Théorie de Hodge, Frobenius et relèvements
Yashonidhi Pandey
23 juin 2005
1 Introduction
On a cherché à donner, pour des énoncés connus de la théorie de Hodge ayant des formulations
purement algébriques comme
1. Dégénérescence de la suite spectrale de Hodge en E1
2. Théorème d’annulation de Kodaira-Akizuki-Nakano,
des démonstrations purement algébriques. Ces théorèmes formulés sur un corps kde caractéris-
tique nulle se démontrent par réduction au cas où kest de caractéristique positive. En effet, ils
existent des analogues de ces théorèmes en charactéristique positive. En général, il peut arriver
que la dégénérescence soit en défaut en caractéristique positive, mais, moyennant certaines hypo-
thèses supplémentaires sur le schéma telles que la majoration de la dimension, la relevabilité, on
démontre les analogues de ces théorèmes en caractéristique positive qui suffisent pour le passage
à la caractéristique nulle. Ce passage est une téchnique bien connue expliquée dans [EGA IV §8].
La clef de voûte en caractéristique positive est un théorème de décomposition (4), démontré par
Deligne et Illusie, utilisant les propriétés classiques du calcul différentiel en caratéristique positive
comme l’endomorphisme de Frobenius et l’isomorphisme de Cartier.
Le deuxième but de ces notes est de faire un survol des résultats dans ce sujet depuis la parution
de [2]. Il y a quatre propriétés intéressantes en caractéristique positive :
1. La relevabilité des schémas, des morphismes de Frobenius
2. le DR-décomposabilité
3. l’ordinarité
4. la parallélisabilité
On explique les liens entre les trois dernières propriétés.
2 Rappels sur la théorie de Hodge
On commence par présenter les résultats qui ont guidé la recherche dans ce sujet.
Soit Xune variété analytique complexe. Par le lemme de Poincaré, le complexe de De Rham
·
Xdes formes holomorphes sur Xest une résolution du faisceau constant C. Alors l’augmentation
C·
Xdéfini un isomorphisme
Hn(X,C)Hn
DR(X) = Hn(X,·
X),(1)
où le membre de droite appelé cohomologie de De Rham de Xen degré nest le nième groupe
d’hypercohomologie de Xà valeurs dans ·
X. La cohomologie de De Rham de Xest l’aboutissement
de la première suite spectrale d’hypercohomologie
Epq
1=Hq(X,p
X)Hp+q
DR (X),(2)
dite suite spectrale de Hodge vers De Rham ou de Hodge-Frölicher. Supposons Xcompacte.
Par le théorème de finitude de Cartan-Serre, les Hq(X,p
X), et donc tous les termes de la suite
spectrale (2), sont des C-espaces vectoriels de dimension finie. Le n-ième nombre de Betti est
1
bn= dimHn
DR(X) = dimHn(X,C).(3)
Notons le nombre de Hodge
hpq = dimHq(X,p
X)(4)
On a donc, bnPp+q=nhpq . L’égalité pour tout na lieu si et seulement si (2) dégénère en E1.
Si on suppose que Xest kählérienne, alors par le théorème de dégénérescence de Hodge la suite
spectrale de Hodge de Xdégénère en E1.
Expliquons la formulation purement algébrique du théorème de dégénérescence de Hodge. Soit
Xun schéma propre et lisse sur Cet soit Xl’espace analytique associé. Le complexe de De Rham
de Xest le complexe de faisceaux analytiques associé au complexe de De Rham algébrique ·
Xde
Xsur C. Le morphisme canonique d’espaces annelés X Xinduit des homomorphismes sur les
cohomologies de Hodge et de De Rham
Hq(X, p
X)Hq(X,p
X)(5)
Hn
DR(X)Hn
DR(X).(6)
On dispose d’une suite spectrale de Hodge vers De Rham algébrique
Epq
1=Hq(X, p
X)Hp+q
DR (X)(7)
et d’un homomorphisme de (7) dans (2) induisant (5) et (6) sur les termes initiaux et l’aboutis-
sement respectivement. Par le théorème de comparaison de Serre[GAGA], (5) est un isomorphisme.
