-Unis. Les politiciens
européens n’ont pas fait beaucoup mieux ces dernières
années avec leurs disputes au sujet des renflouements.
À leur décharge, ils sont coincés dans une union
monétaire imparfaite, et on leur demande de venir en
aide non pas à leurs compatriotes mais à des partenaires
internationaux. Qui plus est, ils le font, quoique mal.
Alors, quel facteur fait en sorte qu’il est si difficile pour
leurs cousins américains d’exécuter une opération – le
relèvement du plafond de la dette – techniquement si
simple ? Les divisions au sein du Congrès ne facilitent
pas les choses : les républicains ont la main haute sur la
Chambre des représentants tandis que les démocrates
dominent le Sénat et la Maison-Blanche. Pour compliquer
le tout, les républicains sont eux-mêmes divisés, car ils
ont à composer avec une aile radicale qui demande un
allègement de l’État et un maintien des impôts à leurs
niveaux actuels, et elle semble disposée à mettre en péril
l’économie pour arriver à ses fins. On pourrait arguer que
le découpage tendancieux de la carte électorale a favorisé
les candidats les plus radicaux et provoqué une raréfaction
des politiciens modérés disposés à faire des compromis.
Mais fondamentalement, le court cycle électoral de
deux ans auquel est assujettie la chambre basse de
même que les lois laxistes sur le financement des
campagnes électorales empêchent de voir les problèmes
à long terme et créent une dépendance à l’égard
du financement des groupes d’intérêts particuliers,
qui accroissent ainsi leur influence électorale.
Les politiciens ont donc réussi à relever le plafond de la
dette le 2 août, mais ils y sont arrivés en ayant recours
au dénominateur commun le plus bas, de sorte que peu
de choses ont été faites pour stabiliser la dynamique
Figure 3 : Le plafond de la dette est relevé fréquemment
Titres du Trésor américain en circulation
(en billions de dollars)
des États-Unis, qui restent sans conteste le moteur
de l’innovation économique de la planète.
16
14
12
10
8
6
4
2
0
80
82
84
87
89
92
94
96
99
01
04
06
09
11
Chaque point représente une autorisation législative visant à relever le plafond de la
dette des États-Unis.
Sources : Trésor américain, RBC GMA
Figure 4 : Les États-Unis sont davantage tributaires du marché des
titres de créance que la plupart des autres pays
Japon
É.-U.
Grèce
Italie
Portugal
France
Irlande
Espagne
Canada
R.-U.
Allemagne
29
56
24
23
22
20
20
19
19
16
11
0
10
20
30
40
50
Besoins de financement bruts en % du PIB pour 2011
60
Nota : On désigne les besoins en financement bruts comme la valeur des obligations
à émettre, et ils dépendent à la fois de la taille du déficit et de l’échéance moyenne du
stock de titres de créance.
Sources : Bloomberg, FMI
de l’endettement, et la confiance dans la capacité des
politiciens de le faire s’en est trouvée diminuée.
La hausse de la dette
Le troisième facteur qui a mené à un abaissement de
la cote de solvabilité des États-Unis est la tendance
des finances du gouvernement américain. Pour une
troisième année consécutive, les États-Unis s’enfoncent
dans un déficit avoisinant les 10 % du PIB. Pour placer
les choses en perspective, ce déficit est deux fois plus
important que le pire de la difficile période des années
1980 sur le plan financier, et de loin le plus gros depuis
la Seconde Guerre mondiale. Par rapport à ceux de
pays comparables, ce déficit est énorme ; il surpasse
celui du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France
Repères économiques | 3
RBC Gestion mondiale d’actifs
et même celui du quatuor de nations en difficulté
que forment la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie.
Seuls ceux du Japon et de l’Irlande s’en approchent.
Figure 5 : Le déficit fédéral aux États-Unis demeure important en
l’absence de mesures d’austérité
Heureusement, le fardeau de la dette du gouvernement
américain n’était pas exagérément lourd lorsque ce
sombre épisode a commencé – et c’est la principale raison
pour laquelle les États-Unis sont beaucoup moins en
péril que la plupart des pays périphériques d’Europe.2
Mais la taille de la dette du gouvernement américain a
pris de l’expansion depuis et sa dimension est évaluée
par de nombreuses organisations et méthodologies. Ici,
nous nous intéressons uniquement à la dette fédérale
et n’examinons que la dette détenue par le public (à
l’exclusion de celle que le gouvernement a contracté
envers lui-même sous la forme notamment des titres
du Trésor détenus par le Social Security Trust Fund). Le
ratio dette/PIB qui en résulte s’établit à 69 %. Au départ,
ce ratio semblait peu inquiétant. Mais il a doublé en
l’espace de quatre ans – une vitesse insoutenable.
Les États-Unis sont aussi capables d’enregistrer une croissance économique plus
vigoureuse, et le fait qu’ils ont une économie souterraine relativement restreinte
devrait accroître l’efficacité des mesures d’austérité gouvernementale annoncées.
