Internaliser le prix du carbone dans les portefeuilles d

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Etude de durabilité du secteur de l’énergie
Back to Sustainable Value Creation: Towards a Low-Carbon Future
Internaliser le prix du carbone dans
les portefeuilles d’hydrocarbures
Risques et opportunités du changement climatique pour les actifs
amont des compagnies pétrolières et gazières
2009
Sommaire
Synthèse
2
1.
1.1
1.2
La décarbonisation nécessaire de l’économie
Des tendances énergétiques et en matière d’émissions insoutenables à terme
Une transition nécessaire vers un avenir à faible teneur en carbone
2.
2.1
2.1.1
2.1.2
2.1.3
2.2
Les énergies fossiles : des profils de carbone différenciés
Quelles sont les intensités en CO2e des énergies fossiles pendant leur cycle de vie complet ?
Des émissions en amont supérieures pour les projets plus complexes
Des émissions totales similaires dans le secteur médian et en aval
Des émissions liées à la combustion finale moins importantes pour le gaz naturel
Résultats des émissions de GES pendant le cycle de vie complet
4
4
5
7
7
8
9
9
11
3.
3.1
3.2
3.2.1
3.2.2 Des réglementations en matière de CO2 de plus en plus strictes pour les compagnies pétrolières et gazières
Tendances en matière de réglementation du CO2 au niveau régional et mondial
Outils de réglementation spécifiques relatifs au climat visant les entreprises du secteur de l’énergie
Régimes de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES (et autres taxes sur le carbone…)
Normes sur les carburants à faible teneur en carbone (et autres normes en matière d’énergie…)
13
13
14
15
16
4.
4.1
4.2
4.3
4.3.1
4.3.2
4.3.3
Dans quelle mesure le changement climatique modifie-t-il le panorama des investissements pour les actifs en amont ?
Un effet limité mais croissant sur la demande des énergies fossiles
Les prix des marchandises intègrent-ils l’intensité en GES de celles-ci ?
Déterminer le prix pour le carbone modifiera l’économie des projets en amont
L’économie en amont devrait intégrer le coût du carbone
Quel coût pour le carbone ?
L’impact du carbone sur l’économie de projets en amont
18
18
20
22
23
23
25
5.
5.1
5.1.1 5.1.2 5.2
5.3
5.3.1 5.3.2 5.3.3 Déterminer le prix pour le carbone dans plusieurs portefeuilles européens en amont
Cadre d’analyse d’un portefeuille en amont
Approche en amont : la source d’approvisionnement d’origine des énergies fossiles
L’intensité en GES de plusieurs portefeuilles européens en amont
Une prime de valorisation pour les portefeuilles en amont moins intenses en carbone Quels sont les éléments de passif GES des 230 portefeuilles ?
Elaboration d’un modèle et hypothèses
Importants éléments de passif liés aux GES associés à la production 2020e
Conclusion : transition vers des modèles d’activité moins intensifs en carbone
28
28
28
29
31
33
33
34
38
40
Sources
Money does not perform. People do.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Synthèse
•
Une décarbonisation nécessaire de l’économie – Des tendances d’émissions de gaz à effet de serre (GES)
insoutenables à terme font de la décarbonisation de l’économie une condition sine qua non pour éviter le changement
climatique. Alors qu’il reste moins de huit mois pour parvenir à un accord post-Kyoto à Copenhague, d’importantes
négociations internationales relatives au climat sont en cours. Au même moment, l’économie mondiale est confrontée à
la récession économique la plus grave qu’elle ait vécue depuis plusieurs décennies.
•
Des énergies fossiles moins intensives en GES ? – La présente étude traite de la période de transition pendant
laquelle les énergies fossiles vont combler l’écart qui nous sépare d’un avenir à faible teneur en dioxyde de carbone.
Tous les hydrocarbures ont un fort contenu en carbone et vont faire face à des défis de plus en plus importants.
Néanmoins, les entreprises du secteur de l’énergie peuvent positionner leur portefeuille amont sur des énergies fossiles
produisant plus ou moins de GES. D’après nos estimations, les émissions de GES du cycle de vie du gaz naturel sont les
plus faibles (23 % de moins que le pétrole et 48 % de moins que le charbon). Les émissions de GES du cycle de vie du
pétrole brut lourd sont supérieures de 18 % à celles du pétrole brut léger/moyen et de 53 % à celle du gaz naturel.
•
Des réglementations carbone plus strictes pour les compagnies pétrolières et gazières –
Alors qu’on ne connaît toujours pas avec certitude la part exacte de la chaîne de valeur des entreprises du secteur de
l’énergie qui devrait être la plus touchée par les réglementations carbone, des régles plus strictes devraient peser sur la
plupart des compagnies pétrolières et gazières. Etant donné l’intégration croissante d’un prix associé aux émissions de
GES à travers le monde, la demande pour les énergies faibles en carbone devrait s’accroître et celles-ci devraient
bénéficier d’une prime à long terme.
•
La rentabilité des projets amont confrontée au coût du CO2 – La rentabilité économique des projets amont
sera de plus en plus confrontée aux coûts liés aux émissions de CO2. Des prix du carbone plus élevés dans le futur vont
modifier l’attractivité relative des énergies à fort ou faible contenu en carbone, ce qui devrait accroître l’attrait des projets
en gaz naturel par rapport aux projets de pétrole lourd, par exemple. Compte tenu des incertitudes quant à la possibilité
de mettre en œuvre le captage et le stockage du dioxyde de carbone (CSC) et son coût réel, les investissements dans le
pétrole lourd impliquent d’importants éléments de passif potentiels en termes de carbone, ce qui pourrait constituer une
nouvelle classe d’« actifs subprime » dans un avenir à faible teneur en carbone.
•
Evaluation de l’intensité en émissions de GES des portefeuilles amont de quelques entreprises
européennes – Partant de l’analyse des 230 principaux projets de croissance amont, la présente étude mesure
l’intensité en GES sur l’ensemble du cycle de vie des portefeuilles amont de sociétés européennes. Le marché commence
tout juste à incorporer dans les valorisations des actions les risques et les éléments de passif liés au carbone associés aux
investissements dans les hydrocarbures. Les sociétés du secteur de l’énergie avec des portefeuilles amont moins intensifs
en émissions de GES au cours de leur cycle de vie, telles que BG Group, semblent bénéficier de valorisations supérieures
même si déterminer la contribution exacte du carbone à cette prime reste une tâche difficile.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
•
Des engagements en termes de GES en hausse – Dans l’éventualité où les entreprises du secteur de l’énergie
étaient tenues de payer une taxe sur le carbone pour une partie ou la totalité des émissions de GES liées aux
hydrocarbures produits dans le cadre des 230 projets à horizon 2020e, elles seraient confrontées à des éléments de passif
en termes de GES représentant entre 1 % et 68 % de leur résultat opérationnel 2008, en fonction de leur intensité en
GES et de différents scénarii de coût carbone. Les estimations actuelles concernant les engagements en termes de GES sur
le cycle de vie associés à la production 2020e se situent dans une fourchette comprise entre 13 et 23 milliards d’euros par
entreprise, dans un scénario de prix du carbone de 93 €/tCO2e en 2020 (équivalent à l’hypothèse de l’Agence Internationale de l’Energie de 180 $/tCO2e en 2030, anticipée dans son scénario le plus ambitieux de « 450 ppm »).
•
Des entreprises différemment exposées – BP, StatoilHydro et ENI présentent des engagements en termes de
GES de précombustion (amont, secteur médian et aval) inférieurs en pourcentage de leur résultat opérationnel 2008,
tandis que TOTAL et RDShell comptent des éléments de passif GES de précombustion supérieurs. Ces éléments de
passif GES ne sont pas suffisamment élevés pour représenter un risque financier majeur pour les compagnies pétrolières
et gazières à court terme. Cependant, des réglementations plus strictes en matière de carbone auront un impact
considérable sur le secteur énergétique aussi bien en termes d’exposition directe aux coûts carbone que de prévisions
de croissance et de fixation des prix de leurs hydrocarbures.
•
Les investisseurs de long terme devraient prendre en compte le carbone dans leurs investissements dans le secteur de l’énergie – En dépit de la récession économique actuelle touchant les prix du pétrole et
la demande énergétique, nous pensons que les investisseurs avec un horizon à long terme devraient prendre en compte
la contrainte carbone dans leurs décisions d’investissement dans le secteur de l’énergie. Les entreprises de ce secteur
doivent fournir aux investisseurs des informations sur les engagements en termes de GES inhérents à leurs portefeuilles
amont. Les énergies sans carbone et les économies d’énergie présenteront un avantage concurrentiel durable pas encore
suffisamment reflété actuellement.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
1.
La décarbonisation nécessaire
de l’économie
Pour citer le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « le monde n’est
pas sur la voie d’un avenir énergétique durable »1. Une transition majeure vers une économie à faible
teneur en carbone est nécessaire, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement énergétique.
Les efforts visant à réduire la consommation d’énergie et à accroître la part des sources d’énergie « sans
carbone » auront un impact considérable sur les compagnies pétrolières et gazières, même si l’offre
énergétique devrait continuer à dépendre, pendant plusieurs décennies encore, des énergies fossiles.
1.1
Des tendances énergétiques et en
matière d’émissions insoutenables à terme
Le monde continue à dépendre
fortement des énergies fossiles
pour couvrir plus de 80% de ses
besoins
La consommation d’énergie s’est multipliée pratiquement par dix au cours du XXème siècle. Chaque
génération consomme près de trois fois plus d’énergie que la génération précédente. La consommation
d’énergie est fortement corrélée à la croissance économique. Malgré la tendance actuelle à la diversification du mix énergétique, le monde continue à dépendre fortement des énergies fossiles pour couvrir
plus de 80 % de ses besoins. Le pétrole est la première source d’énergie dans le monde, avec 35 % de
la consommation d’énergie primaire, suivie du charbon (25 %) et du gaz naturel (20 %)2. Le transport
dépend essentiellement du pétrole (94 % de l’énergie primaire consommée), tandis que les deux tiers
de la génération d’électricité proviennent du charbon et du gaz et que le tiers restant se répartit entre
le nucléaire, les ressources hydrauliques et les autres sources d’énergie renouvelable. La consommation
d’énergie du secteur industriel se répartit davantage entre les différentes énergies fossiles. Le secteur du
bâtiment utilise davantage le gaz et le pétrole3.
D’ici à 2030, une augmentation
de 45% des émissions de CO2 liées
à l’énergie conduira à des niveaux
dangereux de concentrations de
GES
Alors que le carbone était auparavant stocké dans le sous-sol sous la forme d’hydrocarbures, la
combustion croissante des énergies fossiles provoque une hausse des émissions de gaz à effet de serre
(GES), se traduisant par un changement climatique qui pourrait s’avérer catastrophique. Les émissions
de GES liées à l’énergie représentent 70 % des émissions totales de GES4. Le secteur pétrolier et gazier
est directement impliqué dans cette tendance insoutenable ; les émissions de CO2 provenant de ses
opérations se montent à près de 5 % des émissions mondiales de GES, et c’est surtout l’utilisation de
ses produits qui pèse sur le total (29 %). En termes d’émissions de CO2 liées à l’énergie, la génération
d’électricité contribue à 41 % du total, tandis que les transports représentent 24 % et l’industrie et le
bâtiment, 35 %5. D’ici à 2030, l’augmentation de 45 % des émissions de CO2 liées à la combustion
d’énergie estimée par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) dans son scénario de référence (sans
modification des politiques publiques) est manifestement insoutenable.
Gigatones
Figure 1.: Emissions de CO2 liées à la combustion d’énergie dans le scénario de référence de l’AIE
45
40
35
International marine bunkers and aviation
30
Non-OECD-gas
25
Non-OECD-oil
20
Non-OECD-coal
15
OECD-gas
10
OECD-oil
5
OECD-coal
0
1980
1990
2000
2010
2020
2030
Source: IEA World Energy Outlook (2008)
1
GIEC, Quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007
GIEC, Quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007
Le secteur du bâtiment inclut principalement les utilisations des branches suivantes : résidentiel, commercial et services publics.
4
Les émissions de CO2 non liées à l’énergie proviennent essentiellement d’un changement dans l’utilisation des sols (forêts) et dans l’agriculture ; GIEC,
Quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007 ; AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008.
5
AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008
2
3
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Dans ce scénario, l’essentiel de la hausse projetée des émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie
provient de pays hors OCDE, dont les trois quarts en Chine, en Inde et au Moyen-Orient, et en majorité
de la combustion de charbon. D’ici à 2050, un scénario « business-as-usual » entraînerait une multiplication par deux des émissions de CO2 liées à l’énergie et des niveaux dangereux de concentration
de GES au niveau mondial, malgré les appels lancés depuis plusieurs années pour stabiliser ces niveaux
dans l’atmosphère.
1.2
D’ici à 2020, les pays développés
doivent réduire leurs émissions
de CO2 de 25 % à 40 % par rapport
aux niveaux de 1990
Une transition nécessaire vers
un avenir à faible teneur en carbone
D’ici à 2050, le GIEC nous indique que les émissions de CO2 doivent être réduites d’au moins 50 %
(80 % pour les pays développés) depuis leurs niveaux de 1990 pour éviter un changement climatique
« brusque et irréversible »6. Cet impératif requiert de développer rapidement un monde à faible teneur
en carbone. L’équation de Kaya est une bonne méthode pour comprendre comment y parvenir7.
Elle décompose le niveau des émissions de CO2 liées à l’énergie en quatre facteurs :
Emissions de CO2 liées à la combustion d’énergie = Population * PIB/tête * Intensité énergétique
(Energie primaire /PIB) * Intensité carbone (émissions CO2/énergie primaire).
Il y a deux manières d’y parvenir :
réduire l’intensité énergétique de
l’économie et réduire la teneur en
carbone de l’énergie
En partant du principe que la population et la richesse mondiale devraient continuer à s’accroître,
il existe globalement deux manières de réduire les émissions de CO2 liées à l’énergie : diminuer
l’intensité énergétique de notre économie et réduire la teneur en carbone de notre énergie. Une étude
réalisée par la société de conseil McKinsey montre les avantages de la première solution. En investissant
dans l’efficacité énergétique dans le bâtiment, les transports et les processus industriels, la croissance
de la demande énergétique mondiale pourrait être réduite de moitié (c’est-à-dire de 64 millions de
barils de pétrole par jour). Tandis que l’investissement supplémentaire requis s’élèverait à 170 milliards
de dollars par an pendant les 13 prochaines années, cet investissement générerait un taux de retour sur
investissement moyen annuel de 17%, simplement par le biais d’une utilisation énergétique moindre8.
L’AIE estime que l’utilisation de pétrole pourrait être réduite de 16 millions de barils par jour (19 % de la
consommation actuelle de pétrole), uniquement grâce à l’emploi de meilleurs moteurs et pneus sur les
nouveaux véhicules. Une réduction de la demande d’énergies fossiles aura un impact direct sur le
secteur de l’énergie. Outre les améliorations en termes d’efficacité énergétique, une décarbonisation
majeure du système énergétique mondial est le second levier pour parvenir à une réduction des
émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie. Le secteur de l’énergie sera, une nouvelle fois,
directement visé. Cependant, il n’existe pas une arme fatale pour réduire l’intensité de carbone de
l’offre énergétique, mais un éventail de solutions : efficacité accrue de l’offre énergétique, arbitrage du
charbon en faveur du gaz, énergies renouvelables (hydraulique, éolien, biomasse, etc.), captage
et stockage du CO2 (CSC) et nucléaire.
6
7
8
Cela se traduit par des réductions de 25 % à 40 % d’ici à 2020 par rapport aux niveaux de 1990 enregistrés dans les pays développés..
Du nom de l’économiste de l’énergie japonais, Yoichi Kaya, in GIEC, 2007.
Eric D. Beinhocker et Jeremy Oppenheim, « Building a postcarbon economy »,
http://whatmatters.mckinseydigital.com/climate_change/building-a-postcarbon-economy, 22 février 2009
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Une transition de sources
d’énergie « à forte teneur en
carbone » à une gamme de sources
d’énergie « à faible teneur en
carbone »
Même si l’objectif à long terme consiste à n’utiliser que des technologies sans ou à faible teneur en
carbone, l’avenir à court et moyen terme devrait être caractérisé par une transition vers des sources
d’énergie à faible teneur en carbone. En dépit de l’urgence du changement climatique, nous ne
pouvons par renoncer à toutes les énergies fossiles du jour au lendemain, et ce tant pour des raisons
techniques qu’économiques. Comme nous l’avons mentionné au préalable, les énergies fossiles
dominent actuellement le mix énergétique et les infrastructures. En février 2009, Tony Hayward, le
Directeur général de BP, déclarait que « près de 80 % de toute l’énergie est fournie par les énergies
fossiles et, d’après la plupart des prévisions, les énergies fossiles continueront à fournir la principale
part de l’énergie primaire en 2030 »9. L’objectif global consiste à réduire dès que possible la part des
énergies fossiles dans le mix de l’énergie primaire. Toutefois, la mise en œuvre de technologies « zéro
carbone » à grande échelle prendra du temps. Nous devrions plutôt assister à une transition
énergétique de sources d’énergie « à fort contenu en carbone » à une gamme de sources d’énergie
« à faible teneur en CO2 ».
Cependant, le changement climatique n’est pas le seul défi que doit relever le secteur de l’énergie.
La sécurité d’approvisionnement est également un aspect crucial et peut s’avérer en contradiction
avec des énergies fossiles à teneur plus réduite en carbone10. Des pays comme la Chine, l’Inde et
les Etats-Unis utilisent de grandes quantités de charbon domestique, la source d’énergie la moins
chère mais également celle entraînant les plus fortes émissions. Les avantages du charbon en tant
que ressource répandue et abondante, et ceux des pétroles lourds, s’accompagnent en contrepartie
d’inconvénients majeurs pour le changement climatique. Comme l’indique le rapport Stern :
« le passage à une économie mondiale à faible teneur en carbone aura lieu dans ce contexte particulier
d’une offre abondante d’énergies fossiles [à fort contenu en carbone] »11.
La présente étude examine la période de transition à moyen terme, pendant laquelle
les énergies fossiles vont combler l’écart qui nous sépare d’un avenir « zéro carbone ».
