Revue Apport de l`IRM à l`évaluation des cardiopathies ischémiques

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Revue
mt cardio 2005 ; 1 : 148-57
Apport de l’IRM
à l’évaluation
des cardiopathies
ischémiques
Jérôme Garot
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Fédération de cardiologie, hôpital Henri-Mondor, Assistance publique-hôpitaux de Paris,
51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94010 Créteil
<[email protected]>
Résumé
L’IRM cardiaque est devenue un examen de référence dans certaines indications d’évaluation
de la maladie coronaire. L’examen comporte des acquisitions répétées, réalisées au cours
d’apnées brèves (< 10 s), avec une synchronisation à l’ECG. L’image, ou la séquence d’images,
est reconstruite en quelques fractions de secondes et affichée sans délai après chaque
acquisition. La technique de ciné-IRM offre une imagerie cardiaque anatomique et fonctionnelle qui fait référence pour la détermination des volumes, de la masse, et de la fonction
ventriculaire. L’imagerie dynamique de la perfusion myocardique est utilisée dans les conditions de base après un syndrome coronaire aigu pour évaluer la reperfusion tissulaire, ou lors
d’un stress pharmacologique pour la détection de l’ischémie myocardique. L’IRM après
injection de gadolinium représente une technique de référence clinique pour l’évaluation de
la viabilité myocardique. Parallèlement à son utilisation clinique, l’amélioration des machines
et des séquences permet en recherche l’imagerie ciblée, cellulaire ou moléculaire, de certains
processus pathologiques ou de l’implantation de cellules à visée thérapeutique pour le
traitement de l’insuffisance cardiaque d’origine ischémique.
Mots clés : IRM, cardiomyopathie
Abstract. MRI in the evaluation of coronary heart disease
Cardiac magnetic resonance imaging (MRI) has become a reference technique for some
clinical applications in the assessment of coronary heart disease. Cardiac MRI examination is
performed during repeated acquisitions with short (< 10 s) breath-holds and ECG gating. The
still frame or the dynamic cine loop is reconstructed in a fraction of second and displayed
without delay after each acquisition. Cine-MRI technique yields anatomic and functional
cardiac imaging that is now the clinical reference method for the determination of ventricular
volumes, myocardial mass, and ventricular function. Dynamic multislice myocardial perfusion
imaging may be performed at rest immediately after an acute coronary syndrome to evaluate
tissue reperfusion, or during pharmacologic stress testing for the detection of myocardial
ischemia. Delayed-enhanced contrast MRI is the gold standard for the assessment of myocardial viability. Besides its clinical use, the improvement of hardwares and sequences has led to
the development of cellular or molecular probe targeted imaging, imaging of some pathophysiological processes, or high resolution imaging and tracking of therapeutic cellular intramyocardial implants as a potential treatment of heart failure of ischemic origin.
Key words: MRI, coronary heart disease
mtc
Tirés à part : J. Garot
148
mt cardio, vol. 1, n° 2, mars-avril 2005
Exploration du myocarde par IRM
dans les cardiopathies ischémiques
Anatomie cardiaque, volumes, masse,
et fonction ventriculaires gauches
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Les séquences utilisées (SSFP ou séquences en écho de
gradient balancé) permettent l’imagerie cardiaque dynamique en mode ciné avec une bonne résolution spatiale
Liste des abréviations
ARM
angiographie par résonance magnétique
ECG
électrocardiogramme
IRM
imagerie par résonance magnétique
IVA
interventriculaire antérieure
TEP
tomographie par émissions de positons
VG
ventricule gauche
(≈ 1,5 mm) et temporelle (≈ 30 ms), tout en offrant un
excellent contraste entre le sang circulant (hypersignal,
blanc) et le myocarde (hyposignal, noir). Ainsi, pour chaque niveau de coupe, 30-35 images sont obtenues au
cours d’un cycle cardiaque au prix d’une apnée de seulement quelques secondes. Ce type d’imagerie anatomique
est adapté à l’étude de l’anatomie, de la fonction ventriculaire gauche (VG) globale (fraction d’éjection) et segmentaire (épaississement myocardique), des volumes ventriculaires et de la masse myocardique (figure 1). Les
logiciels embarqués sur les consoles satellites permettent
une mesure quantitative précise de ces paramètres, de
manière interactive semi-automatisée en seulement quelques minutes. Ces indices sont très utiles pour apporter
des éléments pronostiques dans la maladie coronaire.