0
-3
PRÉVISION
-6
-9
-12
1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020
Dernier relevé en 2021
Sources : Autre scénario budgétaire du Congressional Budget Office (CBO) – politique
actuelle, RBC GMA
Figure 6 : Le ratio dette/PIB des États-Unis gonfle en l’absence de
mesures d’austérité
100
80
Ratio dette/PIB (%)
Aux États-Unis, contrairement au Japon, les ménages et
les entreprises sont incapables de financer complètement
les emprunts de leur gouvernement. Les investisseurs
étrangers possèdent donc un peu plus de la moitié des
titres du Trésor américain détenus par le public – un talon
d’Achille frustrant pour un pays autrement si puissant. Le
fait que la Chine – un pays alternativement perçu comme
un ami et un adversaire étant donné les liens économiques
approfondis et les ambitions géopolitiques potentiellement
incompatibles – en détienne plus que tout autre pays
étranger (environ 12 % au total) est loin d’être l’idéal.
Solde budgétaire (% du PIB)
3
Comparativement à d’autres pays, les États-Unis ont
aussi des besoins de financement anormalement élevés
(figure 4). Ils doivent donc émettre plus d’obligations
que tout autre pays à l’exception du Japon, compte tenu
de la dimension de leur économie. Cela s’explique par
l’importance du déficit et l’échéance de la dette, qui est
plus courte que la moyenne. Ces facteurs rendent les ÉtatsUnis plus susceptibles de subir une période temporaire de
mécontentement du marché. L’échéance moyenne des
bons du Trésor y est de 5,3 ans, alors qu’elle est de 7,3 ans
en France et d’une durée enviable de 13,8 ans au R.-U.
60
40
PRÉVISION
20
0
1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020
Dernier relevé en 2021
Sources : OCDE, autre scénario budgétaire du CBO (politique actuelle), RBC GMA
L’avenir s’annonce encore pire. Certes, le déficit devrait
naturellement diminuer de moitié au cours des prochaines
années étant donné l’expiration des programmes de
relance, la croissance économique et l’ajustement des
stabilisateurs automatiques. Mais sans efforts plus
intenses, le déficit ne sera jamais entièrement résorbé :
de fait, il recommencera à augmenter (figure 5) pour
combler le trou apparemment sans fond creusé par les
dépenses au titre de l’admissibilité aux prestations. Toute
inaction se traduira par un gonflement du ratio dette/
PIB à 92 %3 en l’espace d’une décennie (figure 6). À
l’heure actuelle, cela peut très bien s’avérer raisonnable,
2
4 | Repères économiques
3
Compte tenu du maintien des politique fiscales actuelles, de la fin des activités
militaires outre-mer et d’une stabilité des coûts du programme Medicare.
RBC Gestion mondiale d’actifs
mais c’est une pente savonneuse, car la dette continue
d’augmenter à un rythme de plus en plus rapide.
La viabilité de la dette
À l’heure actuelle, le Trésor consacre un petit pourcentage
du total de ses dépenses au service de la dette :
seulement 1,4 % du PIB, un creux jamais vu en 39 ans.
La faiblesse sans précédent des taux d’intérêt rend le
fardeau croissant de la dette supportable, une situation
peu susceptible de changer beaucoup au cours des
prochaines années. Ce qui changera la donne cependant,
c’est l’augmentation de la dette et la probabilité d’une
hausse des taux d’intérêt à moyen terme. Étant donné la
tendance actuelle de la dette, le Trésor pourrait devoir
dépenser deux fois plus (proportionnellement au PIB)
au titre du service de la dette dans une décennie.
Les pays ayant les dettes gouvernementales les plus lourdes
ont tendance à souffrir d’une croissance économique plus
lente.4 Un ratio dette/PIB à 90 % pourrait être, en quelque
sorte, un seuil au-dessus duquel un pays risque de glisser
dans une situation économique gênante. D’après certaines
définitions de la dette plus alarmistes, les États-Unis ont
déjà franchi les portes de l’enfer. Heureusement, notre
mesure de prédilection (une mesure plus adéquate à cette
fin) – à savoir la dette fédérale détenue par le public –
donne à entendre que les États-Unis en sont encore à une
certaine distance. Mais les projections de base indiquent
clairement qu’ils s’acheminent dans cette direction.
En réalité, il n’existe probablement pas de seuil magique
d’endettement. L’énorme dette du gouvernement japonais
le prouve. Contrairement aux États-Unis, le Japon a peu
de dettes envers les investisseurs étrangers et il détient
des avoirs importants hors du pays, tandis qu’un peu
plus de la moitié de la dette publique des États-Unis
est détenue par des investisseurs étrangers, et de façon
disproportionnée par des banques centrales étrangères.
Cela indique que les obligations américaines ont toujours
fait l’objet d’une forte demande, mais il y a aussi un risque.
Qu’arriverait-il si les investisseurs étrangers cessaient
de les acheter – ou pire – s’ils commençaient à les
Les mécanismes de transmission et le lien de causalité font encore l’objet de questionnements importants, et il y a aussi un certain degré d’incertitude quant à savoir si
le rythme plus lent de la croissance est une simple conséquence temporaire de la mise
en œuvre de mesures d’austérité budgétaire visant à réduire la dette de ces pays.
Mais le message fondamental est clair : un lourd fardeau de la dette ne crée pas des
conditions propices à la croissance.
