34 PSYCHOLOGIE QUÉBEC
NOVEMBRE 2000
à la procrastination s’installait et le tra-
vail planifié était rarement accompli.
Depuis qu’il est entrepreneur et effectue
la grande majorité de son travail sur la
route, ses efforts sont plus soutenus. Il
respecte la planification établie et la
procrastination a presque totalement
disparu de son quotidien.
Vignette 4 : émotionnel et affectif
Lorsqu’il était jeune, se souvient Henri,
les lettres du directeur ou du profes-
seur débutaient toujours de la même
façon : « Nous avons le regret de… » Il
réussissait bien les tests d’aptitudes,
mais cela ne se reflétait pas dans ses ré-
sultats scolaires. Henri n’aimait pas
l’école et manquait de confiance en ses
capacités. Aujourd’hui encore, il mani-
feste une faible estime de soi.
Vignette 5 : mémoire de travail
Jocelyne fréquente l’université. Ses ré-
sultats sont bons, mais elle a toujours
eu de la difficulté à prendre des notes.
La préparation des examens est com-
posée d’une période intense d’étude et,
le lendemain matin, c’est le néant. Joce-
lyne souffre d’une grande difficulté à se
remémorer, dans un bref délai, les in-
formations emmagasinées.
Les stratégies d’intervention
Le diagnostic du TDA chez l’adulte est
complexe étant donné le taux élevé de
troubles y étant associés tels la dépres-
sion, l’anxiété, la dépendance et l’abus
de substances, les troubles d’apprentis-
sage, le TOC, la fatigue chronique et les
troubles alimentaires. Or, l’adulte pré-
sentant un TDA vit souvent plusieurs
difficultés, notamment au travail et dans
ses relations interpersonnelles. Des
années à composer avec un désordre
non traité constituent un risque de dé-
veloppement d’autres problématiques
comme une faible estime de soi ou le
sentiment d’être inadéquat. L’individu a
souvent l’impression de manquer de vo-
lonté ou de motivation. Les habiletés so-
ciales, la résolution de problèmes et la
maîtrise de soi (pas de contrôle interne)
sont souvent déficitaires.
L’éducation est la première straté-
gie d’intervention. La plupart des
adultes aux prises avec le TDA ont une
compréhension limitée, voire inexis-
tante, du trouble. L’information sur le
TDA permet d’acquérir des connais-
sances sur la nature et l’impact du
trouble (à savoir notamment qu’il ne
s’agit pas d’une question de volonté,
mais de capacité, que le trouble est de
nature neurologique et que chaque in-
dividu possède un portrait clinique
spécifique). Lors du diagnostic, plu-
sieurs adultes sentent un voile se lever.
Ils peuvent enfin donner un sens aux
difficultés qu’ils ont toujours rencon-
trées. Certains diront qu’ils se perce-
vaient comme peu intelligent, stupide
ou paresseux. En fait, l’individu doit
comprendre que le TDA n’est pas une
excuse, mais une explication.
L’intervention consiste aussi à éta-
blir des suggestions spécifiques, per-
mettant un ajustement, selon les difficul-
tés particulières. Une modification du
rythme de vie par une sélection réaliste
des activités peut s’avérer bénéfique.
Des moyens palliatifs tels le réaménage-
ment de l’environnement, l’utilisation
d’un agenda ou d’une liste quotidienne
des tâches à effectuer, du codage-cou-
leur pour attirer l’attention, le suivi
d’une routine et des activités physiques
régulières peuvent permettre une
meilleure adaptation. En fait, l’adulte
TDA doit développer des habiletés d’or-
ganisation et de gestion du temps.
La thérapie a souvent pour objec-
tifs la modification du comportement,
l’entraînement à des habiletés spéci-
fiques et le traitement des compo-
santes affectives. Lorsqu’il y a présence
de comorbidité, cette dernière est trai-
tée de façon prioritaire. Par ailleurs, la
médication (psychostimulants) peut
être efficace sur le plan de l’attention.
Toutefois, lorsqu’il y a comorbidité,
l’usage pharmacologique diffère en
fonction de la problématique. L’usage
d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques
est parfois approprié.
Pour des ressources adéquates
Il est important de souligner que le TDA
chez l’adulte est un trouble nouvelle-
ment reconnu par les professionnels
d’ici. Peu de ressources sont dispo-
nibles afin d’évaluer le trouble et d’in-
tervenir auprès de cette population. Ce-
pendant, la situation est différente aux
États-Unis, où une loi, The American
with disabled act, reconnaît le droit à
chaque individu d’obtenir les mêmes
chances à l’emploi et à l’éducation. De
ce fait, plusieurs ressources spécialisées
sont disponibles tant pour l’étudiant
que le travailleur (Goldstein, 1996).
Compte tenu de la complexité dia-
gnostique de ce trouble et de son
impact sur le développement et le fonc-
tionnement de l’individu, des res-
sources adéquates devraient être
mises sur pied afin de répondre aux
besoins grandissants des personnes
vivant avec cette problématique.
En fait, le TDA ne doit pas être
perçu comme une déficience, mais
comme une différence dans la façon de
porter attention à l’environnement, dif-
férence qui ne cadre pas toujours faci-
lement avec le style de vie propre à
notre culture. Les particularités du
TDA entraînent donc des difficultés. Ce-
pendant, elles comportent aussi des as-
pects positifs. Ces personnes démon-
trent souvent une énergie remarquable,
de l’enthousiasme, de la créativité, de
la spontanéité… En fait, ils ne sont pas
déficients, mais différents. ■
Les psychologues Mélanie Larochelle et
Sherley Racine pratiquent à la Clinique des
déficits de l’attention et de l’hyperactivité.
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DOSSIER : DÉFICIT DE L’ATTENTION ET HYPERACTIVITÉ