Volumes TD, TS
FEVG
Masse
RWT
Bull's eye display
CO
CI
Figure 1. Paramètres quantitatifs de fonction ventriculaire gauche globale et régionale (volumes, masse, fraction d’éjection, épaississement
myocardique, débit cardiaque) obtenus en quelques minutes à partir des images en mode ciné grâce à un logiciel interactif (9 niveaux de coupes
petit axe de la base vers l’apex).
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Apport de l’IRM à l’évaluation des cardiopathies ischémiques
La qualité de l’imagerie donne accès au diagnostic des
complications mécaniques après la survenue d’un syndrome coronaire aigu (insuffisance mitrale, épanchement
péricardique, rupture septale...). L’existence d’une déformation des contours diastoliques ventriculaires gauches
associée à une dyskinésie soulève parfois le diagnostic
différentiel entre vrai et faux anévrisme ventriculaire. De
manière analogue à l’échocardiographie, l’IRM permet
d’analyser 2 éléments importants que sont la largeur du
collet et l’existence éventuelle d’un jet turbulent à partir
de la cavité ventriculaire en direction de la poche anévrysmale. Un collet étroit associé à un jet turbulent sont en
faveur du diagnostic de faux anévrisme (figure 2A). Mais
parfois le diagnostic reste incertain et l’IRM permet alors
de trancher par l’étude de la distribution du gadolinium au
sein de la paroi anévrismale. En cas de faux anévrisme, la
paroi est constituée de péricarde et on n’observe pas de
réhaussement tardif de la paroi après injection de l’agent
de contraste (figure 2B). À l’inverse, la paroi du vrai ané-
A
vrisme est composée de fibrose (infarctus ancien), offrant
un secteur de distribution accru au gadolinium (diffusion
extra-vasculaire). L’anévrisme vrai est caractérisé par un
réhaussement tardif de sa paroi 10’ après injection du
gadolinium (figure 2C,D). La résolution spatiale et la qualité de l’imagerie, notamment le contraste entre le sang
dans la cavité et la paroi myocardique, détectent les
thrombus intraventriculaires avec une grande sensibilité, y
compris pour des thrombus de petite taille. Dans cette
indication et pour les thrombus apicaux, l’IRM ne connaît
pas les mêmes limites que l’échocardiographie dans l’exploration du champ proximal (figure 3).
La technique de marquage myocardique tagging
donne une analyse encore plus fine de la fonction ventriculaire gauche segmentaire, en donnant accès à des paramètres quantitatifs de déformation myocardique [1]. Des
méthodes automatisées de traitement des images de marquage autorisent la mesure des paramètres de déformation
myocardique en pratique clinique [2].
s6p1
C
s5p1
s4p1
s3p1
s2p1
s1p1
Systole
P
RV
RA
LV
LA
B
D
P
RV
RA
LV
LA
Figure 2. A) Image systolique extraite d’une séquence ciné-IRM (ssfp) montrant un faux anévrisme antérieur. La zone de rupture myocardique
se situe au niveau du septum apical, et il existe un jet turbulent de la cavité ventriculaire gauche en direction du pseudo-anévrisme (P) (collet
étroit). B) Chez le même patient, imagerie réalisée 10’ après injection de gadolinium, montrant un réhaussement tardif de part et d’autre de la
zone de rupture au niveau du septum apical (flèches), témoignant de l’existence d’un petit infarctus septo-apical. Il n’y a pas de prise de
contraste au niveau de la paroi externe du faux anévrisme. C, D) Anévrisme vrai inférieur (collet large, pas de jet turbulent) compliquant un
infarctus inférieur. Notez la prise de contraste de la paroi de l’anévrisme (D, flèches).
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HOP HENRI MONDOR
Figure 3. Images extraites de séquences dynamiques true-fisp ciné-IRM, montrant un thrombus apical (flèches).
