recommandations bichat* sur la prise en charge clinique des

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RECOMMANDATIONS BICHAT* SUR LA PRISE EN CHARGE CLINIQUE DES PATIENTS
PRÉSENTANT DES FIÈVRES HÉMORRAGIQUES VIRALES LIÉES OU NON A UN ACTE DE
BIOTERRORISME
P Bossi, A Tegnell, A Baka, F Van Loock, J Hendriks, A Werner, H Maidhof, G Gouvras
Task-force sur les menaces biologiques et chimiques, direction de la santé publique, Commission européenne, Luxembourg
Correspondance: P. Bossi, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France; courrier électronique: philippe.bossi@psl.ap-hop-paris.fr
Les virus des fièvres hémorragiques (VFH) appartiennent à
un groupe diversifié de virus responsables d'une maladie
clinique associée à de la fièvre et des troubles
hémorragiques. Les VFH pouvant être utilisés comme
armes biologiques sont les virus Ebola et Marburg
(Filoviridae), les arénavirus de la fièvre de Lassa et du
Nouveau Monde (Machupo, Junin, Guanarito et Sabia)
(Arenaviridae), les virus de la vallée du Rift (Bunyaviridae)
et de la fièvre jaune, de la fièvre hémorragique d’Omsk, et
de la forêt de Kyasanur (Flaviviridae). Les virus de la
dengue et de Crimée-Congo et les hantavirus ne semblent
pas pouvoir être utilisés comme armes biologiques. Le virus
de la dengue est le seul parmi ces derniers qui puisse être
transmis par aérosol. L’utilisation du virus de la fièvre
hémorragique de Crimée-Congo et des fièvres
hémorragiques avec syndrome rénal comme arme paraît
difficile. La ribavirine, qui est recommandée pour le
traitement et la prophylaxie des arénavirus et des
bunyavirus, est moins efficace sur les autres familles. Tous
les patients doivent être isolés et recevoir une thérapie de
soutien intensive.
Euro Surveill 2004; 9 (12)
http://www.eurosurveillance.org/em/v09n12/0912-235.asp
Introduction
Les virus des fièvres hémorragiques (VFH) appartiennent à un
groupe diversifié de virus responsables d'une maladie clinique
associée à de la fièvre et des troubles hémorragiques; ils sont
généralement qualifiés de fièvre hémorragique virale (FHV).
Les nombreux virus associés à cette maladie appartiennent à
l’une des quatre familles suivantes: Filoviridae, Arenaviridae,
Bunyaviridae et Flaviviridae [1].
L’incidence des FHV est fortement corrélée à la distribution
géographique des virus (certaines régions d’Afrique, d’Asie, du
Moyen-Orient et d’Amérique du Sud), à divers systèmes
biologiques complexes et à des facteurs climatiques. La plupart
de ces virus ont des cycles de vie zoonotique indépendants des
humains (sauf, en partie, en ce qui concerne la fièvre de la
dengue et la fièvre jaune). La transmission à l’homme peut
s’effectuer soit par piqûre ou morsure d’arthropodes
hématophages de types moustiques ou tiques, soit par contact
avec des sécrétions biologiques d'animaux infectés. Les
réservoirs naturels et les vecteurs des virus Ebola et Marburg
sont encore inconnus à ce jour (TABLEAU I). À l'exception de la
fièvre de la vallée du Rift et des flavivirus, la transmission
interhumaine des VFH est possible à la suite de contacts
rapprochés. Il s'agit toutefois d'un mode de transmission
inhabituel. La transmission aérienne est possible. Des cas de
transmission sexuelle de filovirus et de certains arénavirus à
partir de patients convalescents ont également été signalés. Des
cas de transmission nosocomiale des virus Machupo, de la fièvre
hémorragique de Crimée-Congo, Ebola et Marburg ont
également été rapportés.
VFH et bioterrorisme
La plupart des virus peuvent être transmis à l’homme par
aérosolisation, bien que ce mode de contamination soit peu
fréquent dans le cadre d'une épidémie classique [2-6]. Toutefois,
des cas de contamination par voie aérienne ont été rapportés
chez des techniciens de laboratoire pour tous les VFH, y
compris la fièvre de la vallée du Rift et les Flaviviridae. Les
VFH peuvent être utilisées comme armes aérosols [7-9].
