LE CULTE DE DIEU ET LA RELIGION 5
dire à saint Jacques, I " La religion et la piété pure et sans tache aux yeux de Dieu consiste à visiter
les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, etc." Ceci démontre donc que le mot religion a une
double acception:
1° Une, d’après la signification première de son nom, en tant que quelqu’un se lie à Dieu par la foi
au culte qui lui est dû; et c’est ainsi que chaque chrétien devient, dans le baptême, participant de la
religion chrétienne, renonçant à Satan et à toutes ses pompes. La seconde, en tant que quelqu’un
s’oblige à certaines oeuvres de charité, au moyen desquelles il sert Dieu spécialement, renonçant
aux affaires séculières; et c’est dans ce sens que nous employons le mot religion. Mais la charité
rend à Dieu le service qui lui est dû, ou par les actes de la vie active, ou par ceux de la vie
contemplative. Elle le sert par les actes de la vie active de diverses manières, suivant les divers
devoirs de charité que l’on rend au prochain. C’est ce qui fait qu'il y a certaines religions qui ont
pour but de servir Dieu par la contemplation, telles que la religion monastique et la religion
érémitique; d’autres, au contraire, ont pour objet de servir Dieu activement dans ses membres; telles
sont les religions de ceux qui se consacrent à Dieu pour soigner les malades, racheter les captifs, et
pour accomplir les autres oeuvres de miséricorde. Il n’y a pas d’oeuvre de miséricorde pour laquelle
on ne puisse établir une religion, si jusque-là il n’y en a pas d’établie.
Mais comme l’homme, dans le baptême, est lié à Dieu par la religion de la foi et qu’il meurt au
péché, de même, par le voeu de religion, il meurt non seulement au péché, mais même au siècle,
afin de vivre pour Dieu seul, en accomplissant l’oeuvre de foi par laquelle il a fait voeu de servir
Dieu, parce que comme le péché prive de la vie de l’âme, de même les occupations du siècle sont
un obstacle au service de Jésus-Christ, comme le dit l’Apôtre, II Timothée II: "Celui qui est enrôlé
dans le service de Dieu, ne s’embarrasse pas dans les affaires du siècle;" ce qui fait que par le voeu
de religion on renonce aux choses qui ont coutume d’occuper surtout l’esprit et d’empêcher le
service de Dieu. La principale est la première de ces choses, c’est le mariage. L’Apôtre dit, I aux
Corinthiens VII: "Je veux que vous soyez sans sollicitude. Celui qui n’est pas marié ne s’inquiète
que des choses de Dieu, et comment il lui plaira. Mais celui qui est marié, s’occupe des choses du
monde, comment il plaira à son épouse, et il est divisé." La seconde, c’est la possession des
richesses de la terre. Saint Matthieu dit, X: "La sollicitude de ce siècle, et tout ce que les richesses
ont de trompeur, étouffent la parole et la rendent infructueuse." C’est pourquoi le commentaire des
paroles suivantes de saint Luc VIII,"mais ce qui est tombé dans les épines, etc." dit: "Les richesses,
tout en paraissant réjouir, sont cependant des épines pour ceux qui les possèdent, elles transpercent
le coeur de ceux qui les recherchent avec empressement et qui les conservent avec sollicitude, par
les aiguillons des soucis."
La troisième, c’est sa propre volonté, parce que celui-là est l’arbitre de sa propre volonté qui a la
sollicitude du gouvernement de sa propre vie, et c’est pour cela qu’il nous est conseillé de nous en
remettre à la divine providence, relativement à notre état. Il est écrit, I Pierre, V: "Jetant dans son
sein toutes vos inquiétudes, parce qu’il prend soin de vous;" et dans le livre des Proverbes, III:
"Mettez de tout votre coeur votre confiance en Dieu, et ne vous appuyez pas sur votre providence."
Il résulte de là que la religion parfaite est consacrée par trois voeux, qui sont le voeu de chasteté, qui
fait que l’on renonce au mariage, celui de pauvreté par lequel on renonce aux richesses, et celui
d’obéissance par lequel on renonce à sa propre volonté. L’homme, par ces trois voeux, fait à Dieu le
sacrifice de tous ses biens: par le voeu de chasteté, il offre à Dieu en sacrifice son propre corps,
c’est le sacrifice dont parle l’Apôtre, Romains XII, lorsqu’il dit: "Offrez à Dieu votre corps comme
une hostie vivante." Par le voeu de pauvreté, il fait à Dieu l’oblation des biens extérieurs. L’Apôtre
parle de ce sacrifice, Romains XV, lorsqu’il dit: "Et que les saints de Jérusalem reçoivent
favorablement le service que je vais leur rendre." Par le voeu d’obéissance, il fait à Dieu le sacrifice
de son esprit qu’il lui offre. C’est de ce sacrifice dont il est parlé, Psaume L: "Un esprit brisé de
douleur est un sacrifice digne de Dieu."
Ce n’est pas seulement un sacrifice que l’on offre à Dieu par ces trois voeux, c’est un holocauste; ce
qui sous l’ancienne loi était ce qu’il y avait de plus agréable à Dieu. Saint Grégoire dit à cette
occasion, dans la huitième homélie sur l’Exode, part. II: "Lorsque quelqu’un voue à Dieu quelque