SANTÉ ET QUALITÉ DE L'EMPLOI
Impact des facteurs macro-économiques sur la mortalité en Europe
et dans l'OCDE
SYNTHÈSE & CONCLUSIONS ET IMPLICATIONS STRATÉGIQUES
(Rapport final)
Commission européenne
Direction générale de l'Emploi, affaires sociales et égalité des chances
Unité D1
juillet 2006
Investigateur principal
Prof. Dr. M. Harvey Brenner
Université technologique de Berlin
John Hopkins University
University of North Texas, Health Science Cente
Ce rapport est uniquement disponible en anglais.
Le rapport a été financé par la Direction générale de l’Emploi, affaires sociales et égalité des
chances de la Commission européenne et établi pour être utilisé à ses propres fins sous le
contrat no. VC/2004/0256.
Son continu ne reflète que les opinions de l'auteur et ne représente pas nécessairement la
position officielle de la Commission européenne.
Synthèse
Objectifs de I' étude
L'objectif principal de cette étude était de déterminer si l'évaluation de la «qualité de vie au
travail » nous donne des indications appropriées sur la santé physique et mentale des
populations actives en Europe et dans d'autres pays industrialisés.
L'examen approfondi de la littérature épidémiologique relative aux risques encourus par la
santé physique et mentale des travailleurs, constitue I' essentiel du travail de cette étude.
Plusieurs facteurs de risque marquants se dégagent de cet examen dont (1) I' incapacité à
moderniser (c'est-a-dire en contradiction avec la preuve scientifique) I' ergonomie, I'
équipement, les installations matérielles et la technologie de contrôle des émissions, afin de
minimiser les blessures accidentelles, I' invalidité, les toxines chimiques et autres ainsi que
les facteurs cancérigènes ; (2) le manque d'autonomie des travailleurs (y compris un contrôle
tout a fait minime du processus de travail et une complexité intellectuelle insuffisante des
tâches); (3) le manque d'observation des règlementations en matière de santé et de sécurité
tel qu'il peut se produire dans les emplois de I' économie souterraine ; (4) des fractures
majeures dans le déroulement de carrière, y compris le chômage, la perte de revenus, et le
sous-emploi; et (5) des hiérarchies salariales et des différences de statut d'emploi qui
catégorisent les employés selon des facteurs qui peuvent ne pas être associés à la
productivité, à savoir le sexe et l'âge. En littérature économique, il est souvent fait référence à
ce dernier point sous le terme d'inégalités économiques.
Méthodes
Ayant identifié les facteurs de risque épidémiologiques traditionnels pour la santé au niveau
individuel, la question s'est alors posée de savoir si de telles mesures, effectuées sur le
comportement des individus et des entreprises pouvaient également être appliquées à un
niveau plus global ou national du fonctionnement sociétal. Quatre de ces facteurs
macroéconomiques ont été identifiés : le PIB réel par habitant, la proportion de travailleurs
indépendants dans la population active, la part relative de I' économie souterraine dans le
PIB, et I' ampleur des inégalités salariales calculées par rapport à I' indice de Gini de
concentration des revenus.
L'objet de la recherche était de déterminer si ces facteurs macroéconomiques, accompagnés
occasionnellement de facteurs de risques épidémiologiques plus traditionnels, pouvaient
expliquer les niveaux et les modifications des taux de mortalité dus aux causes principales
de décès dans des échantillons de pays européens, d'autres pays de I'OCDE et même dans
un plus grand nombre de pays. Les données ont été extraites des banques de données
d'Eurostat, de I'OMS, du BIT, de la Banque mondiale et de la FAO. Pour l'analyse des
données statistiques, des analyses de régressions multi-variables transversales, des analyses
de séries chronologiques transversales combinées et des analyses chronologiques ont été
utilisées.
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Résultats principaux
Les résultats principaux de cette étude s'articulent en quatre découvertes:
1. La plus frappante est que le niveau du PIB réel par habitant est le facteur le plus
important pour distinguer les taux de mortalité nationaux parmi les populations actives
des pays industrialisés. Cette découverte n'est pas uniquement importante du fait de son
pouvoir de prévision. Sa nouveauté est née du fait que, alors qu'il est généralement
admis que la santé publique par habitant est importante pour la santé des populations
des pays en voie de développement, il n'existe que de rares indications en littérature
épidémiologique qui mettent en avant le fait que le PIB par habitant pourrait améliorer la
santé dans les sociétés industrialisées. En effet, il est admis dans la littérature que, dès
qu'un certain seuil minimal de revenus par habitant (touchant l'alimentation, le système
sanitaire, le logement, les transports, les soins de santé primaires) est franchi, les effets
d'une croissance économique accrue n'ont pas de répercussions bénéfiques
supplémentaires sur les taux de survie dans les nations industrialisées. Cette étude
prouve que ces hypothèses dominantes sont foncièrement erronées.