4
vendre ? En fait, nous avons déjà constaté que cela se
produit un peu. La Chine semble avoir réduit son taux
d’accumulation et, ces dernières années, plusieurs pays
se sont tournés vers des pays moins endettés comme
l’Australie et le Canada pour y faire une partie de leurs
achats. Mais l’ampleur de ce changement devrait être
limitée et ses conséquences, assez négligeables.
D’abord, nous savons que les banques centrales
ont tendance à être moins inconstantes dans leurs
investissements que la plupart des autres investisseurs.
La Chine et le Japon sont, et de loin, les plus importants
porteurs de titres d’emprunt étrangers et ils détiennent
des titres du Trésor américain pour des raisons tout à fait
pragmatiques. Leurs achats empêchent leur monnaie de
s’apprécier et fournissent à leurs économies marchandes
des conditions d’accès avantageuses aux acheteurs
américains. Pour ce qui est des solutions de rechange, on ne
voit pas comment la Chine pourrait investir les centaines
de milliards de dollars de ses réserves ailleurs sans
perturber le marché. Aucun des autres importants marchés
obligataires du monde n’est en bien meilleure forme.
Ensuite, nous savons que le marché des titres du Trésor
américain fait l’objet d’une demande très élastique. En
conséquence, la disparition d’un important acheteur
n’exigerait qu’une légère hausse de taux pour attirer
une demande de substitution. Cela a été parfaitement
démontré lorsque la Réserve fédérale américaine
a cessé ses gigantesques achats en juin sans que le
marché obligataire en soit sensiblement touché.
Néanmoins, malgré l’absence d’un seuil absolu de viabilité
bien défini, le simple fait que le ratio d’endettement
des États-Unis entre dans un territoire inexploré depuis
la période d’après-guerre des années 1943 à 1950 est
une raison suffisante pour faire preuve de prudence
et, espérons-le, pour remédier à la situation.
Un catalyseur utile
La débâcle provoquée par la question du plafond de
la dette et la tentative peu convaincante de procéder
à une réforme budgétaire qui a suivi ont donné lieu
essentiellement à de mauvaises nouvelles. Mais cela
pourrait receler quelques bonnes nouvelles. Parfois, un
événement perturbateur – dans ce cas-ci, un abaissement
de la cote de solvabilité – peut être le plus efficace des
incitatifs pour régler un problème de longue date.
Repères économiques | 5
RBC Gestion mondiale d’actifs
La deuxième mesure nécessaire veut que naisse la volonté
de régler le problème. Des progrès ont été accomplis à cet
égard. Les attitudes ont déjà beaucoup changé depuis 2002,
année où l’on estimait que les « déficits n’ont pas
d’importance ». À présent, chacun a une proposition
à faire. Pendant les campagnes présidentielles
précédentes, personne n’osait discuter de la dangereuse
« troisième voie », à savoir une réforme des programmes
d’admissibilité aux prestations. À l’heure actuelle,
ce sujet fait l’objet de nombreux débats. Il en va de
même pour le financement des activités militaires.
Certes, l’esprit de parti limite la capacité de trouver une
solution, mais certains compromis se sont avéré possibles.
Il y a moins d’un an, une commission bipartite nommée par
la Maison-Blanche a fait des recommandations radicales qui
ramèneraient le budget des États-Unis dans une trajectoire
viable. Il est possible d’en arriver à un compromis.
Les décideurs politiques réfractaires aux compromis
pourraient changer d’avis à la lumière de sondages
récents. Près de 80 % des répondants à un récent sondage
ont affirmé que le débat sur le plafond de la dette a
amoindri leur confiance envers les politiciens (figure 7),
qui ont maintenant une image plus négative et d’autant
plus défavorable s’ils ont adopté la ligne dure dans les
négociations. Dans l’ensemble, seuls 17 % des Américains
affirment vouloir réélire leur représentant au Congrès.
Comme les prochaines élections auront lieu dans à peine
plus d’un an, cette attitude devrait inciter les politiciens
actuels comme les nouveaux à plus de compromis.
La troisième mesure à prendre consiste à régler
efficacement le problème. Il reste beaucoup de
travail à faire à cet égard. Mais pour reprendre une
citation célèbre de Winston Churchill : « On peut
toujours compter sur les Américains pour faire les
bons choix... après qu’ils ont épuisé toutes les autres
possibilités. » Il y a donc encore de l’espoir.
Les solutions budgétaires
Ce gâchis budgétaire peut-il être réparé ? Oui, il peut
l’être. La dette peut encore être gérée ; l’économie
6 | Repères économiques
Figure 7 : Le dysfonctionnement politique ne sera pas sanctionné
par les électeurs.
100 %
77 %
80 %
60 %
40 %
25 %
20 %
0%
1)
% qui déclarent
avoir moins
confiance dans
les politiciens
après le débat sur
le plafond de la
dette
Républicains
2)
19 %
Tea Party
9%
6%
Démocrates
Le président
Barack Obama
% net de répondants qui affirment avoir une plus
mauvaise opinion des personnes ou partis ci-dessus
après le débat sur le plafond de la dette
1) Source : Sondage Marist, du 2 au 4 août 2011
2) Source : Ipsos, du 4 au 8 août 2011
Figure 8 : Au cœur du problème
Croissance réelle annualisée des
dépenses publiques de 1970 à 2010 (%)
La première mesure à prendre pour trouver une
solution au problème budgétaire consiste à reconnaître
l’existence de ce problème. C’est ce qui s’est produit
grâce au tollé qu’ont suscité les questions du plafond de
la dette et de l’abaissement de la cote de solvabilité.