Dans ce contexte, tous les hydrocarbures vont faire face à des défis de plus en plus
importants. Il reste à savoir si toutes les énergies fossiles se valent dans un monde
soumis à la contrainte carbone et comment les compagnies pétrolières et gazières
peuvent positionner leur portefeuille amont vers des énergies fossiles à faible ou forte
teneur en CO2.
9
10
11
Tony Hayward, 28ème conférence CERA (Cambridge Energy Research Association), 10 février 2009
A ce titre, les énergies renouvelables et le nucléaire proposent des solutions à la fois en matière de sécurité énergétique et de changement climatique.
Rapport Stern sur l’économie du changement climatique, 30 octobre 2006.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
2.
Les énergies fossiles :
des profils carbone différenciés
Toutes les énergies fossiles sont-elles égales en termes de contenu carbone et d’émissions de GES sur
l’ensemble de leur cycle de vie ? La réponse est non.
2.1
Quelles sont les intensités en CO2e
des énergies fossiles pendant leur cycle
de vie complet ?
Dans cette partie, nous mettons l’accent sur l’intensité carbone des principales énergies fossiles.
Nous définissons cette intensité carbone comme le ratio de la masse totale en CO2 équivalent des
émissions de GES (en gCO2e) pendant toute la durée du cycle de vie de l’hydrocarbure concerné
(production, transport, traitement et combustion finale) par rapport à l’énergie délivrée par cette
énergie fossile (en MJ – Méga Joules). Nous observons les émissions de GES, notamment de CO2,
CH4 et N2O. Nous examinons l’ensemble du secteur des sources d’énergie primaire et les intensités
carbone qui leur sont associées, indépendamment du fait qu’elles vont être utilisées dans différents
secteurs par la suite : transport12, électricité, chauffage/processus industriels et résidentiels.
Nous ne mettons pas l’accent sur des produits finaux spécifiques (par exemple le diesel ou le fioul)
mais nous examinons les estimations moyennes pour une gamme d’énergies primaires appartenant
à un mix de portefeuille amont : pétrole brut léger/moyen, pétrole brut lourd, gaz naturel, gaz naturel
liquéfié (GNL), carburant synthétique à partir de gaz naturel (GTL ‘Gas to Liquids’)13.
Nous proposons également des estimations pour le charbon à des fins de comparaison14.
Dans cette étude, nous considérons trois étapes principales du cycle de vie d’un combustible :
1) émissions en amont, 2) émissions du secteur médian et en aval, 3) utilisation finale et émissions
liées à la combustion. La ventilation moyenne des émissions pour le pétrole léger/moyen et le gaz
conventionnel (la grande majorité de la production actuelle d’hydrocarbures) montre la prédominance
des émissions liées à la combustion (>80 %), tandis que le pétrole lourd et les autres combustibles non
conventionnels présentent des émissions précombustion supérieures.
Plus précisément, les études des émissions tout au long du cycle de vie des hydrocarbures sont
complexes et elles varient en fonction des technologies, des caractéristiques des réservoirs, du choix
des sources d’énergie, des distances de transport, etc. L’incertitude est de mise mais nous utilisons des
estimations médianes de plusieurs sources fiables15.
Figure 2.: Ventilation moyenne des émissions de GES tout au long
de la chaîne de valeur de l’énergie pour :
Pétrole léger/moyen, gaz
Pétrole lourd, GTL, GNL
5%
15%
Upstream
13%
11%
Midstream & Downstream
Final Combustion
Source: Estimations Dexia AM
82%
12
13
14
15
74%
Dans le secteur des transports, les émissions au cours du cycle de vie sont souvent appelées émissions WTW (« du puits à la roue »).
Nous prenons également en compte l’intensité carbone du carburant synthétique à partir de gaz naturel (GTL - ‘Gas to Liquids’) qui n’est plus une énergie
primaire mais un produit final.
Le charbon ne s’inscrit pas habituellement dans les portefeuilles amont des compagnies pétrolières et gazières, mais il est essentiel d’en évaluer le profil
carbone.
Nous utilisons des estimations des institutions et organismes suivants : émissions GES WTW (« du puits à la roue ») Centre conjoint de recherche de la
Commission européenne (JRC) / EUCAR / CONCAWE (Version 3, novembre 2008) ; Directives du GIEC concernant les inventaires nationaux de GES (2006) ;
A. E. Farrell & D. Sperling (2007) ; A. D. Charpentier, J. A. Bergerson & H. L. MacLean (2009) ; OGP (2007) ; Moyenne 2007 des émissions en amont / bep
pour BG, BP, ENI, StatoilHydro, TOTAL ; California Air Resources Board – modèle GREET (2009).
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
2.1.1
Des émissions en amont supérieures pour
les projets plus complexes
Des émissions de GES en amont
très similaires pour le pétrole
léger/moyen et le gaz naturel
Les émissions en amont proviennent essentiellement des actions destinées à produire l’hydrocarbure.
Elles couvrent toutes les phases, de l’exploration au développement et jusqu’à la production.
Les émissions de GES proviennent principalement du gaz torché et de la combustion de sources
d’énergie pour la production d’énergie. Le pétrole et le gaz peuvent être produits à partir d’un même
puits ou de champs distincts. Il est donc communément admis que les émissions en amont pour le
pétrole brut léger/moyen et le gaz naturel sont très similaires (respectivement 3,5 et 3,9gCO2e/MJ).
La principale incertitude réside ici dans la quantité de gaz torché. Or, celle-ci est très variable d’une
région à l’autre : elle est importante en Afrique ou en Russie mais très limitée en Europe.
Les émissions de GES amont pour
le pétrole lourd sont considérées
comme étant 3 à 7 fois supérieures
aux émissions pour le pétrole brut
léger ou moyen
La principale différence dans les émissions en amont concerne les pétroles bruts lourds. Aux fins de la
présente étude, nous plaçons dans cette catégorie les pétroles bruts lourds et extra lourds (c’est-à-dire
avec une densité API16 inférieure à 27 degrés). Les sables bitumineux sont un exemple de ces pétroles
lourds17. Il s’agit de gisements de bitume, une substance riche en carbone et en soufre et pauvre en
hydrogène, également caractérisée par des viscosités élevées (ce qui implique une résistance aux flux).
Celui-ci doit être extrait au moyen de méthodes d’exploitation minière ou ‘in situ’ (stimulation par la
vapeur) puis chimiquement valorisé en pétrole brut de synthèse avant son utilisation par les raffineurs.
Des gisements de pétrole lourds sont présents notamment au Canada et au Venezuela. La différence
dans les émissions de GES en amont est due principalement à des exigences énergétiques supérieures
pour extraire le bitume et le valoriser pour le transformer en pétrole brut de synthèse utile.
Les émissions des projets in situ de sables bitumineux se situent dans une fourchette supérieure à
celle des projets miniers, compte tenu des besoins substantiels pour ces premiers en gaz naturel pour
générer de la vapeur. La valorisation est également un processus intensif en énergie qui requiert l’ajout
d’hydrogène au bitume à des températures et des pressions élevées. Les estimations varient, mais les
émissions de GES en amont par unité de pétrole lourd produit sont considérées 3 à 7 fois supérieures à
celles du pétrole brut léger/moyen conventionnel18. Dans la présente étude, nous utilisons l’estimation
médiane suivante de 19,7gCO2e/MJ, soit près de 6 fois supérieure à notre estimation pour le pétrole
brut léger/moyen, étant donné que la plupart des ressources de pétrole lourd sont souterraines et ne
peuvent faire l’objet d’extraction minière19.
Hausse des émissions de GES en
amont par baril pour des motifs
géographiques et géologiques
Quelles sont les principales tendances concernant les émissions de GES en amont ? Le TMVA 2002-07
des émissions de GES en amont par baril produit ressortait à 1,2 % par an20. Outre la maturité
croissante des actifs en amont existants, qui exigent des processus d’extraction secondaire et tertiaire
plus intensifs, on assiste à un arbitrage de plus en plus important vers les pétroles lourds et les autres
ressources non conventionnelles à plus forte teneur en carbone, en raison de l’accès limité aux ressources conventionnelles les plus faciles à produire. Malgré la tendance à la diminution de la teneur en
carbone par baril de la production de pétrole lourd (recul de 45 % pour les sables bitumineux depuis le
début des années 1990), la teneur en carbone des sables bitumineux reste largement supérieure à celle
du pétrole brut léger/moyen conventionnel et la croissance de la production des sables bitumineux est
tellement prononcée qu’elle l’emporte sur les gains d’efficience. Citons un dernier élément concernant
la tendance à la hausse des émissions de GES en amont : la production de plus en plus importante
provenant de régions avec un niveau supérieur à la moyenne de gaz torché (par exemple en Afrique).
Dans une grande partie de l’Afrique, il n’existe actuellement pas ou peu d’infrastructures pour
commercialiser et utiliser le gaz associé à la production de pétrole. Cette tendance devrait toutefois
s’inverser dans un avenir proche pour différentes raisons économiques et environnementales que nous
aborderons plus en détail dans la suite de notre étude21.
16
17
18
19
20
21
L’American Petroleum Institute (API) définit la densité du pétrole comme la densité relative du pétrole brut par rapport à l’eau, dont la densité API est de 10
degrés. Cela donne une indication de la richesse en éléments légers (API élevé) ou lourds (API faible) du pétrole brut.
Nous n’utilisons pas la distinction entre le pétrole brut conventionnel et non conventionnel, car la plupart des pétroles lourds provenant du Venezuela,
de Syrie ou d’Alaska présentent des émissions de GES sur la totalité de leur cycle de vie similaires aux sables bitumineux non conventionnels, bien qu’ils
reçoivent la dénomination de « conventionnels ».
A. D. Charpentier, J. A. Bergerson & H. L. MacLean, (janvier 2009).
Les ressources souterraines (c’est-à-dire à un niveau plus profond que 50 m) constituent 90% des ressources de pétrole lourd du Canada et 100% des
ressources des Etats-Unis et du Venezuela.
OGP, Environmental performance in the E&P industry 2007 data, décembre 2008.
Cf. 4.3.3
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
2.1.2
Les pétroles bruts et le gaz naturel
ont tendance à produire des émissions similaires si on combine le
secteur médian et en aval
Des émissions totales similaires
dans le secteur médian et en aval
La deuxième phase de la chaîne de valeur des hydrocarbures où se produisent des émissions de GES
est le secteur médian et le segment en aval, lesquels couvrent le transport, la transformation et la
distribution des énergies fossiles.
Transport et distribution (T&D) : le segment T&D englobe le mouvement du pétrole brut et du gaz du
lieu de production aux raffineries ou lieux de traitement du gaz, puis vers les marchés de destination.
Les émissions du segment T&D sont le fait de pertes (essentiellement des émissions de CH4) du matériel
transporté ou d’émissions de combustion liées au déplacement de l’hydrocarbure. Les émissions de GES
du segment T&D du gaz naturel sont plus élevées que celles du pétrole brut (8,6 contre 0,9gCO2e/MJ)
et il convient de tenir compte également du potentiel de réchauffement global supérieur du CH422.
La chaîne de valeur du GNL présente même une teneur en carbone supérieure (13,2gCO2e/MJ), du fait
des exigences énergétiques et des pertes de méthane associées aux usines de liquéfaction et aux
processus de transport et de regazéification.
Les émissions supérieures liées au
raffinage pour le pétrole brut sont
compensées par des émissions du
segment T&D plus lourdes pour le
gaz naturel
2.1.3
L’utilisation finale et la combustion des énergies fossiles est de
loin l’élément contribuant le plus
aux émissions de GES (plus de
80 % des émissions pendant le
cycle de vie)
Raffinage : les pétroles bruts ne sont pas utilisés tels quels et des transformations supplémentaires sont
nécessaires pour aboutir aux produits finaux. Les émissions de GES en aval incluent toutes les émissions
liées aux processus de raffinage des pétroles bruts. Elles n’affectent pas le profil carbone du gaz naturel
mais elles pèsent sur les émissions de GES du cycle de vie du pétrole brut léger/moyen et lourd (avec
des estimations comprises entre 7 et 13,7gCO2e/MJ). Les pétroles bruts lourds tendent également à
être plus acides que les pétroles légers/moyens non corrosifs. Le degré de raffinage supplémentaire
nécessaire pour transformer le pétrole brut en produits finaux tels que l’essence ou le diesel est
déterminé par ces propriétés des pétroles bruts (teneur en soufre, densité API, ratio hydrogène/CO2).
Un pétrole brut plus lourd et plus acide doit faire l’objet d’un raffinage plus important, d’où une plus
grande utilisation d’énergie. Le pétrole brut de synthèse issu des sables bitumineux canadiens est
considéré par l’industrie pétrolière comme étant lourd et acide et exige donc plus de raffinage.
Il existe une tendance à la hausse des émissions de GES en aval. Des spécifications de plus en plus
strictes concernant les produits pour l’obtention de produits plus propres (par rapport aux polluants
de l’air local) accroissent les besoins énergétiques des processus de raffinage.
Des émissions liées à la combustion
finale moins importantes pour le gaz naturel
La combustion finale des énergies fossiles est de loin l’élément contribuant le plus aux émissions de
GES (plus de 80 % des émissions pendant le cycle de vie). La quantité d’émissions de GES liées à la
combustion est bien connue pour chaque type d’énergie fossile, dans la mesure où elle est directement
liée à la teneur en carbone de l’énergie en question. Les émissions liées à la combustion sont similaires
pour la plupart des produits issus des pétroles bruts, qu’ils aient été extraits de bruts légers/moyens ou
lourds. Etant donné que nous nous situons dans cette étude au niveau de l’énergie primaire, nous ne
différencions pas les niveaux d’efficience de l’usage final des énergies fossiles (par exemple les moteurs
diesel ont tendance à être plus efficients que les moteurs à essence, même si la combustion du diesel
présente une teneur en CO2 par unité d’énergie supérieure à l’essence). La différence principale pour les
émissions liées à la combustion au niveau de l’usage final peut être relevée entre le pétrole et les autres
énergies fossiles (gaz et charbon).
22
Le potentiel de réchauffement global du CH4 est 21x supérieur à celui du CO2 sur un horizon à 100 ans.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Le gaz naturel produit la plus
petite quantité de GES par unité
d’énergie : 24 % de moins que le
pétrole et moitié moins que le
charbon dans la génération
électrique
Les combustibles dérivés du pétrole comportent des émissions liées à la combustion au niveau de
l’usage final estimées en moyenne à 73,3gCO2e/MJ. Cette estimation part de l’hypothèse d’une
combustion complète d’énergie primaire, alors qu’en pratique certaines composantes (comme
l’asphalte) peuvent être utilisées à des fins de surfaçage. Le composant primaire du gaz naturel est
le méthane (CH4), la molécule d’hydrocarbure la plus légère. Le gaz naturel est l’énergie fossile
présentant le ratio hydrogène/carbone le plus élevé. Il produit donc la plus faible quantité de GES
par unité d’énergie (56gCO2e/MJ), soit 24 % de moins que le pétrole et 40 % de moins que le
charbon. Dans la génération d’électricité, cet avantage est même renforcé par une plus grande
efficience thermique d’une centrale à gaz à cycle combiné (CCGT) par rapport à une centrale électrique
au charbon (45 % pour le charbon, 60 % pour le CCGT et jusqu’à 90 % dans le cas des centrales de
cogénération alimentées au gaz naturel). Ainsi, le gaz émet moitié moins de CO2 que le charbon dans la
plupart des applications où ils sont en concurrence. Le passage du charbon au gaz dans la
production d’électricité est donc considéré comme une initiative d’atténuation non négligeable.
Même si l’utilisation du gaz reste d’ordre secondaire dans les transports (2 % seulement du transport
routier en 200623), elle affiche le même type d’avantages en termes d’émissions de GES inférieures.
Les véhicules à gaz naturel comprimé (GNC) ont des émissions de CO2 au km inférieures de 20 à 30 %
aux véhicules à essence. Le charbon est l’énergie fossile produisant la plus grande quantité de GES,
avec des émissions de GES liées à la combustion ressortant à 95,4gCO2e/MJ.
23
10
Si on tient compte à la fois des véhicules au gaz de pétrole liquéfié (GPL) et au gaz naturel comprimé (GNC).
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
2.2
Résultats des émissions de GES
pendant le cycle de vie complet
Figure 3.: Estimations médianes des émissions de GES pour les principales énergies
fossiles primaires (gCO2e/MJ) pendant leur cycle de vie complet
Source: Estimations Dexia AM 24
Les profils d’émissions peuvent être traduits en barils d’équivalent pétrole (bep).
Figure 4.: Estimations médianes des émissions de GES pour les principales
énergies fossiles primaires (tCO2e/bep) pendant leur cycle de vie
Natural gas
LNG
Light / medium crude oil
GTL
Heavy crude oil
Coal
Upstream
0.02
0.02
0.02
0.11
0.11
0.19
Midstream/
Downstream
0.05
0.08
0.06
0.02
0.06
-
Combustion
0.32
0.32
0.42
0.42
0.42
0.54
Full life cycle
0.39
0.41
0.50
0.54
0.59
0.74
Source : Estimations Dexia AM 25
Le gaz naturel est l’énergie fossile
disponible avec la teneur en CO2 la
plus faible, tandis que la teneur la
plus élevée correspond au charbon
Les émissions liées au GNL sont
supérieures à celles du gaz naturel,
mais elles demeurent toutefois
inférieures à celles des pétroles
bruts et du charbon
Le gaz naturel est l’énergie fossile disponible avec la teneur en CO2 la plus faible. Cependant, il est
quand même responsable de 20 % des émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie, en ligne
avec la part qu’il représente dans le mix de consommation d’énergie primaire. Le GNL et le GTL
méritent quelques commentaires. Les émissions de GES associées au cycle de vie du GNL sont
légèrement supérieures à celles du gaz naturel (de 7 %) en raison d’émissions plus élevées dans
le secteur médian (liquéfaction/transport, etc.). Elles demeurent néanmoins inférieures de respectivement 44 %, 30 % et 18 % aux émissions associées au charbon, au pétrole lourd et au pétrole brut
léger/moyen. Le GTL, un diesel synthétique issu du gaz naturel, n’est pas une énergie primaire comme
les énergies fossiles suscitées ; il s’agit d’un produit final qui ne requiert aucune transformation ou
raffinage supplémentaire. L’intensité des émissions liées au GTL se situe entre celle du pétrole brut
léger/moyen (supérieure de 7 %) et du pétrole lourd (inférieure de 9 %). Cette plus grande intensité
est le fait du processus de production intensif en énergie du GTL, avec des répercussions sur son
profil de GES précombustion.
