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AESH
Notes pour le cours du 6 février 2001
Pour commencer qq commentaires généraux sur l'analyse de McNeill comme complément du
modèle de Ricardo-Malthus, ainsi que réponses aux questions posées dans les notes précé-
dentes :
- Rappel : vers le début de notre ère, en tout cas dès le IIe siècle, l’équilibre démographico-
pathologique qui s’était établi précédemment en Europe, en Chine et peut-être en Inde, est
rompu lorsque ces trois grands centres de civilisation en Eurasie entrent en contact.
- Il a fallu pas loin de mille ans (jusque vers 900-1000) pour que, dans ce domaine, un nou-
vel équilibre s’établisse en Europe. A noter d’importantes différences régionales :
l’empire romain d’Orient, puis byzantin, est moins affecté dans l’ensemble que l’Europe
occidentale, et cela malgré l’irruption de l’Islam. Il en va de même pour les régions médi-
terranéennes, ou proches de la Méditerranée, conquises par l’Islam (la plus grande partie
du Moyen Orient à l’est de Suez, l'Egypte, l’Afrique du Nord, l’Espagne musulmane) ; en
fait, la période la plus brillante de l’Islam se situe entre le VIIe et les X-XIe siècles. Mais
tout n’a pas non plus été linéaire en Europe occidentale où il y a aussi eu des ‘éclaircies’
dans ces dark ages – ainsi l’éphémère empire franc de Charlemagne au tournant des VIIIe
et IXe siècles (certains historiens parlent même de ‘renaissance carolingienne’).
- Période 900/1000-milieu du XIVe siècle = fort brillante en Europe occidentale (cathédra-
les, forte poussée de l’urbanisation,1 développement marqué de l’agriculture,2 thomisme3
dans le domaine culturel, etc.) L’équilibre pathologico-sanitaire étant réalisé, l’expansion
de la production et de la démographie selon le modèle de Ricardo-Malthus signifie que la
rente foncière pure augmente rapidement, en termes absolus aussi bien qu’en proportion
de la production (ou, ce qui revient au même, en proportion d’un revenu réel croissant).
Cela signifie que les landlords, c’est-à-dire en l’occurrence les seigneurs et autres cheva-
liers, y compris les propriétaires fonciers ecclésiastiques, voient leurs ressources
s’accroître considérablement en même temps que le niveau de vie moyen de la masse de la
population, c’est-à-dire les serfs ou paysans-cultivateurs, se détériore graduellement, l'ex-
pansion démographique étant plus rapide qu’un progrès technologique important, mais
plus lent. C’est certainement en raison de la conjonction de cette plus grande richesse de
la ‘classe possédante’ avec une main-d’œuvre de plus en plus abondante que les cathé-
drales ont pu être construites, le terme ‘cathédrales’ représentant ici un ensemble beau-
coup plus vaste de réalisations matérielles ; et aussi que les Croisades ont pu avoir lieu.4
On peut dire que les unes et les autres (‘cathédrales’ et Croisades) sont en bonne partie le
produit d’une rente foncière en forte augmentation, grâce à une expansion économique
qui, elle-même, a pu avoir lieu suite à la stabilisation de la situation pathologico-sanitaire.
1 Cf. P. Bairoch, Victoires et déboires, Gallimard, 1997, vol. 1, pp. 39-40.
2 C’est à cette époque que « l’Europe des forêts et des landes a fait place à l’Europe des champs » (Bairoch, vol.
1, p. 40).
3 Doctrine théologique ‘rationnelle’ due à (saint) Thomas d’Aquin (théologien italien, mais qui professa surtout
en France, 1225-1273) qui a comme thème centrale l’harmonie entre la foi et la raison.
4 Le meilleur ouvrage d’ensemble sur les Croisades (il est passionnant) reste celui de Steven Runciman, déjà
mentionné dans des notes antérieures : A History of the Crusades, 3 vol., 1954.