6%
5%
5%
4%
3%
2%
1%
1%
0%
Dépenses
discrétionnaires
Admissibilité
aux prestations
Sources : Kleiner Perkins Caufield & Byers (KPCB), Haver Analytics, RBC GMA
américaine est plus en mesure de croître que celle de la
plupart des pays comparables au cours de la prochaine
décennie ; et plusieurs comités ont déjà fait des
recommandations sérieuses qui permettraient d’y arriver.
Mais il n’existe pas de solution facile. Ainsi, la plupart
des mesures d’austérité proposées visent exclusivement
des compressions dans la catégorie des dépenses
discrétionnaires non liées à la défense. Cette catégorie est un
fourre-tout englobant n’importe quoi sauf les programmes
d’admissibilité aux prestations (sécurité sociale, Medicare/
Medicaid, assurance emploi, etc.) et les dépenses liées à la
défense. Mais les Américains auront beau réduire de toutes
les façons inimaginables les dépenses discrétionnaires non
liées à la défense, ils ne règleront pas ainsi le problème du
déficit budgétaire, parce que cette catégorie comprend
d’importants programmes tels que l’éducation, la justice
RBC Gestion mondiale d’actifs
Pour donner une idée de l’envergure des ajustements
requis, même une solution radicale qui éliminerait
complètement un programme comme la sécurité
sociale, Medicare/Medicaid ou la défense ne suffirait
pas à résorber entièrement le déficit actuel (figure 10).
Un effort plus gros et plus étendu est nécessaire.
Une hausse des impôts qui toucherait uniquement les
gens fortunés serait elle aussi insuffisante. Il faudrait
que les deux tranches d’imposition les plus élevées
(appliquées aux contribuables ayant un revenu de
174 400 $ ou plus), qui sont de 33 % et 35 %, grimpent
à environ 85 % et 90 %. Cela nuirait à l’économie et
constituerait une recette infaillible pour envoyer les
entreprises et l’élite culturelle dans les paradis fiscaux.
De fait, il est assez évident que toute combinaison des
compressions possibles dans les dépenses ne permettra
pas, à elle seule, de réaliser les économies nécessaires et
que les hausses d’impôts seront, elles aussi, insuffisantes
à elles seules. Une combinaison des deux sera nécessaire,
l’accent devant être mis sur les réductions des dépenses.
C’est sans doute ceci qu’il faudrait faire : le budget de
2010 indique que les dépenses dépassent de 2,7 points
de pourcentage leur norme historique, tandis que les
recettes sont de 3,1 points de pourcentage en deçà de
la leur (figure 11). Une normalisation des dépenses
et des recettes s’impose. Historiquement, c’est aussi
ce qui a assuré l’efficacité des mesures d’austérité.
La croissance économique est absolument essentielle à
la gestion d’un lourd fardeau de la dette ; or, l’économie
américaine est en meilleure position que celle de la plupart
des autres pays pour réaliser cela étant donné sa situation
démographique favorable et sa culture d’entreprise
axée sur l’innovation. L’essentiel, c’est la croissance, car
Figure 9 : Ventilation des dépenses publiques aux
États-Unis en 2010
Programmes
Medicare et
Medicaid
Défense
19 %
22 %
Remboursement
des intérêts
6%
Sécurité
sociale
19 %
18 %
Autres dépenses
discrétionnaires
17 %
Chômage et autres
prestations
Sources : CBO, RBC GMA
Figure 10 : Financement des dépenses publiques – 2010
Revenu du
gouvernement
33 %
67 %
Emprunts
Sources : Trésor américain, RBC GMA
Figure 11 : Déséquilibre des finances publiques aux États-Unis : il
faut agir sur deux plans
27
Le gouvernement
dépense trop
Recettes fédérales
Dépenses fédérales
24
% du PIB
et les transports, mais aussi parce qu’elle a déjà fait
l’objet de compressions de sorte qu’elle n’a représenté
que 1 % de la croissance annuelle réelle des dépenses au
cours des quatre dernières décennies, par rapport à 5 %
de la croissance réelle annualisée pour les programmes
d’admissibilité aux prestations (figure 8). Cela s’explique
également par le fait que les dépenses discrétionnaires
non liées à la défense ne représentent que 18 % du total
des dépenses de l’État (figure 9). Leur élimination totale
ne permettrait donc pas d’équilibrer le budget. Une
réforme de la défense et des programmes d’admissibilité
aux prestations devra faire partie de la solution.
21
Moy. historique des dépenses de1980 à 2010 : 21%
La solution se
trouve entre
les deux
18
15
Les recettes gouvernementales
sont insuffisantes
12
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Sources : Office of Management and Budget, RBC GMA
Repères économiques | 7
RBC Gestion mondiale d’actifs
Figure 12 : De nouvelles mesures d’austérité budgétaire sont
nécessaires
Réduction du déficit de 2012 à 2021
(en billions de dollars)
chaque 1/10 de point de pourcentage supplémentaire de
croissance économique annualisée retrancherait presque
300 milliards de dollars au déficit cumulatif au cours
de la prochaine décennie. Par contre, il est impossible
d’affranchir l’économie des difficultés budgétaires sans
adopter des mesures d’austérité. Il faudrait que le taux
annuel de croissance réel du PIB soit supérieur à 4,5 %
pendant une décennie – ce qui est nettement impossible.
