Un Peuple - Un But Une Foi
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
DIRECTION DE LA PREVISION ET DES
ETUDES ECONOMIQUES
Document d’Etude 21
Productivité des Dépenses Publiques et Croissance
Economique dans l’UEMOA
Une Analyse Bayésienne sur Données de Panel
DPEE/DEPE @ Février 2012
Alsim FALL Kalidou THIAW
Janvier 2012
RESUME
La perspective de la récurrence des crises économiques, conjuguée à la rareté des ressources
nécessaires à la lutte contre la pauvreté et au financement du développement conduit à
s’interroger sur la productivité des dépenses publiques dans l’UEMOA. L’analyse des faits
stylisés de la gestion des finances publiques en Afrique a montré que les performances de
l’UEMOA demeurent en deçà de celles d’autres régions telles que l’Afrique de l’Est et
l’Afrique du Nord. Cependant, certains pays tels que le Burkina Faso, le Bénin et le Mali sont
apparus comme les plus performants en matière de productivité des dépenses publiques au
sein de l’Union, surpassant parfois la moyenne africaine. Par ailleurs, l’estimation bayésienne
d’un modèle de croissance a montré que la consommation publique est improductive, tandis
que l’investissement est porteur de croissance. Cependant, l’investissement public dans
l’UEMOA se révèle moins productif que dans certaines régions du continent. Par rapport aux
performances de l’Afrique du Nord, la part improductive des dépenses d’investissement dans
l’UEMOA est évaluée à 40%. L’ampleur de ces dépenses improductives peut être expliquée,
dans une large mesure, par les faiblesses notées dans la gouvernance et la transparence
budgétaires au sein de l’UEMOA.
Classification JEL: O47, H50, O40, C11, C23
Mots Clés: Productivité, Dépenses Publiques, Croissance Economique, Analyse Bayésienne, Données
de Panel.
ABSTRACT
The perspective of recurring economic crises, combined to the scarcity of the resources
necessary for poverty reduction and development financing, leads to questioning the
productivity of public expenditures within WAEMU. Stylized facts about public finance
management in Africa show the WAEMU’s performance is still well below those of East and
North Africa. However, Burkina Faso, Benin and Mali appear as the most performing
countries regarding public expenditure productivity within the Union, outdoing sometimes the
African average. Moreover, the bayesian estimation of a growth model shows that public
consumption is unproductive, whereas investment is growth promoting. Meanwhile, public
investment in WAEMU countries turns out to be less productive than in other African regions.
Regarding North Africa’s performance, the unproductive share of public investment in
WAEMU is estimated at 40%. This magnitude of unproductive investment expenditures can
be largely explained by the weaknesses in fiscal governance and transparency within
WAEMU.
JEL Classification: O47, H50, O40, C11, C23
Keywords: Productivity, Public Expenditure, Economic Growth, Bayesian Analysis, Panel Data
Productivité des Dépenses Publiques et Croissance Economique dans l’UEMOA
Une Analyse Bayésienne sur Données de Panel
1
I. Introduction
Depuis la seconde moitié des années 2000, de nombreux bouleversements sont intervenus au
niveau de l’économie mondiale par le truchement de la crise économique et financière
internationale. Les effets systémiques de la crise ont été particulièrement sévères, n’épargnant
aucune région du monde. Devant l’ampleur de la crise, les économies avancées, ont mis en
œuvre des politiques contra-cycliques qui se sont traduites par des plans de sauvetage du
système financier aux coûts inédits, ainsi que par l’adoption de mesures de relance tout aussi
onéreuses. Il s’en est suivi une augmentation vertigineuse des déficits et de l’endettement
publics qui, aujourd’hui, donnent lieu à des mesures de rigueur, voire d’austérité, dans les
pays de l’Union européenne et aux Etats-Unis. Dès lors, les perspectives d’une nouvelle crise
économique sont plus que jamais d’actualité.
De ce point de vue, les économies africaines ne pourront donc pas échapper aux ajustements
indispensables à l’absorption des chocs externes. Cela est d’autant plus vrai que le scénario
d’une forte réduction de l’Aide Publique au Développement (APD) n’est pas à écarter
1
. Par
conséquent, la question de la qualité des dépenses publiques est particulièrement pertinente
pour les pays africains l’insuffisance des ressources publiques est la règle, tandis que la
lutte contre la pauvreté et le financement du développement dépendent encore de façon
critique du budget de l’Etat.
Au sein de l’UEMOA, l’intervention de plus en plus fréquente des économies membres sur
les marchés obligataire (régional et international) soulève de nombreuses interrogations quant
à la pertinence des programmes de dépenses publiques auxquels ils sont destinés. De plus, ces
économies ont récemment connu de sérieuses tensions sur les finances publiques qui se sont
notamment matérialisées par des arriérés de paiement intérieurs relativement importants.
Pourtant, des dispositions communautaires ont été prises depuis plus d’une décennie afin de
renforcer les bonnes pratiques en matière de gestion des finances publiques. C’est le cas de la
Directive n° 02/2000/CM/UEMOA
2
portant adoption du Code de transparence dans la gestion
des finances publiques, qui a été entérinée depuis l’année 2000. En outre, les mécanismes de
la surveillance multilatérale participent à la promotion d’une meilleure gouvernance
économique et financière. Ainsi, il pertinent de voir dans quelle mesure les efforts accomplis
par les pays de l’UEMOA en matière de politique budgétaire ont contribué à améliorer leurs
performances économiques.
