La thermo-ablation
appliquée aux cancers du sein
Les techniques de thermo-
ablation tumorale percutanée
consistent à détruire une tumeur,
sans la réséquer, par des modica-
tions de température sous le gui-
dage et le contrôle de limagerie.
Un dispositif est introduit dans la
tumeur et permet de la chauffer ou
au contraire de la congeler [1]. Ces
traitements existent depuis 20 ans
et ont été progressivement évalués.
Très rapidement, ils se sont imposés
comme une alternative thérapeu-
tique, notamment à la chirurgie,
apportant de nouvelles solutions
aux patients, et sont couramment
discutés en réunion pluridiscipli-
naire. Beaucoup de tumeurs hépati-
ques, pulmonaires, rénales, osseuses
sont traitées de cette façon.
Le traitement des tumeurs du sein
par ces techniques est plus récent,
il est proposé aux patientes pour
lesquelles la chirurgie est contre-
indiquée. En effet, le traitement
conservateur (chirurgie et radiothé-
rapie) reste actuellement le traite-
ment prioritaire du cancer du sein
non métastatique [2] : il offre un
excellent pronostic aux patientes.
Les moyens physiques susceptibles
daugmenter la température au sein
dun tissu sont multiples [1] : ondes
de radiofréquence (RF), micro-ondes,
ultrasons, laser. Quelle que soit la
méthode dablation employée, il faut
sassurer que le statut tumoral
récepteurs hormonaux, HER2, etc.
a bien été identié au préalable
lors de la biopsie. Le guidage lors
de lintervention est crucial ande
positionner correctement la source
de température au milieu de la
tumeur. Pour la RF et la cryothérapie,
cest léchographie et/ou le scanner
qui sont utilisés. Les ultrasons foca-
lisés peuvent être couplés à lIRM.
Le guidage du faisceau ultrasonore
par IRM permet de localiser de petites
tumeurs. De plus, lIRM permet en
Pour citer cet article : Palussière J, Cazzato RL, Buy X, Catena V, Debled M, Tunon de Lara C. La thermo-ablation appliquée aux
cancers du sein. Innov Ther Oncol 2015 ; 1 : 59-63. doi : 10.1684/ito.2015.0011
Image-guided
percutaneous ablation
of breast cancer
Jean Palussière
1
Roberto Luigi Cazzato
1
Xavier Buy
1
Vittorio Catena
1
Marc Debled
2
Christine Tunon de Lara
3
1
Institut Bergonié
Département dimagerie
229, cours de lArgonne
33076 Bordeaux
France
2
Institut Bergonié
Département doncologie
229, cours de lArgonne
33076 Bordeaux
France
3
Institut Bergonié
Département de chirurgie
229, cours de lArgonne
33076 Bordeaux
France
Remerciements et autres mentions :
Financement : aucun.
Liens dintérêts : les auteurs déclarent
navoir aucun lien dintérêt en rapport
avec larticle.
Tirés à part : J. Palussière
RÉSUMÉ
Les techniques de thermo-ablation tumorale percutanée consistent à
détruire une tumeur en la brûlant ou en la congelant. Le traitement des
tumeurs du sein par ces techniques est récent, il est actuellement réservé aux
patientes pour lesquelles la chirurgie est contre-indiquée. Les résultats
probants qui ont été obtenus permettront probablement délargir ses
indications dans lavenir.
lMots clés : tumeurs du sein ; ablation percutanée ; radiofréquence ;
cryothérapie.
ABSTRACT
Image-guided percutaneous ablation has been developed to treat tumours
using temperature modication. When applied to breast tumours, this
technique is mainly considered for women who are not surgical candidates.
The favourable results obtained so far are likely to broaden the indication for
this technique in the future.
lKey words: breast cancer; radiofrequency ablation; cryoablation; per-
cutaneous ablation.
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doi: 10.1684/ito.2015.0011
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temps réel de mesurer la température avec une grande
précision (0,1 8C) [3, 4] et de piloter lapplication du
faisceau ultrasonore.