24
25
Les émissions de précombustion pour le charbon sont des données JRC WTT et elles incluent toutes les émissions liées au charbon anticipées
(en amont et pour le secteur médian).
Nous utilisons un facteur de conversion de 5,7GJ par bep.
11
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Toutes les énergies fossiles présentent une forte teneur en CO2. Néanmoins, d’importantes
différences entre énergies fossiles sont toujours à relever, notamment :
•
•
les émissions de GES du gaz naturel sont les émissions les plus faibles produites
par des énergies fossiles ; elles sont inférieures de 23 % à celles du pétrole brut léger/
moyen, de 35 % à celle du pétrole brut lourd et de 48 % à celles du charbon ;
les émissions de GES du pétrole brut lourd sont 18 % supérieures à celles du
pétrole brut léger/moyen et 53% supérieures à celles du gaz naturel, même si elles
demeurent toujours inférieures de 20 % à celles du charbon.
Compte tenu que des ressources d’hydrocarbures plus complexes sont actuellement
utilisées pour la production, l’intensité moyenne globale des GES des énergies fossiles
devrait vraisemblablement augmenter à l’avenir, à moins que d’importantes
réglementations d’atténuation ne viennent modifier cette tendance.
12
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
3.
Des réglementations en matière
de CO2 de plus en plus strictes pour les
compagnies pétrolières et gazières
Dans son rapport sur l’économie du changement climatique, Nicholas Stern, ancien économiste
en chef de la Banque Mondiale, a fait remarquer très clairement que « le changement climatique
constitue l’échec du marché le plus important et le plus étendu que le monde ait jamais connu »26.
Aucun acteur du marché ne s’est jusqu’ici imposé et ne s’imposera des objectifs volontaires de
réduction des émissions de GES stricts sans une réglementation incitative ou de lourdes pénalités.
Sur la base de preuves scientifiques, les responsables politiques établissent progressivement un
éventail de réglementations nationales, régionales et mondiales en matière de CO2 visant à réduire
significativement les émissions de GES, réglementations qui ne seront pas sans affecter les entreprises
du secteur de l’énergie.
3.1
Tendances en matière de réglementation
du CO2 au niveau régional et mondial
Un cadre international relatif au
climat post Kyoto est sur le point
d’être défini
Alors qu’il reste moins de huit mois pour parvenir à un accord post Kyoto extraordinairement
complexe lors de la prochaine conférence des Nations Unies sur le changement climatique à
Copenhague, d’importantes négociations internationales relatives au climat sont en cours.
Mais dans le même temps, le monde est confronté à la pire récession économique mondiale des
dernières décennies. En dépit de ce malaise économique, un nombre croissant de pays, même des
pays jusque-là à la traîne en matière de politique climatique, considèrent aujourd’hui les politiques
relatives au climat comme un outil d’incitation économique. Les pays du G20 ont réaffirmé en avril
2009 leur « engagement pour répondre à la menace d’un changement climatique irréversible, sur la
base du principe de responsabilités communes mais différenciées, et parvenir à un accord lors de la
conférence des Nations Unies à Copenhague en décembre 2009 ».
Les réglementations sur le
climat prennent de l’essor dans
de nombreuses régions
Or, accélerer la transition vers une économie à faible teneur en carbone exige des cadres de
réglementation et des mesures d’incitation financière appropriés. Les réglementations en matière
de climat sont accueillies favorablement dans plusieurs régions.
•
•
26
Europe : L’Union européenne a décidé des objectifs ambitieux relatifs au changement climatique
pour 2020 lors d’un sommet tenu en décembre 2008 : réduction des émissions de GES de 20 %
(et jusqu’à 30 %) d’ici 2020 par rapport à 1990 (année de base), relèvement de la présence des
énergies renouvelables dans le mix d’énergie primaire à hauteur de 20 % et améliorations de
20 % de l’efficience énergétique. L’Union européenne est au premier rang de ces réglementations
relatives au changement climatique.
Amérique du Nord : Se détachant nettement des administrations précédentes, le Président
américain Barrack Obama est arrivé au pouvoir avec l’engagement ferme de s’attaquer au changement climatique. En février 2009, Barrack Obama et le premier ministre canadien ont décidé d’unir
leurs efforts pour développer une technologie d’énergie propre ayant pour objectif commun le
déploiement d’un savoir-faire dans le domaine du CSC pour les sables bitumineux et les centrales électriques au charbon. L’inclusion d’attentes spécifiques pour les recettes liées au CO2 à
partir de 2012 dans le budget 2010 de l’Administration américaine implique une nette priorité
pour une législation en matière d’émissions de CO2 via un régime de plafonnement et d’échange
des droits d’émissions des GES. Mais le président américain pourrait avoir besoin de temps pour
obtenir le soutien dans son pays de toute proposition en matière climatique dans l’environnement
économique complexe actuel. Il lui faut absolument éviter un contrecoup du Congrès, comme
dans le cas du protocole de Kyoto, signé par le Président Clinton mais n’ayant jamais été ratifié.
Un projet de loi complet en matière de changement climatique a vu le jour en mars 2009, sous
Rapport Stern sur l’économie du changement climatique, 30 octobre 2006.
13
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
•
3.2
l’égide des députés de la Chambre des représentants, y compris du Président du Comité au
commerce et à l’énergie Henry Waxman. Ce projet de loi exige des industries américaines, y
compris les générateurs d’énergie électrique et les raffineries de pétrole, de réduire d’ici 2030 leurs
émissions de CO2 de 42 % par rapport à leur niveau de 2005. En avril 2009, l’Agence de
protection de l’environnement des Etats-Unis (EPA) a déclaré les GES dangereux pour la santé et
le bien-être. Cela permet à l’Administration américaine d’adopter une réglementation sur le
changement climatique en vertu de la loi « Clean Air Act », et de faire pression sur le Congrès
pour qu’il vote cette loi.
Asie-Pacifique : la ratification du Traité de Kyoto par l’Australie en mars 2008 et les projets du
gouvernement australien de voter une loi portant un programme de réduction de la pollution
liée au carbone (CPRS) en juin 2009 dont l’entrée en vigueur est prévue en juillet 2011 est un
autre exemple de la tendance mondiale à la réglementation en matière de CO2. Le Président
chinois Hu Jintao, qui prépare actuellement le douzième plan quinquennal, devant démarrer en
janvier 2011, a indiqué que la croissance à faible teneur en carbone devait être un thème majeur
de ce plan. La Chine a mis en place des politiques en matière climatique (objectifs d’intensité
énergétique et d’énergies renouvelables, normes d’efficience), mais il reste encore beaucoup
à faire pour réduire la forte pollution liée au charbon. Lors de la réunion de Copenhague, des
objectifs d’intensité du carbone par rapport au PIB pourraient être mis en place pour la Chine et
l’Inde. Toutefois des normes locales en matière de pollution de l’air déjà en place ont des effets
secondaires positifs sur les objectifs permettant de lutter contre le changement climatique.
Outils de réglementation carbone
spécifiques visant les entreprises
du secteur de l’énergie
Les entreprises du secteur de
l’énergie vont vraisemblablement
faire l’objet d’un contrôle accru de
leurs émissions de GES pendant
leur cycle de vie
Les politiques en matière climatique vont avoir un impact considérable sur les entreprises du secteur
de l’énergie, lesquelles vont vraisemblablement faire l’objet d’un contrôle accru de leurs émissions
de GES pendant leur cycle de vie. D’après l’AIE, « le secteur de l’énergie devra jouer un rôle central
dans la restriction des émissions, via des améliorations notables de l’efficience et un passage rapide
aux énergies renouvelables et autres technologies à faible teneur en carbone »27. Certaines entreprises
ont ouvertement sollicité une réglementation future sur le carbone aussi transparente que possible,
et ce de manière à permettre de prendre en compte les futurs prix du carbone dans leurs décisions
d’investissement.
Un éventail d’outils de réglementation en matière climatique non
sans implications pour le secteur
de l’énergie
Il n’existe pas un instrument politique unique devant garantir la transition souhaitée vers un monde
« décarboné ». La plupart des politiques climatiques afférentes à l’offre énergétique ont tendance
à associer deux catégories principales de politiques : d’une part, les instruments économiques
(par exemple le plafonnement et l’échanges de droits d’émission de GES ou les taxes) et, d’autre part,
les instruments de réglementations (par exemple les objectifs d’efficience énergétique et d’énergies
renouvelables, les normes relatives aux combustibles à faible teneur en carbone).
Dans sa réponse 2008 au « Carbon Disclosure Project », Royal Dutch Shell a souligné deux outils de
réglementation « revêtant une importance toute particulière pour le secteur pétrolier et gazier »28 :
•
•
27
28
14
Les systèmes d’échange d’émissions, comme le système européen d’échange de quotas des
émissions (EU-ETS) de l’Union européenne. Ce régime concerne essentiellement les installations
en aval dans l’Union européenne (raffineries). L’échange de quotas d’émissions est également
en cours de développement aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Les normes en matière de carburants qui exigent une réduction de l’empreinte GES du cycle
de vie global des carburants pour le transport. Ces normes ont été approuvées en Californie et
dans l’Union européenne. Ce régime concerne essentiellement les entreprises et leur capacité à
gérer leurs émissions de GES tout au long de leur chaîne de valeur, de l’amont jusqu’à l’offre de
carburants alternatifs à faible teneur en carbone (par exemple le gaz naturel ou les biocarburants
de deuxième génération).
AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008.
Questionnaire CDP6 sur les émissions de gaz à effet de serre - Royal Dutch Shell :
http://www.cdproject.net/responses/public/Royal_Dutch_Shell_3156_Corporate_GHG_Emissions_Response_CDP6_2008.asp
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
3.2.1
Régimes de plafonnement et d’échange
de droits d’émission de GES
(et autres taxes sur le carbone…)
Le plafonnement et l’échange de
droits d’émission de GES et la taxe
carbone sont mis en œuvre dans
un nombre croissant de régions
Les régimes de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES et les taxes sur le carbone
visent à réduire les émissions de GES. Le premier outil détermine un plafonnement quantitatif et
le marché décide du prix pour le carbone, tandis que la taxe sur le carbone fonctionne dans l’autre
sens : un prix pour le carbone est fixé et le marché décide quelles quantités de GES éviter.
Le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES est le système généralement
privilégié car il donne une garantie en matière environnementale (par le biais du plafonnement des
GES), et il garantit un niveau de souplesse pour les acteurs du marché pour utiliser en priorité les
solutions d’atténuation des GES meilleur marché (efficience des coûts). Le seul inconvénient réside
dans l’incertitude concernant les niveaux de prix pour le carbone qui vont affecter les décisions
d’investissement à long terme.
Le système révisé EU-ETS a décidé
en décembre 2008 des plafonnements des émissions de CO2 à
21 % en dessous des niveaux de
2005 d’ici à 2020
Dans le cadre de programmes de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES, il est exigé
des entreprises dont les opérations sont intensives en CO2 d’acheter des permits pour couvrir leurs
émissions. Le système révisé EU-ETS a décidé en décembre 2008 des plafonnements des émissions de
CO2 à 21 % en dessous des niveaux de 2005 d’ici à 2020. En dehors des producteurs d’électricité qui
vont être confrontés à des ventes aux enchères de leurs allocations de carbone à partir de 2013e, les
secteurs intensifs en énergie (y compris les raffineries) ont fait pression pour obtenir des exonérations.
Ils pourraient être autorisés à recevoir des allocations de carbone gratuites, mais uniquement jusqu’au
niveau des émissions produites au moyen des meilleures technologies disponibles, telles que définies
par des références sectorielles en la matière, actuellement en cours de définition. L’industrie européenne
du raffinage du pétrole s’est montrée soucieuse qu’en l’absence de prix mondiaux du carbone, l’Europe
se trouve nettement désavantagée par rapport à ses concurrents et subisse la concurrence déloyale de
régions sans réglementation en matière d’émissions de CO2 (risque de fuites de carbone).
Aux Etats-Unis, une législation
fédérale en matière de plafonnement et d’échange de droits
d’émission de GES pourrait être
mise en œuvre dès 2012
Aux Etats-Unis, une législation fédérale de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES
s’appliquant à l’ensemble de l’économie, couvrant les combustibles de chauffage et de transport,
ainsi que les grands émetteurs industriels (centrales électriques, raffineries) devrait être mise en œuvre
début 2012. Le projet de budget du Président Obama pour l’exercice 2010 a fait ressortir des prévisions
de recettes provenant d’un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES de
645 milliards de dollars sur huit ans à compter de 2012. Cela implique un prix pour le carbone compris
entre 10 $ et 20 $ par tonne au début du programme (en fonction des hypothèses d’émissions).
Le principe d’une mise aux enchères de tous les permis semblait plaire au Président américain.
Cependant le projet de loi sur le changement climatique de mars 2009, présenté par le député à la
Chambre des représentants Henry Waxman, n’a pas confirmé ce point essentiel, démontrant qu’un
compromis devra probablement être trouvé avec le Sénat pour que les futurs coûts associés au régime
de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES soient supportables, notamment dans les
états dépendants du charbon.
Au Canada, des législations peu
contraignantes en matière de
carbone devraient devenir plus
strictes pour les producteurs de
sables bitumineux dans le cadre
d’un système de plafonnement
et d’échanges de droits d’émission
de GES
Au Canada, la principale problématique réside dans la réglementation des émissions de GES du secteur
des sables bitumineux. Les gouvernements fédéral et de la province d’Alberta adoptent actuellement
des objectifs de réduction des émissions de GES pour le secteur. Il s’agit principalement de réglementations en matière de CO2 qui se fondent sur l’intensité et qui parient sur l’utilisation du CSC et de
compensations carbone. En vertu de la législation du gouvernement d’Alberta entrée en vigueur en
juillet 2007, les entreprises qui ne remplissent pas les objectifs d’intensité et n’ont pas fait l’acquisition
de suffisamment de compensations carbone sont tenues de payer jusqu’à 15 C$ (10 €) par tonne de
CO2. Un programme du gouvernement fédéral de mars 2008 exige que les projets dans le domaine des
sables bitumineux, dont les opérations doivent démarrer à partir de 2012, disposent de systèmes de
CSC effectifs d’ici 2018, en l’absence desquels ils seront tenus d’acheter des crédits carbone. Le CSC
fera désormais partie des dépenses d’investissement et de fonctionnement des futurs projets de sables
bitumineux. Le premier ministre canadien s’est montré en faveur d’un système fédéral de plafonnement
et d’échange de droits d’émission de GES.
15
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
D’autres politiques fiscales en
matière de climat visent des
entreprises du secteur de l’énergie
3.2.2
D’autres outils de politique fiscale en matière de carbone sont déjà en place ou actuellement
examinés par les responsables politiques. Une taxe carbone/énergie (« Contribution Climat Energie »)
est à l’étude en France ; elle devrait augmenter le coût de la consommation d’énergie (notamment
à partir des énergies fossiles) dans le transport et le chauffage avec une indexation de celui-ci sur
l’intensité de CO2 de chaque unité d’énergie29. D’autres pays ont également instauré des programmes
en matière de carbone : la taxe britannique sur le changement climatique, les taxes danoise et suédoise
sur l’environnement, la taxe sur les émissions carboniques de la Colombie-Britannique.
La Norvège a instauré depuis 1992 une taxe sur le CO2 (40 €/tCO2) pour toutes les émissions de CO2
liées à la production pétrolière et gazière (pour les opérations en amont et en aval) sur la plate-forme
continentale norvégienne. Depuis 2008, la taxe carbone norvégienne s’inscrit dans le cadre du système
EU ETS et ne prévoit aucune allocation gratuite pour les compagnies pétrolières et gazières. Outre les
taxes carbone en tant que telles, les entreprises du secteur de l’énergie sont la cible directe des gouvernements, ce qui se traduit par des subventions réduites ou une pression fiscale plus lourde. Ainsi, le
projet de budget du Président Obama pour 2010 prévoit une augmentation de plus de 26 milliards de
dollars sur les 10 prochaines années avec suppression de la possibilité pour le secteur pétrolier et gazier
de bénéficier de plusieurs allègements fiscaux30. Achim Steiner, directeur exécutif du Programme des
Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), a également mentionné en mars 2009 qu’une taxe sur le
pétrole dans les pays de l’OCDE pourrait aider à financer une « Nouvelle Donne verte » (une taxe de 5 $
par baril). Même le ministre des Finances chinois envisage de mettre en place une taxe sur le carbone31.
Comme le mentionnent Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, une politique fiscale axée sur l’énergie
et le carbone est une façon intelligente d’établir une prime d’assurance par rapport aux futures catastrophes liées au changement climatique32.
Normes sur les carburants à faible
teneur en carbone (et autres normes en matière
d’énergie…)
De nombreuses normes
en matière d’énergie sont
actuellement mises sur pied
En sus des outils économiques existants, plusieurs normes en matière d’énergie (pour le transport
ou l’électricité) sont actuellement mises sur pied dans différentes régions dans le but de réduire les
émissions de GES liées aux énergies fossiles pendant leur cycle de vie.
La Californie a adopté un
règlement sur les carburants
à faible teneur en carbone et
une législation similaire pourrait
suivre au niveau fédéral
Aux Etats-Unis, l’Etat de Californie a récemment adopté une norme pour le carburant à faible teneur en
carbone (« LCFS ») et une législation similaire pourrait suivre au niveau fédéral. Dans cet Etat, la LCFS
exigera de tous les raffineurs, producteurs, mélangeurs et importateurs de réduire l’intensité en carbone
du carburant vendu destiné au transport de 10 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2020. Pour la
société de conseil PFC Energy, « tout en s’avérant complexe à mettre en œuvre, ce suivi des [GES du
cycle de vie] pourrait clairement pénaliser les entreprises avec des portefeuilles pétroliers et gaziers en
amont intensifs en carbone »33. Le Conseil des Affaires Canado-américaines craint notamment que la
Californie ne donne le ton des politiques nationales et vraisemblablement internationales en matière de
carburant à faible teneur en carbone au détriment du secteur des sables bitumineux. Jusqu’à présent,
l’Administration Bush avait empêché la Californie de mettre en place de telles normes. Le California
Air Resources Board (CARB) a adopté le règlement LCFS en avril 2009. Au niveau fédéral, le Président
Obama a proposé pendant sa campagne une législation nationale relative au carburant à faible teneur
en carbone sur la base de la norme californienne. Le projet de loi sur le changement climatique de mars
2009 soutenu par Henry Waxman, inclut une norme LCFS nationale34. L’énorme attention apportée à la
norme LCFS californienne n’est pas négligeable, dès lors qu’elle est considérée comme un modèle pour
des réglementations similaires par le gouvernement fédéral et d’autres pays . En mai 2009, l’Agence de
protection de l’environnement américaine a publié les profils des émissions de GES sur le cycle de vie de
l’essence, du diesel et des carburants renouvelables35.