Alors, de toute évidence, pour être efficace, la solution
budgétaire devra avoir les caractéristiques suivantes :
1.
Faire durement sentir ses effets dans de larges
segments de la société américaine ;
2.
Toucher à la fois les programmes de dépenses
discrétionnaires et d’admissibilité aux prestations ;
8
7,5 B$
6
5 B$
4
2,4 B$
2
0
Accord sur le plafond
de la dette
Fonds nécessaires
pour stabiliser le
ratio dette/PIB à
70 % d'ici 10 ans
Fonds nécessaires
pour ramener le ratio
dette/PIB à 60 %
d'ici 10 ans
Sources : CBO, RBC GMA
3.
Prévoir à la fois des réductions de dépenses et des
hausses d’impôts.
Les mathématiques budgétaires
Aux termes de l’accord sur le relèvement du plafond de la
dette, un groupe de 12 membres du Congrès a été désigné
pour former la commission spéciale bipartite du Congrès
sur la réduction du déficit. Le mandat de cette commission
est de réaliser une réduction du déficit d’au moins
1,5 billion de dollars au cours des dix prochaines années en
plus des 917 milliards déjà prévus. Sa date butoir est le
23 novembre 2011.
D’un point de vue politique, ce sera difficile. Six
républicains et six démocrates, dont certains sont
assez radicaux, siègent à ce comité. Heureusement,
quelques idéologues puristes ne peuvent pas, à eux
seuls, invalider l’entente conclue : les recommandations
du comité ne doivent recevoir l’appui que de sept voix
sur douze. Il faudra des concessions et du courage
pour que les membres du comité trouvent une solution
acceptable pour tous. La question de la hausse des
impôts peut plus particulièrement faire obstacle :
85 % des républicains siégeant au Sénat et 97 % des
républicains siégeant à la Chambre se sont engagés à
ne pas hausser les impôts. Heureusement, ils seront
fortement incités à trouver une solution : un échec
activerait un mécanisme de réduction générale des
dépenses d’un montant total de 1,2 billion de dollars.5
Les États-Unis ont absolument besoin de réduire leur
déficit d’au moins 5 billions de dollars au cours de la
prochaine décennie simplement pour stabiliser le ratio
de la dette et d’environ 7,5 billions pour ramener le
ratio dette/PIB à un niveau plus sain de 60 % (figure 12).
Dans le meilleur des cas, les ajustements budgétaires
proposés par le comité ne permettront d’atteindre
qu’un peu moins de la moitié de l’objectif le moins
ambitieux. D’autres mesures d’austérité budgétaire
seront nécessaires, mais l’on peut difficilement envisager
qu’elles puissent être adoptées avant les élections de 2012,
à moins que les agences de notation fassent pression
sur les décideurs politiques. Il faudra encore des années
avant qu’une solution complète ne soit appliquée.
Les conséquences économiques
Comment se comportera l’économie ? Les mesures
d’austérité budgétaire entravent toujours la croissance
économique. Puisque nous prévoyons que le déficit sera
ramené de près de 10 % du PIB à environ 4 à 6 % du PIB au
cours des prochaines années, cette compression budgétaire
diminuera sans doute la croissance économique (figure
13) d’au moins un point de pourcentage en 2012 et d’un
peu moins en 2013. Cela ralentira sensiblement le rythme
de croissance économique envisageable et laisse présager
que le PIB réel pourra difficilement augmenter de plus
Malheureusement, il semble que les politiciens pourront invalider cette disposition
si les négociations achoppent (bien que S&P ait menacé d’abaisser encore la cote de
solvabilité – vraisemblablement à AA – le cas échéant).
5
8 | Repères économiques
RBC Gestion mondiale d’actifs
Il y a à peine quelques mois, on pouvait croire que les ÉtatsUnis pourraient lancer un autre important programme de
relance budgétaire. À présent, cela semble plus improbable,
car les agences de notation ont apparemment rendu ce
choix impossible, ce qui assombrit les perspectives.
Figure 13 : Les effets de la politique budgétaire deviendront
négatifs en 2012
Incitatifs budgétaires (% du PIB)
de 2 à 3 % au cours des prochaines années – malgré les
stimulants monétaires, une baisse des prix des produits
de base et un billet vert relativement faible. En outre,
les perspectives de reprise s’en trouvent amoindries. Un
pareil taux de croissance ne permet pas de faire beaucoup
plus que maintenir le taux de chômage et l’utilisation
de la capacité à leurs niveaux actuels. Ils ne vont pas se
détériorer, mais ils ne vont pas beaucoup progresser.