Radiofréquence
Technique
On appelle RF des courants électromagnétiques de 300 à
500 kHz de fréquence. Ces courants induisent dans les
tissus une élévation thermique, jusquà 100 8C, par
agitation ionique. Environ 20 minutes sont nécessaires
pour coaguler une tumeur de 3 cm de diamètre. Le
traitement est arrêté lorsque le tissu est coagulé, le
courant ne pouvant plus circuler, faute de mouvements
ioniques. Les principaux obstacles de la RF sont la taille
tumorale et lemplacement de la lésion. Au-delà de 4 cm
de diamètre, il est difcile dobtenir une coagulation de
tout le volume tumoral. La proximité des vaisseaux joue
un rôle dans la transmission de la chaleur : dans des
vaisseaux de plus de 4 mm de diamètre, le ux sanguin
refroidit par convection et limite lextension de la nécrose
de coagulation, doù le risque dun traitement incomplet.
Lefcacité de la RF est excellente pour des tumeurs de
moins de 3 cm, avec une grande reproductibilité des
lésions thermiques. Dans le sein, la présence de la graisse
facilite la diffusion thermique.
Indications et résultats
Une revue récente de la littérature [5] regroupe
30 publications concernant 641 patientes. Les critères
de sélection dépendent des patientes elles-mêmes, du
type tumoral, et de critères dimagerie. La plupart des
études proposent dexclure les carcinomes lobulaires
inltrants et les carcinomes canalaires in situ (CCIS) purs.
Les tumeurs avec des limites oues, avec des microcalci-
cations extensives sont des contre-indications pour
certains [6, 7], de même que les tumeurs de plus de
3 cm de diamètre. Les tumeurs situées à moins de 1 cm
de la peau exposent au risque de brûlure cutanée. Dans
les premières publications, la RF était effectuée avant
la chirurgie. Le contrôle histologique de la zone
dablation par différentes méthodes a montré un taux
intéressant et prometteur dablation complète. Puis, la
RF a été proposée à des patientes âgées pour lesquelles
la chirurgie était contre-indiquée ou refusant la
chirurgie [8, 9].
Le traitement est effectué sous anesthésie locale avec
unesédationouunblocintercostal. En effet, le chauffage
est douloureux et il est difcile dintervenir sous
anesthésie locale seule. Chez les patientes âgées de
plus de 70 ans, il a été démontré que la RF est efcace
avec peu de complications [9]. Dans ces situations où
lablathermie nest pas suivie dune chirurgie, le contrôle
de la zone dablation doit être strict, continu, an
de dépister un traitement incomplet ou une rechute.
LIRM avec injection de produit de contraste est la méthode
la plus able. Dans le cas dune contre-indication à lIRM,
le scanner avec injection de produit de contraste est
utilisé.
Le suivi à long terme na été que peu évalué, toutefois
deux études [9, 10] montrent une efcacité prolongée,
avec peu de récidives dans la zone dablation. Les récidives
à distance sont extra-mammaires [10] ou intra-mammaires
en dehors de la zone dablation [9].
Complications
La tolérance de la RF est excellente et la plupart des
complications sont supercielles, cutanées : brûlures,
ecchymoses et complications esthétiques (rétractions
cutanées). Des cas isolés dinfection et de mastite ont
été rapportés [11, 12]. Pour limiter le risque de brûlure,
des artices ont été proposés : il est possible dinjecter
du sérum glucosé 5 % sous la peau pour léloigner du
chauffage [13]. Il est aussi possible de rafraîchir la peau
avec des packs de glace pendant lintervention ande
limiter les risques de brûlure lors du traitement des
tumeurs supercielles [9].
Quelques études ont évalué les résultats esthétiques et
la satisfaction des patientes [13, 14]. Oura et al. [13]
rapportent que, pour 83 % des patientes (43/52), le
résultat esthétique était excellent. Un facteur limitant est
la présence dune masse correspondant à la cicatrice
dablation, faite de nécrose graisseuse et tumorale. Cette
masse de consistance dure nest pas douloureuse, elle
peut déformer légèrement le sein. Une information
préalable du médecin opérateur est nécessaire pour
avertir la patiente de cette évolution, an que cette
masse ne soit pas prise pour une poursuite évolutive
de la maladie. Enn, des cas de déformation du mamelon
ont été décrits [9] et peuvent induire un préjudice
esthétique.
Cryothérapie
Technique
La congélation se produit grâce à la circulation dargon
sous pression dans une sonde placée dans la tumeur.
Leffet Joule-Thomson décrit que la température décroît
lorsque le gaz subit une expansion. À partir de -20 8C, la
mort cellulaire intervient par destruction des membranes
cellulaires et dénaturation des protéines. Pour parvenir à
une destruction la plus complète possible, il importe
de créer un choc thermique avec plusieurs phases : une
congélation, puis une phase de décongélation et de
nouveau une congélation. Un tel procédé dure environ
30 minutes et permet de détruire des volumes variables
en fonction du nombre de sondes utilisées.