1
Le montant de l’APD en Afrique Subsaharienne s’est élevé à 44 milliards de dollars en 2010
2
Cette directive a été abrogée par la directive n° 01/2009/CM/UEMOA
2
L’objectif principal de cette étude est de procéder à l’évaluation du degré de productivité des
dépenses publiques au sein des économies membres de l’UEMOA. Pour ce faire, ce travail
s’appuiera sur une analyse comparative de la productivité des dépenses publiques des
économies de l’UEMOA, à la lumière des résultats enregistrés par les autres pays africains.
Ainsi, il sera possible de proposer une mesure du coût d’opportunité (s’il existe) lié
l’inefficacité relative des dépenses publiques des pays de l’UEMOA. En d’autres termes, pour
un taux de croissance identique, il s’agira de mesurer le montant des dépenses publiques qui
aurait pu être épargné.
Certes, la définition et l’évaluation de la productivité des dépenses publiques, ainsi que celles
des dépenses improductives, présentent des difficultés conceptuelles et pratiques.
L’insuffisance des données relatives aux postes budgétaires n’offre pas la possibilité de
recourir à une analyse fine des coûts et bénéfices qui leur sont associés. C’est pourquoi, dans
le cadre de cette étude, la productivité des dépenses publiques est appréciée en relation avec la
croissance économique. En effet, la croissance économique étant l’une des principales
conditions nécessaires à la réalisation de meilleures performances en matière de bien-être
social, ce qui constitue l’objectif ultime de la politique économique, elle est dès lors, un
candidat naturel lorsqu’il s’agit d’apprécier la qualité des dépenses publiques. D’ailleurs,
Devarajan et al. (1996) soutiennent que dans la mesure la croissance économique est un
des objectifs de tout Gouvernement, il est utile de connaître la contribution de la politique de
dépenses publiques à cet objectif, cela comme un moyen d’évaluer le coût d’opportunité par
rapport à des choix alternatifs.
Ainsi, la méthodologie est fondée sur un modèle de croissance intégrant les variables
budgétaires et estimé à l’aide des techniques bayésiennes appliquées aux données de panel.
Les régressions bayésiennes sont particulièrement utiles pour résoudre les questions liées à
l’incertitude sur la spécification d’un modèle, mais aussi sur les coefficients associés aux
variables explicatives.
La section II présente les faits stylisés, en s’appuyant sur une approche benchmarking mettant
en rapport les données économiques et budgétaires des pays de l’UEMOA à celles des autres
régions africaines. Elle permet de tirer les premières conclusions sur le niveau d’efficacité des
dépenses budgétaires ainsi que sur les facteurs qualitatifs pouvant expliquer les différences de
productivité. La section III revient sur la revue de la littérature. Les éléments
méthodologiques relatifs à la formulation du modèle bayésien sont exposés à la section IV. Il
s’agira également, dans cette section, de justifier la pertinence de la méthodologie retenue.
Les résultats et leur interprétation feront l’objet de la section V. Enfin, la section VI est
consacrée à la conclusion.
3
II. Faits Stylisés
II.1. Définition du concept de productivité des dépenses publiques :
enjeux et contraintes
Dans toute économie, la réduction efficace du déficit budgétaire requiert une combinaison
saine de politiques de maîtrise des dépenses et de mobilisation de recettes. L’expérience a
montré qu’une augmentation significative de la pression fiscale n’est souvent pas réalisable
dans le court terme, en particulier lorsqu’elle doit satisfaire, à la fois, aux critères d’efficience
et d’équité. Dès lors, le fait qu’il soit peu probable que les réformes fiscales permettent de
procéder à des ajustements de court terme, déplace l’attention vers une meilleure utilisation
les dépenses publiques. En effet, l’accroissement de la productivité des dépenses publiques
s’impose comme une solution viable dans la mesure elle permet de libérer des ressources
pour réduire le déficit ou financer d’autres programmes essentiels.
La notion de productivité des dépenses publiques implique de concevoir les activités du
secteur public comme sultant d’un processus de production. Le secteur public emploie des
ressources humaines et physiques pour produire des biens et services publics tels que la
stabilité économique, la sécurité nationale, la protection sociale, et même des biens privés.
Ainsi, tout comme la productivité du travail ou celle du capital, la productivité des dépenses
publiques peut être définie en évaluant la production obtenue ou le degré de réalisation des
objectifs, compte tenu des dépenses engagées. La notion de productivité d’un programme de
dépenses publiques appelle essentiellement au respect des trois conditions suivantes :
- La première consiste à produire ou à fournir un bien ou service public au moindre
coût ; autrement dit, les ressources humaines et en capital disponibles doivent être
pleinement utilisées de sorte qu’il n’y ait pas de gaspillage.
- La deuxième revient à combiner les programmes de dépenses publiques de façon
optimale. Pour ce faire, l’arbitrage en termes d’allocation de dépenses à chacun des
programmes publics doit obéir à l’objectif d’égalisation à la marge des utilités sociales
liées aux différents programmes.
- En troisième lieu, le niveau agrégé des dépenses publiques doit être cohérent avec un
cadre macroéconomique soutenable. Autrement dit, la fourniture d’un bien public est
optimale lorsque le bénéfice social marginal procuré par ce bien est égal à son coût
social marginal. Dans le cas de plusieurs biens, le bénéfice social marginal issu des
dépenses publiques associées doit être égal au coût social marginal de ces dépenses (y
compris la taxation et le coût de la dette).
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