8
PRÉVISION
Polit. stimulante
6
La fin des mesures de
stimulation budgétaire nuira
à la croissance du PIB
4
2
0
-2
-4
Polit. restrictive
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Sources : Autre scénario budgétaire du CBO (politique actuelle), RBC GMA
Les politiciens essaieront encore de reporter autant
que possible les mesures d’austérité, à la fois pour
servir leurs intérêts politiques à court terme et pour
ménager la fragile reprise économique. Mais, même sans
l’application active de nouvelles mesures d’austérité au
cours des prochaines années, le simple dénouement
des programmes de relance antérieurs et l’ajustement
des stabilisateurs automatiques suffiront à entraver
largement la croissance au cours des prochaines années.
En guise de consolation, il faut comprendre que si
l’omission de relever ces défis budgétaires se traduit
temporairement par une croissance économique plus
rapide parce que non freinée par des mesures d’austérité,
une telle stratégie aurait presque certainement un coût
énorme, qu’il faudra payer plus tard. C’est triste à dire, mais
le choix de la croissance maximale a peut-être déjà été fait.
Conclusion
L’abaissement de la cote de solvabilité des États-Unis
attire l’attention sur le principal défi qu’aura à relever
ce pays au cours des prochaines années : la nécessité
pour le gouvernement fédéral de revenir à l’équilibre
budgétaire. Mathématiquement, cela peut sans aucun
doute se faire dans la mesure où est adoptée une approche
pragmatique combinant d’importantes réductions des
dépenses et de légères hausses d’impôts, ainsi qu’une
diminution des dépenses discrétionnaires et une réforme
des programmes d’admissibilité aux prestations. Diverses
approches prometteuses sont décrites en annexe.
Il s’agit avant tout de savoir s’il y a une volonté
politique de prendre des mesures si radicales. Le
dysfonctionnement récent incite fortement à en douter.
Nous croyons que le coup de fouet qu’ont donné les
agences de notation en abaissant la cote de crédit et
le changement d’attitude du public pourraient suffire
à pousser les politiciens à adopter d’abord la solution
partielle envisagée cet automne et, après les élections de
2012, une solution plus complète qui comprendrait les
compressions de 5 à 7,5 billions de dollars nécessaires.
Mais il est encore très incertain que cela se fera, et si
les politiciens constatent qu’une cote de solvabilité
de AA+ n’a pas de conséquences négatives – ce qui est
assez probable étant donné le rôle unique des ÉtatsUnis à titre de fournisseur de la devise des réserves
mondiales –, ils pourraient être tentés de relâcher les
freins budgétaires, surtout si la reprise économique
reste hésitante. Il est peu probable qu’il en résulterait
quoi que ce soit qui puisse ressembler à un défaut de
paiement, mais cela en augmenterait la probabilité.
Entre-temps, les premiers programmes de relance
budgétaire arriveront à terme en 2012 et en 2013,
et l’économie américaine aura de la difficulté à
enregistrer une croissance robuste tant que durera cette
transition. Les perspectives du marché s’en trouveront
aussi assombries, ce qui donne à entendre que les
rendements boursiers seront plus maigres et les taux de
rendement des obligations à long terme, plus faibles.
Repères économiques | 9
RBC Gestion mondiale d’actifs
ANNEXE : Les choix politiques
C’est une tâche titanesque, mais il existe différentes
façons de stabiliser et même de renverser la dynamique de
l’endettement aux États-Unis. Plusieurs groupes ont cherché
ardemment des solutions et expliqué dans des centaines
de pages de texte les multiples mesures à prendre pour en
arriver à une situation budgétaire viable sans provoquer
de perturbations excessives. Mentionnons notamment la
commission nationale bipartite pour la responsabilité et la
réforme budgétaires de la Maison-Blanche, le document
« Restoring America’s Future » du Bipartisan Policy Center
et même d’excellents ouvrages réalisés par le secteur
privé tels que « USA Inc. » de Kleiner Perkins Caufield &
Byers’s. Des propositions moins exhaustives mais aussi
intéressantes ont été formulées par la Maison-Blanche et
par divers sénateurs et représentants à l’approche de la
date butoir pour le relèvement du plafond de la dette.
Au delà de ces efforts, il y a certains principes fondamentaux
à respecter. Premièrement, il faut éviter d’entraver la
reprise économique. Concrètement, cela signifie alléger
les mesures d’austérité. C’est là un choix dangereux,
admettons-le, étant donné le risque que la volonté politique
ne soit plus au rendez-vous lorsqu’un nouveau groupe
de politiciens se trouvera aux prises avec des mesures
d’austérité douloureuses adoptées par leurs prédécesseurs.
Deuxièmement, il faut, autant que possible, adopter
des politiques favorisant la croissance économique et la
compétitivité. Troisièmement, il faut protéger les démunis –
ne pas abolir les programmes qui combattent la pauvreté ou
la maladie. Quatrièmement, il faut réduire impitoyablement
les dépenses dans tous les autres domaines.
Dans les paragraphes qui suivent, nous avons mentionné
quelques-unes des options les plus importantes et les
plus prometteuses.
Les recettes
Personne n’aime les hausses d’impôts. Toutefois, d’après les
normes – internationales ou historiques – les Américains
ne paient pas trop d’impôts. Il sera difficile de combler
les besoins budgétaires à long terme sans hausser les
impôts, mais il ne faut le faire que modérément.