La plupart de ces virus ont été étudiés et développés comme
armes biologiques aux États-Unis et dans l’ex-Union Soviétique
[7]. Le virus de la fièvre jaune a été transformé en arme par la
Corée du Nord [7]. La secte japonaise Aum Shinrikyo a essayé
en vain de se procurer le virus Ebola [7]. La plupart des virus
sont transmissibles par aérosol et des armes biologiques ont été
utilisées avec succès pour contaminer des primates non humains
par aérosolisation. Par ailleurs, les VFH sont associés à une forte
morbidité, voire, dans certains cas, à une mortalité élevée. Enfin,
il n’existe pas de traitement ou vaccin spécifique pour ces virus.
Tous ces éléments mettent en évidence que ces virus pourraient
être utilisés à des fins guerrières [7-9].
Les VFH susceptibles de constituer une menace biologique sont
les virus Ebola et Marburg (Filoviridae), le virus de la fièvre de
Lassa et les arénavirus du Nouveau Monde (Machupo, Junin,
Guanarito et Sabia) (Arenaviridae), le virus de la fièvre
hémorragique de la vallée du Rift (Bunyaviridae) et le virus de
la fièvre jaune, les virus de la fièvre hémorragique d’Omsk et de
la forêt de Kyasanur (Flaviviridae) (TABLEAU 1). La plupart de
ces virus ont transformés en armes biologiques [7]. Cependant,
les connaissances, en termes de guerre biologique, concernant
les virus de la dengue, de la fièvre hémorragique de Crimée-
Congo et les hantavirus ne sont pas suffisantes pour les
considérer comme des menaces biologiques importantes [1]. Le
virus de la dengue est le seul qui ne puisse pas être transmis par
aérosolisation; de plus, il est normalement peu pathogène même
si des complications hémorragiques peuvent survenir en cas de
2 Eurosurveillance – 2004 Vol 9 issue 12 – http://www.eurosurveillance.org
réinfection par différents sous-types. Les agents de la fièvre
hémorragique de Crimée-Congo et des fièvres hémorragiques
avec syndrome rénal paraissent également difficiles à
transformer en armes [7].
La détection d’une épidémie de FHV dans un pays d'Europe
devrait faire suspecter une dissémination intentionnelle.
Caractéristiques virologiques
Tous les VFH sont de petits virus à ARN entourés
d'enveloppes lipidiques. Les flavivirus sont des virus simple
brin avec une polarité positive, alors que les autres ont une
polarité négative. L’ARN des arénavirus et des bunyavirus
est quant à lui segmenté.
Signes cliniques
La plupart des VFH provoquent un syndrome similaire. La
durée d’incubation varie de 1 à 21 jours (TABLEAU 2). Selon le
type de virus, il peut exister des atteintes respiratoires,
d’importants troubles hémorragiques ou des insuffisances
rénales. Un état de choc peut s’observer. Tous les VFH peuvent
être responsables de troubles microvasculaires et d’un
syndrome de fuite capillaire [10]. Tous les degrés de gravité
peuvent s’observer, depuis la maladie relativement bénigne
jusqu’à la mort. La plupart des patients contaminés par ces
virus connaissent un état fébrile non spécifique, sans atteinte
prédominante d'un système organique unique [11].
Filovirus (Ebola et Marburg)
Les virus Ebola et Marburg sont originaires d'Afrique sub-
saharienne. Il s’agit probablement de zoonoses bien qu’aucun
réservoir animal n’ait été retrouvé.
Le virus Ebola a été découvert en 1976 au Zaïre (devenu la
République démocratique du Congo) près d’une rivière dont il
porte le nom. Quatre souches d’Ebola au moins ont é
observées; trois d’entre elles sont responsables de pathologies
humaines. Les épidémies naturelles survenues en Afrique ont
pu être aggravées par une contamination secondaire dans les
hôpitaux due à la réutilisation de seringues non stériles et au
non-respect de mesures d’hygiène appropriées. À ce jour, une
série d'épidémies humaines liées au virus Ebola ont été décrites
en Afrique (trois au Soudan en 1976, 1979 et 2004, deux en
République démocratique du Congo ou ex-Zaïre en 1976 et
1995, une en Ouganda en 2000-2001 et une au Congo et au
Gabon en 2002-2003) [12]. Il a pu être établi que la plupart des
1 200 personnes contaminées en Afrique, dont près de 900 sont
décédées, avaient eu des contacts directs intimes avec des
patients infectées.