Perfusion myocardique
L’analyse dynamique de la perfusion myocardique est
réalisée après l’étude anatomique et fonctionnelle. La
technique permet d’enregistrer 6 à 8 niveaux de coupes
tous les 2 battements cardiaques, de manière continue au
cours de la minute suivant l’injection de gadolinium (0,05
à 0,1 mmoL/kg IV, 4 mL/s). L’imagerie dynamique de la
perfusion myocardique est de bonne qualité avec une
couverture anatomique complète du ventricule gauche et
une bonne résolution spatiale (< 2 mm). La résolution
temporelle permet de visualiser et d’étudier la distribution
myocardique du gadolinium, directement liée à la perfusion myocardique.
Cette méthode met en évidence les altérations de la
microcirculation et de la perfusion tissulaire après recanalisation pharmacologique ou mécanique lors d’un syndrome coronaire aigu, avec d’évidentes implications pronostiques [3] (figure 4). Les IRM cardiaques réalisées dans
la phase hospitalière après un syndrome coronaire aigu
ont montré qu’au moins 50 % des patients ayant bénéficié
d’une recanalisation par angioplastie en phase aiguë d’infarctus ont une perfusion myocardique très altérée dans le
territoire ischémique, en dépit de la restauration d’un flux
TIMI 3 dans l’artère coupable. Ce phénomène de noreflow tissulaire myocardique est fréquent et favorisé par
différents facteurs, tels que la durée et la sévérité de
l’ischémie, les lésions de reperfusion, les emboles distaux
à point de départ de la plaque rompue, les altérations
préalables de la microcirculation (diabète...). Après un
syndrome coronaire aigu traité par angioplastie directe,
les études en IRM ont montré que les patients présentant
un défaut de perfusion myocardique ont un remodelage
ventriculaire et un pronostic péjoratifs par rapport aux
patients qui n’ont pas d’obstruction microvasculaire [3].
Les segments myocardiques qui présentent un défaut de
perfusion en IRM après revascularisation ne récupèrent
pas en terme de cinétique régionale lors du suivi [4].
L’étude de la perfusion myocardique au repos par IRM
a d’autres applications potentielles. Chez les patients présentant une douleur thoracique compatible avec le diagnostic de syndrome coronaire aigu, la mise en évidence
d’un défaut de perfusion myocardique par IRM a une
valeur diagnostique ajoutée par rapport aux signes ECG et
au dosage de la troponine [5].
Rehaussement tardif et viabilité myocardique
Durant les 10 à 15 minutes suivant son injection, le
gadolinium s’accumule dans la zone de l’infarctus (espace
interstitiel augmenté, lavage myocardique ralenti de
l’agent de contraste) qui apparaît en hypersignal (blanc).
Cette imagerie directe en haute résolution de l’infarctus du
myocarde est très sensible et détecte les petits infarctus
non transmuraux [6], les extensions infracliniques fréquentes au ventricule droit, ainsi que les nécroses de
l’appareil sous-valvulaire (figure 5). La supériorité de
l’IRM par rapport aux méthodes scintigraphiques est démontrée pour la mise en évidence des nécroses sousendocardiques notamment [7, 8]. En effet, l’IRM précise
l’extension de la nécrose au sein de la paroi myocardique,
du sous-endocarde vers le sous-épicarde, en 5 catégories :
0 %, 1-25 %, 26-50 %, 51-75 %, 76-100 %. Pour un secteur myocardique donné, la probabilité de récupération
fonctionnelle au décours d’un syndrome coronaire aigu
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Apport de l’IRM à l’évaluation des cardiopathies ischémiques
HOP HENRI MONDOR
Figure 4. Images extraites d’une séquence d’étude dynamique d’analyse de la perfusion myocardique par résonance magnétique après
injection de gadolinium, chez un patient ayant présenté un infarctus antérieur aigu traité par angioplastie directe (stent dans l’interventriculaire
antérieure à H3, flux coronaire épicardique normalisé). Notez l’absence de reperfusion à l’étage tissulaire (hyposignal, flèches), facteur de
remodelage ventriculaire défavorable et de mauvais pronostic.
