TAO-CAT Tous les outils de TAO sont-ils vraiment adaptés à tous les types de traduction ? Kateline Tsihlis Institut Libre Marie Haps, 11, rue d’Arlon, 1050 BRUXELLES Belgique [email protected] Résumé. Depuis maintenant trente ans, sous l’impulsion de la mondialisation, de la multiplication des échanges commerciaux et des pressions croissantes sur la productivité, les outils d’aide à la traduction s’imposent de plus en plus sur le marché de la traduction. Pourtant, ils trouvent encore leurs détracteurs qui soutiennent que ces outils ne conviennent pas à certains types de traduction. C’est sur cette question que nous nous sommes penchée dans le cadre de notre étude. Les outils de TAO sont-ils adaptés à tous les types de traduction ? Tous les types de traductions sont-ils adaptés à la TAO ? Telle est la question… Abstract. For thirty years now, computer aided translation tools have been more and more used due to the globalization, increasing trade and pressure on productivity. Yet they are criticized by some translators who consider them as not adapted to certain types of translations. We based our research on this question. Are CAT tools suitable for all types of translations? Are all types of translations adapted to CAT tools? That is the question…. Mots-clés : outils d’aide à la traduction, TAO, mémoire de traduction, traduction technique, traduction juridique, traduction littéraire, traduction marketing. Keywords: computer aided translation, CAT, translation memory, technical translation, legal translation, literary translation, marketing translation 1 Présentation de la TAO et de ses outils Le marché de la traduction regorge d’outils d’aide à la traduction (TAO) aux fonctionnalités plus ou moins avancées, qui ne reposent cependant pas tous sur le même concept. La fonction première d’une mémoire de traduction consiste à stocker des informations, telles que des phrases équivalentes en langues source et cible, dans une base de données. Lors du processus de traduction, ces correspondances – parfaites ou partielles – sont alors directement récupérées par le traducteur qui les adapte, si nécessaire, dans le cadre de sa traduction. 1.1 Les mémoires de traduction « segment-based » Les mémoires de traduction dites « segment-based » couvrent la majorité des systèmes proposés sur le marché. Il s’agit de bases de données reprenant les uns après les autres des segments source et leur équivalent cible. Si cette définition peut paraître simpliste, la plupart des mémoires de traductions actuellement disponibles sur le marché prennent également en compte de nombreux paramètres, tels que le formatage, les balises, ou encore un lien par rapport à la phrase précédente ou suivante, de façon à obtenir des informations plus précises au regard des correspondances. Ces mémoires permettront par exemple d’appliquer des pénalités en cas de récupération d’une correspondance parfaite, mais dont le formatage est différent. De la même façon, on pourra isoler précisément les phrases déjà présentes dans la mémoire, précédées et suivies des mêmes phrases – c’est ce que l’on appellera les correspondances en contexte. Cependant, ces correspondances en contexte se limitent à indiquer les phrases qui répondent aux critères susmentionnés. En outre, s’il est possible de visualiser le contexte d’une phrase ou d’une expression par une recherche de concordance, l’affichage proposé se limite souvent à la présentation du seul segment, ce qui peut restreindre la compréhension de la phrase ou du contexte. KATELINE TSIHLIS 1.2 Les mémoires de traduction « corpus-based » Parallèlement aux mémoires de traduction « segment-based », on assiste depuis une dizaine d’années à l’émergence d’un nouveau type de systèmes fondés sur la création de mémoires sous forme de corpus parallèle. Les textes importés sont automatiquement segmentés et alignés par le système qui propose ensuite une mémoire de traduction plein texte, reposant sur le « document » et non plus uniquement sur le « segment ». S’il conserve le principe de segmentation au niveau de la phrase, ce type d’outil offre toutefois une vision radicalement différente du contexte, dans la mesure où le traducteur a désormais accès à l’intégralité du document dont provient sa correspondance. Il peut ainsi valider son choix en pleine connaissance de cause. 2 2.1 Typologie et problématiques La traduction technique La traduction technique est sans conteste le type de traduction le plus adapté aux outils de TAO. De la traduction de brevets aux manuels d’utilisateurs, les textes techniques réunissent deux caractéristiques propres : ils sont répétitifs et ce, tant entre textes qu’au sein d’un même texte, et regorgent de terminologie. Ces deux caractéristiques suffisent à prouver l’efficacité des outils au regard de la récupération des segments d’une part, mais aussi de la terminologie provenant d’une base de données intégrée. 