Le virus Marburg porte le nom de la ville allemande où il a été
découvert en 1967 dans un laboratoire [13]. L’origine de cette
première épidémie a été l’importation de singes verts
d’Ouganda. Sur les 31 personnes infectées, 7 sont décédées
[13]. La plupart des infections dues au virus Marburg ont été
rapportées chez des techniciens de laboratoire allemands ou
yougoslaves travaillant avec des singes infectés venus
d’Afrique [13]. Ts peu de cas ont été décrits dans l’est et le
sud de l’Afrique [11].
Au total, vingt-trois épidémies liées aux virus Ebola ou
Marburg et responsables de fièvres hémorragiques virales chez
l'homme ont été signalées depuis le premier cas de
contamination constaté à Marburg [13].
Après une première contamination humaine, les virus Ebola et
Marburg peuvent se transmettre par des contacts rapprochés, à
partir du sang ou des sécrétions de patients infectés. Lors de la
dernière épidémie en Ouganda en 2000, 64% des membres du
personnel de santé ont été infectés après la mise en place d'un
service de contagieux [12]. Il est improbable que la
transmission aérosolisée joue un rôle important dans la
transmission interpersonnelle de ces virus.
Les virus Ebola et Marburg sont à l'origine de maladies
similaires chez l'homme. Il apparaît impossible de les
différencier cliniquement ou biologiquement.
Après une incubation moyenne de 6 jours (de 2 à 21 jours pour
l’Ebola et de 3 à 10 jours pour le Marburg), les personnes
infectées peuvent présenter brutalement des symptômes non
spécifiques tels qu'une fièvre élevée, des frissons, une asthénie,
des céphalées, des myalgies, une anorexie, une conjonctivite,
des douleurs abdominales, des nausées, une diarrhée, des
vomissements, une pharyngite, des douleurs thoraciques et un
érythème maculeux [12, 14]. Les manifestations hémorragiques
surviennent habituellement après trois jours de fièvre (pétéchies,
ecchymoses, hémorragies conjonctivales, gingivorragies,
hémorragies aux points de ponction, hémorragies du tractus
gastro-intestinal avec méléna, saignements vaginaux,
hématémèses et autres saignements intériorisés) [15]. Les
hémorragies peuvent survenir chez 20% des patients et
concernent premièrement le tractus gastro-intestinal. Les
patients peuvent succomber à une défaillance organique et au
choc. Le risque de transmission interhumaine est le plus grand
lors de la dernière phase de la maladie. Il n’a pas été rapporté de
cas de transmission interhumaine de VFH survenant lors de la
période d’incubation [14]. Les virus Ebola et Marburg ont été
retrouvés dans le liquide séminal de patients en phase de
convalescence. Le taux de mortalité de l’Ebola est de 72% pour
les cas d'infection naturelle; il est de 23% pour le Marburg [16].
Les patients suspectés d’être infectés doivent être isolés.
L’équipe médicale doit s’attacher à limiter la possibilité de
transmission interhumaine en adoptant de bonnes techniques de
soins et en utilisant des moyens de protection adaptés (blouses,
gants, masques…).
Arénavirus (virus de la fièvre de Lassa et arénavirus du
Nouveau Monde)
Six des vingt arénavirus connus sont pathogènes pour l’homme;
cinq peuvent être responsables de fièvres hémorragiques graves
(virus Junin, Guanarito, Machupo, Sabia et virus de Lassa). Le
sixième est responsable de manifestations neurologiques (virus
de la chorioméningite lymphocytaire) [17].
La fièvre de Lassa est le plus souvent observée dans les régions
d’Afrique de l’Ouest où elle est endémique. Le virus de Lassa y
est responsable de 100 000 à 300 000 cas d’infection par an et
d'environ 5 000 décès.
Les arénavirus du Nouveau Monde sont responsables de fièvres
hémorragiques; la plupart d'entre eux sont présents en Amérique
du Sud, principalement dans une région agricole restreinte de la
Pampa en Argentine (virus Junin), dans des endroits reculés de
la savane de la province de Beni en Bolivie (virus Machupo),
dans les zones de savanes herbacées et broussailleuses au
Venezuela (virus Guanarito) et au Brésil (virus Sabia) [17].
Chaque virus est associé à une espèce de rongeurs ou à plusieurs
espèces étroitement apparentées. Ces rongeurs sont infectés de
façon chronique, mais ne développent aucune maladie.
