Eglise de Drancy – Alain Le Négrate le 15 octobre 2008
Parcours de Formation – Approfondissement de la foi 2008 – 2009
Jésus de Nazareth dans le dialogue entre juifs et chrétiens
Rencontre du mercredi 15 octobre 2008
Cette année nous choisissons un parcours avec John P. Meier en lisant son étude monumentale Un certain Juif, Jésus. Les
données de l'histoire. 3 volumes des 5 prévus sont achevés et accessibles en langue française. En avant propos, pour lancer
l’année nous choisissons de prendre connaissance de deux ouvrages apéritifs : d’une part Un rabbin parle avec Jésus de Jacob
Neusner et, d’autre part, Jésus de Nazareth de Josef Ratzinger/Benoît XVI. J. Neusner, né en 1932, vit aux Etats-Unis dans un
milieu majoritairement protestant. Il a échangé avec Josef Ratzinger sur Jésus de Nazareth et sur les Paroles du Sinaï dans le
cadre d’un dialogue religieux pour un exercice de raison et de critique prometteur. Au centre de ce dialogue les deux auteurs
ont conscience d’aborder ensemble la difficile question de la vérité, et non pas seulement les questions périphériques.
A) Josef Ratzinger
Le livre écrit par le pape, commencé avec son élection au siège de saint Pierre, n’est en aucune manière un acte de magistère. Il
exprime une quête personnelle de la ‘face du Seigneur’. « Aussi chacun est libre de me contredire », précise-t-il.
L’auteur de « Jésus de Nazareth » met un soin particulier à faire une approche de Jésus comme juif, indissociable de l’héritage
mosaïque. « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez » (Dt
18,15). A la fin du même livre du Deutéronome, on attend toujours un prophète comme Moïse, à savoir le seul homme qui
rencontrait Dieu face à face (Ex 33,11). Et ce prophète c’est Jésus, le Fils qui est dans le sein du père et donc qui nous a fait
connaître Dieu (1Jn 1,18). En centrant la figure de Jésus de Nazareth sur le mystère pascal de la mort/résurrection, J. Ratzinger
ne quitte pas le terrain du dialogue avec les juifs, notamment lorsqu’il relit le récit de la Transfiguration dans le cadre liturgi-
que de la Fête des Tentes.
D’Abraham à Jésus, dans une révélation progressive, Dieu a dévoilé sa face. L’apport majeur de Jésus est de nous avoir appor-
té Dieu (p. 63). Avec le juif le chrétien s’entend au moins sur deux choses : seul Dieu doit être adoré d’une part et il y a de la
raison dans l’acte de croire. Ce qui rend possible le dialogue religieux.
Quand Jésus centre son message sur le Royaume (ou Règne) de Dieu, que dit-il ? 122 fois l’expression se rencontre dans le
Nouveau Testament, presque toujours dans la bouche de Jésus dont le message se résume à « Le Royaume de Dieu s’est appro-
ché ». Après la résurrection, le message des Apôtres est autre, il annonce le Christ ressuscité. Ratzinger en déduit que le Christ
annonçant que le Royaume de Dieu s’est rendu proche, renvoie donc à lui-même. Jésus est le Règne de Dieu en personne. En
effet, le Christ n’a pas apporté la paix, le bien-être ou un monde meilleur, il a tout simplement apporté Dieu.
B) Jacob Neusner
L’expression ‘Royaume de Dieu’ convient tout à fait à J. Neusner pour qui la souveraineté de Dieu ne requiert aucune urgence
ni l’attente d’un événement imminent, car elle s’exerce ici et maintenant. Neusner ne s’intéresse qu’à l’Evangile de Matthieu
où l’on trouve un portrait de Jésus issu d’un groupe juif et destiné au reste d’Israël. Le rabbin se glisse dans la foule des disci-
ples qui écoutent le Maître pendant le Sermon sur la montagne. Ces paroles l’émerveillent d’abord, puis le stupéfient radicale-
ment. Il est émerveillé d’entendre ce Maître « dresser une haie autour de la Torah » en ce qu’il invite non seulement à ne pas
pécher mais encore à éviter tout ce qui porte à pécher. Mais il est stupéfié – comme les auditeurs dans l’Evangile de Mt – par
l’autorité et la prétention de Jésus qui dit « Suis-moi », se faisant l’égal de Dieu, bien au-dessus de Moïse.
J. Neusner explique pourquoi il ne peut pas suivre ce Maître qui viole au moins 3 commandements de Moïse. 1) Le comman-
dement d’honorer son père et sa mère quand il demande de quitter sa famille, ses proches, pour le suivre. « Heureux serez-vous
si vous êtes persécutés à cause de mon nom ». Israël, ‘royaume de prêtres et peuple saint’, ne peut pas entendre un message
diviseur. 2) Le commandement d’observer le sabbat, en se faisant le Maître du sabbat. 3) le commandement de Lévitique 19 :
« Soyez saints comme je suis saint ». Etre saint signifie imiter Dieu en observant la Torah. Dans Mt on a « Vous serez parfaits
comme votre Père céleste est parfait » (Mt 4,48), la perfection consiste à suivre Jésus : « Si tu veux être parfait, va… et suis-
moi » (Mt 19,21), mais ce n’est pas la même chose puisqu’il s’agit de faire plus et mieux. Là encore, ce commandement divise.