Indications et résultats
Par rapport à la RF, il y a eu moins détudes publiées. Une
revue récente [15] a identié sept articles mentionnant
J. Palussière, et al.
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161 patientes et 176 tumeurs traitées (de diamètre
moyen 15 mm). Les indications et les limites sont les
mêmes que celles de la RF. Toutefois, un des avantages de
la cryothérapie est de pouvoir surveiller par limagerie
lextension du glaçon, ce qui diminue les risques de
brûlure des organes sensibles (peau, muscle). Mais chez
les patientes âgées, le glaçon est mal visualisé en raison
du contenu majoritairement graisseux de la glande.
La prédominance de la graisse est dailleurs un facteur
limitant de lefcacité de la cryothérapie. La graisse est un
isolant thermique pour le froid, cest une des explications
de la moins bonne efcacité de la cryothérapie par
rapport à la RF. Le taux moyen de contrôle local est
de 73 % [15], alors quil est de 85 % pour la RF [5].
Pour limiter cet inconvénient et obtenir le meilleur
contrôle local possible, lutilisation de plusieurs sondes
de cryothérapie andamplier la zone de destruction est
souhaitable (gure 1A-D)[16].
Les mesures de protection de la peau pendant la
congélation sont efcaces (réchauffement cutané avec
des packs deau tiède, ou injection de sérum sous-cutané
pour éloigner la peau) et autorisent à traiter des tumeurs
situées à moins de 1 cm de la peau. La congélation
est moins douloureuse que le chauffage ; à la différence
de la RF, la cryothérapie est réalisable sous anesthésie
locale seule.
AB
CD
(A) IRM ; (B) calcification visible au centre de la tumeur ; (C) sondes de cryothérapie en place dans la tumeur (flèche bleue) ;
(D) les sondes ont été retirées et le glaçon a couvert la tumeur qui devient hypodense (flèche blanche).
Figure 1. Carcinome canalaire inltrant chez une patiente de 84 ans.
Figure 1. Inltrating ductal carcinoma in an 84-year-old patient.
La thermo-ablation appliquée aux cancers du sein
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Complications
Le traitement est très bien supporté avec peu de compli-
cations. Comme pour la RF, le risque est principalement
cutané. Les conséquences esthétiques sont les mêmes
quaprès la RF ; toutefois, la zone dablation est moins
dure quaprès un chauffage. En moyenne, 99 % des
procédures chez 57 patientes ont été considérées comme
satisfaisantes [15].
Ultrasons focalisés
Technique
Cette technologie est en cours de développement. Elle
offre des avantages par son caractère non invasif, ne
nécessitant aucune introduction daiguille. Les faisceaux
ultrasonores peuvent détruire des cellules par nécrose
de coagulation à des températures de 558Cà608C. Ils
permettent de déposer de lénergie thermique dans des
organes superciels ou profonds, avec une précision
spatiale submillimétrique. Cest seulement depuis quel-
ques années que les applications cliniques sont devenues
possibles, grâce au développement de sondes ultrasono-
res de haute puissance en réseau et des méthodes non
invasives de monitoring (IRM) [17].
LIRM fournit des images anatomiques de haute résolu-
tion avec un contraste excellent dans les tissus mous et
permet ainsi une identication exacte du volume cible.
Lautre intérêt fondamental du couplage IRM est la
possibilité de réaliser lasservissement automatique
spatial et temporel de la dose thermique délivrée,
grâce à un calcul de thermométrie obtenu quasiment
en temps réel et indépendamment de la nature du
tissu, pour des valeurs échelonnées de 378C à 100 8C. Il est
possible dobtenir une précision de 1 8C pour une
résolution spatiale de 1 mm et une résolution temporelle
dune seconde. Grâce aux outils de contrôle, une dose
thermique uniforme et létale peut être distribuée dans
une large région cible, de lordre de plusieurs centimètres.
Deux systèmes dultrasons focalisés (High Intensity
Focused Ultrasounds [HIFU]) guidés par IRM sont actuel-
lement commercialisés : lun associe un transducteur
ultrasonore, ExAblate
1
, de la société Insightec (Haïfa,
Israël) à une IRM General Electric (GE, Milwaukee,
États-Unis) ; lautre, Sonalieve
1
, produit par Philips
(Eindhoven, Pays-Bas) est compatible avec les IRM du
même constructeur.