La transmission à l’homme s’effectue d'ordinaire par exposition
à des excrétas séchés aérolisés, souvent de l'urine, de rongeurs
infectés, par absorption de poussière contaminée, par ingestion
d’aliments contaminés ou par contact en cas d'abrasion de la
peau ou d'écorchure [18]. Les fièvres hémorragiques ont
occasionnellement été transmises par contamination
interhumaine, que ce soit de façon nosocomiale ou par contact
intime. Dans ces derniers cas, on pense que la transmission par
contact direct avec des fluides corporels infectés est plus
importante que par inhalation [18].
Eurosurveillance – 2004 Vol 9 issue 12 – http://www.eurosurveillance.org 3
Après une période d’incubation moyenne de 10 à 14 jours
(extrême de 5 à 18 jours), la plupart des patients restent
asymptomatiques ou ne développent qu’un syndrome pseudo-
grippal.
Habituellement, le début de la maladie est insidieux et se
manifeste par de la fièvre et une altération de l’état général
durant 2 à 4 jours. Dans les cas plus graves, d’autres signes
cliniques apparaissent rapidement: affaiblissement, douleurs
rétro-orbitaires, arthralgies, douleurs lombaires, myalgies,
céphalées, pharyngite, toux, hyperhémie conjonctivale [17, 18].
Dans les formes les plus graves, les patients peuvent souffrir
d'une prostration, de douleurs abdominales, d'un œdème de la
face et du cou, de signes hémorragiques (hémorragies
conjonctivales, saignements des muqueuses, mélénas,
rectorragies, hématuries, saignements vaginaux, hématémèses),
de signes encéphalitiques, d'un syndrome de fuite capillaire et
d'un état de choc. L’hépatite est fréquente et peut être
modérément sévère dans la fièvre de Lassa. Des atteintes
pulmonaires peuvent être observées sous forme de râles, de
frottement pleural et péricardique et de syndrome de détresse
respiratoire de l'adulte dans le cas de la fièvre de Lassa [14].
L’atteinte neurologique et le syndrome hémorragique sont plus
fréquemment observés avec les arénavirus du Nouveau Monde
qu'avec la fièvre de Lassa: les hémorragies gingivales sont
caractéristiques. Les symptômes neurologiques peuvent
englober le délire, la confusion, l'encéphalopathie, les
convulsions et le coma. L’hyperhémie conjonctivale,
l’énanthème pétéchial et/ou vésiculeux du palais, l’érythème
facial, les pétéchies cutanées, l’existence d’adénopathies
généralisées et l’hypotension orthostatique sont souvent
rencontrés dans les fièvres hémorragiques d’Amérique du Sud.
La lymphopénie, la leucopénie et la thrombopénie sont plus
fréquentes et plus profondes en cas d’infection par des
arénavirus du Nouveau Monde. L’élévation des transaminases
ne s'observe d'ordinaire que dans le cas de la fièvre de Lassa.
Les saignements, annoncés par une fièvre élevée persistante,
peuvent débuter après cinq jours de maladie et sont suivis par
une déshydratation, une hémoconcentration, un état de choc,
des hémorragies massives et un collapsus cardiovasculaire. La
mortalité des patients hospitalisés pour une fièvre de Lassa est
de 15 à 20%, bien que la mortalité globale soit estimée à 1 à
2%. Les femmes enceintes présentent le taux de mortalité le
plus élevé (16%) et la mort fœtale est fréquente [19]. Les
séquelles neurosensorielles durables d'une infection par le virus
de Lassa peuvent comprendre la surdité neurosensorielle. Les
virus Junin et Machupo présentent des taux de mortalité plus
élevés qui sont compris entre 10 et 16% [20].
Bunyaviridae (virus de la vallée du Rift et de la fièvre
hémorragique de Crimée-Congo)
La fièvre de la vallée du Rift est le plus souvent observée dans
les régions de l’est et du sud de l’Afrique, mais le virus est
également présent dans la plupart des pays d’Afrique
subsaharienne et à Madagascar. Il s'agit d'une zoonose qui
atteint essentiellement les animaux domestiques (bovins,
buffles, moutons, chèvres, chameaux) et occasionnellement les
hommes [8]. Les bunyavirus sont transmis par piqûres de
moustiques, habituellement du genre Aedes. Toutefois,
beaucoup d’autres espèces de moustiques peuvent transmettre
l’infection. Les humains peuvent également être contaminés
par contact direct avec le sang ou les sécrétions biologiques
d’un animal infecté. Des cas de contamination après inhalation
ont également été rapportés dans des laboratoires où étaient
manipulés des cultures virales ou des échantillons biologiques
contenant le virus.