Il en est donc de même de (6). Par suite, la dégénérescence en E1de (2) équivaut à celle de (7). Si
l’on pose
hpq = dimHq(X, p
X), hn(X) = dimHn
DR(X)(8)
le théorème de dégénérescence de Hodge pour Xs’exprime par des relations purement algébriques
hn(X) = X
p+q=n
hpq(X).(9)
Dans la suite, on considérera le complexe de De Rham ·
X/k d’un kschéma Xlisse et propre,
kest un corps. On dispose encore de la suite spectrale de Hodge vers De Rham
Epq
1=Hq(X, p
X/k)Hp+q
DR (X/k),(10)
. formés de kespaces vectoriels de dimension finie par le théorème de finitude de Serre-Grothendieck
[EGA III 3] dans le cas général.
Les groupes Hn(X, i
X/k)s’appellent groupes de cohomologies de Hodge de Xsur k. Par la suite
spectrale (10), il en résulte que les groupes de cohomologie de De Rham Hn
DR(X/k)sont aussi de
dimension finie sur kcar pour chaque non a
X
i+j=n
dimkHj(X, i
X/k)dimkHn
DR(X/k)(11)
avec égalité pour tout nsi et seulement si la suite spectrale de Hodge vers De Rham de Xsur
kdégénère en E1. On a les deux résultats classiques suivantes dont Deligne-Illusie ont donné des
démonstration purement algébriques.
Théorème 1 (théorème de dégénérescence de Hodge) Soient Kun corps de caratéristique nulle,
et Xun Kschéma propre et lisse. Alors la suite spectrale de Hodge de Xsur K
Eij
1=Hj(X, i
X/K )H
DR(X/K)(12)
génère en E1.
Théorème 2 (théorème d’annulation de Kodaira-Akizuki-Nakano[KAN]). Soient Kun corps de
caractéristique nulle, Xun Kschéma projectif et lisse, purement de dimension d, et Lun faisceau
inversible ample sur X. Alors on a :
Hj(X, L i
X/K ) = 0 pour i +j > d
Hj(X, L1i
X/K ) = 0 pour i +j < d.
2
3 Frobenius et relèvements
Dans cette section, soit pun nombre premier.
1. On dit qu’un schéma Sest de caractéristique psi pOS= 0 i.e si le morphisme SSpec(Z)se
facorise à travers Spec(Fp). Si Sest un schéma de caractéristique p, on appelle endomorphimse
du Frobenius absolu de Sl’endomorphisme de Squi est l’identité sur l’espace sous-jacent et
l’élèvation à la puissance p-ième sur OS. On le note FS. Si u:XXest un morphisme de
Sschémas, avec Sde caractéristique p, on a un diagramme commutatif
XFX/S //
u
B
B
B
B
B
B
B
BX//
X
u
SFS//S
où le composé supérieur est FXet le carré est cartésien ; le morphisme FX/S est par définition
le morphisme de Frobenius relatif de X/S.
2. Soit ·
X/S le complexe de de Rham de X/S. Le complexe F·
X/S est un complexe de OX-
modules, à différentielle linéaire. Si Xest lisse sur S, les OX-modules i
X/S sont localement
libres de type fini (ainsi que les i
X/S ), et il est de même des OX-modules Fi
X/S , car F
est fini localement libre (de rang prsi Xest de dimension relative r).
Théorème 3 (Cartier) Soit f:XSun morphisme lisse, avec Sde caractéristique p. Il
existe un unique homomorphisme de OX-algèbres graduées
γ:i
X/S → ⊕HiF·
X/S (13)
vérifiant les deux conditions suivantes :
(a) pour i= 0,γest donné par l’homomorphisme F:OXFOX.
(b) pour i= 1, γ envoie d(x1) = sur la classe de xp1dx dans H1F·
X/Y pour toute
section locale xde OX. Si fest lisse, γest un isomorphisme.
Quand fest lisse, γs’appelle l’isomorphisme de Cartier, et se note C1.