Indications et résultats
Ces développements technologiques associés à des métho-
des de traitement sophistiquées ont permis denvisager de
traiter de façon non invasive des régions, telles que le
cerveau [18]. Des tumeurs hépatiques, rénales, utérines et
des métastases osseuses commencent à être traitées par
cette technique [19, 20]. La prostate est lorgane pour
lequel le recul clinique est le plus important (près de
15 ans). Pour traiter le carcinome prostatique, deux
machines sont disponibles : Ablatherm
1
(EDAP-TMS, Lyon,
France) et Sonablate
1
(Sonacare, Charlotte, États-Unis).
Elles fonctionnent sans contrôle IRM. Un échographe
intégré permet la localisation et limagerie de la prostate.
Le système endorectal combine une sonde dimagerie et le
transducteurde traitement qui émet les ultrasons focalisés.
Les résultats montrent [21] que ce type de traitement est
efcace dans le traitement des carcinomes prostatiques
localisés, avec une faible morbidité.
En détaillant la littérature médicale, moins de dix équipes
dans le monde travaillent actuellement sur lapplication de
cettetechnique autraitement des cancersdu sein. À lasuite
de la prise en charge de tumeurs bénignes, les premières
études ont conrmé tout son intérêt dans le traitement
des tumeurs malignes. La première publication date de
2001 [22]. En 2003, Wu et al. [23] ont traité 23 patientes
présentant des cancers classés T1-2, N0-2, M0. La procédure,
longue de 80 minutes en moyenne, effectuée sans guidage
IRM, mais sous contrôle échographique, était réalisée une à
deux semaines avant la mastectomie. Lanalyse histolo-
gique a montré la destruction par nécrose de coagulation
de toutes les cellules tumorales. Une des patientes a
présenté une brûlure cutanée. Gianfelice et al. [24],en
utilisant le système ExAblate-GE, ont démontré eux aussi
lefcacité de la technique chez 17 patientes pour des
tumeurs inférieures à 3,5 cm. Les mêmes auteurs ont aussi
traité, par cette méthode, 24 patientes en cas de contre-
indication ou de refus de la chirurgie [25]. En dehors dune
brûlure cutanée résolutive sous traitement local, aucun
effet secondaire important na été rapporté. Pour 79 %
des patientes, la méthode a été considérée comme un
succès. Une revue des différentes publications fait le point
sur ce sujet [26] :lHIFU permet de nécroser les tumeurs
mammaires, mais la destruction tumorale contrôlée en
histologie est souvent incomplète.
Conclusion
En dehors des risques faibles liés à linduction anes-
thésique, les complications immédiates de la chirurgie
sont peu nombreuses : hématomes, abcès. À distance sur
le sein, cest le préjudice esthétique qui peut dominer en
cas de cicatrices disgracieuses, ou de déformation du
sein. Un traitement non chirurgical pourrait donc être
dintérêt. Les nouvelles techniques dimagerie réalisées
dans le bilan des lésions mammaires localisées montrent
très fréquemment dautres images qui complexient
grandement la prise en charge et conduisent à envisager
de plus en plus souvent des mastectomies pour des bi- ou
plurifocalités, des tumorectomies multiples entraînant
trop de complications esthétiques. Lutilisation des
techniques de destruction tumorale par ablathermie
pourrait certainement permettre denvisager différem-
ment la prise en charge de ces patientes. Pour linstant,
elles ont montré leur efcacité chez les patientes
âgées non opérables. LHIFU est une technique très
prometteuse mais qui demande encore à être évaluée et
améliorée.
J. Palussière, et al.
62 Innovations & Thérapeutiques en Oncologie lvol. 1 n82, nov-déc 2015
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Take home messages
La destruction percutanée par thermo-ablation est
une alternative possible au traitement chirurgical des
tumeurs du sein.
Ce type de traitement est surtout proposé aux
patientes âgées.
Des tumeurs de moins de 3 cm, sans signes dexten-
sion ganglionnaire clinique peuvent être traitées par
ces techniques.
Le traitement est possible sous anesthésie locale,
surtout avec la cryothérapie.
La zone dablation qui englobe la tumeur est
palpable en postopératoire. Les patientes doivent être
averties quil sagit dune réaction normale et attendue.
La thermo-ablation appliquée aux cancers du sein
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