32 Rétrospective . Quand le jeu vidéo inventa la roue… Night Driver Hi-Way Alley Rally Le destin de Gran Trak 10, le tout premier jeu de course, est intimement lié à celui de Pong. L es jeux de course automobile, ce n’est une surprise pour personne, font partie des pionniers du jeu vidéo. La voiture est au cœur de notre civilisation et en constitue l’un des symboles les plus forts. Elle a assujetti notre environnement à ses besoins (paysages urbains, exploitation des ressources…), accompagné l’évolution de la société et s’est imposée dans tous les compartiments de nos vies (travail, sport, loisirs…). Bien entendu, l’automobile s’est développée dans tous les domaines et sur tous les médias. Des dessins animés (Speed Racer, Cars, Les Fous du Volant !) lui sont consacrés, des séries télévisées (Oui-Oui, K 2000), des films, des livres, des figurines, des jouets et bien sûr des jeux vidéo. Formula K Gran Trak 20 (sorti peu de temps après Gran Trak 10), était jouable à deux joueurs. Un Pong sur roues ? Le premier jeu vidéo à mettre en scène une voiture est Gran Trak 10. Sortie en 1974 en arcade par Atari, la borne comprenait un volant, un levier de vitesses et des pédales d’accélération et de frein. Tout est déjà là ! L’idée de ce jeu a pourtant germé dans l’esprit de Nolan Bushnell bien plus tôt, dès 1971 / 72, après le relatif échec de Computer Space, le premier jeu d’arcade : trop nouveau, trop ésotérique. Il décide alors de mettre en chantier un jeu plus fédérateur, un jeu de course, qui finalement ne verra le jour que plusieurs années plus tard, les plans du fondateur d’Atari ayant été quelque peu bouleversés par l’incroyable succès d’un certain Pong, développé par le génial Al Alcorn. En effet, alors que Bushnell comptait demander à Alcorn de créer un jeu de course, il juge le projet trop ambitieux et demande à Al de travailler sur un concept plus simple, dont le but serait de servir de prototype. La suite fait partie de l’histoire. Ce n’est donc qu’en 1974 que Gran Trak 10 voit le jour. Ce titre, bien sûr en noir et blanc seulement, propose une vue aérienne dévoilant un circuit sur lequel le joueur contrôle une espèce de bloc blanc clignotant : la voiture ! L’objectif consiste à franchir des checkpoints dans le temps imparti. Sans adversaires, Gran Trak 10 oppose le joueur à un unique rival : la montre. Gran Trak 10 est également le premier jeu à utiliser une ROM (pour « Read Only Memory »), ce qui lui permet de stocker des sprites, les scores des joueurs, ainsi que le tracé du circuit. Ce titre, le vénérable ancêtre des jeux de course, géniteur d’un genre aujourd’hui majeur, ne rencontre pourtant à l’époque qu’un succès relatif. Le volant ne répond en effet pas très bien, ce qui n’empêche pas le jeu de se constituer une petite tribu de fans hardcore dont fait partie un certain Steve Wozniak, cofondateur d’Apple ! Les seventies Le premier jeu de course étant né en arcade au début des années 1970, l’évolution du genre suit une trajectoire parallèle aux avancées techniques réalisées par les grands constructeurs « pionniers ». Ces derniers, Atari et Bally-Midway en tête, se livrent alors une guerre technologique sans merci… Sur le modèle de Gran Trak 10, Atari sort la même année plusieurs suites directes, dont Gran Trak 20 (jouable à deux) ainsi que Twin Racer et Formula K (une version améliorée de Gran Trak 10 qui affiche les temps pour chaque tour de piste), tous deux développés par Kee Games. La même année, Taito sort également en arcade son premier jeu de course : Speed Race (quatre ans avant le mythique Space Invaders), qui mise sur des sons de moteur réalistes. Le constructeur et développeur Bally-Midway répond quant à lui en 1975 en sortant plusieurs jeux de course comme Racer, Wheels et Wheels II, toujours plus ou moins créés sur le modèle de Gran Trak 10 (avec une vue de dessus). Atari réagit avec l’aide de Kee Games (société lui appartenant et dirigée par un ami de Nolan Bushnell) en sortant Indy 800 qui se distingue en proposant à huit joueurs de s’affronter en arcade ! La borne est de forme carrée avec un écran central et deux volants sur chaque côté ! Les construc- Speed Race est le premier jeu en arcade lancé par Taito en 1974. teurs se répondent ainsi coup pour coup dans un bras de fer « technologico-marketing » sur fond de variations de gameplay qui semblent aujourd’hui minimes. Atari sort la même année Hi-Way ainsi que Crash’n Score, une « simulation » de Destruction Derby qui permet à deux joueurs de se rentrer dedans et d’écraser des drapeaux. L’année 1975 est également notable pour la sortie d’Alley Rally développé par Exidy. Jouable à deux – chaque joueur ayant son volant – cet ancêtre de Crazy Taxi permet de diriger sa voiture à travers le trafic d’une ville agitée. En 1976, tout s’accélère. Concentrons-nous alors sur quelques titres particuliers, qui ont ouvert de nouveaux horizons au genre « quatre roues ». Atari sort ainsi Night Driver, le premier jeu de course à proposer une vue subjective de la route et une perspective 3D. Celle-ci est obtenue par l’affichage d’étroits rectangles blancs qui symbolisent les limites de la route ! Une claque ! Une question de look Dans les années 1970, une bonne façon de se distinguer de la concurrence consistait à créer les plus beaux « cabinets », les plus belles bornes d’arcade, histoire d’attirer l’œil du joueur comme une couverture joliment illustrée attire l’œil du lecteur. Rien d’étonnant à ce qu’aujourd’hui ces machines soient des objets de collection prisés et de véritables icônes de la culture ludique. En cela, flippers et jeux d’arcade seventies possèdent plus d’un point en commun.