29
30
31
32
33
34
35
16
Cheuvreux, A Carbon tax in France in 2010?, 9 février 2009.
« Obama budget cuts oil tax breaks to raise billions », Reuters, 7 mai 2009.
HK&China Gas, Market share leader with rising FCF aims for more; a new Buy, 5 mai 2009.
Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, C’est Maintenant ! 3 ans pour sauver le monde, 2009.
PFC Energy, PFC Energy Quarterly, quatrième trimestre 2008.
Nancy Pelosi, porte-parole de la Chambre des représentants des Etats-Unis, et Henry Waxman représentent tous deux la Californie
et sont de fervants partisans des réglementations climatiques.
EPA, EPA Lifecycle Analysis of Greenhouse Gas Emissions from Renewable Fuels, mai 2009.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
La Directive révisée sur la qualité
des carburants de l’UE exige des
fournisseurs en carburants une
réduction de leurs émissions de
GES pendant le cycle de vie
Le Conseil de l’Union européenne a approuvé en avril 2009 une révision de la Directive sur la qualité
des carburants. La directive révisée introduit un objectif de réduction des émissions de GES produites
par les carburants pendant leur cycle de vie complet. Cette Directive exige des fournisseurs en carburants une réduction de leurs émissions de GES de jusqu’à 10% par rapport aux niveaux de 2010e
d’ici à 202036. Cet objectif se répartit en : 1) une réduction obligatoire de 6 % ; 2) une réduction
indicative supplémentaire de 2% qui doit être obtenue par l’utilisation de véhicules électriques ou
le recours au CSC dans le processus de production ; et 3) une autre réduction indicative de 2 % via
l’acquisition de crédits dans le cadre du Mécanisme de développement propre des Nations Unies (CDM).
Comment atteindre ces objectifs et quelle sera la mesure des répercussions sur les entreprises du secteur
de l’énergie ?
En prenant la réglementation européenne comme exemple, nous avons observé que les émissions
de GES liées à la combustion d’énergies représente près de 80 % des émissions du cycle de vie du
carburant et ne peuvent être influencées par le fournisseur, sauf dans l’éventualité où il passerait à
des carburants à base de gaz naturel ou de biomasse avec des émissions de combustion inférieures
(ou similaires mais neutres en carbone). Une partie de l’objectif sera atteinte en incluant des carburants
alternatifs tels que les agrocarburants, le GNC ou le GPL. Les agrocarburants devront respecter des
critères de durabilité de manière à ce que leur profil GES pendant le cycle de vie tienne compte des
modifications au niveau de l’utilisation des sols et de la déforestation. Cependant, la majorité des autres
carburants restent à base de pétrole37. En supposant que les carburants à base de pétrole supportent seuls la contrainte (objectif de 6 %, pas de carburants alternatifs), cela impliquerait une réduction
d’environ 35% des émissions de GES précombustion. Cet objectif pourrait être atteint en privilégiant
les pétroles bruts légers/moyens (par rapport aux pétroles lourds), en réduisant le torchage sur les sites
de production et en encourageant un raffinage plus efficient en termes énergétiques (notamment en
remplaçant les combustibles utilisés ou par la cogénération). L’ONG européenne Transport and
Environment estime que « l’UE a porté un coup terrible au futur marché des sources de pétrole à forte
teneur en carbone […] telles que les sables asphaltiques […] » avec ce nouveau règlement38.
L’objectif de l’UE de 20 %
d’énergies renouvelables dans le
mix d’énergie primaire d’ici 2020
et les normes américaines en matière de portefeuilles renouvelables
soumettent toutes les énergies
fossiles à des pressions
Outre les normes concernant les carburants pour le transport, d’autres réglementations fixent des
contraintes carbone dans le reste du secteur de l’énergie. L’objectif européen concernant les énergies
renouvelables (20 % du mix d’énergie primaire de 2020, équivalent à plus de 30 % du mix d’électricité)
et les normes américaines en matière de portefeuilles renouvelables (RPS) au niveau national (et potentiellement fédéral) auront un impact significatif sur les entreprises du secteur de l’énergie. Le projet de
loi Waxman sur le changement climatique exige des fournisseurs d’électricité que 6 % de leur charge
en 2012 provienne de l’électricité produite à base d’énergies renouvelables, pour atteindre progressivement 25 % d’ici 2025. Cependant, si elles sont adoptées sans détermination du prix pour le carbone,
ces normes sur les énergies renouvelables pourraient avoir un effet non intentionnel et contradictoire :
elles favoriseront le charbon par rapport au gaz naturel. Les compagnies électriques devraient être plus
enclines à recourir aux énergies renouvelables pour remplacer le gaz naturel plus cher, plutôt que pour
remplacer le charbon moins coûteux, même si le charbon est plus intensif en carbone que le gaz.
Ce mécanisme pourrait toutefois être corrigé par un système strict de plafonnement et d’échange de
droits d’émissions déterminant le prix pour le carbone à un niveau suffisamment élevé pour rendre le
charbon plus cher que le gaz. Dans ce cas, l’utilisation renforcée des énergies renouvelables devrait
permettre de réduire la part du charbon dans le mix de combustible, plutôt que celles des centrales à
gaz à cycle combiné. De plus, du fait de la nature irrégulière des énergies renouvelables, des énergies
complémentaires demeurent nécessaires pour la demande de pointe, et il s’agirait vraisemblablement
davantage du gaz naturel plus propre que du charbon.
Pour parvenir à une économie à faible teneur en carbone, la réglementation est un aspect
crucial. Quelques normes régionales strictes déterminent déjà à l’heure actuelle un prix
pour le carbone et d’autres législations en la matière sont en cours d’élaboration ou le
seront prochainement. Alors qu’on ne connaît toujours pas avec certitude la part exacte de
la chaîne de valeur des entreprises du secteur de l’énergie qui devrait être la plus touchée
par les réglementations en matière de CO2 (opérations directes uniquement ou cycle de vie
complet des combustibles), des réglementations plus strictes devraient peser sur la plupart
des compagnies pétrolières et gazières. Mais les marchés énergétiques intègrent-ils déjà
ces pressions de plus en plus lourdes liées à la réglementation carbone ?
36
37
38
Cette directive s’appliquera au transport routier, au transport de navigation intérieure, aux machines mobiles non routières et au diesel pour les trains.
La base 2010 serait le niveau moyen dans l’UE des émissions de GES pendant le cycle de vie par unité d’énergie des énergies fossiles.
D’après les prévisions de l’AIE, l’éthanol et le biodiesel vont remplacer respectivement 5 % de la demande d’essence et 1 % de la demande
de diesel d’ici 2013e.
Transport & Environment, Background Briefing - The revised Fuel Quality Directive, décembre 2008.
17
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Dans quelle mesure le changement
climatique modifie-t-il le panorama
des investissements dans les actifs amont ?
4.
Pour éviter le changement climatique, la pression de la réglementation en matière carbone s’accroît.
Toutes les énergies fossiles sont visées, mais elles ne sont pas égales en termes d’intensité carbone.
La dynamique du carbone aura un impact sur les conditions de marché des produits énergétiques à trois
niveaux : 1) perspectives de croissance de la demande, 2) niveaux de prix relatifs et 3) économie des
projets en amont. Dans un monde soumis à la contrainte carbone, les énergies fossiles moins intensives
en GES devraient être moins désavantagées que les énergies à plus forte teneur en GES.
Un effet limité mais croissant sur
la demande des énergies fossiles
4.1
Impact limité du changement
climatique sur la demande
d’énergie jusqu’ici
Une croissance économique prononcée dans les pays émergents et des préoccupations en termes de
sécurité énergétique expliquent que jusqu’ici il ait été peu tenu compte des inquiétudes concernant le
changement climatique. Sur la période 2000-2007, le charbon, l’énergie fossile la plus intensive en
carbone, était aussi celle qui enregistrait le taux de croissance annuel le plus élevé de la demande
d’énergie primaire (4,8%), alors que les énergies sans carbone comme les énergies renouvelables et le
nucléaire ne progressaient respectivement que de 2,2 % et de 0,8 %39. Le gaz naturel, l’énergie fossile
la moins intensive en carbone, enregistrait le second taux de croissance (2,6 %), tandis que le pétrole
progressait de 1,6 %. Pendant longtemps, le gaz naturel n’a pas été considéré comme un produit de
valeur et il était simplement brûlé, provoquant d’importantes émissions de GES40. Cependant, depuis
les années 1980, le gaz naturel a progressivement pénétré pratiquement tous les secteurs (électricité,
chauffage, industrie). Dans le secteur de l’électricité, une grande quantité d’investissements dans la
production d’électricité ont été consacrés aux centrales à gaz à cycle combiné (CCGT). D’après le GIEC,
« la production d’énergie électrique à partir du gaz naturel a rapidement progressé depuis les années
1980, car il s’agit d’une technologie relativement supérieure aux autres technologies d’énergies fossiles en termes de coûts d’investissement, d’efficience du combustible, de souplesse des opérations,
de rapidité du déploiement et d’avantages pour l’environnement »41. Des émissions moindres pour
l’environnement (locales et GES) ont été l’un des éléments déterminants pour situer le gaz naturel comme un combustible de premier choix dans la production d’électricité dans les pays de l’OCDE. Jusqu’ici,
le gaz naturel a été quasiment exclusivement utilisé dans des applications fixes, alors que son utilisation
comme carburant routier (GNC et GPL) a été limitée.
Un impact plus lourd du
changement climatique est
attendu à l’avenir : la demande
de toutes les énergies fossiles
en pâtira
La demande de toutes les énergies fossiles pâtira des politiques d’efficience énergétique, de
détermination d’un prix pour le carbone et de la concurrence d’énergies peu intensives en carbone,
notamment des énergies renouvelables. Un ensemble de facteurs déterminants en termes de
réglementation, de technologie et de comportements des consommateurs soutiendra la transition
vers une économie moins intensive en carbone. La consommation de pétrole et de gaz devra diminuer
en moyenne d’environ 0,2% par an d’ici à 2030 pour atteindre les objectifs de réduction des
émissions fixés42. Environ 50 % de l’offre pétrolière mondiale est utilisée dans le transport, ce qui en
fait un secteur sensible aux progrès technologiques à l’avenir (efficience des moteurs, agrocarburants,
moteurs hybrides, électriques, au gaz ou à l’hydrogène)43. L’OPEP prévoit que « passer à une économie
moins intensive en carbone présente une issue claire et délibérée qui ne manquera pas d’avoir des
répercussions néfastes pour tous les pays en développement exportateurs d’énergies fossiles »44.
L’OPEP critique également les subventions aux énergies renouvelables45.
39
40
41
42
43
44
45
18
AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008
La combustion du gaz en torchère demeure à l’heure actuelle une question cruciale dans certaines régions comme l’Afrique et l’ex Union soviétique
et elle sera analysée au point 4.3.3.
GIEC, Quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2007
McKinsey, How climate change could affect corporate valuations?, automne 2008.
SG, SG Compass. Beyond the crisis. Oil & Gas, 9 avril 2009.
« China Hails US Climate Pledges, OPEC Fears For Oil », Reuters, 21 mars 2009.
« OPEC says oil not to blame for climate change », Reuters, 2 avril 2009.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Les sources d’énergie
renouvelable vont progresser
plus rapidement que n’importe
quelle autre énergie, tandis que
la demande de gaz naturel devrait
progresser plus rapidement que la
demande de pétrole
Dans le scenario de référence de l’AIE, ne tenant compte que des politiques en matière de carbone
déjà décidées en 2008, les sources d’énergie renouvelable non-hydrauliques (éolienne, solaire, etc.)
progressent plus rapidement que toutes les autres sources d’énergie dans le monde à un taux moyen de
7,2 % par an sur la période 2007-2030, tandis que la demande mondiale d’énergie primaire augmente
de 1,3 %46. La demande primaire de pétrole s’accroît de 1 %. La demande de gaz naturel progresse
plus rapidement (1,8 % par an). Tandis qu’il est difficile d’associer la croissance plus nette des énergies
renouvelables et du gaz naturel (par rapport au pétrole) aux seules inquiétudes concernant le changement climatique, des preuves existent quant au rôle joué par les politiques en matière de changement
climatique. Cependant, si aucune nouvelle politique en matière de climat ne vient s’ajouter aux politiques existantes, la demande de charbon devrait, d’après le scénario de référence de l’AIE, croître plus
que la demande de n’importe quelle autre énergie fossile (2 % par an). L’essentiel de la croissance du
charbon (85 % de la progression) proviendrait du secteur électrique en Chine et en Inde. Des politiques
supplémentaires en matière de carbone devront modifier cette tendance insoutenable à terme pour le
changement climatique.
Les législations des pays de l’OCDE
en matière de climat privilégient
un mix d’énergies renouvelables
et de gaz naturel
Dans les pays de l’OCDE, la législation en matière de changement climatique privilégie les énergies
renouvelables et le gaz. Le ministère américain de l’Energie a estimé en 2008 que « de nombreux pays
européens de l’OCDE se sont engagés à réduire les émissions de CO2, d’où des mesures d’incitation
de la part des gouvernements pour encourager l’utilisation du gaz naturel à la place d’autres énergies
fossiles ». Dans le secteur électrique, l’AIE admet que l’« incertitude politique, notamment par rapport
au changement climatique, favorise le gaz dans la mesure où il représente l’option par défaut à court
terme pour tout nouvel investissement ». Des émissions de GES plus limitées, des délais de construction plus courts et des coûts du capital moins élevés expliquent pourquoi le gaz est au premier plan des
ajouts de nouvelle capacité jusqu’en 2012. En 2009 l’Agence américaine d’information sur l’énergie
(EIA) reconnaît que « les inquiétudes concernant les émissions de GES semblent avoir des répercussions sur les décisions d’investissement sur les marchés de l’énergie ». Dans son scénario de référence,
l’EIA anticipe de nouvelles capacités de production à partir du charbon inférieures à celles des estimations précédentes, tandis que le gaz naturel représente la part la plus lourde des nouvelles centrales
de productions (53 % jusque 2030), suivi des énergies renouvelables (22 %)47. Les incertitudes liées au
CSC et à la complexité de construire de nouvelles centrales nucléaires expliquent qu’un mix d’énergies
renouvelables et de gaz devienne l’option la plus prisée. L’AIE estime que « la production d’électricité à
partir du gaz semble être l’option par défaut qui offre la souplesse nécessaire et assure un complément
indispensable à la production électrique d’origine éolienne ou hydraulique ». Lorsque le vent ne souffle
pas, il faut recourir à la production de secours à partir d’une énergie fossile conventionnelle. Aux EtatsUnis, pour chaque 5 000 MW de production éolienne construite, une centrale CCGT supplémentaire de
1 750 MW doit être construite48.
Dans les pays hors OCDE, les inquiétudes en matière économique
et environnementale favorisent
une demande croissante pour le
gaz naturel et les énergies renouvelables
Dans les pays hors OCDE, les réglementations en matière carbone ne sont pas encore en place.
En Inde et en Chine, le combustible choisi pour la production d’électricité demeure dans une
grande mesure le charbon. Cependant, la croissance de la demande globale d’électricité associée
à la substitution du pétrole par le gaz dans les usages industriels (pour des motifs économiques et
environnementaux) signifie que la demande de gaz naturel restera importante. La consommation
de gaz naturel en Chine a progressé à un taux moyen de 9 % par an sur les 10 dernières années
et cette ascension devrait se poursuivre49. Soucieuse de sa dépendance aux importations de pétrole et
de la pollution liée à la combustion du charbon, la Chine cherche à accroître la part du gaz
naturel, dont la combustion est plus propre, dans son mix énergétique ; le chiffre actuel de 3 %
se situe bien en dessous de la moyenne mondiale (20 %). En Inde, le gaz naturel représente 9 %
et le gouvernement a également encouragé l’utilisation du gaz naturel.
46
47
48
49
AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008
Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), Annual Energy Outlook 2009, 31 mars 2009.
JPMorgan, 2009.
CLSA, Growth props. US$800 billion in regional stimulus, 8 avril 2009.
19
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Le gaz naturel pourrait servir
de transition à un avenir moins
intensif en carbone, d’où la
poursuite d’une croissance à long
terme pour le GNL
4.2
Pour la même teneur énergétique,
des ressources moins intensives
en carbone devraient s’échanger
avec une prime par rapport à
des ressources plus intensives en
carbone
Relativement plus propre que d’autres énergies fossiles, le gaz naturel n’est pas pour autant une solution durable au changement climatique. Mais à court et moyen terme, il pourrait servir de transition à
un avenir moins intensif en carbone, jouant le rôle de combustible de secours pour les énergies renouvelables et comblant l’écart avant la construction de nouvelles capacités de production nucléaires et au
charbon avec CSC. L’électrification du transport pourrait dans une certaine mesure être un bon point
également pour la demande sur les marchés électriques (à partir des énergies renouvelables et du gaz
naturel) et plus défavorable au pétrole. Ainsi, le GNL devrait enregistrer une croissance à long terme.
Le GNL est l’énergie fossile qui a enregistré le taux de croissance le plus élevé des 10 dernières années
(progression d’environ 8 % par an). Dans ses prévisions concernant la demande de GNL à long terme,
ExxonMobil retient une taxe carbone de 50 $/t pour les seuls pays de l’OCDE. Si cette taxe était étendue
aux pays émergents, la croissance de la demande de GNL pourrait être encore plus élevée.
Les prix des combustibles
intègrent-ils leur intensité en GES ?