est inversement et étroitement corrélée au degré d’extension transmurale de la nécrose [9]. L’IRM offre une valeur
ajoutée par rapport aux autres méthodes cliniques de
détection de la viabilité myocardique puisqu’elle ne prédit
pas l’amélioration fonctionnelle de manière binaire
(présente/absente), mais sur un continuum en fonction de
l’extension transmurale de l’infarctus. Cette technique
permet parfois de mettre en évidence l’extension à la paroi
diaphragmatique du ventricule droit à partir des nécroses
inférieures, dans certaines situations où l’examen clinique, l’ECG et l’échocardiographie ne montrent aucun
signe d’atteinte du ventricule droit (figure 5). La technique
du rehaussement tardif late enhancement se positionne
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HOP HENRI MONDOR
d’ores et déjà comme une méthode de référence clinique
pour l’évaluation de la viabilité myocardique [9].
IRM cardiaque de stress
Par l’imagerie dynamique de la perfusion après injection de gadolinium, la mise en évidence d’un défaut de
perfusion myocardique (hyposignal) en IRM au cours d’un
stress pharmacologique (adénosine 140 lg/kg/mn ou dipyridamole 0,84 mg/kg) a une sensibilité et une spécificité
équivalentes à la tomographie par émission de positons
pour le diagnostic de maladie coronaire, en prenant l’angiographie conventionnelle comme méthode de référence
[10, 11]. L’IRM de stress est réalisée en 30-40 minutes, en
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VD
VG
Figure 5. Imagerie directe en haute résolution par résonance magnétique de l’infarctus du myocarde, obtenue 10 minutes après injection IV de
gadolinium chez un patient ayant présenté un infarctus du myocarde au niveau de la paroi inférieure avec extension au ventricule droit (à
gauche, petit axe, flèches), et chez un autre patient ayant présenté un infarctus inférieur limité non transmural avec nécrose partielle du pilier
postéro-médian (à droite, petit axe, flèche).
une seule séance, avec une bonne tolérance et dans des
conditions réglementaires de sécurité (infirmier et médecin
qualifiés, matériel de réanimation et défibrillateur, monitoring de la pression artérielle, appareil ECG). À partir des
courbes temps-intensité du signal par secteur myocardique,
l’imagerie paramétrique de quantification de la perfusion
myocardique donne accès à la mesure du volume sanguin
myocardique (plateau) et de la perfusion myocardique
(pente x plateau) (figure 6). Le ciné-IRM (anatomie, volu-
mes, fonction, masse) précède le stress pharmacologique
et une étude de viabilité est systématiquement réalisée
10-15’ après l’injection de gadolinium, apportant ainsi de
nombreuses informations complémentaires importantes.
L’étude de la fonction ventriculaire gauche régionale
segmentaire lors de l’IRM de stress sous dobutamine est
validée pour la détection d’une ischémie myocardique,
par comparaison à l’échocardiographie de stress [12]. Le
protocole complet de stress pharmacologique sous dobu-
M
Cl
RCA stenosis
Axß
t
RCA
SPECT
Figure 6. Comparaison entre la scintigraphie monophotonique et l’IRM dynamique de perfusion lors d’un stress pharmacologique chez un
patient présentant une sténose serrée de la CD et une ischémie inférieure mise en évidence par les 2 techniques (flèches). L’IRM identifie le
caractère non transmural de l’ischémie. L’évolution de l’intensité du signal en fonction du temps permet de mesurer des paramètres objectifs
de perfusion myocardique.
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Apport de l’IRM à l’évaluation des cardiopathies ischémiques
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tamine est réalisable dans des conditions de sécurité
équivalentes à celles de l’échocardiographie (40-50 lg/
kg/mn ± 1 mg d’atropine, > 85 % de la fréquence maximale théorique). L’IRM offre une meilleure détection des
contours myocardiques, une meilleure reproductibilité
d’analyse de la fonction VG régionale, et ne souffre pas de
problèmes d’atténuation acoustique. Au décours d’un infarctus du myocarde ou en cas de dysfonction ventriculaire gauche chronique d’origine ischémique, l’analyse
simple des anomalies de la cinétique segmentaire de base
ne permet pas la détection du myocarde viable. La présence d’une réserve contractile en ciné-IRM sous faibles
doses de dobutamine témoigne de la persistance d’une
viabilité myocardique locale. Par la mise en évidence
d’une réserve contractile, la détection de la viabilité myocardique et du myocarde hibernant est validée [13].