Des sondages récents indiquent que les Américains sont
beaucoup plus disposés à accepter des hausses d’impôts que
les politiciens semblent le réaliser. Par exemple, 68 % des
Américains sont en faveur d’une hausse du taux
10 | Repères économiques
Figure 14 : Les Américains sont favorables à des hausses d’impôt
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
1)
68 %
68 %
19 %
% de répondants
favorables à des
hausses d'impôt pour
les contribuables dont
le revenu est supérieur
à 250 000 $
% des répondants qui
sont d'avis que les
hausses d'impôt font
partie de la solution
% des répondants qui
n'appuient que la
rationalisation des
programmes de
dépenses
2)
1) Source : Sondage Marist, du 2 au 4 août 2011
2) Source : Ipsos, 25 juillet 2011
d’imposition des personnes ayant un revenu annuel
supérieur à 250 000 $ (figure 14). Il ne semble pas qu’ils
veulent simplement refiler les hausses d’impôts à d’autres
(aux gens fortunés), car un autre sondage indique que
seuls 19 % des Américains veulent à tout prix que le
gouvernement se contente de réduire les dépenses et qu’ils
estiment dans une proportion de 68 % que les hausses
d’impôts font partie de la solution.
Différentes mesures peuvent être prises. La plus simple
consiste à laisser expirer le dernier programme de
réduction des impôts (adopté initialement par Bush,
puis prolongé par Obama l’automne dernier) à la
date prévue, soit à la fin de 2012. L’énorme économie
ainsi réalisée au cours de la prochaine décennie se
chiffrerait à 4 billions de dollars. Sans cela, il est difficile
de stabiliser la dynamique de l’endettement.
L’impôt sur le revenu des particuliers peut aussi être ajusté
de façon plus subtile par un ralentissement du rythme
d’indexation des tranches d’imposition, lesquelles seraient
fixées d’après une mesure plus faible (et techniquement
plus précise) de l’inflation telle que l’IPC en chaîne.
L’assujettissement des gains en capital et des dividendes
à l’impôt au même taux que le revenu des particuliers est
une manière intéressante d’augmenter les recettes. Ainsi
seraient abolies certaines distorsions du système telles
que le niveau extraordinairement bas d’imposition des
gestionnaires de fonds spéculatifs et le fait que Warren
Buffet affirme payer moins d’impôts que sa secrétaire.
RBC Gestion mondiale d’actifs
L’application progressive d’une taxe de vente de 10 %
sur une décennie générerait plus de 5 billions de dollars
de recettes supplémentaires et approcherait beaucoup
le gouvernement d’une gestion viable. Les économistes
estiment que les taxes de vente sont les formes d’imposition
les plus efficaces – elles encouragent les investissements
qui stimulent la productivité et elles entravent moins la
croissance économique. Les États-Unis sont vraiment l’un
des rares pays à ne pas avoir de taxe de vente fédérale ; une
telle taxe permettrait vraisemblablement de baisser les
autres taux d’imposition – ceux des particuliers et
des entreprises.
Les politiciens pourraient faire d’une pierre deux
coups en réglant des problèmes liés à l’écologie et
à la santé tout en haussant les recettes de l’État par
des taxes supplémentaires sur le carbone, l’essence,
l’alcool, le tabac et même les aliments malsains.
Le taux d’imposition des sociétés pourrait être abaissé,
et contre toute attente, cela engendrerait possiblement
des gains. Les États-Unis appliquent aux sociétés le taux
d’imposition le plus élevé des pays développés, mais en
tirent des recettes inférieures à la moyenne internationale,
et ce n’est pas parce que les entreprises sont moribondes.
Au contraire, les entreprises américaines restent des
moteurs mondiaux. Pour éviter le fisc américain, les
sociétés choisissent plutôt de réaliser leurs profits outremer. Une diminution du taux d’imposition des sociétés
pourrait, de fait, augmenter les recettes de l’État.
Peu de ces choix sont susceptibles d’être populaires.
Toutefois, les hausses d’impôts semblent nécessaires.
Le fait de retarder ces décisions difficiles les rendra
encore plus radicales et impératives plus tard.
Les crédits d’impôt
L’élimination d’un grand nombre des crédits d’impôt dont
est criblé le code des impôts des États-Unis représente
une énorme possibilité de réaliser des économies. Le
plus important de ces crédits, la déductibilité des intérêts
sur les créances hypothécaires, coûte au gouvernement
plus de 100 milliards de dollars par année (1 billion de
dollars pour la prochaine décennie) ; il est en partie
responsable des excès commis sur le marché de l’habitation
dans les années 2000 et il dissuade les Américains de
rembourser leur hypothèque. Ce programme devrait
certainement être peu à peu retiré, et cela d’autant
plus que le marché de l’habitation est actuellement
morose. Il devrait, au moins, être progressivement
supprimé pour les résidences secondaires et les créances
hypothécaires d’un montant supérieur à un certain seuil.
Les dépenses discrétionnaires autres que la défense
Les politiciens se sont déjà penchés sur les dépenses
discrétionnaires, bien que cette catégorie ait enregistré
une croissance beaucoup moins rapide que les dépenses
consacrées aux prestations au cours des 40 dernières années.
On a déjà pris l’engagement de retrancher 917 milliards
de dollars de cette catégorie au cours des dix prochaines
années. C’est sans doute insuffisant. Les plafonds
des dépenses discrétionnaires doivent être abaissés
plus énergiquement. Il ne suffit pas d’en limiter la
croissance au taux d’inflation ou même de les laisser
à leur niveau actuel. Les dépenses discrétionnaires
devront probablement être réduites en valeur absolue.