2
- Peste noire dès 1346 (en Crimée, puis de là en Europe occidentale) et catastrophe démo-
graphique subséquente (exacerbée par la guerre de cent ans, 1337-14535) : avec beaucoup
moins de population et donc de main-d’œuvre, le salaire réel (par homme ou homme-
année) croît fortement et atteint, semble-t-il,6 un niveau qu’il ne retrouvera plus en Europe
occidentale avant le XIXe siècle (en Angleterre vers 1878-1882) ;7 en même temps, les
seigneurs laïques et ecclésiastiques s’appauvrissent car leurs rentes foncières se contrac-
tent absolument et proportionnellement. En cherchant à y parer, ils encouragent la ‘com-
mutation’ (les rentes foncières payées traditionnellement en nature sont fixées en termes
monétaires et il en va de même pour les corvées), ce qui ne restera pas sans conséquences
plus tard lorsque, avec la découverte du Nouveau Monde, un vaste afflux de métaux pré-
cieux provoquera une forte poussée des prix pour les biens et services (inflation consécu-
tive à la découverte de l’Amérique).
- Le modèle Ricardo-Malthus-McNeill n’explique cependant pas tout (il n’y a pas de mo-
dèles qui expliquent ‘tout’…, même pas en physique, ou du moins pas encore). Un exem-
ple : la raréfaction de la main-d’œuvre dans l’empire romain dès environ le IIIe siècle,
voire un peu plus tôt, a entraîné l’attachement de la main-d’œuvre à la glèbe, c’est-à-dire
le servage. Une même raréfaction dès le milieu du XIVe siècle (peste noire) aurait donc
dû avoir le même effet. Or, on assiste au contraire à une atténuation et disparition progres-
sive du servage. Pourquoi ? Probablement en raison du développement simultané des vil-
les entre 1350 et 1550, surtout en Italie et en Allemagne. Comme ces villes, qui étaient de
plus en plus indépendantes des seigneurs, pouvaient servir d’abri aux serfs voulant ‘voter
avec leurs pieds’, cela a incité les landlords à trouver d’autres formules que le servage
(p.ex. le métayage). Cependant, cela ne fait que déplacer le problème : pourquoi les villes
se sont-elles développées et sont-elles devenues de plus en plus indépendantes entre 1350
et 1550 alors que le contraire s’est produit dès environ le IIIe siècle ? Pour répondre à cette
question, il faudrait compléter le modèle Ricardo-Malthus-McNeill au moyen d’un ‘sous-
modèle’ pour l’évolution des ensembles urbains. Cela nous entraînerait trop loin.
- Outre les développements urbains, un modèle (plus) complet devrait rendre compte des
raisons et de l'impact des changements en matière de technologie militaire : en effet, les
‘chocs’ qui, dans le modèle R-M-N, touchent la variable en abscisse comprennent aussi
les guerres, invasions, etc. Il existe une riche littérature sur l’évolution de la technologie
militaire qu’il serait intéressant – mais que nous n’avons pas le temps – d’examiner. Un
exemple : la cavalerie lourde (les chevaliers…. ) a longtemps été la "reine des batailles"
qui balayait tout devant elle (succès initial des Croisades), et cela dès le haut moyen âge et
jusqu’au XIV-XVe siècle (infanteries suisse et espagnole). Cette supériorité explique sans
doute en bonne partie la structure de la société féodale, les chevaliers et autres seigneurs
laïques (mais aussi ecclésiastiques) détenant le quasi-monopole de la puissance armée et
donc du pouvoir – voir le sort de diverses jacqueries paysannes. [A mentionner encore : la
5 Il y a de nouveau un parallèle en Chine : la peste y éclate vers 1331 ; et une guerre civile – mais beaucoup plus
courte que la guerre de cent ans en Europe – se déclenche dès 1353 (renversement de la domination mongole,
qui débouchera sur l'avènement de la dynastie Ming en 1368). Par conséquent, la population chinoise passe
d’environ 123 millions vers 1200 (avant l’invasion mongole) à quelque 65 millions en 1393. – A noter encore
que des signes de saturation et de déclin avaient commencé à se manifester en Europe occidentale plus tôt que le
milieu du XIVe (pp. 177 ff.), entre autre parce que la frontier des terres cultivables avait été atteinte, et aussi en
raisons de changements climatiques (voir notes « Première synthèse »).
