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du premier empire colonial français = perte du Canada et des Indes). McNeill spécule aus-
si que la disparition de la peste et de la malaria au nord des Alpes ainsi que le contrôle de
la variole par l’inoculation, puis la vaccination, a pu changer ‘l’air du temps’ et favoriser
la montée des ‘lumières’ au XVIIIe.
(8) Pp. 266 ff. : le choléra, une maladie horrible dont la maîtrise a marqué un tournant capital
dans le contrôle des maladies infectieuses… Première épidémie à frapper des Européens :
les Anglais à Calcutta en 1817 (cependant endémique au Bengale bien avant cela). De là,
se répand dans le monde entier, surtout par voie maritime et particulièrement dès les an-
nées 1830. Notez (pp. 270-2) l’intéressante discussion sur le ou les vecteurs supposés de
la contagion : théorie des miasmes vs. celle des germes-microbes, avec discrédit de cette
dernière – pourtant exacte – entre environ 1820 et environ 1880 (invention du microscope,
Koch, Pasteur, etc.) ; et la discussion tout aussi intéressante (pp. 273-4) sur le scorbut et
l’histoire des remèdes contre lui ; et celle (pp. 276-9) sur l’effet que la peur du choléra a
eu sur l’assainissement des villes européennes, puis extra-européennes, leur alimentation
en eau potable, leurs réseaux d’égouts et leur traitement des eaux usées. Résultat : les vil-
les d’Europe et des régions à colonisation européenne cessent, vers la fin du XIXe, d’être
des ‘mouroirs’, les villes extra-européennes suivant quelque 50 ans plus tard, avec toutes
les conséquences qui s’en sont suivies sur les relations villes-campagnes, avec à la clef
une extraordinaire expansion démographique, d’abord dans le monde européen (au sens
large), puis extra-européen. Dans la foulée du choléra, d’autres maladies infectieuses de
nature bactérienne sont maîtrisées à la fin du XIXe et dans les premières décennies du
XXe : typhoïde, diphtérie, malaria-paludisme (avec plus de difficulté, la quinine tradition-
nelle traitant les symptômes et non les causes), fièvre jaune (qui est cependant une mala-
die virale, mais qu’on réussit à contrôler plus ou moins dans certaines régions – celle du
canal de Panama, p.ex. – en combattant les moustiques qui en sont le vecteur), la tuber-
culose (avec beaucoup de difficulté), le typhus (transmis par les poux), etc. L’hygiène
corporelle a joué un rôle dans presque tous ces cas, avec comme conséquence inattendue
l’apparition ou la propagation de ‘maladies de la propreté’ (dont la polio est l’exemple le
plus connu) jusqu’à ce qu’on arrive à les contrôler à leur tour (dès 1954, dans le cas de la
polio). Cela ne veut pas dire que tout soit résolu, bien sûr : outre le sida, aujourd’hui plus
ou moins en voie de contrôle sauf en Afrique, à quand la prochaine grande épidémie de
grippe, comme en 1918-19 ? Le virus de la grippe a ceci de remarquable qu’il se répand
très rapidement, qu’il mute constamment et peut donc produire de temps en temps des
souches particulièrement virulentes ; en outre, la période d’immunisation est très courte.
D’autres agents, comme celui du choléra, peuvent aussi muter. Enfin, il y a toujours la
possibilité que surgissent soudainement, à partir de foyers très localisés, des maladies
nouvelles comme la fièvre de Lassa (Nigeria) ou la fièvre O’nyong nyong (Ouganda)
qu’on a cependant réussi à garder sous contrôle, du moins jusqu’ici. – Les commentaires
finaux de McNeill sur la possibilité d’un nouveau déséquilibre alimentaire à l’échelle
mondiale me laissent cependant sceptique : en réalité, et bien que la plupart des gens ne
s’en rendent pas compte, il y a eu au cours des 50 dernières années une amélioration vrai-
ment remarquable de la situation alimentaire en Eurasie (particulièrement dans le sous-
continent indien et en Chine) et dans la plus grande partie des Amériques, même si l’on
est encore loin de l’idéal. Là où des famines et des morts par sous-nutrition sur une large
échelle se produisent encore, particulièrement en Afrique (Éthiopie, Congo, etc.), c’est le
plus souvent le résultat de guerres ou d’un collapsus de la société politique et civile.
McNeill a achevé son livre en 1975-6 – il y a un quart de siècle. Ce qui s’est passé depuis
inciterait plutôt, dans ce domaine et dans l’ensemble, à un certain optimisme prudent.
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