Le pétrole domine toujours le panorama énergétique et, de ce fait, son prix influence le prix de quasiment toutes les autres énergies. Les prix des hydrocarbures sont déterminés par un large éventail de
facteurs et leur formation dépasse le cadre de la présente étude (depuis les déséquilibres entre offre
et demande, le coût marginal de la production, les niveaux de stocks, jusqu’à la spéculation financière, etc.). Une série d’observations peut toutefois être formulée pour évaluer le degré d’intégration
de l’intensité carbone des énergies fossiles dans leur dynamique de prix relative, même si ce travail
d’exploration exigerait un travail statistique plus poussé pour aboutir à une conclusion plus probante.
Quel est l’impact des réglementations en matière de carbone sur la détermination relative du prix de différentes ressources d’hydrocarbures ? Toutes choses égales par ailleurs, des ressources moins intensives
en carbone avec la même teneur énergétique devraient s’échanger avec une prime par rapport à des
ressources plus intensives en carbone afin de refléter le coût du carbone.
Le pétrole brut léger a plus de valeur que le pétrole brut lourd, dans la mesure où son raffinage en
produits de valeur supérieure est plus simple. La plupart des prix de référence cités correspondent aux
pétroles bruts légers non sulfurés (WTI50 et Brent), alors que des pétroles plus lourds sont disponibles
également (Maya, WCS51) mais se négocient avec une décote. Le pétrole brut lourd est non seulement
plus intensif en carbone, mais il présente également une teneur en soufre normalement supérieure (les
bruts plus acides exigent un raffinage plus complexe et intensif en énergie) et un rendement supérieur
de produits plus lourds (plus grande quantité de fioul). Pour le producteur en amont, la caractéristique
léger/lourd du pétrole produit détermine en partie l’écart de prix auquel il sera évalué sur le marché.
Les écarts de prix entre pétrole léger et pétrole lourd ont atteint des niveaux record ces dernières
années, mais ils se sont amoindris depuis le début de l’année 2009, du fait de prix du pétrole globalement inférieurs. La décote léger/lourd, entre le WTI et le WCS, est ressortie en moyenne à 21,3 $ sur la
période 2005-2007. L’écart de prix entre le pétrole léger et le pétrole lourd n’est qu’une preuve limitée
d’un impact du carbone, étant donné que bien d’autres facteurs l’expliquent également (par exemple le
niveau absolu des prix du pétrole, les capacités de raffinage, etc.).
50
51
20
West Texas Intermediate (WTI) est un pétrole brut léger non sulfuré.
Western Canadian Select (WCS) est un pétrole brut lourd acide produit au Canada.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Figure 5.: Ecart de prix de pétrole brut WTI (léger peu acide) et Maya (lourd acide)
Source: Bloomberg / Citigroup
Les prix du gaz naturel sont en
dessous du niveau de parité avec
le pétrole sur la base d’une teneur
énergétique identique, malgré
des émissions de GES pendant son
cycle de vie inférieures de 23 %
Existe-t-il un écart de prix similaire entre le pétrole et le gaz ? L’expérience historique a jusqu’ici révélé
que les prix du gaz naturel étaient bien en dessous du niveau de parité avec le pétrole sur la base
d’une teneur énergétique identique. D’après les données américaines de l’EIA, le ratio moyen des
prix du pétrole brut WTI par rapport au gaz naturel Henry Hub entre le 1er janvier 1991 et août 2007
est supérieur de plus de 50% au niveau de parité pour la même teneur énergétique. Le pétrole brut
s’échange avec une prime significative par rapport au gaz naturel en dépit d’une intensité carbone
supérieure. La décote du gaz naturel européen par rapport aux prix du pétrole enregistrée ces 20 dernières années ressortait à environ 19 %. Aucune de ces séries de données ne reflète une intégration dans
le prix du gaz d’émissions de GES inférieures de 23 % pendant son cycle de vie à celles liées au pétrole.
Figure 6.: Prix relatifs du gaz naturel, du pétrole brut et du charbon
au niveau européen (1987-2007)
Source: Dexia AM à partir du Rapport statistique 2008 sur l’énergie de BP (cif = coût + assurance + fret)
21
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Le pétrole et le gaz sont des
substituts limités, alors qu’il
existe une nette décote
des prix du charbon par rapport
aux prix du gaz
L’absence d’une décote apparente du prix liée au carbone entre le pétrole et le gaz naturel (voire
inversement une prime) peut s’expliquer par le fait que les marchés du pétrole et du gaz ne peuvent
se substituer que de manière limitée. Le pétrole est essentiellement employé dans les transports
(près de 50 % du pétrole), tandis que le gaz naturel est utilisé principalement pour la production
d’électricité (environ 40 % du gaz). Le pétrole et le gaz naturel ne peuvent se concurrencer qu’au
niveau des utilisations industrielles et domestiques. Cependant, il existe une décote nette et croissante
des prix du charbon par rapport aux prix du gaz (près de 50 % sur la base d’une teneur énergétique
identique). Cette décote reflète notamment l’intensité carbone supérieure du charbon par rapport
au gaz (pratiquement deux fois plus élevée). Le marché est plus efficace pour internaliser le coût du
carbone dans les prix du charbon par rapport aux prix du gaz, dans la mesure où ces deux combustibles
sont en concurrence directe sur le marché de la production d’électricité.
Dans un monde soumis à la
contrainte carbone, les
principaux importateurs de gaz
naturel n’auront pas réellement
d’autres choix que d’accepter une
parité avec les prix du pétrole,
voire des prix supérieurs
En bref, les prix du gaz ont tendance à fluctuer dans une bande délimitée par les prix du pétrole (la
ligne supérieure) et les prix du charbon (la ligne inférieure). A court terme, les prix du gaz semblent
faibles, les marchés étant confrontés à un rétrécissement de la demande industrielle et de production
d’électricité mondiale (et la mise en service d’une nouvelle offre de GNL). Cependant, les tendances de
détermination des prix mondiaux du gaz à plus long terme sont à la hausse. Les principaux importateurs
de gaz tels que l’Europe continentale, le Japon, la Corée et la Chine n’auront pas réellement d’autres
choix que celui d’accepter une parité avec les prix du pétrole, voire des prix supérieurs. Les approvisionneurs en gaz naturel aspirent à une parité avec les prix du pétrole, laquelle a été atteinte pour certains
contrats ‘spot’ de GNL en Asie en 2008 (notamment car le Japon était confronté à des interruptions de
service dans le nucléaire). D’après certains analystes, « la conséquence d’une détermination du prix pour
le carbone plus étendue pourrait être que les cargaisons ‘spot’ de GNL se négocient avec une prime
structurelle par rapport à la parité avec le pétrole »52. D’une décote actuelle par rapport aux prix du
pétrole, les prix du gaz naturel devraient progressivement bénéficier d’une prime durable, liée
notamment à des réglementations de plus en plus importantes en matière de carbone.
52
22
Morgan Stanley, Oil & Gas. Global Natural Gas Perspectives, 1er avril 2009.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
4.3
Internaliser le coût carbone
modifiera l’économie des projets amont
La rentabilité des différentes ressources en amont subira l’impact de coûts supplémentaires
liés au carbone.
4.3.1
Le niveau de prix pour le carbone
devrait dépendre du coût marginal
de la réduction du CO2e
4.3.2
En Europe, le prix pour le carbone
doit équilibrer les coûts dérivant
de la construction d’une nouvelle
centrale au gaz ou au charbon,
et à long terme, il doit être
suffisamment élevé pour faire
du CSC, à condition d’être techniquement réalisable, une solution
rentable
L’économie des projets amont
devrait intégrer le coût du carbone
L’économie des champs de production marginale joue un rôle essentiel dans la définition des prix à long
terme des hydrocarbures et de la rentabilité globale des entreprises du secteur de l’énergie.
Actuellement, le coût du carbone commence juste à être pris en compte dans l’économie des projets
amont. Mais comme l’explique Tony Hayward, directeur général de BP : « tant que les producteurs et les
consommateurs d’énergie ignoreront le coût du carbone et ne le payeront pas, le degré d’incertitude
quant à la planification et l’investissement dans la transition vers une économie à faible teneur en
carbone restera élevé. Déterminer le prix pour le carbone permet[tra] de réaliser des investissements
en toute connaissance de cause dans les énergies fossiles et la technologie nécessaire pour réduire les
émissions de carbone associées à leur utilisation »53. Un signal fort du prix pour le carbone est nécessaire
pour refléter les intensités variables de carbone dans les différentes énergies fossiles et pour orienter
les décisions d’investissement vers une économie moins intensive en carbone (conservation d’énergie,
énergies renouvelables). Dans le secteur de la production électrique, le facteur carbone est désormais
entièrement pris en compte dans la prise de décisions d’investissement des entreprises. Nous estimons
qu’un signal carbone similaire pour les producteurs en amont pourrait également impliquer un changement dans l’attractivité relative des ressources d’hydrocarbures.
Quel coût pour le carbone ?
Le niveau de prix du carbone devrait être déterminé par le coût marginal de la réduction d’une
tonne de CO2e. Celui-ci dépend de l’ampleur de la pénurie de quotas carbone dans un régime de
plafonnement et d’échange de droits d’émission. Passer du charbon au gaz naturel semble l’option
la moins chère pour réduire les émissions de CO2 dans le cadre du système EU ETS actuel, et doit donc
fonctionner comme un prix d’équilibre pour les quotas d’émission européens (EUA). Le prix des EUA
doit équilibrer les coûts dérivant de la construction d’une nouvelle centrale au gaz ou au charbon
(coût marginal à long terme) ou, s’il existe une capacité disponible suffisante de gaz naturel, ce prix
doit atteindre le niveau égalisant les marges de production variables des centrales au gaz et au charbon
(coût marginal à court terme). C’était le cas au début de la phase 1 (2005-2007) et également sur les
9 premiers mois de l’année 2008, au début de la phase 2 (2008-2012). Une étude du Massachusetts
Institute of Technology (MIT) montre qu’il existe une preuve statistique de l’impact du prix du CO2 sur
la prise de décisions au Royaume-Uni pendant la phase 1, se traduisant par des utilisations supérieures
du gaz naturel et des utilisations inférieures du charbon54. Des émissions de CO2 inférieures en 2008
par rapport à 2007 s’expliquent à la fois par le ralentissement économique, et par un signal carbone
efficace déplaçant le mix de combustibles du charbon vers le gaz naturel à plus faibles émissions et les
énergies renouvelables. Par rapport à 2007, les émissions produites par le charbon en 2008 dans le
cadre du système EU ETS ont chuté de 13,47%, celles de lignite de 4,68% et celles de pétrole de
9,84%. En revanche, les émissions liées au gaz naturel se sont accrues de 3,2%, ce qui fait ressortir
que ce combustible était plus utilisé55. L’arbitrage d’un combustible à l’autre devrait continuer à
déterminer le prix des EUA si la pénurie de permis de carbone était suffisamment importante et
exigeait de ce fait des efforts internes de réduction des émissions. Cependant des émissions réelles
en baisse permettent d’atteindre les objectifs de réductions d’émissions lors la phase 2 uniquement
grâce aux importations de crédits Kyoto moins chers (se négociant à environ 10 €/tonne) qui font
tendre les prix des EUA vers ces niveaux. Au cours de la phase 3 (2013-2020), dans l’éventualité
où des objectifs d’émissions stricts devaient être respectés, les prix pour le carbone devraient être
suffisamment élevés pour soutenir le déploiement commercial du CSC.
53
54
55
Tony Hayward, 28ème conférence CERA (Cambridge Energy Research Associate), 10 février 2009.
MIT Center for Energy and Environmental Policy Research, CO2 Abatement in the UK Power Sector: Evidence from the EU ETS Trial Period, septembre 2008.
Citigroup, Striking the Right Balance Between Grids and Generators, 17 avril 2009.
23
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
De nombreuses incertitudes relatives au potentiel
et aux coûts du captage et du stockage du CO2 (CSC)
Le CSC occupe une position importante dans tous les principaux scénarios de réduction
des émissions de GES. Il est considéré comme une technologie de transition entre la réalité
d’une utilisation accrue du charbon et la nécessité d’une réduction des émissions de CO2.
La technologie CSC capte les émissions de CO2 à partir de vapeurs concentrées et stocke les
gaz dans des formations géologiques. Cette technologie a fait ses preuves dans le secteur
pétrolier et gazier pour l’extraction assistée du pétrole, mais son intérêt doit désormais
être démontré à une très grande échelle commerciale à des fins de stockage à long terme.
La courbe selon McKinsey des coûts de réduction des GES montre que le CSC représente
le potentiel de réduction maximal des émissions de CO2 pour le secteur de l’énergie56.
Néanmoins, le développement de cette technologie n’en étant qu’à ses débuts, de nombreuses incertitudes quant au potentiel de celle-ci demeurent. La société de conseil PFC
Energy estime que « pour les compagnies pétrolières qui envisagent de mettre en œuvre
des projets de CSC, les incertitudes technologiques et les éventuelles responsabilités environnementales sont énormes et, sans indications claires concernant le prix pour le carbone
à long terme, les rendements sont uniquement d’ordre réputationnel. »57.
Un grand nombre de problématiques d’ordre technique et juridique doivent encore être
surmontées. Des questions se posent quant à la disponibilité de formations géologiques
suffisantes, l’absence d’un risque de fuites, le syndrome NIMBY58, autant de questions qui
devraient ralentir le processus d’autorisations pour la planification de tels projets, et les
passifs à long terme liés à ces réservoirs de stockage.
Le principal problème concernant le CSC est son coût. Alors qu’il existe un certain nombre de projets pilote de CSC, ceux-ci ne sont pas encore rentables de manière autonome.
Le CSC est une technologie à forte intensité énergétique tout au long de sa chaîne de
valeur (dans une centrale au charbon, un cinquième de l’électricité produite est perdu en
capturant les émissions de CO2). Les estimations du coût total de cette technique varient
fortement. Le coût initial du CSC pourrait être de l’ordre de 60 à 100 €/tonne de CO2, mais
il pourrait baisser au niveau de 30 à 50 €/tonne de CO2 lorsque la technologie parviendra
à maturité, vraisemblablement à partir de 203059. Le CSC pour les opérations concernant les sables bitumineux doit répondre à des défis spécifiques qui en accroissent le coût
de développement : certaines vapeurs des émissions comportent notamment de faibles
concentrations en CO2 et/ou sont peu importantes. Cela pourrait limiter la possibilité
d’application des CSC aux opérations concernant les sables bitumineux aux seules installations de valorisation du bitume qui produisent des vapeurs avec de plus fortes concentrations de CO2.
Aux prix actuels de l’énergie et du charbon, la technologie CSC requiert de lourdes
subventions. C’est pourquoi les programmes publics en Europe et aux Etats-Unis octroient
des avantages au secteur privé en vue du déploiement de cette technologie.
L’UE a proposé de consacrer 1,25 milliard d’euros à la réalisation de plusieurs centrales
types. Elle a également indiqué son intention d’accorder quelques 300 millions de quotas
d’émission européens (EUA), d’une valeur comprise entre 3 milliards d’euros et 6 milliards d’euros, aux opérateurs de centrales avec CSC. Le paquet d’incitation fiscal de
l’administration Obama a ajouté 3,4 milliards de dollars pour la R&D se rapportant au CSC.
Au Canada, le gouvernement de la province d’Alberta a promis 2 milliards de dollars canadiens pour développer le CSC pour les installations de traitement des sables bitumineux.
Les responsables politiques devront garantir qu’à un moment donné, dans un avenir
relativement proche, le prix du carbone atteindra le niveau requis pour faire du CSC
une solution rentable. Le CSC n’est pas la solution miracle mais, s’il est techniquement
réalisable, il sera utilisé dans le secteur de l’énergie, venant accroître le coût du
développement des énergies fossiles intensives en CO2.
56
57
58
59
24
McKinsey, Pathways to a Low-Carbon Economy. Version 2 of the Global Greenhouse Gas Abatement Cost Curve, 2009.
PFC Energy, PFC Energy Quarterly, troisième trimestre 2008.
« Not in my backyard ». littéralement « Pas dans mon jardin/ arrière-cour », ce qui traduit l’attitude réticente des citoyens à voir leur
environnement immédiat perturbé.
UBS, Chemicals Comment: Carbon Capture. Conférence téléphonique UBS avec l’association CCS Association, 19 mars 2009 et estimations EDF.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
4.3.3
La production canadienne de
pétrole lourd est déjà dans la
partie supérieure de la courbe
des coûts marginaux, même sans
intégrer de coût carbone explicite
L’impact du carbone sur
l’économie de projets en amont
A long terme, le prix du pétrole doit être suffisant pour offrir un taux de rendement approprié60 pour les
investissements en amont dans les sources marginales de production. Les estimations actuelles pour les
prix du pétrole à long terme normalisés utilisent le coût marginal de la production canadienne de pétrole lourd et se situent dans une fourchette de 80 $ à 90 $/baril (avant déflation éventuelle des coûts).
Le pétrole lourd se situe véritablement dans la partie supérieure de la courbe de coûts du pétrole, même
sans intégrer de coûts du carbone explicites (par le biais du CSC ou d’une taxe sur le carbone/permis
d’émission de carbone quelconque). L’intensité énergétique des projets (utilisant principalement le gaz
naturel), associée à la dimension des installations nécessaires pour la production de bitume, impliquent
des capitaux fixes et des frais d’exploitation variables (notamment des coûts liés au gaz naturel) parmi
les plus élevés du secteur. De nouveaux projets dans le domaine des sables bitumineux ne sont tout simplement pas rentables aux prix actuels du pétrole (entre 40 et 50 $/baril). En raison de la chute récente
des prix du pétrole, de grands projets dans le domaine des sables bitumineux sont retardés ou annulés.
Dans une publication de 2005, les experts de l’AIE ont tenté de donner une fourchette d’estimations de
prix du pétrole requis pour produire différents types de ressources d’hydrocarbures de manière rentable,
en tenant compte pour ce calcul du coût du CSC pour les émissions en amont. Cependant, l’on ne
connaît pas clairement l’hypothèse du coût utilisée pour le CSC et la part spécifique du coût du CO2
dans le coût total (cf. Figure 7)61.