2.2 La traduction juridique De par sa nature, la traduction juridique recèle de nombreuses complexités. Il est tout d’abord primodial de pouvoir récupérer le paragraphe dans son ensemble, dans la mesure où la réutilisation de phrases provenant de textes différents pour recomposer ce même paragraphe pourrait s’avérer risquée. De plus, outre la terminologie, les documents juridiques recourent à une phraséologie bien précise – un problème difficile à pallier avec les mémoires de traduction classiques qui se limitent à la récupération de correspondances parfaites ou partielles, ou de la terminologie, mais qui tiennent peu compte des expressions. Enfin, la traduction d’un terme source peut grandement varier en fonction du contexte. Là encore, la majorité des logiciels ne se prêtent pas à ce type de traduction, le contexte proposé n’étant pas assez précis pour donner une idée satisfaisante de l’utilisation du terme. 2.3 La traduction marketing La traduction marketing vise un public cible différent : le grand public. Les textes doivent dès lors être accrocheurs et bien écrits, sans pour autant faire l’impasse sur la technicité du contenu. La terminologie revêt également une importance capitale : le texte doit demeurer juste et cohérent. S’il contient des termes incompréhensibles voire des expressions erronées, c’est l’intégralité du message qui en pâtit, et par extension l’image de l’entreprise. Si la traduction marketing ne propose pas un taux de répétitions aussi élevé que la traduction technique, elle ne peut cependant pas être placée sur un pied d’égalité avec la traduction littéraire. En effet, le contenu de la documentation commerciale est rarement réécrit dans son intégralité. Au contraire, avec l’essor des systèmes de gestion de contenu, les auteurs et rédacteurs ont davantage tendance à reprendre des « passages » – pouvant aller du paragraphe entier au simple morceau de phrase – d’anciens textes, créant ainsi une nouvelle mouture sur la base d’un contenu existant. À l’analyse, ces textes apparaissent comme nouveaux, alors que leur contenu existe déjà d’une façon ou d’une autre. En effet, les répétitions n’apparaissent ainsi pas au niveau du segment, mais du sous-segment. 2.4 La traduction rédactionnelle ou littéraire La traduction rédactionnelle ou littéraire ne représente a priori pas un type de traduction adapté à la TAO. Elle ne présente en effet quasiment jamais de répétitions et attribue une moindre importance à la terminologie. De plus, le traducteur se retrouve rapidement limité par la contrainte de la segmentation au niveau de la phrase, proposée par la majorité des systèmes du marché. Il perd son recul sur le paragraphe ou le texte et c’est, selon lui, la liberté et la fluidité rédactionnelles qui en pâtissent. TOUS LES OUTILS DE TAO SONT-ILS VRAIMENT ADAPTÉS À TOUS LES TYPES DE TRADUCTION ? 3 Analyse comparative : SDL Trados Studio et MultiTrans Sur la base de cette typologie, nous avons comparé les fonctionnalités et l’adaptabilité de deux outils de TAO reposant sur des types de mémoires différents, afin de les confronter aux problématiques précitées. Les mémoires de traduction classiques, telles que la suite SDL Trados, conviendront en priorité aux textes techniques. Leur principe de segmentation et le système de correspondances parfaites en contexte suffisent à garantir la cohérence du texte, mais également la productivité de la traduction. Dans le cas de textes contenant de nombreuses répétitions internes, la fonction de propagation automatique permet au traducteur de gagner un temps précieux. En outre, la possibilité d’ajouter des métadonnées aux mémoires de traduction, permet de bénéficier d’informations contextuelles supplémentaires, bien utiles au travail du traducteur. Si les mémoires de traduction « corpus based » peuvent également répondre aux besoins propres à ce type de traduction, elles trouvent davantage leur intérêt dans la traduction de textes juridiques ou marketing, voire littéraires. Cet intérêt se retrouve en premier lieu à travers les éléments récupérés. La suite MultiTrans, par exemple, propose tout d’abord une récupération au niveau du paragraphe, ce qui présente un avantage certain dans le cas de textes juridiques ou marketing. Outre les récupérations de correspondances parfaites et partielles, elle permet ensuite de récupérer les sous-expressions qui sont dès lors proposées dans un environnement plein texte. C’est la qualité du contexte et des informations contextuelles qui vient faciliter la tâche des traducteurs techniques, mais également juridiques et marketing. De par le principe premier de création de la mémoire (reposant sur le document), chacune des occurrences récupérées s’accompagne non seulement du nom de la mémoire, mais également du nom du document, ce qui présente un avantage certain pour la fiabilité du processus et garantit au traducteur l’utilisation de l’occurrence la plus appropriée. Enfin, pendant le processus de traduction, un outil tel que MultiTrans ne restreint pas la segmentation à la seule phrase, mais propose une segmentation par paragraphe ou par bloc de phrases. Ainsi, la traduction peut être réalisée par bloc, ce qui vient faciliter la rédaction et améliorer la fluidité du texte. Le traducteur marketing – et même le traducteur littéraire – peuvent, par exemple, bénéficier des avantages de la présentation d’un éditeur XLIFF en deux colonnes, tout en ayant la flexibilité de remanier librement leur paragraphe.