2. Alors que I' autonomie des travailleurs a été I' un des thèmes principaux dans la littérature
épidémiologique sur le stress occupationnel, cette étude note pour la première fois que
lorsque le travail indépendant (ou le travail dans une petite entreprise) est pris comme
indicateur national, il a un effet important sur la réduction de la mortalité.
3. Alors qu'en général, les économistes ont I' impression que le travail dans I' économie
souterraine prive le gouvernement de revenus fiscaux, il semble être un plus pour les
revenus des travailleurs et la prospérité nationale. II est toutefois clair, sur la base de
cette étude, que I' ampleur de I' économie souterraine a un impact préjudiciable
substantiel sur la santé des populations en âge de travailler.
4. Au cours des deux dernières décennies, le débat sur I' impact potentiel des inégalités de
revenus sur les niveaux de santé publique a été très intense. La preuve épidémiologique
la plus récente tend à montrer que l'influence de I' indice de Gini peut être minime voire
inexistante. Par contraste, I' étude actuelle montre que les inégalités de revenus sont
effectivement nuisibles a la santé de la population en âge de travailler, mais qu'elles le
sont tout particulièrement pour les hommes de moins de 45 ans et les femmes de tous
âges.
Résultats particuliers
1. Le modèle principal a quatre variables: le PIB réel par habitant, le travail indépendant,
I' économie souterraine et les inégalités de revenus sont responsables de près de 80%
des variations de la mortalité ajustées par âge dans les 31 pays de l'Europe de I' Est et de
I' Ouest ainsi que dans d'autres pays de I'OCDE. Quant aux trois autres principaux
facteurs de risques épidémiologiques, tels que la consommation d'alcool et de glucides
par habitant, ils peuvent augmenter les variations expliquées de près de 90%.
2. Le PIB par habitant dans la parité de pouvoir d'achat constitue clairement le facteur le
plus important pour expliquer les variations de taux de mortalité. On peut le constater sur
une base transversale dans tous les échantillons de I' étude (24, 31, 38 et 46 pays), la
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mortalité totale et virtuellement toutes les causes principales de décès. La grande force
explicative de la mortalité dans le groupe des 15 à 64 ans peut également être visualisée
clairement dans l'analyse chronologique. Les modèles de régression représentés
graphiquement, illustrent la relation inverse extrêmement constante entre le PIB par
habitant et la mortalité ajustée par âge chez les 15 à 64 ans dans tous les pays
européens. En effet, là où les tendances croissantes de PIB ont été relativement
absentes, comme en Pologne ou en Hongrie, il n'y a pas de déclin de la mortalité ajustée
par âge.
3. De plus, des modèles chronologiques portant sur I' effet des changements historiques sur
le PIB par habitant, ont été développés en utilisant une méthode de correction des
erreurs, pour les pays du G7 (Canada, France, Allemagne (de I 'Ouest), Italie, Japon,
Royaume-Uni, Etats-Unis). Ces modèles montrent que I 'impact du PIB par habitant est
modéré dans le temps, dans une relation interactive avec le niveau du taux de chômage.
4. Les modèles économiques ont été testés avec succès sur la mortalité ajustée totale par
âge pour la population des 15 à 64 ans ainsi que neuf causes de décès spécifiques
supplémentaires : origine cardiovasculaire, cancers, totalité des accidents, accidents
hors circulation, accidents de la circulation, empoisonnement accidentel, cirrhose du foie,
suicide et homicide.
Implications méthodologiques et politiques
1. Au niveau national, des indicateurs macroéconomiques peuvent être identifiés pour
décrire plusieurs facteurs principaux de prévision des taux de mortalité dans la population
en âge de travailler dans les pays européens et dans le reste de I'OCDE.
2. Alors qu'il est possible dans une large mesure d'utiliser les taux de mortalité, incluant les
causes principales de décès, comme mesure de la mortalité de la population (ou des
dommages à la santé) associée à I 'environnement économique, il n'est cependant pas
possible d'utiliser des mesures de l'incidence ou de la prévalence de maladies ou d'
handicaps dans ce but.
3. Etant donné l'importance des quatre principales variables macroéconomiques dans la
prévision de la mortalité, des tentatives systématiques d'évaluation de I 'efficacité des
normes législatives de santé et de sécurité pour les populations nationales doivent d'une
certaine façon contrôler, ajuster ou prendre en compte les effets du PIB par habitant, de
I' autonomie des employés, des activités économiques souterraines et des inégalités de
salaires et de statuts.
4. Le PIB par habitant étant le principal facteur de prévision de santé (par le biais des taux
bas de mortalité) dans la population active, il va de soi que la Commission européenne
a raison de mettre l'accent sur la compétitivité économique internationale, en se fixant
comme objectif politique principal I 'amélioration du PIB par habitant. Cette étude montre
que cet objectif politique économique est également un facteur intrinsèque de
l'amélioration de la santé.
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