Figure 7.: Fourchette de coûts de production pour différents volumes
de ressources pétrolières (estimations 2004 et 2008)
Source: AIE / Merrill Lynch
Actuellement, les coûts
supplémentaires du carbone
en amont pour le pétrole lourd
(par rapport au pétrole léger)
ne sont pas encore connus avec
précision mais ils devraient se
situer entre 4 $/baril et 10 $/baril
Si l’on pense que les sables bitumineux vont redevenir la source d’approvisionnement marginale avec
la reprise économique, le développement de ces ressources de pétrole lourd au Canada exigera une
utilisation importante (et coûteuse) de CSC, à partir de 2018. RDShell estime que son projet de sables
bitumineux de l’Athabasca (de même que son expansion 1) présente une « situation économique
robuste en vertu de la réglementation actuelle et programmée en matière de GES »62. RDShell quantifie
le coût carbone supplémentaire en amont à seulement 1 C$/baril (0,6 €/baril). D’après nos estimations
des émissions en amont spécifiques du pétrole lourd (0,09tCO2e/baril)63, cela se traduit par une contrainte réglementaire actuelle équivalente à un prix du carbone de seulement 7 €/tCO2e (ce qui
est légèrement inférieur à la charge de carbone de 15 C$ (10 €) en vigueur dans la province d’Alberta).
En supposant que la réglementation relative au carbone se durcisse, la charge du carbone devrait
60
61
62
63
Des taux légèrement supérieurs à 10 % pour les activités relatives aux sables bitumineux au Canada avec un risque d’exploration zéro et un risque politique
très faible, et des taux au delà de 15 % pour les activités en eau profonde plus risquées dans les pays hors OCDE.
IFP, Oil & Gas Exploration and Production. Reserves, Costs, Contracts, Editions Technip, 2007.
RDShell, Cheuvreux Carbon Conference, 8 avril 2009.
Le delta entre les émissions en amont du pétrole lourd et du pétrole léger/moyen correspond à 0,11 – 0,02 = 0,09tCO2e/baril.
25
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Les investissements dans le
pétrole lourd retiennent des prix
du pétrole élevés et des prix du
carbone peu élevés (ou des coûts
CSC faibles) à long terme
s’alourdir pour atteindre 32 €/tCO2e (soit un coût CSC estimé de 50 €/tCO2e d’ici à 2020)64.
Actuellement, le coût carbone supplémentaire en amont pour le pétrole lourd serait de 2,9 €/baril
(3,8 $/baril ou 4,6 C$/baril) par rapport au pétrole brut léger/moyen. D’ici à 2030, le scénario
« 450 ppm » de l’AIE retient un prix du carbone atteignant 180 $/tCO2e (135 €/tCO2e), équivalent
à 60 €/tCO2e actuellement, et ce qui implique un coût pour le carbone supplémentaire en amont pour
le pétrole lourd de 5,4 €/baril (7 $/baril ou 9 C$/baril) actuellement. TOTAL a indiqué une hausse de
coûts de 10 $/baril (12 C$/baril) liée aux exigences en matière de CSC. Un rapport récent estime que
le Canada a besoin d’un prix du carbone de 100 C$/tCO2e d’ici à 2020 (équivalent à 41 €/tCO2e
aujourd’hui) pour pouvoir atteindre d’importants objectifs de réduction d’émissions de GES65.
Les pétroles bruts lourds se vendent déjà avec une décote par rapport aux pétroles légers non sulfurés.
Etant donné que la contrainte liée au carbone ne peut que se renforcer à l’avenir (avec un renchérissement des coûts du carbone), la situation économique des projets de sables bitumineux sera encore
repoussée à l’extrémité supérieure de la courbe de coût marginal et en fera des projets encore plus
vulnérables à une faiblesse quelconque des prix pétroliers. Une forte dépendance des entreprises du
secteur de l’énergie aux investissements réalisés dans le domaine du pétrole lourd est une stratégie
qui anticipe des prix élevés du pétrole et des prix faibles du carbone (ou du CSC) à long terme.
Les entreprises du secteur de
l’énergie peuvent saisir des
opportunités stratégiques de
profit sur les marchés du gaz
naturel
Les entreprises du secteur de l’énergie peuvent saisir des opportunités stratégiques de profit sur les
marchés du gaz naturel. Les avantages environnementaux du gaz par rapport à d’autres énergies
fossiles sont considérables et donneront au gaz naturel un moindre désavantage concurrentiel par
rapport au pétrole, au pétrole lourd et au charbon66. La décarbonisation de l’économie pourrait faire
du gaz naturel une ressource de transition vers un avenir moins intensif en carbone. Il existe
globalement trois types principaux de projets en amont :
•
•
Le coût carbone associé aux
opérations GNL aura des
répercussions négatives sur la
rentabilité de ces projets, mais
l’internalisation
généralisée du prix du carbone à
l’économie devrait avoir un impact
‘net’ positif pour le GNL
•
64
65
66
26
Gaz conventionnel : ces projets sont habituellement situés non loin des marchés domestiques
qui en justifient le développement. Les principales exigences en capital préalables sont
relativement peu élevées dans la plupart des cas sauf si des gazoducs sont nécessaires sur de très
grandes distances. Le coût carbone en amont de ces projets devrait être similaire à celui des projets
de pétrole brut léger/moyen ;
Gaz non conventionnel : des prix du gaz naturel relativement élevés et des progrès
technologiques réels (forage horizontal et fracturation hydraulique) ont rendu la production de
gaz naturel provenant de champs non conventionnels (réservoirs compacts, méthane de houille)
rentable, notamment en Amérique du Nord ou en Australie. Les coûts du capital et les frais
d’exploitation sont supérieurs à ceux du gaz conventionnel. Hors carbone, le prix d’équilibre pour
les projets intégrés de gaz non conventionnel est inférieur à celui du pétrole lourd à environ 45
$/bep. L’on ne connaît pas avec précision le coût du carbone supplémentaire pour ces projets, mais
il devrait être légèrement supérieur (en retenant une intensité en GES légèrement plus élevée) ;
GNL : les projets dans le GNL permettent la monétisation d’actifs de gaz isolés à des prix
internationaux (parfois même supérieurs à la parité avec le pétrole). Cependant, des dépenses
d’équipements considérables dans les infrastructures et le coût carbone associé aux opérations
GNL, réglementées en vertu de régimes de plafonnement et d’échange des droits d’émission,
tels que le futur programme australien, peuvent accroître les coûts de tels projets.
En admettant que les émissions de GES supplémentaires dans le secteur médian pour le GNL par
rapport au gaz naturel traditionnel transporté par gazoduc sont le l’ordre de 0,03tCO2e/bep, le
coût du carbone supplémentaire du GNL est compris entre 0,3 €/bep (0,07 $/MmBtu) et 1,8 €/
bep (0,4 $/MmBtu) pour des coûts carbone se situant dans une fourchette de 10 € à 60 €/tCO2e.
Le profil GES du GNL pendant son cycle de vie complet demeure inférieur à celui du charbon, du
pétrole lourd et du pétrole brut léger/moyen. L’internalisation généralisée du prix du carbone à
l’économie devrait donc avoir un impact ‘net’ positif pour les producteurs de GNL. Le GNL devrait
continuer à enregistrer une croissance rentable à long terme, malgré la faiblesse actuelle liée au
ralentissement de la demande et à une offre nouvelle de GNL mise en service en 2009.
RDShell ne divulgue pas ses estimations d’émissions de CO2, tandis que Total divulgue une estimation de 25 €/tCO2e.
Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, Objectif 2050 : Politique de prix pour le carbone pour le Canada, 16 avril 2009.
Et ce, même si dans l’environnement actuel de prix des combustibles et du carbone peu élevés, le charbon supplante le gaz naturel dans l’ordre d’appel
des nouvelles unités de production.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Diminution escomptée du gaz torché pour
des motifs commerciaux et environnementaux
Le brûlage à la torche du gaz naturel constitue actuellement un gaspillage de ressource
énergétique de valeur et relativement « propre ». Le gaz torché représente plus que
la consommation annuelle de gaz en France et en Allemagne. D’après McKinsey, le gaz
torché devrait « diminuer significativement entre 2005 et 2030 (de 72 %) principalement
de manière spontanée du fait des prix du gaz et d’opportunités commerciales pour en
assurer la vente au niveau local ou par le biais d’exportations et du potentiel de
réchauffement global élevé du méthane en réponse à des réglementations plus strictes
en matière climatique » 67. Au Nigeria, la valeur monétaire du gaz perdu en 2005 s’élevait
à environ 5 milliards de dollars. Les projets de réduction des gaz torchés s’inscrivent dans
le cadre des projets de Mécanisme de développement propre de Kyoto (MDP). En tenant
compte des prix des certificats de réduction des émissions (CER), l’AIE estime que le gaz
torché possède une valeur potentielle de 800 millions de dollars, sans compter sa valeur
de marché intrinsèque68. Les options pour la réduction du gaz torché incluent la
réinjection de gaz dans les champs de pétrole et de gaz, la distribution vers les marchés
locaux, et le traitement du gaz en GNL ou GTL. Mais plusieurs projets d’exportation de
gaz ont été retardés et le développement du marché national du Nigeria s’avère lent.
La première échéance pour stopper les gaz torchés en 2008 n’a pas pu être respectée et
l’objectif pour 2010 sera difficile à atteindre.
En l’absence à l’heure actuelle
d’un signal prix efficace pour le
carbone, le risque est réel de se
retrouver bloqués avec des actifs
énergétiques intensifs en GES
pour les prochaines décennies
Les projets en amont sont des actifs d’infrastructures à long terme. En l’absence à l’heure actuelle d’un
signal prix efficace pour le carbone, le risque est réel de se retrouver bloqués avec des actifs énergétiques intensifs en GES pour les prochaines décennies. Le négociateur principal américain en matière
de changement climatique, Todd Stern, a demandé récemment aux investisseurs « sous quel jour se
présentera le jugement concernant des entreprises qui font aujourd’hui des choix d’investissements
intensifs en carbone dans 5, 10, 20 ans, quand il sera devenu évident que des infrastructures lourdement polluantes sont devenues obsolètes et qu’elles doivent être arrêtées avant la fin de leur durée
de vie utile ? »69. Il a averti les investisseurs qu’ils devaient prendre notre de la nécessité de réduire les
émissions élevées, ce qui affectera les entreprises qui engloutissent leur capital dans des infrastructures
intensives en carbone et qui ne parviennent pas à adopter une stratégie à faible intensité carbone.
Certains analystes ont suggéré que « les coûts du carbone devraient augmenter dans le temps, le
niveau des émissions […] devant lui être réduit. Que se passera-t-il si le coût du CO2 dans 20 ans s’élève
à 200 A$t [109 €/tCO2] ? Que se passera-t-il si, dans 20 ans, la détérioration du climat se poursuit à
un point tel qu’elle oblige à une interdiction pure et simple des émissions au niveau mondial ? C’est à
ce genre de questions que se trouvent confrontés les conseils d’administration d’entreprises cotées qui
envisagent des dépenses d’investissement dans des projets [amont] gigantesques de plusieurs dizaines
de milliards de dollars, d’une durée de plus de 40 ans 70» . Les importants investissements actuels dans
le pétrole lourd (ou les centrales électriques au charbon), sur fond d’incertitudes quant aux possibilités
de concrétisation du captage et stockage du carbone (CSC) et son coût réel, représentent d’importants
éléments de passif potentiels en termes de carbone, ce qui pourrait constituer une autre classe d’« actifs
sub-prime » dans un avenir à faible teneur en carbone.
La consommation mondiale d’énergies fossiles devra diminuer pour parvenir à des
réductions d’émissions de GES. Les inquiétudes liées au changement climatique
commencent seulement à toucher la croissance et les schémas de fixation des prix des
énergies fossiles. Les coûts carbone auront des répercussions de plus en plus importantes
sur l’économie des projets amont. Les prix actuels du carbone ne sont pas suffisamment
élevés pour modifier l’attractivité relative entre les énergies intensives ou plus faibles
en carbone. Des coûts du carbone beaucoup plus élevés à l’avenir vont rendre les projets
de gaz naturel plus attrayants que ceux de pétrole léger ou lourd. Alors que de nombreuses incertitudes pèsent sur les possibilités de concrétisation du captage et stockage
du carbone (CSC) et son coût réel, des investissements dans le pétrole lourd représentent
d’importants éléments de passif potentiels en termes de carbone, ce qui pourrait
constituer une autre classe d’« actifs sub-prime » dans un avenir à faible teneur en
carbone.
67
68
69
70
McKinsey, Pathways to a Low-Carbon Economy. Version 2 of the Global Greenhouse Gas Abatement Cost Curve, 2009.
AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008.
« US businesses warned to take low-carbon path », Financial Times, 8 avril 2009.
Morgan Stanley, Australia Oil & Gas. CSG, Consolidation and Carbon Themes, 24 septembre 2008.
27
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
5.
Internaliser le coût carbone dans
plusieurs portefeuilles amont européens
Les valorisations des actions des entreprises du secteur de l’énergie tiennent-elles compte des risques
(et opportunités) liés au carbone ? À quoi les investisseurs actions de long terme doivent-ils être
attentifs ? Les portefeuilles amont des entreprises sont soumis à des risques carbone divers , selon leur
exposition relative à des énergies fossiles plus ou moins intensives en carbone. La manière dont les
entreprises du secteur de l’énergie construisent leur portefeuille amont peut affecter significativement la
valeur actionnariale à long terme.
Un cadre d’analyse centré
sur le portefeuille amont
5.1
Approche amont :
à la source des énergies fossiles
5.1.1
Les flux d’énergie proviennent de sources primaires (par exemple le pétrole brut ou le gaz naturel) qui
peuvent être transformées en porteurs d’énergie (tels que l’électricité, le diesel ou encore l’hydrogène)
pour fournir des services à des utilisateurs finaux. Les opérations d’Exploration et de Production (E&P)
se rapportent à la découverte, au développement et à la production d’hydrocarbures primaires.
En considérant le portefeuille amont de certaines entreprises européennes intégrées du secteur de
l’énergie (BG Group, BP, ENI, Royal Dutch Shell, StatoilHydro et TOTAL71), nous mettons l’accent sur
la part la plus importante de leur valeur financière (environ 80 % du résultat opérationnel moyen 2008),
alors que le raffinage et le marketing, la chimie et les autres activités représentent la part restante.
Le fournisseur d’hydrocarbures
(le producteur amont) subira
l’impact de l’intensité en GES
sur le cycle de vie complet du
portefeuille de ressource qu’il
vend
Après extraction d’un combustible fossile du sol et acquisition par celui-ci du statut de « marchandise
», différentes entreprises vont alors le raffiner, le transformer et enfin vendre les produits finaux qui en
dériveront. Nous pensons toutefois que l’approvisionneur d’hydrocarbures (le producteur en amont)
subira l’impact de l’intensité en GES du portefeuille de ressource vendu pendant le cycle de vie complet
de celui-ci, à deux niveaux :
Les entreprises du secteur
de l’énergie sont d’abord
responsables des émissions
de GES découlant de leurs
opérations
•
Directement : Les entreprises du secteur de l’énergie sont d’abord responsables des émissions
de GES découlant de leurs opérations (en amont, secteur médian et/ou en aval), pour lesquelles
elles vont, de plus en plus, devoir payer le prix de leurs émissions de GES, qui dépendra en partie
des types d’hydrocarbures produits. Même si les opérations aval sont plus intensives en émissions
de GES (par unité d’énergie produite) que les opérations amont, les émissions de GES liées aux
activités des entreprises en amont demeurent plus élevées en termes absolus, en moyenne, que les
émissions provenant de leurs activités de raffinage ;
•
Indirectement : pendant longtemps, les entreprises du secteur de l’énergie ne se sont pas senties responsables des émissions de GES liées à la combustion émanant de l’utilisation de leurs
ressources d’hydrocarbures. Mais la transition vers une économie à faible teneur en carbone
et l’avènement des taxes carbone et autres normes relatives aux carburants à faible teneur en
carbone (LCFS) en particulier, impliquent une perspective large sur l’ensemble du cycle de vie
pour les producteurs d’énergie. La plupart des entreprises européennes du secteur de l’énergie
fournissent des estimations concernant les émissions de GES associées à l’utilisation finale de leurs
produits. Elles publient également la manière dont elles développent des solutions énergétiques
à faible intensité en carbone pour leurs clients. Même si les entreprises du secteur de l’énergie ne
sont pas directement responsables des émissions de GES dérivant de l’utilisation de leurs produits,
elles bénéficient ou pâtissent indirectement de l’intensité en GES plus ou moins élevée de leurs ressources amont pendant leur cycle de vie à travers des tendances d’évolution de la demande et des
prix différenciés pour ces hydrocarbures.
En adoptant une perspective sur le cycle de vie complet concernant l’intensité en GES des principaux
Les entreprises du secteur de
l’énergie vont bénéficier ou pâtir
indirectement de l’intensité en
GES plus ou moins élevée de leurs
ressources amont pendant leur
cycle de vie à travers des tendances d’évolution de la demande
et des prix différenciés
71
28
L’exposition d’OMV et de Repsol aux 230 principales réserves n’a pas été suffisant (inférieure aux réserves prouvées 2008).
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
hydrocarbures et leur pondération dans les portefeuilles amont des entreprises européennes du secteur
de l’énergie, nous pouvons capter l’impact potentiel des réglementations carbone sur le segment
d’activité le plus important et le plus rentable des entreprises.
5.1.2
L’intensité en GES de plusieurs
portefeuilles amont européens
L’absence de données rend
l’analyse de l’intensité en GES des
portefeuilles amont très difficile à
mettre en œuvre
Nous ne disposons pas de chiffres comparables et complets pour les entreprises du secteur de l’énergie
concernant les types spécifiques de ressources d’hydrocarbures incluses dans leurs portefeuilles amont
(la part relative du gaz naturel, du GNL, du pétrole, du pétrole lourd, etc.) et l’intensité en GES qui en
découle. Certains investisseurs ont récemment demandé à la Securities and Exchange Commission (SEC)
d’exiger la publication de la part des entreprises du secteur de l’énergie de « réserves dont l’extraction,
la production et la combustion supposent des émissions de GES supérieures à la moyenne72» .
Certaines entreprises donnent des données chiffrées, d’autres des estimations graphiques de la part
relative des différents types d’hydrocarbures constituant leur production actuelle, leurs réserves
prouvées et/ou leurs ressources potentielles. Mais l’absence de ces données et leur manque
d’homogénéité font de l’analyse de l’intensité en GES des portefeuilles amont un exercice très difficile.
