Gènéthique - n°133 – Janvier 2011
réalisation d'un tapis cellulaire à partir des
cellules prélevées sur la muqueuse utérine
de la femme. R. Frydman explique dans le
Quotidien du médecin (28 juin 2010) que
cela permettrait "le transfert d'un embryon
unique, sans perte de chances pour la
patiente et en lui évitant donc les risques
d'une grossesse multiple". Ce système
séduit depuis plusieurs mois les
professionnels de l’AMP bien que sa
commercialisation ne soit prévue que pour
janvier 2011, les résultats d'études
cliniques étant encore attendus, indique le
journal Libération le 30 septembre 2010.
Autorisé à la mise sur le marché en 2007
par l'AFSSAPS, Endocell aurait été testé
sur près de 300 femmes et aurait donné
lieu à une trentaine de naissances.
Un produit en plein essor
Dans son article sur les laboratoires
Genévrier du 4 octobre 2010, la Tribune
annonçait pour 2009, 21,4 millions d'euros
consacrés à la recherche et au
développement, avec un chiffre d'affaires
de 120 millions d'euros contre 112 millions
en 2008. Aujourd'hui, l'entreprise, qui
détient 83 brevets industriels, emploie plus
de 380 salariés et table sur un chiffre
d'affaires de 135 millions d'euros en 2010,
ce qui en fait le quatrième laboratoire
pharmaceutique indépendant français. On
comprend mieux que Jean Leonetti,
approuvant le "coup de force médical" de
René Frydman sur la vitrification
ovocytaire ait déclaré dans le Journal du
dimanche (7/11/2010) : il faut "offrir aux
chercheurs une liberté maximale et leur
permettre d’améliorer les conditions de
fécondation – ce qui ne peut se faire qu’en
maniant l’embryon".
Conclusion
Malgré quelques hésitations de principe,
et sous couvert de simple amélioration de
techniques, le projet de loi met en place
un système qui ne permettra plus aucun
contrôle des manipulations sur l’embryon
dans le cadre de l’AMP. Les débats sur la
levée de l’interdiction de recherche sur
l’embryon seront sans objet si ces
recherches sur l’embryon et leur création
dans le cadre de l’AMP sont autorisées.
C’est un abandon programmé de tout
contrôle, amplifié par un transfert de
pouvoir vers l’ABM. Le législateur saura-t-il
protéger l’embryon contre les convoitises ?
Le Sénat : l’euthanasie ne passera pas
La commission des Affaires sociales du
Sénat a adopté le 18 janvier 2011, une
proposition de loi visant à légaliser
l’euthanasie. Adopté à 25 voix contre 19 et
2 abstentions l’article premier stipule que
« toute personne capable majeure, en
phase avancée ou terminale d’une
affection accidentelle ou pathologique
grave et incurable, lui infligeant une
souffrance physique ou psychique qui ne
peut être apaisée ou qu’elle juge
insupportable, peut demander à bénéficier
(…) d’une assistance médicalisée
permettant, par un acte délibéré, une mort
rapide et délibérée ». Le texte est une
synthèse de trois propositions de loi visant
toutes à légaliser l’euthanasie et déposées
l’une par Jean-Pierre Godefroy (PS),
l’autre par Alain Fouché (UMP) et la
troisième par François Autain et Guy
Fischer (CRC-SPG). Signalons que
Muguette Dini, présidente de la
commission des Affaires sociales du
Sénat, fait partie du comité de parrainage
de l’Association pour le droit de mourir
dans la dignité (ADMD).
Arguments présentés
Auditionné par la commission, Jean-Luc
Romero, président de l’Association pour le
droit de mourir dans la dignité (ADMD), a
énuméré en faveur de l’euthanasie les
arguments naguère utilisés par les
défenseurs de la dépénalisation de
l’avortement : puisque l’euthanasie
aujourd’hui illégale existe en France, il faut
légiférer pour la rendre légale ;
légaliser l’euthanasie combattrait l’inégalité
suivante : « aux plus fortunés, le dernier
voyage en Suisse, aux autres, la mort
violente » ; ne pas légaliser l’euthanasie
ferait de la France une exception ; le geste
d’euthanasie ne tue pas quelqu’un.
Subjectivité et déficit d’informations
Outre la question de la subjectivité des
critères posés par la proposition de loi
(selon quels critères objectifs peut-on
définir la souffrance ?), de nombreuses
voix, dont celle du Premier ministre
François Fillon dans une tribune du
Monde, se sont élevées contre ce texte
dénonçant notamment le risque de
pression morale sur les plus vulnérables,
le bouleversement de la confiance dans
les professionnels de santé et la faiblesse
des connaissances scientifiques sur le
sujet. Faute d’études rigoureuses, difficile
en effet d’appréhender la réalité
quantitative et qualitative des demandes
d’euthanasie.
En novembre 2010, l’Observatoire national
sur la fin de vie regrettait déjà que « les
débats sur la fin de vie restent aujourd’hui
encore pour l’essentiel fondés sur des
convictions personnelles et sur une
dimension émotionnelle peu compatibles
avec la rigueur nécessaire à la
construction d’une véritable politique de
santé ». Pour cela l’Observatoire sur la fin
de vie a lancé deux études, dont les
résultats sont attendus début 2012.
Cette proposition de loi est examinée alors
que l’on sait, d’une part, que la loi Leonetti
de 2005 sur la fin vie demeure mal connue
et peu appliquée et que, d’autre part, la
culture palliative se diffuse inégalement.
D’après un sondage Opinion Way réalisé
début janvier 2011, le développement des
soins palliatifs est, pour 60% des
personnes interrogées, la priorité en terme
de fin de vie avant la légalisation de
l’euthanasie (38%)…
Coup de théâtre sénatorial
Alors que les sénateurs devaient se
prononcer le 25 janvier 2011 au soir sur le
texte adopté le 18 par la commission des
Affaires sociales, un amendement
présenté par Marie-Thérèse Hermange et
Gilbert Barbier qui vide de sa substance
l’article 1er de la proposition de loi visant à
légaliser l’euthanasie a été adopté le 25
janvier au matin. Marie-Thérèse Hermange
a montré que l’adoption de la proposition
de loi s’était faite "dans la précipitation".
"Comment par exemple définit-on la
souffrance, notamment psychique, pour le
parent qui a un enfant autiste,
schizophrène ou maniaco-dépressif ?". Le
vote de son amendement rejetant
l’euthanasie s'est effectué dans le cadre
des amendements dits "extérieurs" que
peuvent présenter les sénateurs. Enfin
dans la nuit du 25 au 26 janvier, le projet
de loi visant à légaliser l’euthanasie a été
repoussé à 170 voix contre 142.
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