Pour demain ?
Il est possible sur les machines actuelles (1,5 T, 30-40
mT/m) d’obtenir des acquisitions en temps réel du cœur
en mouvement, sans apnée ni synchronisation à l’ECG.
L’IRM temps réel permet une qualité d’images satisfaisante
avec une résolution temporelle d’environ 10-15 images/s.
L’avènement des machines à haut champ (3 T), les progrès
informatiques, le développement rapide de nouvelles séquences, l’introduction d’antennes multicanaux en réseau
phasé et les techniques d’imagerie parallèle permettront
dans un futur proche de disposer d’une imagerie temps
réel de très bonne qualité, avec une résolution temporelle
optimisée. Ces avancées permettront très prochainement
de réaliser un examen cardiaque morphologique, anatomique et fonctionnel (volumes, masse, fraction d’éjection,
épaississement myocardique), sans apnée ni ECG.
Les machines à haut champ de 3 T sont encore mal
évaluées pour l’imagerie cardiaque. Elles représenteront
sans doute un progrès pour l’imagerie de marquage myocardique tagging en permettant une persistance accrue
des lignes de marquage au cours du cycle cardiaque, et
rendant ainsi possible l’analyse de la diastole en routine.
Les méthodes automatisées de quantification des images
de marquage myocardique permettront la mesure des
paramètres de déformation myocardique régionale en
pratique clinique [2]. À partir des courbes temps-intensité
du signal par secteur myocardique, l’imagerie paramétrique de quantification de la perfusion myocardique donnera accès en routine à la mesure du volume sanguin
myocardique et de la perfusion myocardique. Pour la
détection de la viabilité myocardique, l’IRM se place déjà
comme une méthode de référence clinique. Les acquisitions tridimensionnelles avec une résolution spatiale et un
signal encore améliorés permettront une reconstruction
volumétrique de la nécrose myocardique [14].
IRM et coronaires
Performance diagnostique
L’enjeu est de permettre l’imagerie de vaisseaux de
2-3 mm de diamètre, dont l’anatomie est variable d’un patient à l’autre, et dont le trajet tortueux ne respecte pas les
deux dimensions d’un plan. Sur une machine de 1,5 T, la
séquence permet l’acquisition d’environ 20 coupes fines
d’environ 1 mm d’épaisseur, sans espacement intercoupes, et
avec une résolution spatiale d’environ 0,8 x 0,8 mm. Il s’agit
d’une acquisition true-fisp 3D ne nécessitant pas l’injection
d’agent de contraste. Le sang circulant dans l’arbre coronaire apparaît en hypersignal. L’acquisition est synchronisée sur l’ECG et les images sont acquises lors du diastasis,
lorsque les mouvements cardiaques sont les plus faibles.
On sature la graisse afin de supprimer l’hypersignal épicardique et de renforcer le contraste entre l’artère coronaire et les tissus environnants. Ce type d’acquisition
multicoupes en haute résolution est trop long pour être
réalisé lors d’une apnée. Un procédé ingénieux de détection de la position de la coupole diaphragmatique droite
permet de synchroniser les acquisitions sur les mouvements respiratoires (écho-navigateur) et d’enregistrer ainsi
les images en respiration libre (figure 7).
L’efficacité diagnostique et la robustesse de l’angiographie coronaire par résonance magnétique (ARM) ont été
évaluées par comparaison à l’angiographie conventionnelle dans une étude multicentrique internationale [15].
