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Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
La critique littéraire, portée par la pensée unificatrice de
l’Establishment sioniste, a marginalisé l’œuvre littéraire de Ballas
en le classant dans la catégorie « auteur oriental », mais aussi en
raison de ses positions non consensuelles et notamment de son
entêtement à garder une double appartenance dans un espace
culturel, idéologique et politique homogène3. A la différence
d’autres auteurs irakiens, comme Sami Michaël ou Eli Amir,
qui se définissent également comme « Juifs-Arabes »4 et défient
l’homogénéité de l’identité israélienne5 en explorant les différentes
tendances des deux parties et en pénétrant profondément dans
l’univers de « l’autre », Shimon Ballas retourne l’expression dans
les deux sens, « Juif-Arabe - Arabe-Juif », persiste dans un rapport
complexe à la langue6 et manifeste, parfois de façon radicale, sa
méfiance vis-à-vis du sionisme.
Les variations d’un modèle identitaire
La thématique des romans de Ballas se situe dans un espace
intermédiaire, un entre-deux qui définit la position du personnage
dans l’espace. Quels que soient son origine et ses lieux de passage,
3 Ibid.
4 La question de savoir s’il faut écrire le mot « juif » avec ou sans majuscule est
très délicat dans cet article, en raison de la difficulté à déterminer la frontière entre
l’ethnique et le religieux. Lorsqu’il est question de la dimension « nationale »,
nous mettons une majuscule, lorsqu’il s’agit du rapport religieux, nous n’en
mettons pas. Force est de reconnaître que l’appréciation est parfois discutable.
5 Cf. article de Hanan Hever et Yehuda Shenhav, « Yehudim-Aravim, gilgulo shel
munah », http://zmanpedia.com (2008).
6 Si lui-même s’est résolu à écrire en hébreu, alors qu’il s’y refusait dans les
premiers temps de son arrivée en Israël, ses personnages entretiennent un
plurilinguisme de circonstance.