4 Le théorème de décomposition
Soit kun corps parfait de caractéristique positive p. Le résultat principal en caractéristique
positive est le théorème suivant
On dit que un complexe, dans une catégorie dérivée, est composable s’il est isomorphe à un
complexe à différentielle nulle.
Théorème 4 (Deligne-Illusie) Soit Sun schéma de caractéristique p. Supposons donné un relè-
vement (plat) ˜
Sde Ssur Z/p2Z. Soit Xun S-schéma lisse et notons F:XXle Frobenius relatif
de X/S. Alors, si Xadmet un relèvement (lisse) sur ˜
S, le complexe de OX-modules τ<pF·
X/S
est décomposable dans la catégorie dérivée D(X)des OX-modules.
On a des équivalences suivantes :
1. Xse relève sur ˜
S.
2. τ1F·
X/S est décomposable dans D(X)
3. τ<pF·
X/S est décomposable dans D(X)
où l’equivalence de (2) et (3) n’est pas difficile et (1) implique (3) est le théorème (4). Pour (3)
implique (1) on utilise la théorie de gerbes de Giraud.
Quand S=Spec(k)pour kun corps parfait, ce qui dans les applications est le cas le plus
important, Xest isomorphe à Xet donc la relèvabilité de Xse traduit par celui de Xsur
Spec(W2(k)). De (4) on déduit le corollaire suivant par la dualité de Grothendieck
3
Corollaire 1 Avec des notations de (4), suppossons que dim(X)p, alors F·
X/S est décompo-
sable dans D(X).
Corollaire 2 Soit kun corps parfait de caractéristique p, et soit Xun kschéma propre et lisse
relèvable sur Spec(W2(k). Si dim(X)pla suite spectrale de Hodge vers de Rham de X/k
Eij
1=Hj(X, i
X/k)H
DR(X/k)(14)
génère en E1. Sans hypothèse sur la dimension on a Eij
1=Eij
pour i+j < p.
Théorème 5 [Raynaud] Soit kun corps parfait de caractéristique p, et soit Xun kschéma
projectif lisse. Soit Lun faisceau inversible ample sur X. Alors, si Xest de purement de dimension
dpet se relève sur W2(k), on a
Hj(X, L i
X/k) = 0 pour i +j > d
Hj(X, L1i
X/k) = 0 pour i +j < d.
Ce théorème est un analogue en caractéristique pdu théorème de Kodaira-Akizuki-Nakano[KAN]
en caractéristique p.
On dit que un schéma Xsur Sest DR-décomposable si F·
X/S est décomposable dans D(X).
Cette condition équivaut à l’existence d’un isomorphisme
i
X/S[i]F·
X/S (15)
dans D(X)induisant C1sur Hi.
Dans la démonstration de (2) et (5), le point clé est l’existence d’un isomorphisme
i
X/k[i]F·
X/k.(16)
Donc pour un schéma X/k DR-décomposable, on a les résultats suivants :
1. si Xest propre sur kla suite spectrale de Hodge vers De Rham dégénère en E1.
2. Si Xest projective sur k, purement de dimension d,Lun faisceau inversible ample sur Xet
DR-décomposable on a les résultats d’annulation à la Kodaira-Akizuki-Nakano.
5 De la descente de caractéristique positive à la caractéris-
tique nulle
Dans cette section on explique une technique standard en géométrie algébrique permettant de
déduire certains énoncés, de nature géometrique, formulés sur un corps de base de caractéristique
nulle d’énoncés analogues sur un corps de caractéristique p > 0voire un corps fini. Son application
est la démonstration des analogues des théorèmes (2) et (5) en caractéristique zéro.
On écrit un corps de base Kdonné de caractéristique zéro comme une limite inductive de
ses sous Zalgèbres de type fini Ai. Les données sur Kvérifiant certaines conditions de finitude
proviennent par extension des scalaires de données analogues sur l’un de Ai, disons A0=B. Il
suffit alors de résoudre le problème analogue sur T=Spec(B). Par un théorème les points fermés
de Tsont des spectres de corps finis et qu’il y en a suffissamment pour que l’on puisse vérifier
l’énoncé posé sur Tpar spécialisation en ces points.