Un cadre d’analyse des portefeuilles amont utilisant les données relatives aux 230 principaux
projets amont rassemblées par
Goldman Sachs
En conséquence, nous avons décidé de travailler à partir d’une série de données plus cohérente fournie
par Goldman Sachs dans son analyse des 230 principaux projets amont73. Ces 230 projets sont
considérés comme les nouveaux champs les plus vastes du secteur et ils sont essentiellement les
principaux nouveaux actifs de croissance du secteur amont. Ils représentent des réserves potentielles de
352 milliards de bep (176 milliards de bep de pétrole et 176 milliards de bep de gaz) qui vont produire
37 millions de bep/jour d’ici 2019e, près du tiers de l’offre 2007 mondiale d’hydrocarbures. Les réserves
des 230 principaux projets sont calculées sur la même base (en part groupe de la production) et
dépassent dans tous les cas les réserves prouvées de chacune des entreprises.
Nous avons estimé les ressources des entreprises dans ces 230 projets dans les domaines du pétrole, du
pétrole lourd, du gaz naturel, du GNL et du GTL à trois niveaux : la production 2009e des 230 projets,
la production 2020e, et les réserves totales de ces 230 projets. Le graphique suivant indique l’exposition
des entreprises aux différents types de ressources pour les réserves des 230 projets.
Figure 8.: Exposition des entreprises européennes à différents
hydrocarbures en termes de réserves potentielles issues des 230 principaux projets
Source: Estimations Dexia AM d’après les 230 principaux projets de Goldman Sachs
72
73
Investors urge SEC on reporting oil climate impact », Reuters, 18 septembre 2008.
Goldman Sachs, Global: Energy. 230 projects to change the world, 11 février 2009.
29
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Les entreprises européennes
du secteur de l’énergie sont
différemment exposées aux
projets d’hydrocarbures plus
ou moins intenses en carbone
BP, BG Group, ENI et StatoilHydro sont significativement exposés au gaz naturel, tandis que RDShell, BG
et TOTAL investissent fortement dans le GNL. BG est absent du secteur des huiles lourdes, tandis que
la présence de BP et d’ENI n’y est encore que mineure. TOTAL, StatoilHydro et RDShell sont davantage
présents dans des projets de pétrole lourd. RDShell est la seule entreprise de cet échantillon réalisant
des investissements importants dans le GTL. A partir de l’exposition de chaque entreprise, nous pouvons
calculer l’intensité en GES de leurs réserves ‘230’ pendant leur cycle de vie complet, de même que de
leurs productions associées pour 2009e et 2020e.
Figure 9.: Intensité en GES des 230 projets pendant leur cycle de vie complet
Source: Estimations Dexia AM d’après les 230 principaux projets de Goldman Sachs
30
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
5.2
Une faible intensité en GES
devrait se voir attribuer
une prime de valorisation
Une prime de valorisation
pour les portefeuilles amont
moins intenses en carbone ?
Le marché actions a commencé à intégrer l’intensité carbone du mix de production électrique des
Utilities dans leurs valorisations, d’où une forte corrélation actuellement (R2=0,7). Le secteur des
Utilities électriques est le plus visé par le système EU ETS. Existe-t-il une prime financière (ou décote)
similaire pour des entreprises dotées de portefeuilles amont plus (ou moins) propres ?
L’intensité carbone des portefeuilles amont est-elle corrélée aux ratios de valorisation des entreprises ?
Pour réaliser cette évaluation, nous avons examiné le pouvoir explicatif (R2) des intensités en GES
des portefeuilles amont pendant leur cycle de vie dans l’explication des écarts entre multiples pour
une série d’entreprises européennes et américaines intégrées du secteur de l’énergie. Nous avons utilisé
trois ensembles d’intensités en GES pendant le cycle de vie : issues de la production 2009e des 230
projets, issues de la production 2020e et issues des réserves des 230 projets. Nous avons utilisé deux
séries de multiples de valorisation : estimation du ratio cours/bénéfice ou ratio PER (PER 2009e, PER
2010e) et estimation Valeur d’entreprise / Cash flow corrigé de la dette (EV/DACF 2009e, EV/DACF
2010e) provenant de données du consensus. Nous présentons ici quelques résultats de notre analyse.
Figure 10.: Corrélation entre les ratios PER et EV/DACF 2010e et l’intensité en GES
de la production 2009e des 230 réserves pendant leur cycle de vie
Source: Estimations Dexia AM à partir de données Goldman Sachs relatives aux 230 projets, Consensus Bloomberg (données au 22 avril 2009)
Figure 11.: Corrélation entre les ratios PER et EV/DACF 2010e et l’intensité GES
des 230 réserves pendant leur cycle de vie
Source: Estimations Dexia AM à partir de données Goldman Sachs relatives aux 230 projets, Consensus Bloomberg (données au 22 avril 2009)
31
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Le marché ne parvient pas à
chiffrer l’intensité en GES de la
production future (2020e) et des
réserves potentielles des 230
projets, alors qu’il parvient plus
facilement à évaluer l’intensité en
GES de la production actuelle des
entreprises et son impact potentiel
sur leurs valorisations
Sur la base de l’intensité en GES cycle de vie de la production 2009e, il semble exister une corrélation
avec les multiples de valorisations futurs (0,43<R2<0,64). Les entreprises présentant une intensité en
GES moindre (plus élevée) ont tendance à se voir attribuer des multiples de valorisation plus élevés
(moindres). Cependant, une autre analyse statistique (par exemple une régression multifactorielle)
devrait être réalisée pour déterminer la contribution exacte du carbone à cette prime. Si nous utilisons
l’intensité en GES dérivant de la production 2020e ou du total des 230 réserves, le pouvoir explicatif est
plus faible (0,21<R2<0,43). Deux raisons interdépendantes peuvent expliquer cette absence apparente
de corrélation :
•
•
Une intensité en GES à court terme plus certaine : l’intensité en GES actuelle est issue de données
concernant la production à court terme (2009e), avec un degré relativement élevé de confiance,
tandis que les autres estimations relatives à l’intensité en GES (2020e et total des 230 réserves)
sont plus incertaines dès lors qu’elles s’appuient sur des productions futures et des ressources
« potentielles » des 230 projets ;
Nature court-termiste de la valorisation des entreprises du secteur de l’énergie : le marché ne
reconnaît que les actifs de production actuels et les réserves prouvées, alors que la production
future (2020e) ou les ressources potentielles (les réserves des 230 projets ne sont pas des réserves
1P prouvées) sont rarement intégrées dans les multiples de valorisation actuels. C’est l’intensité en
GES à court terme (pour la production 2009e) du portefeuille amont des entreprises qui est la plus
facilement intégrée aux valorisations, plutôt que toute autre intensité carbone de plus long terme.
La valorisation d’une entreprise n’est pas une science absolue mais elle repose sur un degré
d’interprétation et de discernement. L’on pourrait dire que le marché ne parvient pas à intégrer
l’intensité en GES de la production future et des réserves potentielles, alors qu’il parvient plus aisément
à évaluer l’intensité en GES de la production actuelle des entreprises et son impact potentiel sur leurs
valorisations. La crise économique actuelle et un environnement de prix du pétrole plus bas ne sont pas
propices à l’intégration du prix du carbone sur le long terme. Nous rejoignons certains propos concernant Sasol, l’entreprise du secteur de l’énergie d’Afrique du sud qui investit dans les projets de transformation du charbon en liquide (CTL) intensifs en GES : « les marchés de capitaux sont, sans surprise,
pratiquement entièrement axés sur l’impact de l’incertitude macro-économique concernant les bénéfices de Sasol. Cependant, nous continuons à craindre que les problématiques en matière d’émissions
de CO2 auront en fin de compte un impact plus important sur la valeur de Sasol à long terme que ce
qui s’est avérée être une période temporaire de prix du pétrole faibles74» . Bien que des réglementations en matière de carbone commencent actuellement à donner un coût aux émissions de GES pour les
entreprises du secteur de l’énergie et leurs clients, les investisseurs ne tiennent pas réellement compte
du carbone dans leurs valorisations, ni des éléments de passif liés au carbone associés aux portefeuilles
amont.
74
32
JPMorgan, CO2 Update - Still concerned but storage options may offer hope, 6 avril 2009.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Quels sont les éléments de
passif GES des portefeuilles
issus des 230 projets ?
5.3
Elaboration du modèle et de ses hypothèses
5.3.1
Un exercice de simulation dans
lequel il serait demandé aux
entreprises du secteur de l’énergie
de payer le prix du carbone pour
une partie seulement ou pour la
totalité des émissions de GES
associées à leurs production
2020e issue des 230 projets
Nous examinons les éléments de passif GES potentiels associés aux activités suivantes : 1) en amont, 2)
précombustion (en amont, secteur médian et en aval) et 3) émissions de GES pendant le cycle de vie
complet, liés aux hydrocarbures que les entreprises européennes vont produire en 2020e à partir de leur
participation aux 230 projets. Nous calculons les émissions de GES sur la base de la production 2020e
issue des 230 projets en appliquant notre profil moyen de GES pour chaque type d’hydrocarbure.
Nous évaluons ensuite les émissions de GES à l’aide de trois scénarii de prix du carbone, en actualisant
ces montants et en les exprimant en pourcentage du résultat opérationnel 2008 de chaque entreprise.
Notre modèle doit être compris comme un exercice de simulation dans lequel il serait demandé aux
entreprises du secteur de l’énergie de payer le prix du carbone pour une partie seulement ou pour la
totalité des émissions de GES associées à leurs production 2020e issue des 230 projets. ExxonMobil
explique que les « producteurs, raffineurs, distributeurs et utilisateurs finaux [d’hydrocarbures] doivent
tous être responsables de la gestion et de la publication des émissions produites par des activités dont
ils ont le contrôle »75. Alors qu’il nous semble très peu probable qu’il soit demandé à court terme aux
entreprises de payer au titre de leur production amont pour les émissions de GES sur leur cycle de vie
complet, il demeure manifeste que ces émissions de GES 2020e représentent des éléments de passif
potentiels importants en termes de carbone pour les entreprises du secteur de l’énergie. D’après nous,
les entreprises devront supporter un coût pour certaines, voire la totalité des émissions de GES de leur
production d’hydrocarbures à l’avenir. Les émissions de GES sont actuellement des externalités, sauf
dans les régimes réglementés dans le domaine du carbone tels que le schéma EU ETS. Cependant,
des réglementations plus strictes en matière de carbone sont susceptibles d’accroître la charge que
représente le coût des GES pour les compagnies pétrolières et gazières, tandis que l’on ignore encore
dans quelle mesure celles-ci vont être capables de répercuter ce coût sur l’utilisateur final.
Nous retenons trois niveaux de prix pour le carbone d’ici 2020e :
•
un scénario 12 €/tCO2e, proche des prix actuels des EUA à décembre 2009 compris entre 8€
et 14€/ tCO2 ;
•
un scénario 50€/tCO2e, équivalent au coût estimé du CSC d’ici 2020e ;
•
un scénario 93€/tCO2e en 2020e, équivalent à l’hypothèse de l’AIE de 180 $/tCO2e en 2030
formulée dans le scénario « 450 ppm »76.
Trois niveaux d’hypothèses
pour les prix du carbone
en 2020e
Le scénario de prix le plus faible (12€/tCO2e) correspond à un prix de CO2e à court terme qui reflète
la récession économique actuelle, des prix du pétrole et du gaz à la baisse et l’excédent d’EUA librement alloués. Cependant, il ne reflète pas le signal carbone requis à long terme pour réduire les GES et
favoriser les investissements moins intensifs en carbone (la préférence est donnée au charbon comme
nouvelle centrale au détriment des centrales à gaz à cycle combiné). Le scénario médian (50€/tCO2e)
reflète une hypothèse de coût du CSC optimiste, alors que le scénario le plus élevé présenté par l’AIE
(93€/tCO2e) reflète probablement le plus précisément le prix du CO2e requis pour réduire dans une
mesure suffisante les émissions de GES de manière à éviter le changement climatique.
Le choix du taux d’actualisation utilisé dans le calcul des éléments de passif GES est essentiel car
plus il est élevé, plus les coûts futurs du carbone seront faibles (et vice-versa). Le rapport Stern sur
l’économie du changement climatique a utilisé un taux d’actualisation très faible de 1,4 %. Pour refléter
le caractère public et multigénérationnel du changement climatique, nous avons décidé d’utiliser un
taux d’actualisation de 4 %, plus proche des taux utilisés par les administrations publiques pour les
investissements publics (compris généralement entre 2 % et 5 %)77 plutôt que les hypothèses de coût
du capital plus habituellement utilisées pour les investissements privés (de 8 à 9 %).
Un taux d’actualisation de type
« administration publique »
pour refléter le caractère public
et multigénérationnel du
changement climatique
75
76
77
ExxonMobil, 2007 Corporate Citizenship Report, 2008.
AIE, Perspectives énergétiques mondiales, 2008.
Centre d’Analyse Stratégique, La valeur tutélaire du carbone, juin 2008.
33
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Importants éléments de passif liés
aux GES associés à la production 2020e
5.3.2
Plus l’exposition d’une entreprise
aux 230 projets est prononcée,
plus ses éléments de passif GES
seront élevés, indépendamment
de l’intensité en GES de ses projets
Avant de présenter les résultats de notre analyse, nous devons formuler une mise en garde.
Compte tenu du fait que nous n’avons pas pu utiliser de chiffres relatifs aux réserves totales ou à la
production totale couvrant l’intégralité des opérations des entreprises, l’utilisation des données
correspondant aux 230 projets génère un biais important lié à l’exposition plus ou moins prononcée des
entreprises européennes à ces 230 projets. Plus l’exposition d’une entreprise aux 230 projets est
prononcée, plus ses éléments de passif GES seront élevés, indépendamment de l’intensité en GES de
ses projets. Le tableau suivant présente une vue d’ensemble en termes de production 2008e, de
réserves prouvées et de ressources.
Figure 12.: Exposition des entreprises européennes aux 230 projets
BG
BP
ENI
RD Shell
StatoilHydro
TOTAL
Average
230 production in 2008
as a % of 2008e
total production
230 reserves as a x
of 2008e
proved reserves (1P)
230 reserves as a %
of 2008e
resources (3P)
60%
23%
34%
16%
34%
28%
33%
3.6x
1.2x
1.9x
1.7x
2.0x
1.7x
2.0x
93%
35%
42%
30%
56%
44%
50%
Estimations Dexia AM (à partir des 230 projets de Goldman Sachs et de données Citigroup)
L’intensité en GES inférieure
de BG Group est plus que
compensée par son exposition
largement supérieure aux 230
projets
Malgré l’intensité en GES inférieure de BG Group pour son portefeuille 230 par rapport à l’échantillon
d’entreprises européennes78, son exposition largement supérieure aux 230 projets par rapport à ses
homologues (60 % de sa production 2008 contre 33 % en moyenne, 3,6x ses réserves prouvées 2008
contre 2,0x et 93% de ses ressources contre 50 %) accroît de manière disproportionnée et équivoque
la part des éléments de passif GES des 230 projets dans son résultat opérationnel 2008 par rapport à
d’autres entreprises européennes avec une production « hors 230 projets » et des réserves que notre
analyse n’a pas pues prendre en compte. Les autres entreprises comptent des expositions plus similaires
aux 230 projets qui en rendent la comparaison plus pertinente. Aussi, excluons-nous BG Group du reste
de l‘analyse.
Emissions de GES 2020e associées
à la production des 230 projets
Ce cadre d’analyse modèlise pour 2020e les émissions de GES amont (112 m tCO2e), les émissions
de GES de précombustion (302 m tCO2e) et les émissions de GES pendant le cycle de vie complet
(1,5 milliard tCO2e), associées à la production des 230 projets79. Entre 2009e et 2020e, les émissions de
GES cumulées à partir de la production des 230 projets des entreprises représenteront un montant total
de 16 milliards tCO2e.
Le tableau suivant indique les éléments de passif GES potentiels liés à la production 2020e des 230
projets des entreprises européennes.
78
79
34
Inférieure respectivement de 12 %, 2 % et 4 % en termes de production 2009e, de production 2020e et de 230 réserves.
Hors BG Group.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Figure 13.: Passif GES des entreprises européennes associés à la production 2020e des 230 projets
GHG emissions potential liabilities (as a % of 2008 operating income)
Upstream GHG liabilities
e12/tCO2e e50/tCO2e
BP
ENI
RD Shell
StatoilHydro
TOTAL
Average
0%
0%
1%
0%
1%
1%
1%
2%
6%
2%
3%
3%
e93/tCO2e
3%
3%
11%
4%
6%
5%
Pre-Combustion GHG liabilities
e12/tCO2e e50/tCO2e
1%
1%
3%
1%
2%
2%
4%
6%
13%
5%
8%
7%
e93/tCO2e
8%
11%
25%
10%
15%
14%
Full Life cycle GHG liabilities
e12/tCO2e e50/tCO2e
6%
8%
15%
7%
9%
9%
e93/tCO2e
23%
32%
62%
28%
39%
37%
43%
59%
115%
51%
72%
68%
Source: Estimations Dexia AM (à partir des 230 projets de Goldman Sachs)
Les éléments de passif GES
associés à la production 2020e
provenant des 230 projets se
situent en moyenne dans une
fourchette comprise entre moins
de 1 % et 68 % du résultat
opérationnel des entreprises
Les éléments de passif GES amont sont les moins lourds et ils représentent entre moins de 1 % et 5 %
du résultat opérationnel 2008 (en fonction des hypothèses de prix carbone). En termes absolus, ils se
situent entre 175 millions d’euros et 1,4 milliard d’euros en moyenne par entreprise. Les éléments de
passif GES correspondant à la précombustion sont près de trois fois plus importants, ressortant entre
2 % et 14 % du résultat opérationnel actuel des entreprises (soit de 470 millions d’euros à 3,7 milliards
en moyenne). S’il était demandé aux entreprises de payer pour les éléments de passif GES pendant le
cycle de vie complet, associés à leur production 2020e, cela reprisuiterait entre 9 % et 68 % de leur
résultat opérationnel actuel (2,3 milliards d’euros à 18,2 milliards d’euros en moyenne).
La question clé réside dans la répartition de la charge du coût carbone tout au long de la chaîne
de valeur énergétique. Les entreprises du secteur vont probablement supporter le coût direct de
leurs opérations en amont/au niveau du secteur médian/en aval (éléments de passif GES liés à la
précombustion), mais elles pourraient en répercuter une partie importante sur les consommateurs
finaux (la demande de pétrole et de gaz étant relativement peu élastique). Il est très peu probable
qu’elles supportent l’intégralité du coût du carbone associé à l’utilisation finale de leurs produits.