6 McNeill est sceptique à ce sujet (cf. pp. 193-4), mais cette augmentation est parfaitement documentée, en parti-
culier en Angleterre pour laquelle il existe des données et statistiques probantes ; selon Bairoch, op.cit., vol. I, p.
56, le salaire réel moyen a presque doublé dès le milieu du XIVe.
7 Le salaire réel moyen retrouve son niveau antérieur dès environ le début du XVIe.
3
légende des châteaux forts prétendument imprenables ; en fait, grande efficacité – dès en-
viron le IXe siècle – des mangonneaux et autres trébuchets dans ce domaine, comme men-
tionné dans un cours précédent.] Dans ces conditions de prédominance de la cavalerie
lourde, il y a aussi eu, ou il peut y avoir eu pendant un certain temps, division du travail
entre paysans-cultivateurs et une caste guerrière dont la fonction sociale était d’assurer la
protection contre les prédateurs extérieurs : Normands – les ‘hommes du nord’ – et autres
Vikings ; Sarrasins dans le sud, c’est-à-dire jusqu’à la barrière des Alpes ; voir le livre
classique de Marc Bloch sur la société féodale8. Autres ingrédients renforçant cette struc-
ture féodale : la religion (Jésus-Christ = notre ‘seigneur’) et la doctrine politico-juridique
(nulla terra sine domine).
- Autre problème avec le modèle : les communautés sans propriétaires fonciers ; ou, plus
exactement, les communautés où propriétaires fonciers = les paysans-cultivateurs eux-
mêmes. Si la France et, peut-être dans une moindre mesure, l’Allemagne ont été les pays-
types de la féodalité, de telles communautés libres ont cependant existé un peu partout :
dans les pays de plaine (les yeomen et autres freeholders en Angleterre), mais surtout dans
les pays plus montagneux (Franches montagnes = montagnes libres ; cas d’Andorre, par
exemple), encore que cela n’ait pas été une règle absolue (rôle de l’évêque de Sion dans
les vallées latérales du Valais, par exemple). Ces communautés recevront une impulsion
notable, mais de durée limitée, lorsque la cavalerie lourde cessera de régner sur le champ
de bataille – les Waldstätten, l'infanterie de Castille. NB : l’âge de la domination de
l’infanterie sera court : Marignan (1515) et l’artillerie de François Ier. Artillerie = un fac-
teur important dans la ‘montée’ de l’Etat central (= en général la royauté).9
- Le modèle de Ricardo-Malthus quand il n’y a pas de propriétaires fonciers en tant que
classe séparée : il n’y a plus qu’un facteur de production = l’ensemble travail-terre qui re-
çoit également la rente ; ce facteur est donc rémunéré selon sa productivité moyenne =
productivité marginale du travail + rente pure. L’état stationnaire se déplace vers la droite
à graphique.
- Autre point sur lequel la ‘version pure’ modèle devrait être nuancée : une de ses hypothè-
ses est que toutes les terres cultivables le sont à On est à la frontier et, par conséquent, en
situation de rendements marginaux décroissants : au fur et à mesure que la population et
donc la main-d'œuvre paysanne croissent, les méthodes de culture deviennent de plus en
plus intensives ou, ce qui revient au même, pâturages et troupeaux font place à des
champs cultivés. La réalité a été plus compliquée : au haut moyen âge, une bonne partie
de l'Europe était couverte de forêts défrichables (voir tous les noms de lieu du type Esserts
ou Essertines = lieux boisés qui ont été défrichés, ou encore l'étymologie du mot Vaud =
pagus waldensis, en latin carolingien) ou de landes qui pouvaient être mises en culture. La
frontier physique n'a probablement été atteinte qu'assez tard, peut-être vers le XIIe siècle
dans une bonne partie de l'Europe occidentale (voir la note 2 ci-dessus). En termes du mo-
dèle R-M-N, la courbure de la fonction de production devient de plus en plus prononcée
au fur et à mesure que l'on s'approche de la frontier. Comme les terres les plus fertiles ont
en général étaient exploitées en premier, il faut donc aussi tenir compte des rentes fonciè-
res différentielles. Mais tout cela ne change rien au fonctionnement du modèle : au fur et à
mesure que la population et la main-d'œuvre croissent en l'absence de chocs sanito-
pathologiques ou autres, la fonction de production devient de plus en plus convexe (vue
d'en haut – concave vue du dessous) et, en même temps, les rentes foncières différentielles