Dans le message de Jésus qui ne parle jamais de l’Israël éternel comme un tout indissociable, l’élection d’Israël est remise en
cause. Il oppose le ‘tu’ au ‘vous’, s’adressant à des individus alors que la Torah de Moïse a parlé à tout Israël. En accaparant le
sabbat pour lui seul, Jésus ‘Maître du sabbat’ contribue à détruire les liens qui ressoudent les familles dans leur travail de sanc-
tification, c’est-à-dire en observant les commandements. Le Christ parle de salut, le juif parle de sanctification (p. 185). Que
le Règne de Dieu advienne, soit ! Mais s’il se fait attendre, trop attendre tant qu’il reste devant nous, la Torah apprend à vivre
dans le Royaume de Dieu ici et maintenant (p. 193).
Avec rigueur mais aussi avec beaucoup de respect, Jacob Neusner établit les nœuds de la querelle entre juifs et chrétiens. Tout
tourne évidemment autour du message et de la personne de Jésus que Neusner choisit de ne pas suivre, tout en s’en expliquant
dans un dialogue qu’il veut religieux, c’est-à-dire un dialogue entre hommes de foi capables de se dire raisonnablement, sans
aucune crainte, leurs divergences.
C) John Meier
Dans les prochaines rencontres autour de la figure de Jésus, on retrouvera un Jésus juif. Plus exactement « un juif marginal
d’une province marginale à l’extrémité orientale de l’empire romain » (tome 1 p. 31). Meier reprend les résultats de près de
trois siècles de recherche exégétique, en se conformant à une méthode scientifique utilisant les outils modernes de la recherche
historique. Son but revient à donner aux théologiens des éléments qui permettront d’élaborer une christologie pour notre
temps.
Depuis l’époque moderne, la recherche sur Jésus peut être suivie sur 3 moments :
1. Le moment de la théologie libérale, surtout en Allemagne, quand on a tenté d’écrire des vies de Jésus. Comme par
exemple celle d’Ernest Renan en 1863. Albert Schweitzer (1875-1965) a montré que ces tentatives sont vouées à
l’échec car on connaît trop peu de choses sur le Jésus historique.
2. Le moment de la démythologisation menée par Rudolf Bultmann (1884-1976), un exégète allemand très en vogue sur-
tout entre les deux guerres mondiales. Pour Bultmann, il est impossible de remonter au Jésus historique que l’on dis-
tingue très fortement du « Christ de la foi ». Seul importe que Jésus soit crucifié – toute la christologie de saint Paul
s’appuie sur le Christ crucifié/ressuscité. Tout l’Evangile est un message explicite de christologie, c’est-à-dire qu’il
annonce la résurrection. Aussi l’histoire perd-elle son intérêt.
3. La période post-bultmannienne que nous vivons maintenant fait droit à l’histoire : on peut tout de même dire quelque
chose du Jésus de l’histoire. C’est précisément cela que Meier a l’ambition de montrer.
Les sources utiles pour ce travail sont presque exclusivement les textes du Nouveau Testament, en fait les Evangiles tels qu’on
les connaît désormais, construits en plusieurs couches : la source Q, la source propre à Marc, la source propre à Jean, la source
propre à Matthieu et la source propre à Luc.
Les sources extrabibliques se résument à très peu de chose, essentiellement le témoignage de Flavius Josèphe dégagé des
ajouts des copistes.
Pour Meier, la méthode employée est dite ‘historico-critique’, c’est donc une remontée aux sources pour dégager un passé avec
méthode. Sa démarche doit pouvoir mettre d’accord croyants et non croyants, elle n’est en aucune manière théologique.
Son plan sur les 3 volumes parus est le suivant :
Volume 1 : sources, critères d’authenticité, signification du nom de Jésus, lieu de naissance, généalogie, conception virginale,
influences externes (liens familiaux, état de vie, statut de ‘laïc’). Une chronologie élémentaire de la vie de Jésus donne l’an 28
correspondant à l’an 15 de Tibère (Lc 3,1 et suivants) et le 7 avril 30 pour date vraisemblable de la mort de Jésus.
Volume 2 : Les rapports entre Jésus et Jean-Baptiste, le message de Jésus, les miracles (souvent ignorés alors qu’ils sont la
raison principale de la notoriété de Jésus et la cause de l’inimitié qu’on lui vaut en haut lieu). La conclusion reprend tout le
parcours accompli dans les 2 premiers volumes pour approcher Jésus à la fois prophète et thaumaturge (faiseur de miracles).
Volume 3 : Les relations du juif Jésus avec les foules, les disciples et les Douze. Et la question compliquée de savoir si Jésus
avait l’intention de fonder une Eglise. Enfin les concurrents de Jésus sur le marché religieux : les pharisiens, les sadducéens,
les Esséniens (et Qumrân), les Samaritains, les scribes, les Hérodiens et les zélotes. Portrait de Jésus.
D) Références :
Jacob Neusner Un rabbin parle avec Jésus. Cerf/MediasPaul 2008, 202 p.
Josef Ratzinger/Benoît XVI Jésus de Nazareth. 1. du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration. Flammarion 2007, 428 p.
John P. Meier Un certain Juif, Jésus. Les données de l'histoire.
- volume 1 : Les sources, les origines, les dates. Cerf – collection Lectio Divina 2004, 495 p.
- volume 2 : La parole et les gestes. Cerf – collection Lectio Divina 2005, 1239 p.
- volume 3 : Attachements, affrontements, ruptures. Cerf – collection Lectio Divina 2005, 738 p.
E) Calendrier :
Nous avons arrêté 4 dates, le mercredi soir à 20H15 : 10 décembre 2008 – 11 février 2009 – 22 avril 2009 – 17 juin 2009
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