L’avantage de cette technique est que l’on a réduit le problème initial à un problème de carac-
téristique p > 0 on dispose des outils tels que le Frobenius, l’isomorphisme de Cartier et l’on
peut choisir la caractéristique aussi grande que l’on veut aussi.
Des résultats de propreté cohomologique, de compatibilité des images directes au changements
de base pour la cohomologie de Hodge et de Rham permettent d’établir les théorèmes voulus en
caractéristique nulle.
4
Théorème 6 (théorème de dégénérescence de Hodge) Soient Kun corps de caratéristique nulle,
et Xun Kschéma propre et lisse. Alors la suite spectrale de Hodge de Xsur K
Eij
1=Hj(X, i
X/K )H
DR(X/K)(17)
génère en E1.
Théorème 7 (théorème d’annulation de Kodaira-Akizuki-Nakano[KAN]). Soient Kun corps de
caractéristique nulle, Xun Kschéma projectif et lisse, purement de dimension d, et Lun faisceau
inversible ample sur X. Alors on a :
Hj(X, L i
X/K ) = 0 pour i +j > d
Hj(X, L1i
X/K ) = 0 pour i +j < d.
6 Compléments
Dans l’article de Deligne et Illusie [2], il y a quelques compléments généralisant les résultast
ci-dessus. Mon prochain projet sera de comprendre la propreté cohomologique et la théorie de gerbes
de Giraud pour pouvoir comprendre les énonces suivants : On se place dans les hypothèses de 4
1. On a remarqué que Xse relève sur ˜
Ssi et seulement si τ1F·
X/S est décomposable dans
D(X). Rappelons que par (??) il existe une obstruction ωExt2(Ω1
X/S,OX)au relèvement
de X, et compte tenue d’isomorphisme de Cartier, c’est dans ce même groupe que se trouve
l’obstruction c1à la decomposabilité de τ1F·
X/S . On montre que ω=c1.
2. Si Xse relève sur ˜
S, l’ensemble des classes d’isomorphie de relèvements de Xest un es-
pace affine sous Ext1(Ω1
X/S,OX), et compte tenu d’isomorphisme de Cartier à nouveau,
l’ensemble de décomposition de τ1F·
X/S est un espace affine sous le même groupe. On
montre que l’application ZφZconstruite dans la démonstration de (4) est une bijection
d’espace affine.
3. Le théorème de dégénérescence (2) admet une version relative. Soit f:XSle morphisme
structural. On dispose alors de la suite spectrale relative au foncteur fet au complexe ·
X/S,
Eij
1=Rjfi
X/S Rf(Ω·
X/S ),(18)
que l’on appelle suite spectrale de Hodge vers De Rham relative de Xsur S. Alors si Xest
propre et lisse sur S, de dimension relative < p, et si Xse relève sur ˜
S, cette suite spectrale
dégénère en E1et les faisceaux Rjfi
X/S sont localement libres de type fini.
7 Problèmes ouvertes
Dans cette section, soient kun corps parfait de caractéristique positive, S= Spec(k)et ˜
S=
Spec(W2(k)).
Problème Soit Xun kschéma lisse de dim d > p, relevable sur W2(k). Est-ce que Xest
DR-décomposable ?
Dans l’effort de répondre à cette question on a introduit certaines notions et obtenu certaines
résultats partiels :
1. Par la théorie de deformation on déduit que X/k affine est DR-décomposable. On peut aussi
démontrer que X/k est DR-décomposable quand Xest l’espace projectif.
2. Proposition 1 Soit Xun Sschéma lisse et F:XXle Frobenius relatif. Suppossons
que Xse relève sur ˜
Set que pour tout n1, le morphisme produit (Ω1
X/S )nn
X/S
admette une section. Alors Xest DR-décomposable.
3. On dit qu’un k-schéma lisse Xest parallélisable si le OXmodule 1
X/k est libre de type fini
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