La période d’incubation varie de deux à six jours. Le premier
signe clinique de la maladie est une fièvre biphasique. Le
premier accès fébrile persiste environ quatre jours. Après un ou
deux jours de répit, la fièvre réapparaît et persiste durant deux à
quatre jours. Habituellement l’atteinte est peu sévère et associe à
la fièvre des perturbations du bilan hépatique. Dans les cas
sévères, des hémorragies et des atteintes cérébrales et
rétiniennes peuvent survenir [21]. Moins de 1% des patients
développent dans les deux à quatre jours après le début de la
maladie un syndrome hémorragique. Les caractéristiques
cliniques sont identiques à celles des autres FHV (épistaxis,
hématémèse, méléna et saignement gastro-intestinal). La
guérison survient habituellement entre deux jours et une
semaine. Les rétinites et les méningo-encéphalites surviennent
habituellement entre la première et la troisième semaine après le
début de la maladie. Dans 1 à 10% des cas, il existe une atteinte
de la macula avec baisse de l’acuité visuelle. La mortalité des
patients infectés par le virus de la vallée du Rift est de l’ordre de
1% et touche essentiellement les patients qui ont des
manifestations hémorragiques [21].
La fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) est
endémique en Afrique, en Europe et en Asie. En 2001 plusieurs
épidémies ont été rapportées au Kosovo, en Albanie, en Iran, au
Pakistan et en Afrique du Sud. C’est une maladie transmise par
les tiques. Elle est associée à une mortalité élevée chez
l’homme. Des cas d’infection nosocomiale ont été rapportés
chez des techniciens de laboratoire. Le virus de la FHCC peut
infecter de nombreuses espèces d’animaux domestiques et
sauvages.
L’infection est transmise à l’homme par contact direct avec le
sang ou les tissus infectés de bétail ou après une morsure de
tique. La durée d’incubation est de un à trois jours (maximum 9
jours). La survenue des symptômes est brutale avec de la fièvre,
des myalgies, des vertiges, des cervicalgies et une raideur de
nuque, des douleurs dorso-lombaires, des céphalées, des
douleurs orbitaires et une photophobie, des nausées, des
vomissements, une diarrhée et des douleurs abdominales. Après
quelques jours, le patient peut présenter des troubles de
l’humeur, puis devenir confus et agressif. En deux à quatre
jours, l'insomnie, un état dépressif et de la lassitude remplacent
l’agitation. Les douleurs abdominales peuvent se localiser au
niveau de l’hypocondre droit et une hépatomégalie peut être
palpée. On note aussi l’apparition d’une tachycardie,
d’adénopathies périphériques, de pétéchies ou d’ecchymoses de
la peau et des muqueuses. Les signes hémorragiques incluent
des mélénas, des hématuries, des épistaxis et des gingivorragies.
Une hépatite est habituellement présente. Un syndrome de
défaillance multi-organique, avec insuffisance hépato-rénale et
pulmonaire, peut se développer à partir du cinquième jour. Le
taux de mortalité est proche de 30%.
Le traitement est symptomatique. La ribavirine peut être
efficace. Le traitement au plasma immun de patients guéris ne
s'est pas révélé efficace.
Flaviviridae (virus de la fièvre jaune, de la fièvre
hémorragique d’Omsk et de la maladie de la forêt de
Kyasanur)
La fièvre jaune est transmise par les moustiques. Un grand
nombre de ses symptômes sont communs à ceux d'autres fièvres
hémorragiques virales. Cependant, l’atteinte hépatique sére
est caractéristique. Après une incubation de 3 à 6 jours,
surviennent brutalement de la fièvre, des céphalées, une
altération de l’état général, un affaiblissement, des douleurs
lombo-sacrées, une bradycardie, des nausées et des
vomissements. Cet état persiste 3 jours et est suivi par une
rémission de 24 heures. Il s’ensuit la phase d’intoxication avec
un ictère cutanéo-muqueux, une albuminurie, une oligurie, une
instabilité hémodynamique et des manifestations hémorragiques
4 Eurosurveillance – 2004 Vol 9 issue 12 – http://www.eurosurveillance.org
[8]. Le décès du patient peut survenir entre le septième et le
dixième jour. Le taux de mortalité des patients atteint d'une
fièvre jaune grave est de presque 50%.