La technique a une bonne valeur prédictive négative et
peut être utilisée chez des patients à risque faible ou
modéré de présenter une maladie coronaire, mais pour
lesquels le diagnostic de maladie coronaire doit être
écarté. Peuvent entrer dans ce cadre d’exploration, les
patients ayant peu ou pas de facteurs de risque et présentant des douleurs thoraciques suspectes, ou des patients à
risque faible ou modéré avant chirurgie valvulaire par
exemple. Seize pour cent des segments proximaux et
moyens des coronaires ne sont pas ou imparfaitement
visualisés et 17 % des sténoses significatives ne sont pas
détectés par l’IRM. Ainsi, il est raisonnable de ne pas
utiliser aujourd’hui cette technique pour le diagnostic
positif et la quantification des sténoses coronaires chez les
patients à risque moyen ou élevé, en raison d’un taux trop
élevé de faux négatifs. L’angiographie coronaire non invasive par résonance magnétique représente avec le scanner
multicoupes les deux techniques de référence pour la
détection et le diagnostic précis des anomalies de naissance des coronaires.
Pour demain ?
Afin de permettre un diagnostic quantitatif fiable des
sténoses coronaires, la résolution spatiale doit être abaissée autour de 200 microns. La technique doit être standardisée et robuste pour permettre la visualisation de 100 %
des segments coronaires proximaux et moyens. Les inno-
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MRI
Cath
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86 %
Figure 7. Patient de 63 ans présentant un angor d’effort et une ischémie inférieure étendue en IRM de stress. L’angiographie coronaire non
invasive par résonance magnétique (ARM) (séquence 3D SSFP) acquise en respiration libre et sans injection de contraste (épaisseur de coupe
1,3 mm, résolution 0,8 x 0,8 mm) montre la coronaire droite (en haut, à gauche) jusqu’au 3e segment. On note une lésion serrée au segment
2 de la CD (flèche). Les parties proximales et moyennes de l’IVA et de la circonflexe avec leurs branches de division (en bas, à gauche) ne mettent
pas en évidence de lésion focale hémodynamique. Angiographie conventionnelle de référence à droite, confirmant la lésion monotronculaire
serrée de la CD.
vations technologiques permettront probablement d’atteindre ces objectifs au cours de la prochaine décennie.
Notamment les acquisitions rapides tridimensionnelles
« cœur entier », suscitent de grands espoirs pour simplifier
les acquisitions, améliorer le signal et la résolution spatiale. Ces progrès permettront sans doute à terme d’étendre les indications de l’ARM au diagnostic positif et à la
quantification des sténoses coronaires chez les patients à
risque moyen ou élevé. Devant le nombre croissant de
patients porteurs de prothèses endocoronaires, le problème des artefacts de susceptibilité magnétique liés à la
présence des stents devra être résolu, probablement par
une adaptation des matériaux prothétiques.
L’IRM permettra également l’évaluation physiologique fine de la circulation coronaire. La technique par
contraste de phase donne accès au codage de la vélocité
du flux sanguin coronaire. Les mesures de vélocité du
flux peuvent être pratiquées au repos et en situation
d’hyperhémie sous stimulation pharmacologique (adénosine), permettant de déterminer la réserve coronaire
(Vadénosine/Vbase). Cette technique de mesure de la réserve coronaire est validée cliniquement par rapport aux
techniques de référence (guide Doppler, TEP) [16, 17].
Elle met en évidence des sténoses hémodynamiquement
significatives sur les artères coronaires natives et reste
valide chez les patients ayant bénéficié de l’implantation
d’un stent coronaire [18]. La méthode permet la détection
non invasive des resténoses intra-stent sur l’IVA avec une
excellente spécificité et une bonne sensibilité.
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Apport de l’IRM à l’évaluation des cardiopathies ischémiques
Imagerie de plaque
La possibilité d’obtenir chez l’homme, de manière non
invasive, une imagerie fine en haute résolution de la plaque
d’athérome sur des artères coronaires représente un enjeu
majeur. Les séquences utilisées font apparaître le sang circulant en noir, et la composition tissulaire de la plaque peut
être caractérisée en fonction des différents signaux IRM en
pondération T1, T2 ou densité de protons [19]. Les images,
obtenues sans injection d’agent de contraste, permettront
la mise en évidence d’un cœur lipidique au sein de la
plaque, associé à une chape fibreuse fine, qui sont les
deux éléments caractéristiques majeurs des plaques à
risque élevé de rupture. Ces informations uniques fournies
par l’IRM seront capitales pour une prise en charge optimale des patients à risque, les ruptures de plaque et les
évènements cliniques aigus survenant sur des lésions athéromateuses souvent improprement qualifiées d’angiographiquement « non significatives ».