8 Marc Bloch (1886-1944), La société féodale, 1939-40.
9 Cf. McNeill, 239-40.
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sur les "anciennes terres" s'accroissent. Tout va donc dans le même sens et la rente fon-
cière totale (ensemble des rentes différentielles + rente pure) devient de plus en plus
lourde, absolument et en proportion de l'output. Le seul factor qui va dans l'autre sens est
le progrès technologique, lequel déplace la fonction de production vers le haut. Mais, jus-
qu’à la révolution industrielle, ce progrès a été lent relativement au rythme de l'expansion
démographique en situation normale (absence de chocs sanito-pathologiques ou autres).
Et maintenant qq commentaires plus ponctuels sur les pp. 242-95 de McNeill :
(1) Avec le développement progressif de la médecine scientifique (dès environ le début du
XVIIIe, avec une accélération marquée à partir de 1850-80), on change fondamentalement
d'époque et de cadre analytique au plan sanito-pathologique.
(2) Pp. 243-6 : Médecine pré-scientifique faisait sans doute plus de mal que de bien (cf. Dia-
foirus chez Molière). Mais il y a eu des progrès par tâtonnements empirique, du moins en
Europe (la quarantaine, p.ex.), et "grâce" à de nouvelles maladies qui mettent en cause les
enseignements des Anciens (Paracelse vs. Galen).
(3) P. 247-8 : en Europe comme en Chine, la poussée démographique moderne s’amorce entre
1650 et 1750, probablement plus près de la deuxième date que de la première ; vers 1800,
la Chine compte déjà plus de 300 millions d'habitants, soit environ deux fois plus que
l'Europe. Dans cette période, l'expansion démographique est plus forte dans la Chine de la
dynastie mandchoue qu'en Europe (au sens large, c'est-à-dire y compris les régions d'ou-
tre-mer colonisées par des Européens et les régions de la frontier à l'est).
(4) P. 250 : notez combien la population de la Russie était encore petite en 1724 (12-13 mil-
lions, soit environ la moitié de la population de la seule France) et même en 1796 (environ
21 millions).
(5) P. 252 : notez ce que McNeill dit du rôle de la pomme de terre en Irlande.
(6) P. 253 et passim : tout ce qui concerne la révolution agricole ("new husbandry") sera
examiné de plus près quand nous étudierons le livre de Landes.
(7) P. 255 ff. : début de l'inoculation contre la variole en Angleterre : 1721, la méthode étant
venue de Turquie, voire de plus loin; devient commune en Angleterre rurale (mais non ur-
baine) et dans les colonies britanniques d'Amérique du Nord vers 1740. On peut soutenir
que cette date marque le début de la médecine moderne. En France, l'inoculation contre la
variole ne commence à être acceptée qu'après que Louis XV fut mort de la variole en
1774. NB : inoculation vaccination (découverte en 1798 par Edward Jenner). Napoléon
ordonne, en 1805, que tous ses soldats soient vaccinés contre la variole, une technique que
les guerres napoléoniennes aideront à répandre dans toute l’Europe (idem pour une autre
technique = les conserves alimentaires). Inoculation et vaccination sont étudiées scientifi-
quement en Europe, en Angleterre avant tout, et contribuent significativement à faire bais-
ser la mortalité dans un continent où la peste avait disparu. Historiquement, c’est la pre-
mière fois que la médecine scientifique a une incidence notable sur la démographie.
Comme l’Angleterre était dans ce domaine en avance sur la France, cela peut expliquer,
selon McNeill et du moins en partie, l’ascension de l’Angleterre dès environ le milieu du
XVIIIe et le déclin relatif de la France (guerre de sept ans et traité de Paris en 1763 àfin
5
du premier empire colonial français = perte du Canada et des Indes). McNeill spécule aus-
si que la disparition de la peste et de la malaria au nord des Alpes ainsi que le contrôle de
la variole par l’inoculation, puis la vaccination, a pu changer ‘l’air du temps’ et favoriser
la montée des ‘lumières’ au XVIIIe.