Dans cette catégorie plus que dans toute autre, il est difficile
de généraliser. Il existe divers types de programmes dont
certains sont essentiels, d’autres, moins. Heureusement,
le besoin de subventions à l’agriculture s’est fait moins
pressant à mesure qu’ont augmenté les prix des aliments. Les
subventions pour l’éthanol devraient aussi être abolies, car
elles reflètent une politique néfaste pour l’environnement
et le budget, et elles constituent une taxe sur les aliments
puisqu’elles engendrent une hausse du prix du maïs.
La fonction publique devra subir des ponctions,
idéalement par attrition. Il est sans doute préférable
d’attendre au moins jusqu’en 2013 pour le faire afin de
permettre à la faible reprise actuelle de se raffermir.
La défense
On prévoit déjà une diminution des coûts de la défense
puisque les guerres en Irak et en Afghanistan tirent à leur
fin. Les dépenses liées à la défense représentent plus de
la moitié de l’ensemble des dépenses discrétionnaires et
19 % du budget total ; elles ne peuvent pas échapper aux
compressions. Les chefs militaires se sont étonnamment
montrés ouverts. Le chef d’état-major des armées, l’amiral
Michael Mullen, a affirmé ceci : « La plus grande menace
pour notre sécurité nationale, c’est notre dette. »
Repères économiques | 11
RBC Gestion mondiale d’actifs
La sécurité sociale
La sécurité sociale est dans une catégorie particulière. Ce
programme essentiel pour de nombreuses personnes âgées
ne peut pas être radicalement réduit. À l’heure actuelle,
il s’autofinance grâce aux ajustements faits au début des
années 1980 et ne sera déficitaire que dans environ cinq
ans. Mais, d’un point de vue opérationnel, il ne sera pas
autosuffisant, loin s’en faut, pour les 75 prochaines
années – ce qui est la norme de viabilité. Si aucun
changement n’y est apporté, le Congressional Budget
Office (CBO) prévoit qu’il faudra réduire les prestations
de sécurité sociale d’un cinquième à compter de 2037.
Le problème fondamental tient au fait que le programme
de sécurité sociale a été adopté en 1935, une époque
où la durée de vie moyenne des Américains était
de 64 ans, et qu’il prévoyait le début du service des
prestations à 65 ans. À présent, le service des prestations
commence à 67 ans, mais la durée de vie moyenne des
Américains s’est allongée de plus d’une décennie.
Divers ajustements peuvent être apportés à ce régime. À
l’heure actuelle, les particuliers ne versent pas de cotisations
au régime de sécurité sociale sur leur tranche de revenu
excédant 106 000 $. Un calcul des cotisations sur le revenu
personnel total, quel qu’en soit le montant, règlerait le
problème de la sécurité sociale d’un seul coup. Par ailleurs,
la sécurité sociale pourrait être en partie liée aux ressources.
Un relèvement de l’âge de la retraite serait une autre option.
L’âge de la retraite pourrait être ajusté périodiquement en
fonction de l’augmentation de l’espérance de vie et donner
lieu, possiblement, à un relèvement de deux ans vers 2075.
Ou bien, si les premières prestations versées aux futurs
rentiers étaient indexées en fonction de l’inflation plutôt
qu’en fonction du taux d’augmentation des salaires,
12 | Repères économiques
les problèmes du régime de sécurité sociale seraient
instantanément réglés. Enfin, si l’indexation des prestations
déjà versées était arrimée non pas à l’IPC traditionnel mais
à l’IPC en chaîne, qui est plus bas (et plus précis), le tiers du
déficit du régime de sécurité sociale s’en trouverait éliminé.
Medicare et Medicaid
Une explication détaillée des stratégies d’épargne
dans le domaine des soins de santé sort du cadre du
présent rapport et représente en quelque sorte un
Saint-Graal pour les politiciens du monde entier. Les
coûts croissants des soins de santé représentent, plus
que tous les autres, un grand défi budgétaire.
Toutefois, les États-Unis sont sans doute mieux placés
que bien d’autres pays pour réduire les coûts des
soins de santé. Bien que les dépenses par habitant
des États-Unis en soins de santé soient trois fois plus
élevées que celles de la moyenne des pays de l’OCDE
et deux fois plus élevées que cette moyenne compte
tenu du PIB, les Américains sont généralement en
moins bonne santé et vivent moins longtemps que la
population de nombreux autres pays développés.
Il en ressort clairement que le système des soins de santé
des États-Unis est inefficace. Il y a sûrement de grandes
économies à réaliser dans le mode de prestation des
soins, dans la création de mesures d’incitation et dans
une réforme de la responsabilité. Le Congressional Budget
Office a fait 38 recommandations dans le domaine des
soins de santé, y compris une légère hausse de l’âge
de l’admissibilité à Medicare et l’obligation pour les
sociétés de payer pour l’assurance fournie par l’État
lorsqu’elles ne fournissent pas elles-même d’assurance
à leurs employés. Une autre possibilité serait de lier
Medicare aux besoins, à l’instar de Medicaid.
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