La fièvre hémorragique d’Omsk et la maladie de la forêt de
Kyasanur sont transmises à l’homme par des morsures de
tiques. La transmission après inhalation est également possible.
La durée d’incubation de ces infections varie de 3 à 8 jours. La
maladie de la forêt de Kyasanur apparaît brutalement sous
forme de fièvre, de céphalées, d’intenses myalgies, de diarrhée,
de vomissements, de prostration, de suffusion conjonctivale, de
photophobie, d'adénopathies axillaires et cervicales, et plus
rarement de splénomégalie ou d'hépato-splénomégalie. Des
lésions papulo-vésiculeuses du palais sont souvent observées.
Les atteintes pulmonaires sont également fréquentes au début
de la maladie. La seconde partie de la maladie est marquée par
l’apparition d’atteintes neurologiques. Les manifestations
hémorragiques sont les mêmes que celles observées lors de
toute fièvre hémorragique. La mortalité est de 5 à 10%. Les
manifestations cliniques de la fièvre d’Omsk sont identiques
[8].
Diagnostic
Les définitions des cas figurent dans le tableau 3.
Les FHV doivent être suspectées chez tout patient présentant
une altération majeure de l’état général et des atteintes
vasculaires qui a traversé une zone d’endémie et en cas de
menace d’attaque bioterroriste [9]. A l’exception de la fièvre de
Lassa, la thrombopénie est habituelle, mais le plus souvent
insuffisante pour entraîner à elle seule des troubles
hémorragiques. La leucopénie est caractéristique de la plupart
des FHV (sauf de certains cas de fièvre de Lassa où une
leucocytose peut être observée). La protéinurie est également
fréquente ainsi que l’élévation des enzymes hépatiques.
L’ictère est typique de la fièvre jaune et de la fièvre de la vallée
du Rift [7]. De nombreuses FHV s'accompagnent
occasionnellement d'une coagulation intravasculaire
disséminée, mais ce symptôme n'est pas considéré comme une
manifestation caractéristique de l'une d'elles.
Les méthodes de diagnostic comprennent l'isolation virale ainsi
que la détection d'anticorps, y compris les IgM, au moyen du
test d'immuno-absorption enzymatique (ELISA). La capture
des antigènes peut être utilisée pour la détection des antigènes
viraux. La RT-PCR est communément utilisée pour la détection
du génome des virus dans les sécrétions et les tissus (TABLEAU
3). La manipulation des échantillons et cultures de virus doit
impérativement se faire dans un laboratoire de niveau de
confinement 4 [7].
Traitement
La ribavirine est recommandée pour le traitement et la
prophylaxie des infections par les arénavirus et bunyavirus [11,
22, 23] (TABLEAU 4). Il convient de noter que les hommes et les
femmes ayant pris de la ribavirine à titre prophylactique
devraient éviter de procréer dans les six mois qui suivent sa
prise en raison de ses effets tératogènes. Cet antiviral n’est pas
efficace pour les autres familles de virus. Il est par contre
efficace contre le virus de l’hépatite C, le virus syncitial
respiratoire, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, les
hantavirus et les arénavirus. La ribavirine est tératogène chez
les animaux de laboratoire [11]. Son utilisation peut donc être
contre-indiquée chez la femme enceinte; néanmoins, compte
tenu de la gravité de la maladie, elle ne doit pas forcément être
exclue. La ribavirine s'est révélée efficace au premier stade de
l’infection par les arénavirus, notamment le virus de Lassa. Elle
doit être administrée par voie intraveineuse dans les six jours
qui suivent le début de la maladie de la manière suivante:
30 mg/kg de dose de charge suivis de 15 mg/kg quatre fois par
jour pendant quatre jours et ensuite de 8 mg/kg trois fois par
jour pendant six jours (TABLEAU 3). L’administration de plasma
de sujets immuns dans les huit jours suivant le début de la
maladie a permis de traiter des patients atteints par le virus
Junin. Enfin, l’Interferon-Alpha (IFN- ) a montré son efficacité
dans la prévention des infections chez l’animal, principalement
contre le virus de la vallée du Rift. Cette efficacité préventive
est limitée à une période très courte suivant le début de
l’infection. Des traitements combinant l’IFN et la ribavirine
paraissent apporter une meilleure protection. Néanmoins, les
données concernant l’homme sont encore insuffisantes [22]
Quand un patient présente des symptômes évocateurs de FHV,
mais que l'agent étiologique n'a pas encore été déterminé, le
médecin devrait envisager de lui administrer un traitement à la
ribavirine dans l'attente de la confirmation du diagnostic. Dans
tous les cas, le patient doit être isolé et recevoir une thérapie de
soutien intensive.