(8) Pp. 266 ff. : le choléra, une maladie horrible dont la maîtrise a marqué un tournant capital
dans le contrôle des maladies infectieuses… Première épidémie à frapper des Européens :
les Anglais à Calcutta en 1817 (cependant endémique au Bengale bien avant cela). De là,
se répand dans le monde entier, surtout par voie maritime et particulièrement dès les an-
nées 1830. Notez (pp. 270-2) l’intéressante discussion sur le ou les vecteurs supposés de
la contagion : théorie des miasmes vs. celle des germes-microbes, avec discrédit de cette
dernière – pourtant exacte – entre environ 1820 et environ 1880 (invention du microscope,
Koch, Pasteur, etc.) ; et la discussion tout aussi intéressante (pp. 273-4) sur le scorbut et
l’histoire des remèdes contre lui ; et celle (pp. 276-9) sur l’effet que la peur du choléra a
eu sur l’assainissement des villes européennes, puis extra-européennes, leur alimentation
en eau potable, leurs réseaux d’égouts et leur traitement des eaux usées. Résultat : les vil-
les d’Europe et des régions à colonisation européenne cessent, vers la fin du XIXe, d’être
des ‘mouroirs’, les villes extra-européennes suivant quelque 50 ans plus tard, avec toutes
les conséquences qui s’en sont suivies sur les relations villes-campagnes, avec à la clef
une extraordinaire expansion démographique, d’abord dans le monde européen (au sens
large), puis extra-européen. Dans la foulée du choléra, d’autres maladies infectieuses de
nature bactérienne sont maîtrisées à la fin du XIXe et dans les premières décennies du
XXe : typhoïde, diphtérie, malaria-paludisme (avec plus de difficulté, la quinine tradition-
nelle traitant les symptômes et non les causes), fièvre jaune (qui est cependant une mala-
die virale, mais qu’on réussit à contrôler plus ou moins dans certaines régions – celle du
canal de Panama, p.ex. – en combattant les moustiques qui en sont le vecteur), la tuber-
culose (avec beaucoup de difficulté), le typhus (transmis par les poux), etc. L’hygiène
corporelle a joué un rôle dans presque tous ces cas, avec comme conséquence inattendue
l’apparition ou la propagation de ‘maladies de la propreté’ (dont la polio est l’exemple le
plus connu) jusqu’à ce qu’on arrive à les contrôler à leur tour (dès 1954, dans le cas de la
polio). Cela ne veut pas dire que tout soit résolu, bien sûr : outre le sida, aujourd’hui plus
ou moins en voie de contrôle sauf en Afrique, à quand la prochaine grande épidémie de
grippe, comme en 1918-19 ? Le virus de la grippe a ceci de remarquable qu’il se répand
très rapidement, qu’il mute constamment et peut donc produire de temps en temps des
souches particulièrement virulentes ; en outre, la période d’immunisation est très courte.
D’autres agents, comme celui du choléra, peuvent aussi muter. Enfin, il y a toujours la
possibilité que surgissent soudainement, à partir de foyers très localisés, des maladies
nouvelles comme la fièvre de Lassa (Nigeria) ou la fièvre O’nyong nyong (Ouganda)
qu’on a cependant réussi à garder sous contrôle, du moins jusqu’ici. – Les commentaires
finaux de McNeill sur la possibilité d’un nouveau déséquilibre alimentaire à l’échelle
mondiale me laissent cependant sceptique : en réalité, et bien que la plupart des gens ne
s’en rendent pas compte, il y a eu au cours des 50 dernières années une amélioration vrai-
ment remarquable de la situation alimentaire en Eurasie (particulièrement dans le sous-
continent indien et en Chine) et dans la plus grande partie des Amériques, même si l’on
est encore loin de l’idéal. Là où des famines et des morts par sous-nutrition sur une large
échelle se produisent encore, particulièrement en Afrique (Éthiopie, Congo, etc.), c’est le
plus souvent le résultat de guerres ou d’un collapsus de la société politique et civile.
McNeill a achevé son livre en 1975-6 – il y a un quart de siècle. Ce qui s’est passé depuis
inciterait plutôt, dans ce domaine et dans l’ensemble, à un certain optimisme prudent.
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