Observons une étude de cas d’éléments de passif GES liés à la précombustion avec le scénario
50€/tCO2e. Les intensités en GES de précombustion des différentes entreprises sont décrites ci-après
(BG Group n’étant cité qu’à titre d’information) :
Figure 14.: Intensité en GES liée à la précombustion des 230 projets
Source: : Estimations Dexia AM d’après les 230 principaux projets de Goldman Sachs
35
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Sur la base des émissions de GES 2020e découlant de leur production, les cinq entreprises européennes
enregistreraient des éléments de passif GES de précombustion représentant une part peu élevée en
moyenne de leur résultat opérationnel (environ 7 %). Cependant, il faut rappeler que la production
2020e de l’ensemble des 230 projets représente près du tiers de l’offre mondiale. Ces éléments de
passif GES ne sont qu’une partie du passif global associé à la production totale et aux portefeuilles de
réserves totales des entreprises. De plus, le résultat opérationnel 2008 s’est avéré exceptionnellement
élevé pour le secteur de l’énergie en général (1,7x le résultat opérationnel moyen 2001-2007 pour le
groupe de paires), ce qui réduit la part relative des éléments de passif GES.
Les éléments de passif GES liés
à la précombustion 2020e
représentent en moyenne 7 %
du résultat opérationnel 2008,
un chiffre qui reste peu élevé,
mais n’est pas entièrement neutre
Figure 15.: Eléments de passif GES liée à la précombustion de la production
2020e des 230 projets (scénario 50 €/tCO2e)
Source : Estimations Dexia AM (à partir des 230 projets de Goldman Sachs)
BP, StatoilHydro et ENI
présentent des éléments
de passif GES liés à la
précombustion en % de leur
résultat opérationnel 2008
inférieurs à leurs homologues
•
•
•
TOTAL et RDShell présentent des
éléments de passif GES liés à la
précombustion supérieurs en
termes absolus et relatifs
•
•
80
36
BP est moins exposé aux projets non conventionnels (tels que les huiles lourdes et le GTL) et son
portefeuille est davantage pondéré en faveur du gaz naturel (56 % de ses réserves 230, contre
32 % pour ses homologues). BP se classe au deuxième rang des éléments de passif GES liés à la
précombustion en absolu, en raison de la taille de l’entreprise, mais elle enregistre les éléments de
passif GES les plus faibles par rapport à son résultat opérationnel 2008 ;
StatoilHydro présente un portefeuille équilibré mais davantage axé sur les huiles lourdes, le
groupe orientant son portefeuille sur des actifs de plus en plus non conventionnels afin de
compenser les déclins de sa production en Norvège. StatoilHydro bénéficie d’un positionnement
gazier très stratégique et dispose d’une offre diversifiée, s’introduisant récemment sur le marché
américain des gaz non conventionnels. StatoilHydro se classe en deuxième position en termes
d’exposition aux éléments de passif GES liés a la précombustion ;
ENI est l’entreprise la moins exposée aux ressources non conventionnelles, étant moins disposée
à investir dans des domaines coûteux tels que les sables bitumineux. ENI est doté d’une stratégie
claire pour le gaz naturel. Ses éléments de passif GES liés a la précombustion sont inférieurs à la
moyenne ;
TOTAL présente un portefeuille relativement équilibré, mais son exposition au gaz est largement
inférieure à celle de ses homologues (14 % contre 32 % pour ses homologues). Malgré une
présence significative dans le GNL (avec des projets gaziers d’envergure au Moyen-Orient), ses
investissements dans le pétrole lourd (au Canada, Venezuela et à Madagascar) accroissent ses éléments de passif GES liés a la précombustion ;
RDShell est toujours en reconstruction de son amont avec une exposition aux ressources non conventionnelles largement supérieure à celle de ses homologues (72 % de ses ressources totales contre 35 % pour BP, par exemple80). Le groupe se trouve cependant dans une position paradoxale.
Alors qu’il dispose de positions solides dans le gaz naturel et qu’il est un chef de file de son secteur
dans le GNL, il présente également une exposition significative au GTL et au pétrole lourd, intensifs
en GES. L’économie de ces projets est plus incertaine dans un monde soumis à la contrainte
carbone (à moins que le CSC ne devienne une technologie à bas coût). RDShell affiche donc les
éléments de passif GES liés a la précombustion les plus élevés en termes absolus et relatifs.
JPMorgan, European Integrated Oils – Insights from reserve replacement analysis – Continue to favour BG, BP, 22 avril 2009.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
D’autres études ont tenté
d’estimer la « valeur à risque » liée
au changement climatique et les
éléments de passif GES pour les
entreprises du secteur de l’énergie
grâce à différents modèles et hypothèses de prix du carbone
D’autres études ont tenté d’estimer les éléments de passif GES des entreprises du secteur énergétique.
S’appuyant sur des recherches effectuées par les sociétés de conseil McKinsey et Oxera, un rapport
de l’entité britannique Carbon Trust publié en septembre 2008 montre que les entreprises de l’E&P
pourraient être confrontées à une valeur à risque liée au passage à une économie à plus faible teneur
en carbone de 15 % à 35 %, alors que les entreprises spécialisées dans le raffinage pourrait subir une
perte de valeur allant jusqu’à 30 %81. Un autre rapport publié par McKinsey relatif à la valeur à risque
des compagnies pétrolières et gazières due à une baisse des volumes de ventes et des cash flows,
s’expliquant par des mesures de réduction des émissions de CO2, a estimé une baisse de la valorisation
des entreprises de 5 à 15 %, selon que le scénario retenu est plus ou moins strict82. Un rapport publié
par Innovest, portant uniquement sur le coût du carbone amont lié à quelques-uns des projets de sables
bitumineux canadiens en 2018e, fournit des estimations pour ces coûts de conformité aux émissions de
CO2 comprises entre 0,2 % et 0,6 % de l’EBITDA 2007 de BP, RDShell, StatoilHydro et TOTAL83.
Un rapport de PFC Energy a estimé la valeur des émissions de GES 2007 liées aux opérations amont et
aval (proches de nos « émissions de GES de précombustion ») à une moyenne de 6 % de l’EBIT amont
et aval84 pour six entreprises (BP, Chevron, ConocoPhillips, ExxonMobil, RDShell et TOTAL) sur la base
d’une estimation de 30 $/tCO2e (23 €/tCO2e) actuellement85. Enfin, un dernier rapport relatifs aux
compagnies pétrolières intégrées et raffineurs américains, utilisant une hypothèse de coût de 20 $/
tCO2e (15 €/tCO2e), a estimé que déterminer le prix du carbone (1) dans les opérations amont
accroîtrait le coût de 0,76 $/bep avant impôts, soit ~3 % du résultat net et (2) dans les opérations aval
augmenterait le coût de 0,68 $/bep avant impôts, soit ~15 % du résultat net, alors que le coût carbone
lié à la combustion serait égal à 10 $/bep, un coût qui serait répercuté sur l’utilisateur final (équivalent
à une hausse de 7 % des prix à la pompe)86. Les entreprises devraient pouvoir répercuter une partie
du surcoût carbone amont et aval à leurs clients, mais les entreprises du secteur de l’énergie devraient
néanmoins supporter une part encore significative de ce coût carbone.
Les éléments de passif GES liés
à la précombustion ne sont pas
suffisamment importants pour
représenter un risque financier
majeur à court terme.
Cependant, des émissions de GES
plus largement internalisées dans
l’économie globale auront un
impact non négligeable
Les éléments de passif GES amont ou liés à la précombustion ne sont pas suffisamment élevés pour
représenter un risque financier majeur à court terme pour les compagnies pétrolières et gazières. Nos
résultats et les résultats des autres études sont relativement en ligne. Les principales différences sont
liées à plusieurs hypothèses de prix du carbone et au segment de la chaîne de valeur énergétique auquel s’applique l’internalisation du prix du carbone. Cependant, nous estimons que des réglementations
plus strictes en matière de carbone, avec lesquelles les émissions de GES deviennent plus largement
internalisées dans l’économie globale, auront un impact non négligeable pour le secteur de l’énergie à
la fois en termes d’exposition directe au coût carbone, et surtout en termes de prévisions de croissance
et de fixation des prix des hydrocarbures. Les estimations pour les éléments de passif GES pendant
leur cycle de vie associées à la production 2020e des 230 projets sont assez larges, établies entre 12,7
milliards d’euros et 23,2 milliards d’euros par entreprise actuellement, dans un scénario de prix de 93€/
tCO2e d’ici à 2020e. PFC energy a estimé un élément de passif lié à une taxe carbone pouvant dépasser
20 milliards de dollars (15 milliards d’euros) pour plusieurs grandes compagnies pétrolières internationales, si l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur énergétique était taxé à 30 /tCO2e (23€/tCO2e)
actuellement87. Le carbone deviendra, pour les investisseurs, une problématique encore plus significative
de la valorisation des actions.
81
82
83
84
85
86
87
Carbon Trust, Climate change – a business revolution? How tackling climate change could create or destroy company value, septembre 2008.
McKinsey, How climate change could affect corporate valuations?, automne 2008.
Innovest, The Viability of Non-Conventional Oil Development, mars 2009.
Hors éléments hors exploitation.
PFC Energy, Carbon Liability: How Prepared Are the Global Competitors?, 18 mars 2009.
Bank of America - Merrill Lynch, Energy Policy & Oils: bad, very bad or outright terrible?, 29 avril 2009.
PFC Energy, PFC Energy Quarterly, quatrième trimestre 2008.
37
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Conclusion : une transition vers des modèles
d’activité moins intensifs en carbone
5.3.3
La question pour les entreprises
du secteur de l’énergie ne consiste
plus à nier le changement climatique, mais à faire mieux que leurs
concurrents pour intégrer l’analyse
du cycle de vie des GES dans leurs
activités commerciales courantes
Les grands acteurs du secteur ne sont pas encore prêts pour aborder une transition vers une économie à
faible teneur en carbone. Néanmoins, le secteur de l’énergie n’est pas seulement un acteur contribuant
dans une large mesure au changement climatique, il peut aussi contribuer en partie à la solution.
Donner un prix au carbone est le seul moyen pour donner un réel élan financier propice à l’action. Le
secteur sera soumis à une pression croissante des autorités de régulation pour réduire ses émissions
de GES et apporter des options énergétiques à faible teneur en carbone. Comme l’a déclaré récemment le Directeur général de ConocoPhilipps, la « règlementation des émissions de GES est essentielle
et inévitable. Elle est nécessaire pour créer des signaux de prix pour éviter les émissions de dioxyde de
carbone. […] Nous pouvons perdre notre temps à vouloir éviter l’inévitable ou rejoindre le mouvement
mondial grandissant »88. La question pour les entreprises du secteur de l’énergie ne consiste plus à nier
le changement climatique et la nécessité de réduire les émissions de GES ; il s’agit maintenant de faire
mieux que leurs concurrents dans un contexte faiblement carboné. Ainsi, inclure l’analyse des GES du
cycle de vie tout au long de la chaîne de valeur d’une entreprise du secteur de l’énergie GES s’inscrira
dans le cadre des activités normales d’une entreprise.
La nécessité de passer d’un cadre
de publications volontaires de
faible qualité à un reporting
financier complet de l’exposition
aux éléments de passif GES
Pendant plusieurs années, les entreprises ont volontairement publié leurs émissions de GES. Le caractère
complet, fiable et comparable de cet ensemble de données reste à prouver (notamment le périmètre
des émissions de GES : contrôle opérationnel contre mise en équivalence). Or, il est désormais nécessaire
de passer d’un cadre de publications non financières volontaires à un système de reporting complet
de l’exposition aux éléments de passif GES. Les entreprises du secteur de l’énergie doivent notamment
fournir aux investisseurs des informations sur les éléments de passif GES intégrés dans leurs portefeuilles
amont.
Voici une liste de questions que les investisseurs devraient se poser par rapport aux entreprises du
secteur de l’énergie afin d’évaluer leur capacité à mettre en œuvre une transition de leurs modèles
de gestion vers une économie à faible teneur en carbone et à gérer leurs émissions de GES dans leurs
opérations quotidiennes :
Stratégie macro
En quoi une entreprise axée sur les
énergies fossiles peut-elle modifier son modèle de gestion vers
des énergies à faible teneur en
carbone ?
•
•
•
•
•
•
88
38
Comment les (futurs) coûts d’émissions de GES sont-ils inclus dans les processus de prise de décision en matière d’investissement de votre entreprise ?
Quelles sont les hypothèses utilisées par votre entreprise concernant les futurs niveaux de prix du
carbone pendant la durée de vie de ses investissements ?
Pour les investissements amont, en quoi l’intensité en GES pendant le cycle de vie des ressources
a-t-elle un impact sur la stratégie de votre entreprise ?
Si votre entreprise est surexposée à des ressources intensives en GES, en quoi le portefeuille peut-il
être redirigé vers des ressources moins intensives en GES ?
Dans quel scénario de prix carbone les investissements dans les énergies renouvelables pourraientils générer des rendements plus attrayants que ceux des projets d’hydrocarbures ?
Comment votre entreprise acquiert-elle des options visant à la décarbonisation de son portefeuille
énergétique en s’orientant vers des énergies à faible teneur en carbone ou « zéro carbone » (énergies renouvelables ou nucléaire) ?
Commentaires de Jim Mulva, International Petroleum Week, 18 février 2009.
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Stratégie micro
Comment une entreprise gère-telle ses émissions de GES tout au
long de sa chaîne de valeur afin de
réduire ses coûts ?
•
•
•
•
•
•
Quels sont vos objectifs de réduction des émissions de GES par segment d’activité (en amont, en
aval, etc.) ?
Comment pouvez-vous expliquer la performance de vos émissions de GES par segment d’activité,
dans une perspective temporelle et par rapport à vos principaux concurrents ?
Dans quels domaines vous concentrez-vous concernant vos opérations : efficience énergétique,
gaz torché, cogénération etc. ?
Quelle est votre stratégie pour réduire les émissions de GES liées à vos produits au sein de votre
mix actuel de produits dérivés des énergies fossiles ?
Comment quantifiez-vous l’impact financier actuel et futur des réglementations en matière de
carbone sur vos activités ?
Quelle est votre stratégie et votre performance pour minimiser vos éléments de passif GES dans le
cadre des systèmes de plafonnement et d’échange de droits d’émission actuels et futurs ?
Sur la base de l’analyse de 230 nouveaux principaux projets de croissance amont, la
présente étude entend mesurer l’intensité en GES pendant le cycle de vie de portefeuilles
amont de groupes européens. Le marché commence juste à intégrer dans les valorisations
des actions les risques et les engagements liés au carbone dérivant des investissements
dans les hydrocarbures. Les entreprises du secteur de l’énergie dotées de portefeuilles
amont moins intensifs en GES pendant le cycle de vie, telles que BG Group, semblent bénéficier de valorisations supérieures, même si la contribution exacte du carbone à cette prime
reste difficile à déterminer.
Dans l’éventualité où les entreprises du secteur de l’énergie seraient tenues de payer une
taxe carbone pour une partie ou pour la totalité de leurs émissions de GES liées aux hydrocarbures produits dans le cadre des 230 projets à horizon 2020e, elles seraient confrontées
à des éléments de passif en termes de GES représentant entre 1 % et 68 % de leur résultat
opérationnel 2008, en fonction de leur intensité en GES et de différents scénarii de coût
carbone. Les estimations actuelles concernant les engagements en termes de GES du cycle
de vie associés à la production 2020e se situent dans une fourchette comprise entre 13 et
23 milliards d’euros par entreprise, dans un scénario de prix du carbone de 93 €/tCO2e en
2020 (équivalent à l’hypothèse de l’Agence Internationale de l’Energie de 180 $/tCO2e en
2030, anticipée dans son scénario le plus ambitieux de « 450 ppm »).
BP, StatoilHydro et ENI présentent des éléments de passif GES liés à la précombustion en
% de leur résultat opérationnel 2008 (amont, secteur médian et aval) inférieurs, tandis que
TOTAL et RDShell comptent des éléments de passif GES liés à la précombustion supérieurs.
Ces éléments de passif GES ne sont pas suffisamment élevés pour représenter un risque
financier majeur pour les compagnies pétrolières et gazières à court terme. Cependant, des
réglementations plus strictes en matière de carbone auront un impact considérable sur le
secteur énergétique aussi bien en termes d’exposition directe aux coûts carbone que de
prévisions de croissance et de fixation des prix de leurs hydrocarbures.
Malgré la récession économique actuelle non sans répercussions sur les prix du pétrole
et la demande énergétique, nous pensons que les investisseurs avec une perspective à long terme devraient tenir compte de la contrainte carbone dans leurs décisions
d’investissement dans le secteur de l’énergie. Les entreprises du secteur doivent fournir
aux investisseurs des informations sur les éléments de passif GES intégrés dans leurs
portefeuilles amont. Les énergies sans carbone et les économies d’énergie présenteront un
avantage concurrentiel durable pas encore suffisamment reflété actuellement.
39
Internaliser le prix du
carbone dans les portefeuilles
d’hydrocarbures
Sources
A. D. Charpentier, J. A. Bergerson & H. L. MacLean,
“Understanding the Canadian oil sands industry’s greenhouse gas emissions”, Environmental Research Letters, janvier 2009
A. E. Farrell & D. Sperling, A Low-Carbon Fuel Standard for California, 2007
A. Rojey, Énergie & climat. Réussir la transition énergétique, Editions Technip, 2008
Bank of America - Merrill Lynch, Energy Policy & Oils: bad, very bad or outright terrible?, 29 avril 2009
CARB - California Air Resources Board - GREET Model (2009)
Carbon Trust, Climate change – a business revolution? How tackling climate change could create or destroy company value,
septembre 2008
Centre d’Analyse Stratégique, La valeur tutélaire du carbone, juin 2008
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Dexia AM’s Sustainability Analysis is based upon different sources of information developed by Dexia AM’s SRI team, among others: sector studies and company analyses by Dexia AM’s sustainability analysts,
“Dexia AM’s Sustainability Analysis Research Methodology 2006”, “Methodology Guidelines November 2005” by Franca Morroni, “Dexia AM SRI Business Case 2004” and Dexia AM leading SRI principles and
multiple research conducted since 1996 as well as data from selected SRI data providers.
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