Imagerie moléculaire
Plus récemment, des techniques d’IRM qui utilisent de
nouveaux agents de contraste permettant le marquage de
protéines ou de molécules exprimées lors de certains
processus pathologiques se sont développées. Par exemple, il est possible de révéler par un hypersignal la présence d’un processus thrombotique au sein de l’artère
A
[20]. L’ancienneté de la thrombose, ou son caractère
récent, peuvent être évalués en fonction des variations du
signal. Certains agents de contraste, comme la gadofluorine, permettent de renforcer le signal et la détection des
plaques d’athérome au niveau des artères coronaires [21].
Les plaques pourront ainsi être détectées indépendamment de l’importance de la réduction du diamètre artériel,
et avec une sensibilité accrue par rapport aux techniques
classiques. D’autres applications de l’IRM moléculaire
ciblée vont émerger dans un futur proche (imagerie génique, imagerie non invasive de la resténose...).
IRM interventionnelle
L’IRM interventionnelle coronaire, ou centrée sur les
traitements modernes de l’insuffisance cardiaque ischémique, se développe. Grâce à l’IRM temps réel, la navigation
et la mise en place d’un cathéter positionné de manière
sélective dans l’artère coronaire sont possibles, entièrement guidées par la fluoroscopie IRM. Un guide de la taille
d’un guide d’angioplastie peut être placé en distalité de
l’artère, et l’angioplastie au ballonnet guidée par IRM est
possible chez l’animal au niveau d’un site coronaire
prédéterminé [22, 23]. De manière analogue, chez l’animal, des injections intramyocardiques de cellules thérapeutiques par voie endocavitaire ont pu être réalisées,
guidées par l’IRM, sans recours à la fluoroscopie par
C
Normal
myocardium
Infarcted
Normal
B
Normal
myocardium
D
Figure 8. IRM réalisée après injections intramyocardiques apicales de cellules souches marquées avec des particules d’oxyde de fer chez un
porc présentant un infarctus septo-apical expérimental (hypersignal). Les cellules marquées au fer donnent un hyposignal de susceptibilité
magnétique au sein de l’infarctus (A et B). À droite, confirmation anatomo-pathologique de la présence d’oxyde de fer au sein de l’infarctus
(coloration de Perls) (C et D).
156
mt cardio, vol. 1, n° 2, mars-avril 2005
rayons X. L’IRM revêt un intérêt majeur dans cette indication car, outre son innocuité, elle permet, en plus du
guidage proprement dit des injections, d’obtenir une imagerie très précise de la fonction ventriculaire gauche globale et régionale, et de visualiser précisément la zone de
nécrose myocardique à traiter. Récemment, des injections
au sein d’une zone d’infarctus de cellules souches marquées aux microparticules d’oxyde de fer ont pu être
détectées chez le porc, in vivo sur cœur battant, et suivies
au cours du temps par IRM [24, 25] (figure 8).
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Conclusion
L’IRM cardiaque morphologique, l’analyse de la fonction ventriculaire, de la perfusion et de la viabilité myocardique se sont imposées dans le domaine clinique. L’angiographie coronaire par résonance magnétique est une
méthode non invasive et non ionisante qui permet d’exclure
la présence d’une maladie coronaire avec une excellente
valeur prédictive négative. Dans les 10 ans à venir, l’ARM
autorisera très probablement le diagnostic positif et la quantification non invasive des sténoses coronaires. L’imagerie
temps réel permettra la navigation de cathéter sans recours
aux rayons X ou aux produits iodés, tout en ajoutant une
dimension fonctionnelle capitale à l’exploration (fonction
ventriculaire, viabilité, perfusion, vulnérabilité de la plaque...). Le développement de logiciels automatisés s’accompagnera d’une quantification objective des phénomènes observés. Enfin, l’imagerie moléculaire ciblée ouvrira
des perspectives nouvelles dans le diagnostic et le traitement de certaines pathologies cardiaques.
Références
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mt cardio, vol. 1, n° 2, mars-avril 2005
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