Actuellement, il n’existe pas de vaccin autorisé pour les FHV,
sauf pour la fièvre jaune. Un certain nombre de candidats
vaccins sont toutefois en cours d’essai clinique (TABLEAU 5) [23,
24]. Un vaccin expérimental contre le virus Junin est disponible
sous licence d'étude des nouveaux médicaments (Investigational
New Drug licence), mais la FDA n'a pas approuvé son
utilisation généralisée. Ce vaccin s'est également révélé efficace
contre le virus Machupo chez les animaux de laboratoire. Un
vaccin inactivé à usage humain a été développé contre le virus
de la vallée du Rift, mais n’est pas encore autorisé ni
commercialisé.
La prophylaxie au moyen de la ribavirine doit être envisagée
chez les sujets contacts à haut risque de patients atteints des
virus de Lassa, Junin et Machupo. Dosage: 500 mg po x 4/j
pendant sept jours. Les sujets contacts à haut risque sont les
personnes ayant eu des contacts muqueux (lors de rapports
sexuels ou de baisers) avec des sujets infectés, les personnes en
contact direct avec le sang ou les sécrétions corporelles d’un
malade, ou le personnel exposé lors de la manipulation de telles
sécrétions dans les laboratoires.
Conclusions
Même si l'on manque encore de données, la plupart des VFH
(Ebola, Marburg, fièvre de Lassa, arénavirus du Nouveau
Monde, fièvre de la vallée du Rift, fièvre jaune, fièvre
hémorragique d'Omsk et maladie de la forêt de Kyasanur)
doivent être considérés comme des armes biologiques
potentielles dangereuses. La plupart de ces virus ont été étudiés
et développés comme armes biologiques dans de nombreux
pays. L'aérosolisation de ces virus peut être associée à une
morbidité et une mortalité significatives de la population
exposée: la transmission interhumaine peut amplifier les
épidémies. En outre, il n'existe ni traitement spécifique ni vaccin
pour la plupart d'entre eux.
Références
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25. cision de la Commission du 19 mars 2002 établissant des
définitions de cas pour la déclaration des maladies
transmissibles au réseau communautaire en application de la
décision n° 2119/98/CE du Parlement européen et du Conseil.
Journal Officiel des Communautés européennes. JO L 86 du
3.4.2002, p. 44
26. Décision de la Commission du 17 juillet 2003 modifiant la
décision no 2119/98/CE du Parlement européen et du Conseil et
la décision 2000/96/CE en ce qui concerne les maladies
transmissibles énumérées dans ces décisions et modifiant la
décision 2002/253/CE en ce qui concerne les définitions de cas
pour les maladies transmissibles. Journal Officiel de l'Union
européenne. JO L 184 du 23.7.2003, p. 35.
* BICHAT, la task-force sur les menaces biologiques et chimiques
de la Commission européenne, a élaboré cette série de
recommandations, qui peuvent servir de base aux orientations
établies par les autorités nationales et peuvent également être
utilisées directement par les cliniciens, les médecins généralistes et
les spécialistes lorsqu'ils ont affaire à des patients infectés par des
agents susceptibles de provenir d’une dissémination intentionnelle
d'agents biologiques. Réf.: Bossi P, Van Loock F, Tegnell A,
Gouvras G. Les recommandations BICHAT sur la prise en charge
clinique lors d'un acte de bioterrorisme. Euro Surveill. 2004; 9(12)
http://www.eurosurveillance.org/em/v09n12/0912-230.asp
Note de l’éditeur: les recommandations cliniques présentées ici
ont été examinées par la task-force et par deux experts désignés
par chaque État membre de l'Union européenne. Cet examen s'est
achevé fin février 2003. Les recommandations révisées ont été
soumises au comité de sécurité sanitaire, qui les a approuvées en
avril 2003 et a accepté leur publication dans une revue de grande
diffusion afin de toucher le plus vaste public possible. Le contenu
des présentes recommandations a été amélioré lors du processus
éditorial d'Eurosurveillance.
1 / 8 100%

recommandations bichat* sur la prise en charge clinique des

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